Texte intégral
* De 0,5 % en 1995, les prélèvements sociaux (CSG et CRDS) ont depuis été portés à 15,5 % en 2012. Considérez-vous que le renflouement de nos systèmes de protection sociale et de nos finances publiques à la dérive depuis des décennies peut se faire durablement sur le dos de lépargnant ?
La réduction des déficits publics est une priorité. Je ne crois pas que lépargne des Français résisterait à une nouvelle crise financière, parce que lEtat naurait plus les moyens dinjecter de largent pour sauver le système bancaire. Pendant la crise, jai protégé lépargne des Français : pas un na perdu les économies quil avait à la banque. Quauriez-vous dit si cela avait été le contraire ? Si des Français avaient dû faire la queue devant leur agence bancaire ? Je me suis engagé à revenir à léquilibre des comptes publics en 2016. Je le ferai. Lannée 2011 le prouve : nous avons fait la plus forte baisse des déficits publics depuis 1974, première année de déficit public en France. Revenir à léquilibre budgétaire, cest une protection majeure pour les Français, pour ceux qui travaillent, pour ceux qui sont à la retraite, mais aussi pour tous ceux qui ont une épargne. Alors, cest vrai, dans le cadre de ce t effort de retour à léquilibre, les prélèvements sur lépargne ont augmenté en France. Mais il y a des résultats en face, parce que notre déficit baisse et parce que notre régime de retraites est enfin financé.
* En parallèle au relèvement des taux des prélèvements sociaux, les taux dimposition forfaitaire des plus-values immobilières, des plus-values réalisées sur les actions ou autres gains de lépargne financière nont cessé daugmenter. Ainsi, au cours des cinq dernières années, sommes-nous passés dun taux de prélèvement de 16 % à 19 %. Au total, limposition de ces gains atteint désormais 34,5 %. Considérez-vous quil faille poursuivre dans ce sens ?
Lun des premiers problèmes de léconomie française, cest incontestablement le poids des prélèvements sur le travail. Le coût du travail est trop élevé en France, au détriment de la compétitivité, de lemploi et des salaires. Une économie qui pénalise le travail, au final, pénalise lépargne, parce quelle limite la création de richesses. Cest la raison pour laquelle je veux baisser le coût du travail, en mettant en place la TVA antidélocalisation. En ce qui concerne la fiscalité de lépargne, nous avons augmenté sa contribution au financement de la protection sociale, précisément parce que tout ne peut pas reposer sur le travail. Nous avons également remis en cause des niches fiscales, dont les évaluations montraient quelles étaient devenues injustifiées, et modifié le système de taxation des plus-values immobilières. Mais les fondements de lassurance-vie nont pas été modifiés, et je refuse quon les modifie. Le candidat du Parti socialiste veut revenir dessus, pas moi. Cest le placement dépargne préféré des Français, avec 20 millions de contrats. Il a besoin de stabilité et de visibilité.
* Un constat plus douloureux encore est à dresser sur les dividendes, qui sont désormais taxés à 36,5 %. Là aussi, considérez-vous quil faille aller plus loin ?
Ce que je constate, cest que lécart de taxation entre les dividendes et les salaires était devenu injustifiable pour limmense majorité des Français. Je ne peux pas comparer les produits dépargne des classes moyennes, par exemple lassurance-vie, et les dividendes, dont on sait quils sont très concentrés sur les plus aisés. A un moment où lon demande un effort à lensemble de nos compatriotes, il était normal den demander également aux bénéficiaires de dividendes. Cest une question de justice.
* Iriez-vous jusquà supprimer le bénéfice de labattement de 40 % applicable aux dividendes ?
Cet abattement part du principe que tous les groupes qui distribuent des dividendes acquittent un impôt sur les sociétés de 33 %. Mais un groupe du Cac 40 sur deux ne paie pas dimpôt sur les sociétés et ceux qui lacquittent le font à un taux réel nettement inférieur à 33 %. Nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte. Cest la raison pour laquelle jai proposé la diminution de cet abattement, pour financer lallégement des charges qui pèsent sur les salariés.
* Sur les intérêts des produits dépargne à revenu fixe, le taux dimposition a, lui, été porté ces derniers temps de 19 % à 24 %. Là encore, faut-il accroître la pression ?
Je ne pense pas quune nouvelle augmentation soit souhaitable. Mais je ne partage pas votre idée que lépargne finance une large part de la réduction du déficit. Ce qui doit la financer, cest la baisse des dépenses publiques. Cest ce que jai fait sur ce quinquennat. Et cest le sens de mon projet pour les cinq ans qui viennent, puisque les deux tiers de leffort de réduction des déficits seront des économies sur les dépenses publiques. Lorsque, comme moi, on réforme les retraites, on baisse le nombre de fonctionnaires, on baisse les dépenses de lEtat, ce qui est une première historique, eh bien, précisément, on évite de faire porter tout leffort sur les salariés, les retraités et les épargnants, en leur demandant chaque jour des impôts en plus.
* Pour un certain nombre dobservateurs et au regard du taux marginal dimposition moyen qui est celui des Français, limposition des revenus et plus-values de lépargne et du capital dépasse déjà celle des revenus du travail. Pouvez-vous les contredire sur ce point, chiffres à lappui ?
