Texte intégral
M. Moscovici - Nous sortons dune réunion exceptionnelle et utile du Conseil Affaires générales qui a permis de marquer une démarche européenne très largement commune sur un certain nombre de points que lon pourrait résumer de la façon suivante : il y a dabord de la part de tous les pays européens une très grande fermeté vis-à-vis de Milosevic, et par rapport à la catastrophe humanitaire qui se déroule actuellement.
Cet état desprit des Européens, marqué par la fermeté et la volonté, est en soi important. Il y a ensuite des décisions financières de grande ampleur qui ont été prises pour apporter des solutions au désastre humanitaire et la Commission a pu présenter un programme en ce sens. Charles Josselin pourra revenir sur les vues et les propositions de la France dans le domaine humanitaire.
Il y a, troisièmement, confirmation des décisions qui ont été prises hier concernant les réfugiés par le Conseil Justice et Affaires intérieures qui marque la priorité au traitement sur place des réfugiés et à lamélioration de leur sort, qui nexclue pas dautres formes daides. Il y a enfin une manifestation forte de soutien aux pays de la région qui jouent un rôle majeur en matière daccueil des ces réfugiés à savoir lAlbanie, la Macédoine et le Monténégro. Nous avons été amenés à dire que nous souhaitions que les déclarations qui ont été faites hier par Belgrade qui souhaitait que le HCR et le CICR puissent travailler librement au Monténégro soient prises au mot. Nous souhaitons même que ce soit à travers ces organisations que puisse transiter la partie de laide de lUnion européenne qui a été confirmée aujourdhui. Nous avons tenu à affirmer en plus que cétait pour nous un prélude à laffirmation dun rôle accru de lUnion européenne.
Nous souhaitons que le Conseil européen des chefs détats et de gouvernement du 14 avril puisse faire un point densemble sur ces questions. Il est pour nous évident que ce Conseil européen, qui était originellement convoqué pour traiter du problème de la Commission - cest à dire de la réforme de la commission et de sa réorganisation -, doit aussi, sinon prioritairement, reprendre lensemble de ces questions pour marquer lengagement politique de lUnion européenne face à la crise du Kosovo, face à la catastrophe humanitaire qui est en train de se dérouler.
M. Josselin - Jai été sur place comme quelques uns qui participaient à la réunion tout à lheure, en particulier Mme Bonnino et nous en avons ramené quelques convictions fortes : le besoin de faire plier Slobodan Milosevic, la solidarité très forte qui sexprime sur le terrain par les familles albanaises dAlbanie mais aussi de Macédoine.
Jai dit à linstant quil fallait éviter une analyse un peu trop manichéenne en opposant systématiquement lAlbanie qui accueillerait et la Macédoine qui refuserait, car sil est vrai que lattitude des autorités macédoniennes au cours de la dernière période est plutôt le compte-gouttes, voir le blocage, il ne faut pas oublier que la Macédoine a déjà reçu un nombre important de réfugiés. Ce sont des familles dorigine albanaise qui sen sont préoccupés.
Partant du principe que les familles ont été très impliquées, nous préconisons que laide aux familles noublie pas les populations locales des régions qui accueillent. Il ne faudrait pas créer une instabilité supplémentaire, en faisant en sorte que les populations réfugiées se retrouvent dans une situation presque de meilleur confort que les familles qui accueillent, car cest une très grande pauvreté qui caractérise les régions dAlbanie où les réfugiés sont actuellement reçus. Il faut surtout aider les Etats car laccueil notamment pour lAlbanie va coûter cher. La Macédoine voit son économie très perturbée car elle dépend aux deux tiers de léconomie yougoslave.
Quand nous parlons daider les Etats au plan macro-économique cela vaut aussi bien en ce qui concerne laide budgétaire que le désendettement par exemple que les aides en matières de stabilité des changes aussi. Enfin sil est vrai que cette aide macro- économique interpelle lEurope elle mérite aussi dêtre appréciée dans un cadre international élargi. La France a proposé quà loccasion des assemblées du FMI et de la Banque mondiale, qui se tiendront dans quelques jours à Washington, un comité Balkans puisse être mis en place de façon à ce que les institutions de Bretton Woods apportent leur réponse spécifique à ces situations. Cest Dominique Strauss Kahn et moi même qui seront chargés den faire la demande.
