Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire, à "Europe 1" le 22 mai 2012, sur les attributions de son ministère et sa candidature aux élections législatives 2012.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH Dans vos attributions figurent l’agriculture et pour la première fois l’agroalimentaire, est-ce que ça veut dire que vous allez vous occuper de toute la filière de la production alimentaire jusqu’aux consommateurs ?

STEPHANE LE FOLL Oui, ça veut dire que l’agriculture est fournisseuse de produits bruts qu’il faut de toute façon transformer. Un produit alimentaire, c’est un produit agricole qui a été transformé, petitement, moyennement, grandement, c’est l’enjeu de l’agriculture de demain, à la fois sur des circuits courts, des circuits moyens, des circuits très longs, et donc l’industrie agroalimentaire française, je le rappelle, c’est la première industrie en France.

JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est-à-dire, vous allez vous occuper de la production de la qualité des produits et des prix et en même temps d’encourager l’industrie agroalimentaire.

STEPHANE LE FOLL Absolument.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Il y a un exemple ce matin que la presse souligne, la France manque de poisson sur les marchés, ce n’est pas une petite chose, elle ne couvre ses besoins qu’à moins de 40 % et depuis hier elle doit importer du poisson, vous le savez mieux que nous, mais vous n’y pouvez rien parce que la pêche ne dépend plus de vous ?

STEPHANE LE FOLL La pêche dépend d’abord des ressources qui sont celles de la nature et de l’océan, il se trouve qu’aujourd'hui la consommation de poissons est telle qu’on n’a plus les ressources dans les océans et dans les mers autour de la France, il faut aller chercher, il faut importer du poisson, c’est des questions qui sont posées sur un sujet qui est très important, qui est une activité économique qui occupe l’ensemble du littoral et je sais que sur ces questions là, il y a des débats qui s’engagent, et il faut défendre une pêche qui permet à la fois d’assurer la demande et de permettre aussi aux pêcheurs…

JEAN-PIERRE ELKABBACH C’est le ministère de l’Ecologie qui s’occupe aujourd'hui encore de la pêche.

STEPHANE LE FOLL Il y a eu un changement.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que ce n’est pas paradoxal qu’un écolo veut d’abord sauver le poisson alors que les 15 000 pêcheurs pensent à leur emploi, la pêche et à leur bateau ?

STEPHANE LE FOLL Alors il se trouve que c’est rattaché au ministère de l’Environnement, mais sous la responsabilité de quelqu’un que je connais bien, qui s’appelle Frédéric CUVILLIER, qui est maire de Boulogne, donc le maire de Boulogne, il est attaché aussi aux pêcheurs et à la pêche et je sais qu’il fera tout pour à la fois préserver la ressource c’est normal, mais en même temps défendre les pêcheurs.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais ce n’est pas une anomalie, tout à l’heure Bruno LE MAIRE, le disait à Bruce TOUSSAINT, il regrettait que ce secteur, la pêche, quitte le ministère de l’Agriculture, vous ne dites pas que c’est une anomalie qui va être corrigée ?

STEPHANE LE FOLL Non je ne dis pas que c’est une anomalie.

JEAN-PIERRE ELKABBACH C’est définitif ?

STEPHANE LE FOLL Je sais que Frédéric CUVILLIER souhaitait un ministère avec l’économie maritime, dans lequel il y avait la pêche, c’est ça qui a été mis en oeuvre et le fait que ce soit rattaché à Nicole BRICQ, commissaire de l’Environnement, ne change pas l’objectif. Il y a une économie maritime à reconnaitre…

JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est-à-dire que vous êtes nombreux à vous en occuper ?

STEPHANE LE FOLL Voilà, mais je suivrais tout ça avec beaucoup d’attention.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous aussi. Alors aujourd'hui le Crédit Agricole présente ses comptes, amputés de l’argent prêté à la Grèce sans espoir de retour, Crédit Agricole, c’est 80 % des prêts aux agriculteurs. La banque reste solide, elle a résisté, mais elle a perdu beaucoup d’argent, qu’est-ce que vous en pensez, qu’est-ce que vous lui dites ?

STEPHANE LE FOLL Ecoutez, ce sont des conséquences qu’on connaissait, ce n’est pas la seule banque qui s’était beaucoup engagée sur la Grèce, mais vous avez surtout souligné ce qui est très important, c’est la solidité malgré les provisions pour pertes, qui vont être faites avec les engagements sur la Grèce, cette banque est solide par ses caisses régionales, par ses caisses départementales.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais elle a été imprudente.

STEPHANE LE FOLL Elle a été comme beaucoup peut-être tentée de faire des opérations qui ont peut-être été trop loin par rapport à ce qu’elles pouvaient rapporter, en tout cas je sais pouvoir continuer de compter sur le Crédit Agricole.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Les agriculteurs sont inquiets me dit-on.

STEPHANE LE FOLL Mais bien sûr que les agriculteurs, tout le monde peut être inquiet, mais moi je tiens à les rassurer.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Et vous réclamez peut-être, ou est-ce que vous réclamez de cette banque une stratégie plus raisonnable et plus conforme à sa mission ?

STEPHANE LE FOLL Je pense qu’il faudra que le système bancaire réfléchisse maintenant bien aux objectifs qui sont ceux d’une banque, c’est d’abord d’investir et de prêter, c’est pourquoi d’ailleurs il y aura une grande réforme du système bancaire pour éviter la spéculation.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous, Stéphane LE FOLL, à l’Agriculture, d’abord c’est un domaine que vous connaissez bien, et c’est une demande de Xavier BEULIN de la FNSEA qui vont ont réservé un accueil chaleureux et intéressé. Est-ce que vous vous engagez comme Bruno LE MAIRE et il le disait encore tout à l’heure à Bruce, à sauvegarder à l’euro près le budget de la PAC, Politique Agricole Commune, destiné aux agriculteurs ?

