Interview de M. François Hollande, député PS et dandidat à l'élection présidentielle 2012, à "France 2" le 12 avril 2012, sur le bilan économique de Nicolas Sarkozy, et la nécessité de rassembler la gauche pour le 2ème tour de l'élection présidentielle.

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Circonstance : Invité de l'émission "4 Vérités" sur France 2, le 12 avril 2012

Média : France 2

Texte intégral

Roland SICARD
Bonjour à tous, bonjour François HOLLANDE.

Francois Hollande.
Bonjour !

Roland SICARD
Il y a une polémique qui est en train de monter, vos adversaires de droite disent que si vous êtes élu, la spéculation sur l’euro va reprendre et la crise financière va s’aggraver. Qu’est-ce que vous répondez à ça ?

Francois Hollande
Pour l’instant je ne sais pas si les marchés s’affolent, mais la droite, elle, oui. Elle s’affole parce que pour ainsi jeter le trouble sur ce qui pourrait se passer en cas de victoire, la mienne, laisser croire que la France serait que nous devons avoir. C’est le président sortant qui a mis le pays dans la situation que l’on connait, une dette publique qui a augmenté de 600 milliards d’euros, le triple A qui a été perdu, un déficit commercial de 70 milliards d’euros, et qui viendrait nous dire, attention ça pourrait être pire si c’était un autre. Eh bien non. Moi j’ai dit très clairement ce que serait le chemin pour aller vers le redressement des finances publiques, j’ai dit que nous aurons… que nous aurions, je parle au conditionnel, à mettre plus de croissance parce qu’elle est nécessaire et donc je n’ai à redouter aucune crise. Et si les marchés s’inquiètent, je ne sais pas si c’est le cas, je sais que pour l’instant, ils sont hélas mobilisés par rapport à l’Italie et par rapport à l’Espagne, je veux ici leur dire que je ne leur laisserai aucune place.

Roland SICARD
On parle d’une attaque justement des marchés financiers entre les deux tours si vous êtes en position d’être élu, là aussi vous y croyez ?

Francois Hollande
Mais comme vous dites, je suis en position d’être élu depuis des mois, est-ce que c’est ça qui a expliqué la dégradation du triple A ? Non, c’est la politique de Nicolas SARKOZY. Je suis dans les sondages et ça ne préjuge en rien du choix des Français, en passe d’être élu, est-ce que c'est ça qui explique la dégradation de la compétitivité de l’économie française ? Hélas non, c’est la politique de Nicolas SARKOZY. Donc la meilleure façon de remettre de l’ordre et dans nos finances publiques et dans la justice sociale et fiscale, c'est précisément de changer. Le seul risque que je vois pour mon pays, ce serait de continuer la politique qui a échoué.

Roland SICARD
Vous ne croyez pas à ce qu’on appelait autrefois « le mur d’argent » qui paralysait les gouvernements de gauche ?

Francois Hollande
Le mur d’argent il a frappé le candidat sortant, c’est surtout ce mur-là qu’il n’a pas su abattre puisqu’il a en définitive, cédé à chaque étape. Il a fait une politique d’austérité sans avoir les bénéfices que les marchés lui promettaient et là il a signé un traité qui va instaurer l’austérité pour longtemps. Donc franchement, maintenant l’argent si je puis dire n’a pas d’odeur, mais il n’a pas de couleur non plus, c’est-à-dire qu’il considère que chaque fois qu’un pays est vulnérable, qu’il y a une attaque. Ce que je veux, c’est que nous montrions la France, mais aussi l’Europe, une capacité commune à dominer la finance. Si nous n’agissons pas sur les causes même de la spéculation, elle sera toujours une menace pour les décisions des peuples. Parce que quand même, ce qui est en cause, c’est le peuple français, il va voter, il sait depuis déjà plusieurs mois les conséquences de ses décisions, il veut être respecté le peuple français, il ne va pas se faire imposer je ne sais quel dictat venant d’ailleurs et donc, quand Nicolas SARKOZY essaie d’appeler les marchés à venir à sa rescousse, je veux dire que ce n’est pas non plus servir l’intérêt du pays. Servir l’intérêt du pays c'est lutter contre la spéculation, ce n’est pas l’encourager au prétexte que ça pourrait l’aider dans une cause qui serait celle de l’élection présidentielle.

Roland SICARD
Vous refusez de rencontrer Laurence PARISOT la patronne du MEDEF, ça ne va pas arrondir les angles.

Francois Hollande
Mais moi j’aurai des rapports avec tous les partenaires sociaux. Je respecte profondément les syndicats, je pense qu’ils ont leur place dans, non seulement le dialogue social, mais dans la démocratie et je ne les considère pas comme des gêneurs. De la même manière, le patronat doit être entendu, c’est une force économique, ça ne doit pas être une force politique et quand madame PARISOT a dit que Nicolas SARKOZY, je vais citer ses termes, « avait fait un boulot extraordinaire en intensité et en quantité », je considère qu’elle a été au-delà. Mais ça ne m’empêchera pas…

Roland SICARD
Mais elle a dit ici même, que sur le plan du dialogue social, elle était plus proche de vous que de Nicolas SARKOZY.

