Tribune de M. Charles Pasqua, président du RPF, dans "Les Echos" du 9 juillet 2001, sur la baisse de la Bourse, notamment des valeurs de la nouvelle économie, et sur la situation économique internationale, intitulée "Une crise mondiale bien gênante".

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Média : La Tribune

Texte intégral

Depuis son sommet de septembre 2000, l'indice CAC 40 a baissé de près de 25 % et les indices plus spéculatifs, comme ceux de la prétendue " nouvelle économie ", ont enregistré des baisses de l'ordre des deux tiers.
Ces évolutions démasquent les trois supercheries idéologiques que les partis institutionnels subventionnés par le contribuable (RPR, UDF, DL et PS confondus) se sont ingéniés à faire accroire au peuple français au cours de la décennie écoulée.
La première supercherie a consisté à affirmer que la " mondialisation " était un " fait " qui s'imposait, au nom d'une raison simple : Internet.
Internet est une invention magnifique, mais qui a fait l'objet d'une véritable orchestration idéologique. Il nous fut présenté comme un changement de civilisation rendant à la fois impossibles techniquement, ridicules intellectuellement et suspects moralement toute volonté d'indépendance nationale et toute réglementation, quelle qu'elle soit.
Il fut invoqué pour faire taire ceux qui, comme moi, continuent de penser que le cadre de la Nation et de la République demeure irremplaçable à bien des égards, et d'abord pour maintenir la cohésion du pays et la paix civile. Or voilà que la crise boursière touche de plein fouet ces fameuses " valeurs Internet ", dont certaines voient leur cours réduit de 80 à 90 %, quand elles ne partent pas tout simplement en fumée. Ce leurre idéologique d'Internet a été sciemment mis en avant par nos dirigeants pour mener plus discrètement un démantèlement généralisé de toutes les réglementations aux échanges de marchandises, de services et de capitaux, se pliant en cela aux pressions venues de Washington et de Bruxelles.
Et c'est cette politique-là, menée sous l'égide de l'Union européenne, du GATT, puis de l'OMC, qui a donné naissance aux phénomènes dits de " mondialisation ". Internet n'a rien à voir là-dedans. Ce n'est que la reprise d'une pensée économique ultralibérale dont l'histoire des XIXe et XXe siècles a pourtant montré la nocivité lorsqu'elle tourne au fanatisme. La deuxième supercherie de nos dirigeants a précisément consisté à redonner une nouvelle jeunesse à cette politique doctrinaire, en la présentant comme un gage de croissance mondiale ininterrompue. Aucun bilan des conséquences économiques, sociales et culturelles des accords de Marrakech et de leurs suites n'a pourtant été dressé.
Mais le cours des événements et la lecture des derniers rapports du PNUD et de la Cnuced montrent que ce bilan est sombre : crises financières à répétition, concentration des richesses, paupérisation de nombreux pays engendrant des flux migratoires incontrôlables vers les pays riches, ouverture de l'éventail social dans tous les pays, notamment en France, suscitant une croissance exponentielle des violences urbaines, filières agroalimentaires excessivement tournées vers la recherche du profit, déferlement de l'américanisation du monde, explosion des activités criminelles transnationales, saccage environnemental, dépossession sournoise des souverainetés nationales.
Et voilà que la crise qui couve provoque un sérieux ralentissement de l'économie américaine, ce qui confirme que sa très forte croissance était largement alimentée par la bulle financière et l'afflux de capitaux internationaux. N'en déplaise aux plaidoyers pro domo de l'OMC, le lien entre la déréglementation des échanges et la croissance reste donc à démontrer. Enfin, la troisième supercherie a consisté à faire croire aux Français que l'Union européenne, nouvelle ligne Maginot, protégerait notre pays des aléas de la croissance mondiale.
Les faits se chargent de montrer qu'il n'en est rien. Le ralentissement américain, joint à la récession japonaise, a commencé à avoir des effets négatifs sur les économies européennes. Déjà, le chômage a cessé de baisser en France. Il redémarre en Allemagne. Quant à l'euro, sa nouvelle chute sous le seuil de 0,85 dollar, qui le ramène à son plus bas historique, en dit plus que de longs discours. Les marchés persistent à considérer avec un grand scepticisme sa viabilité à long terme.
Seuls les naïfs ou les idéologues peuvent d'ailleurs s'en étonner. Car la divergence grandissante des taux d'inflation et de croissance entre les Etats participants - l'Irlande et l'Allemagne par exemple -, fournit la preuve irrécusable que l'euro ne peut pas constituer un optimum monétaire. Et qu'il finira de ce fait par exploser, tôt ou tard. Comme cela fut toujours le cas dans l'Histoire lorsqu'on tenta d'imposer une même monnaie à des peuples différents.
Deux ans et demi après sa création, l'euro n'est donc pas devenu la monnaie concurrençant le dollar et protégeant du reste du monde que l'on avait fait miroiter aux Français.
Nos compatriotes continuent d'ailleurs à rester sourds au déluge de propagande officielle et à se comporter mentalement comme si l'euro n'existait pas. Parce qu'ils sentent bien, avec leur instinct collectif, que cette monnaie artificielle est profondément dangereuse.
Ces trois supercheries ont déjà eu des conséquences funestes sur la France et sur sa cohésion nationale, son identité et son mode de vie. Ce sont là les vrais sujets.
Il va bientôt falloir que les représentants des partis institutionnels subventionnés, qu'ils s'intitulent " gauche plurielle ", " Union en mouvement " ou autres dénominations publicitaires, s'en expliquent devant les Français. Lors de la campagne présidentielle.
(source http://www.rpfie.org, le 10 juillet 2001)