Dès à présent, Lionel Jospin a annoncé que la France a fait le choix dune première aide budgétaire à la Macédoine à hauteur de 45 MF. Je rappelle que, est-il besoin de le préciser, il sagit daide civile, je le dis parce que les comparaisons avec dautres pays qui ninterviennent pas sur le plan militaire serait de ce fait un peu faussées. La France a fait le choix dun premier engagement bilatéral de 225 MF (35 M euros) auxquels sajoutera la part de la France dans les aides européennes, notamment les 250 M deuros qui ont été annoncés aujourdhui, ce qui est une aide considérable. Cette aide ma amené à rappeler la fragilité des Etats dans lesquels elle va se développer et le besoin de sassurer que cette aide ira bien aux populations auxquelles elle est destinée. Des forces économiques locales pourraient éventuellement essayer de la détourner, il y a donc des précautions à prendre.
Pour le reste, laide humanitaire française est désormais en place, un pont aérien achemine chaque jour environ 30 tonnes de matériel vers Skopje et Tirana. De Tirana, un pont constitué par hélicoptère transporte vers Kukes ou vers les camps de réfugiés qui sont en train de sinstaller et dont la France va avoir directement la charge : trois dans la région de Fier, je ne parle pas des camps que nous co-gérons avec les Allemands ou les Italiens puisque la coopération là aussi entre les pays européens se met heureusement en place.
Sagissant de la Macédoine, le lieu de rassemblement de Latche, qui nest pas un camp à proprement parle plutôt un lieu de concentration, le « no mans » land dont certain ont parlé, qui accueillait des réfugiés déjà déportés du Kosovo mais pas encore entrés en Macédoine. Cest ce rassemblement-là qui, dans la nuit de mardi à mercredi, a disparu. Plusieurs questions ont été posées sur la destination de ces réfugiés. Je rappelle que pour une part certains ont été autorisés à rentrer par les Macédoniens et transportés par ceux-là même vers lAlbanie. Pour dautres il semble bien quils soient repartis en utilisant le train qui les avait amenés du Kosovo. On peut penser quil y a eu quelques brutalités si on en juge par les vêtements abandonnés, les jouets denfants sont des choses que lon nabandonne pas facilement. On peut penser que ce nest pas de leur plein gré que ces réfugiés ont été alors transportés./.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 avril 1999)
Cet état desprit des Européens, marqué par la fermeté et la volonté, est en soi important. Il y a ensuite des décisions financières de grande ampleur qui ont été prises pour apporter des solutions au désastre humanitaire et la Commission a pu présenter un programme en ce sens. Charles Josselin pourra revenir sur les vues et les propositions de la France dans le domaine humanitaire.
Il y a, troisièmement, confirmation des décisions qui ont été prises hier concernant les réfugiés par le Conseil Justice et Affaires intérieures qui marque la priorité au traitement sur place des réfugiés et à lamélioration de leur sort, qui nexclue pas dautres formes daides. Il y a enfin une manifestation forte de soutien aux pays de la région qui jouent un rôle majeur en matière daccueil des ces réfugiés à savoir lAlbanie, la Macédoine et le Monténégro. Nous avons été amenés à dire que nous souhaitions que les déclarations qui ont été faites hier par Belgrade qui souhaitait que le HCR et le CICR puissent travailler librement au Monténégro soient prises au mot. Nous souhaitons même que ce soit à travers ces organisations que puisse transiter la partie de laide de lUnion européenne qui a été confirmée aujourdhui. Nous avons tenu à affirmer en plus que cétait pour nous un prélude à laffirmation dun rôle accru de lUnion européenne.
Nous souhaitons que le Conseil européen des chefs détats et de gouvernement du 14 avril puisse faire un point densemble sur ces questions. Il est pour nous évident que ce Conseil européen, qui était originellement convoqué pour traiter du problème de la Commission - cest à dire de la réforme de la commission et de sa réorganisation -, doit aussi, sinon prioritairement, reprendre lensemble de ces questions pour marquer lengagement politique de lUnion européenne face à la crise du Kosovo, face à la catastrophe humanitaire qui est en train de se dérouler.