STEPHANE LE FOLL Bien entendu qu’il faudra défendre le budget de la PAC, mais il faut savoir et ça Bruno LE MAIRE ne l’a pas assez dit quand il était avant en responsabilité que le budget de la politique agricole dépendra du budget de l’Europe. Donc la bataille qui est conduite par François HOLLANDE aujourd'hui sur cette question européenne posée au travers de la croissance, des euro-projets est essentielle, budget européen défendu, budget de la PAC à l’euro près défendu.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Parce que pour la France, c’est plus de 57 milliards, si j’ai bien vu en 5 ans, environ 12 milliards…

STEPHANE LE FOLL Oui c’est 10 milliards tous les ans, vous avez 8 milliards sur ce qu’on appelle le premier pilier, c'est-à-dire la partie production et 2 milliards à peu près sur le deuxième pilier.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Et en période de crise, il y a des pays européens qui trouvent exagérés l’argent de la PAC, qui absorbe beaucoup, 40 % du budget de l’Europe, les Français agriculteurs y tiennent, c'est-à-dire que vous vous préparez à une rude bataille, vous aussi.

STEPHANE LE FOLL Il y aura une rude… à l’échelle de l’Europe, la bataille est politique, elle est majeure, c’est le choix du projet européen et puis c’est la capacité de l’Europe demain à être à la fois une Europe solidaire et la politique agricole qui est une grande politique publique et de solidarité et en même temps capable d’investir pour préparer l’avenir.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous ne dites pas, il y a trop de subventions, la France…

STEPHANE LE FOLL Non, c’est par la PAC… Alors c’est très important cette question, il n’y a pas de subvention, la PAC, c’est une politique publique qui règle des problèmes majeurs entre les agriculteurs, les citoyens et les consommateurs. Sans politique publique on ne peut pas régler ces problèmes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Stéphane LE FOLL, à qui vous préservez votre première visite de terrain dans le domaine de l’Agriculture ?

STEPHANE LE FOLL Je vais aller dans une exploitation que j’avais visité en 2004 quand je suis devenu député européen parce que c’était une exploitation qui avait un modèle nouveau et je vais y retourner parce que c’est ça qui marque aussi l’engagement qui a été le mien, je vais à des endroits, j’y retourne après.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous avez du courage, vous vous présentez dans la Sarthe, dans l’ancien fief de François FILLON, battu en 2002 et 2007, vous relevez le gant. FILLON sera à Paris, est-ce que vous pensez gagner ?

STEPHANE LE FOLL Je vais tout faire pour gagner, je ne préjuge jamais du résultat d’une élection, je suis suffisamment prudent et j’ai suffisamment d’expérience, et je vais tout faire pour gagner ? J’habite dans cette circonscription depuis 52 ans.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Oui, votre engagement, votre parcours, votre rôle au Parti socialiste avait une logique, c’était de devenir ministre, avoir ces responsabilités, aujourd'hui vous l’êtes, pourquoi vous remettez tout en question ?

STEPHANE LE FOLL Je ne remets pas tout en question, j’étais candidat avant les résultats de la présidentielle, et puis je n’ai pas fait ce que j’ai fait aux côtés de François HOLLANDE pour avoir un ministère, je l’ai fait aussi pour gagner une présidentielle, c’est fait. Donc maintenant je continue.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Avec tous les risques que ça implique.

STEPHANE LE FOLL Il y a toujours des risques.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Le Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT a prévenu que tout ministre battu doit démissionner, mais pourquoi vous prenez un tel risque ?

STEPHANE LE FOLL Pourquoi je prends un tel risque ? Parce que je suis né et j’habite dans cette circonscription, je me suis présenté en 2002, en 2007, à l’époque c’était contre François FILLON, voilà il y a un minimum de respect à avoir vis-à-vis des électeurs et vis-à-vis des Sarthois, je serai là à leurs côtés.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Et vous irez où le président François HOLLANDE vous demandera.

STEPHANE LE FOLL Voilà je ne vais pas vous faire la formule consacrée, mais voilà.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Il rentre des Etats-Unis, mission accomplie, peu le connaisse aussi bien que vous, est-ce qu’il vous a quand même épaté pendant son voyage ?

STEPHANE LE FOLL J’ai été surpris par la capacité qui a été la sienne de prendre les habits du président de la République aussi rapidement, mais en même temps, si je l’ai soutenu depuis si longtemps, c’est que je savais qu’il avait d’énormes capacités.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Il parait que vous l’avez poussé comme le dit GIESBERT avant même, vous avez cru en lui avant même qu’il croit en ses possibilités d’arriver à ces fonctions.

STEPHANE LE FOLL Ca s’est fait en même temps.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Ah oui ? Donc quand vous étiez tout petit tous les deux ?

STEPHANE LE FOLL Non pas tout petit, on était déjà grand, mais enfin on a pensé à tout ça en même temps.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Très vite vous avez assisté presque en direct là pendant ce voyage, quelques jours à la métamorphose de François HOLLANDE.

STEPHANE LE FOLL J’ai assisté au fait qu’il a pris la mesure de ce que c’était cette responsabilité, celle du chef de l’Etat, celle du représentant de la France à l’étranger et je savais qu’il serait capable et en même temps il l’a été très vite.

JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous allez continuer à tutoyer votre ami, l’appeler toujours François ?

STEPHANE LE FOLL Ce sera en privé alors.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 mai 2012