Francois Hollande
Parce que j’ai cette conception de la concertation et donc ça ne m’empêchera pas d’avoir les relations qu’un chef d’Etat doit avoir si je le deviens, et avant même l’élection je le montrerai.

Roland SICARD
Nicolas SARKOZY justement a dit que la France, pendant la crise, était le seul pays à avoir préservé le pouvoir d’achat. Est-ce que ça, vous lui en donnez acte ?

Francois Hollande.
Non ! Demandez d’ailleurs à tous ceux qui nous regardent, si leur pouvoir d’achat a augmenté ?

Roland SICARD
Il a donné des chiffres.

Francois Hollande
Globalement le chiffre est juste, mais quand on le réparti par Français, c’est-à-dire par unité de consommation, nous constatons qu’il y a eu des pertes de pouvoir d’achat, sur les retraites notamment, sur les petites pensions et beaucoup de ceux qui nous regardent savent de quoi je parle. Il y a eu des pertes de pouvoir d’achat sur les prestations familiales, elles ne sont plus indexées par rapport au prix. Il y a eu des pertes de pouvoir d’achat dans de nombreuses entreprises pour les salariés dont les salaires n’ont pas toujours été réajustés. Donc si globalement il y a eu une progression du pouvoir d’achat pour le pays, qui en a profité ? Parce qu’il y a toujours une certaine catégorie qui en a en définitive bénéficié. Ce sont les revenus du capital qui ont bénéficié de la progression du pouvoir d’achat et donc dans la réforme fiscale que je ferai, eh bien il y aura une harmonisation des prélèvements entre revenus du capital et revenus du travail. Il n’est pas normal que dans cette période d’efforts, ce soit ceux qui ont le plus qui étaient épargnés de toutes contributions.

Roland SICARD
Autrement dit selon vous, Nicolas SARKOZY a masqué la vérité ?

Francois Hollande.
Je pense que Nicolas SARKOZY aura été le président des rentiers. Quand on regarde ce qu’a été en définitive la politique fiscale qui a été la sienne, elle n’a bénéficié qu’à une partie de la population, celle qui a du patrimoine.

Roland SICARD
Votre ton a durci vis-à-vis du candidat sortant Nicolas SARKOZY, pourquoi ? C'est un changement de stratégie ?

Francois Hollande
Nous sommes à la fin de la campagne… non, il y a maintenant un choix à faire. Est-ce que les Français veulent continuer, s’ils pensent qu’ils ont été bien dirigés. Moi je leur donnerai ce conseil : si vous avez été bien dirigés, bien présidés, bien gouvernés, si votre niveau de vie en 2012 est meilleur qu’en 2007, je comprends que vous votiez Nicolas SARKOZY. Mais si vous voulez le changement, si vous voulez qu’il y ait de la justice fiscale, sociale, territoriale, si vous voulez qu’il y ait du redressement, redressement productif, redressement économique, redressement financier et même redressement moral, et si vous voulez qu’une grande espérance soit levée et notamment pour la genèse de France dont je veux assurer un sort meilleurs qu’aujourd'hui, alors changez et je suis le candidat du changement.

Roland SICARD
Autre sujet très différent, Eva JOLY veut fermer plusieurs centrales nucléaires avant la fin du quinquénat, vous c’est une. Ca va être difficile de se mettre d’accord.

Francois Hollande
Mais il y a une élection présidentielle, il y aura un candidat au second tour…

Roland SICARD
Ca ne va pas échapper.

Francois Hollande
Donc nous verrons bien qui ce sera. Eh bien ce candidat au second tour aura à rassembler et le président qui sera élu aura une obligation : mettre en œuvre le projet qu’il aura présenté aux Français et j’ai présenté un projet avec une seule centrale qui fermera durant le prochain quinquennat, Fessenheim, la plus vieille …

Roland SICARD
Tans pis pour Eva JOLY ?

Francois Hollande
Mais ce n’est pas tant pis, c’est les Français qui l’auront voulu, c’est le choix qu’ils auront fait. S’ils veulent qu’il y ait une sortie du nucléaire, il y a la candidature, vous l’avez citée, d’Eva JOLY. S’ils veulent le tout nucléaire, ils ont également une candidature, vous voyez je fais même la promotion d’autres candidatures parce que je veux la clarté, je veux la cohérence, je veux la sincérité. Moi tout ce que je dis je le ferai, je ne suis pas comme un candidat qui s’est présenté il y a cinq ans en disant que tout serait possible. Non, il y aura nécessairement un effort et cet effort devra être juste et il y aura une grande cause qui sera ce que nous devons donner à la génération qui vient.

Roland SICARD
Très vite, avec Jean-Luc MELENCHON vous négocierez entre les deux tours ?

Francois Hollande
Mais j’entendrai le résultat du premier tour parce que quand un pays s’exprime dans un premier tour, il faut essayer de comprendre ce qu’il a voulu dire. J’aurai à rassembler la gauche, toute la gauche et même au-delà pour gagner l’élection présidentielle, mais il n’y a pas de négociation de partis entre les deux tours d’une élection aussi majeure et avec un choix qui est un choix, un moment d’une personne, d’une politique et d’une majorité.

Roland SICARD
Merci.

Francois Hollande
Merci à vous.

Source : http://francoishollande.fr, le 18 avril 2012