M. Josselin - Jai été sur place comme quelques uns qui participaient à la réunion tout à lheure, en particulier Mme Bonnino et nous en avons ramené quelques convictions fortes : le besoin de faire plier Slobodan Milosevic, la solidarité très forte qui sexprime sur le terrain par les familles albanaises dAlbanie mais aussi de Macédoine.
Jai dit à linstant quil fallait éviter une analyse un peu trop manichéenne en opposant systématiquement lAlbanie qui accueillerait et la Macédoine qui refuserait, car sil est vrai que lattitude des autorités macédoniennes au cours de la dernière période est plutôt le compte-gouttes, voir le blocage, il ne faut pas oublier que la Macédoine a déjà reçu un nombre important de réfugiés. Ce sont des familles dorigine albanaise qui sen sont préoccupés.
Partant du principe que les familles ont été très impliquées, nous préconisons que laide aux familles noublie pas les populations locales des régions qui accueillent. Il ne faudrait pas créer une instabilité supplémentaire, en faisant en sorte que les populations réfugiées se retrouvent dans une situation presque de meilleur confort que les familles qui accueillent, car cest une très grande pauvreté qui caractérise les régions dAlbanie où les réfugiés sont actuellement reçus. Il faut surtout aider les Etats car laccueil notamment pour lAlbanie va coûter cher. La Macédoine voit son économie très perturbée car elle dépend aux deux tiers de léconomie yougoslave.
Quand nous parlons daider les Etats au plan macro-économique cela vaut aussi bien en ce qui concerne laide budgétaire que le désendettement par exemple que les aides en matières de stabilité des changes aussi. Enfin sil est vrai que cette aide macro- économique interpelle lEurope elle mérite aussi dêtre appréciée dans un cadre international élargi. La France a proposé quà loccasion des assemblées du FMI et de la Banque mondiale, qui se tiendront dans quelques jours à Washington, un comité Balkans puisse être mis en place de façon à ce que les institutions de Bretton Woods apportent leur réponse spécifique à ces situations. Cest Dominique Strauss Kahn et moi même qui seront chargés den faire la demande.
Dès à présent, Lionel Jospin a annoncé que la France a fait le choix dune première aide budgétaire à la Macédoine à hauteur de 45 MF. Je rappelle que, est-il besoin de le préciser, il sagit daide civile, je le dis parce que les comparaisons avec dautres pays qui ninterviennent pas sur le plan militaire serait de ce fait un peu faussées. La France a fait le choix dun premier engagement bilatéral de 225 MF (35 M euros) auxquels sajoutera la part de la France dans les aides européennes, notamment les 250 M deuros qui ont été annoncés aujourdhui, ce qui est une aide considérable. Cette aide ma amené à rappeler la fragilité des Etats dans lesquels elle va se développer et le besoin de sassurer que cette aide ira bien aux populations auxquelles elle est destinée. Des forces économiques locales pourraient éventuellement essayer de la détourner, il y a donc des précautions à prendre.
Pour le reste, laide humanitaire française est désormais en place, un pont aérien achemine chaque jour environ 30 tonnes de matériel vers Skopje et Tirana. De Tirana, un pont constitué par hélicoptère transporte vers Kukes ou vers les camps de réfugiés qui sont en train de sinstaller et dont la France va avoir directement la charge : trois dans la région de Fier, je ne parle pas des camps que nous co-gérons avec les Allemands ou les Italiens puisque la coopération là aussi entre les pays européens se met heureusement en place.
Sagissant de la Macédoine, le lieu de rassemblement de Latche, qui nest pas un camp à proprement parle plutôt un lieu de concentration, le « no mans » land dont certain ont parlé, qui accueillait des réfugiés déjà déportés du Kosovo mais pas encore entrés en Macédoine. Cest ce rassemblement-là qui, dans la nuit de mardi à mercredi, a disparu. Plusieurs questions ont été posées sur la destination de ces réfugiés. Je rappelle que pour une part certains ont été autorisés à rentrer par les Macédoniens et transportés par ceux-là même vers lAlbanie. Pour dautres il semble bien quils soient repartis en utilisant le train qui les avait amenés du Kosovo. On peut penser quil y a eu quelques brutalités si on en juge par les vêtements abandonnés, les jouets denfants sont des choses que lon nabandonne pas facilement. On peut penser que ce nest pas de leur plein gré que ces réfugiés ont été alors transportés./.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 avril 1999)