Je ne pense pas quil soit pertinent de comparer une plus-value de lépargne et un salaire. Il y avait un écart de taxation favorable à lépargne, qui a été réduit. Le seul calcul qui compte consiste à savoir comment sera financé le retour à léquilibre budgétaire. Si cest essentiellement par des impôts en plus, la fiscalité de lépargne sera alourdie chaque jour un peu plus. Cest le sens du projet du candidat socialiste, qui sattaque même à lassurance-vie. Ce nest pas le mien. Je considère que la priorité est de baisser les dépenses publiques.
* Fut un temps où, pour le salut de notre économie, pour la compétitivité de nos entreprises et de nos industries, drainer vers elles et sur la durée lépargne des Français et donc favoriser les mécanismes dincitation fiscale à la détention longue dactions de sociétés cotées était un impératif. En ce début de XXIe siècle, cette vision des choses a-t-elle pour vous vécu ?
Non, cette vision na pas vécu. Je suis pour lépargne longue : jai développé lépargne retraite et les PEA permettent de drainer une épargne longue en faveur des actions. Je note aussi que le dispositif ISF-PME que jai mis en place permet de renforcer les fonds propres des entreprises.
* Lidée selon laquelle lépargne et le capital, généralement fruits des revenus du travail mis de côté, ne subissent pas, par essence, une seconde fois limposition au régime de droit commun a-t-elle aussi vécu ?
Il faut regarder concrètement ce qui a été fait depuis cinq ans. Jai choisi de rééquilibrer la fiscalité de lépargne de la taxation des stocks vers la taxation des flux. Si la fiscalité sur les revenus financiers a été augmentée, en revanche lISF a été réformé pour quil ne soit plus confiscatoire et les droits de succession ont été supprimés pour 95 % des Français, afin de leur permettre de transmettre à leurs enfants le fruit dune vie de travail. Voilà des exemples concrets de réformes que jai faites en faveur des épargnants et qui sont aujourdhui remis en cause par le candidat socialiste.
* La non-rétroactivité des lois fiscales en matière dépargne et dimposition du capital est-elle également une noble idée quil faut abandonner à lhistoire ?
La non-rétroactivité est un principe auquel jadhère. Mais les crises que nous avons traversées nous ont parfois obligés à le tempérer pour tenir compte de la nécessité dagir vite et efficacement.
* Nest-il plus nécessaire, comme lont fait les précédents locataires de lElysée et leurs gouvernements, dimaginer un nouveau système incitatif du type détaxation Monory, compte épargne en actions Delors ou plan dépargne en actions ?
Non, je ne le crois pas. Il existe aujourdhui des dispositifs fiscaux favorables à lépargne longue en actions quil ne faut pas remettre en cause. Cela nempêche pas dexaminer les niches fiscales existantes et de supprimer celles qui ne sont pas efficaces. Je pense quen tout état de cause, une réflexion sur la fiscalité de lépargne dans sa globalité est nécessaire pour que lépargne des Français, qui est abondante, contribue de manière optimale au développement économique de notre pays.
* Lépargne est depuis trop longtemps une variable dajustement fiscale permanente. Ne considérez-vous pas indispensable que le politique devrait en la matière simposer un peu de rigueur et de discipline pour favoriser le développement dune épargne longue ?
Je ne pense pas que limmobilisme soit ce dont notre pays a besoin. Nous avons profondément réformé la fiscalité pour la rendre plus efficace, plus juste, plus propice au développement économique de notre pays. Je pense en particulier à la suppression de la taxe professionnelle, à la réforme de lISF, au crédit dimpôt recherche. Les changements sont loin de navoir concerné que la fiscalité de lépargne.
* Et les fonds de pension peuvent-ils continuer à jouer en France lArlésienne encore longtemps, alors que nos régimes de retraite senfoncent inexorablement dans leur trou financier béant ?
Nous avons des dispositifs pour favoriser lépargne retraite qui doivent être développés. Mais nous devons aussi assurer la pérennité de notre système de répartition. Cest ce que jai fait et je pense que ce serait une grave erreur de vouloir remettre en cause cette réforme.
* Entre niches fiscales et sociales, la France se retrouve aujourdhui avec une formidable usine à gaz. De nombreuses niches ont montré depuis longtemps leur inefficacité. Le courage politique ne commande-t-il pas une remise à plat et la suppression pure et simple de la majorité des niches ?
Dans une précédente question, vous me demandiez de créer de nouvelles niches fiscales et maintenant vous souhaitez les supprimer toutes. Nous avons supprimé plusieurs milliards de niches,mais toujours dans le souci de supprimer les niches inefficaces et de conserver celles favorables à lemploi et à la compétitivité.
* Le même courage politique ne commanderait-il pas également de ne pas laisser plus longtemps les milliards deuros stockés sur le livret A en franchise de prélèvements sociaux sinon dimpôts ?
Je ne remettrai pas en cause la fiscalité du livret A, car elle est utile pour la construction de logements sociaux. Mais je ne suis pas favorable à laugmentation du plafond du livret A, qui est déjà de 15.300 , proposée par le candidat socialiste, car cest une mesure injuste qui profiterait aux plus aisés (seuls 9 % des livrets sont au plafond) et pénaliserait le financement des entreprises françaises.
Source http://www.lafranceforte.fr, le 11 avril 2012