Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire, à "Itélé" le 30 mai 2012, sur l'annonce gouvernementale d'un coup de pouce au Smic, sur les revenus agricoles.

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Média : Itélé

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER François HOLLANDE a confirmé hier qu’il y aurait un coup de pouce au Smic, mais sans gêner les PME, c’est un peu l’équation impossible ça, non ?

STEPHANE LE FOLL C’était l’engagement de la campagne, il avait été très clair que ce coup de pouce au Smic serait fait, mais en même temps, il l’a dit, il l’avait répété, cette augmentation du Smic devrait se faire avec le respect de la compétitivité des entreprises, parce que sinon, on remet en cause ce qui est essentiel aujourd’hui, le maintien de l’emploi.

CHRISTOPHE BARBIER Oui, mais on est déjà plus cher que les Allemands par exemple en terme de coût du travail, donc la compétitivité va être abîmée quoi que vous fassiez…

STEPHANE LE FOLL Non, non, non, on n’est pas plus cher que les Allemands dans tout le domaine industriel et de services, on est plus cher que les Allemands dans un domaine que je connais bien, qui est l’agroalimentaire et l’agriculture. Là, il y a un vrai problème parce qu’il n’y a pas de négociations de branche dans ce domaine en Allemagne.

CHRISTOPHE BARBIER Qu’allez-vous faire, vous, dans votre domaine, là, pour les revenus agricoles, il y a quand même beaucoup de paysans qui sont en dessous du Smic ?

STEPHANE LE FOLL Il y a beaucoup de paysans qui sont en dessous du Smic, il y a beaucoup de paysans qui sont au RSA aujourd’hui. Donc il y a des difficultés dans le monde agricole que personne ne peut cacher ni nier. Il y a une réforme de la PAC qui est en cours, il y a une régulation des marchés qu’il va falloir essayer de mieux organiser, mais en même temps, c’est toute la difficulté de l’agriculture, c’est lier les aides de la politique agricole commune avec un soutien et une régulation des marchés qui permettent des prix qui soient suffisamment rémunérateurs pour avoir au bout du compte un revenu agricole qui soit digne pour tous les agriculteurs.

CHRISTOPHE BARBIER L’Europe va chercher des moyens, des sous pour la croissance, l’Europe va les prendre dans la politique agricole commune ?

STEPHANE LE FOLL Il va falloir faire très attention à la stratégie qu’on va avoir sur ce sujet, et moi, contrairement à ce qui a été dit ou fait avant, qui consistait à dire : on va baisser tout, sauf le budget de l’agriculture, c’était un pari très risqué, qui avait été pris par le gouvernement précédent. Il va falloir discuter budget à l’échelle de l’Europe, il y a des discussions qui sont en cours, et en même temps, avoir une stratégie qui prenne en compte et la politique agricole et la politique de cohésion territoriale, ce sont les deux grandes politiques qui, à elles deux, font 80% du budget, il faut les protéger parce que c’est la solidarité à l’échelle de l’Europe qui est en jeu.

CHRISTOPHE BARBIER Martine AUBRY accuse François FILLON d’avoir voulu jouer avec la montre sur les plans sociaux, est-ce que vous avez des preuves que la droite a repoussé des plans sociaux pendant la campagne ?

STEPHANE LE FOLL Je n’ai aucune preuve, ce que je sais, c’est que pour avoir rencontré des représentants syndicaux dans ma circonscription ou ailleurs, il y avait depuis longtemps des indicateurs qui faisaient clairement mettre sur la table des plans sociaux qui devaient arriver, alors avant ou après juste les élections, ça, tout le monde a pu le constater, moi, le premier.

CHRISTOPHE BARBIER Alors, pourquoi ne pas décréter une sorte de moratoire, interdire les plans sociaux dans l’attente de…

STEPHANE LE FOLL Il y a une discussion en cours, le Premier ministre a réuni l’ensemble des syndicats, cette discussion doit porter sur l’ensemble des sujets, et l’emploi en particulier. Il y a tout un tas de mesures qu’il va falloir prendre pour sauver l’emploi, je pense en particulier aux questions du chômage partiel ; ces discussions sont en cours, il faut respecter le temps de la négociation, et je sais qu’il y aura des solutions qui seront trouvées en partie pour régler ce problème majeur.

CHRISTOPHE BARBIER A propos de temps de la négociation, la gauche veut aller vite sur les retraites, sur les retraites à 60 ans, pour les carrières longues, Bernard ACCOYER a demandé à Pierre MEHAIGNERIE de recevoir, de convoquer Marisol TOURAINE à l’Assemblée nationale, c’est un piège, c’est normal ?

STEPHANE LE FOLL Non, mais c’est un engagement, là aussi, qui avait été pris par François HOLLANDE pendant la campagne présidentielle, il avait clairement dit que la première mesure qui serait prise, le premier décret qu’il signerait porterait sur cette question des retraites, pour les carrières longues qui, sinon, eh bien, pour des gens qui ont commencé à travailler très tôt allongent leur durée de cotisations, au-delà de 41 ans. Ça, ce n’est pas acceptable.

CHRISTOPHE BARBIER Et on va prendre en compte tout ce qu’ils auront payé, tous les trimestres payés…

STEPHANE LE FOLL Eh bien, c’est la discussion qui est en cours, parce que là aussi, il faut quand même prendre en compte les demandes des syndicats, il y avait dans le programme du candidat François HOLLANDE le fait que ça soit les trimestres qui avaient été cotisés, mais il y a – vous le savez – maladie, chômage, qui sont en cours de discussion. Moi, je ne vais pas anticiper, mais le décret sera pris rapidement.

CHRISTOPHE BARBIER Ça serait quand même plus simple d’attendre un peu et de passer par une loi pour tout mettre à plat.

STEPHANE LE FOLL Non, parce que ça avait été un engagement de campagne, soyons clairs et honnêtes avec les Français, ce qu’a dit François HOLLANDE, candidat pendant la campagne, c’est ce que fera le président François HOLLANDE élu maintenant.

CHRISTOPHE BARBIER Alors soyons clairs et honnêtes avec les Français, le préfet de police de Paris est limogé, il y a une chasse aux sorcières.

STEPHANE LE FOLL Il n’y a pas de chasse aux sorcières, il y a eu deux ou trois personnalités à la tête de la police, qui avaient un engagement très clair, eux-mêmes l’avaient indiqué, et puis, au-delà de tout ça, nous faisons, et François HOLLANDE, président de la République, fait confiance aux fonctionnaires pour assurer la continuité de l’administration, il n’y a pas de souci de ce côté-là.

CHRISTOPHE BARBIER Les fonctionnaires qui remplaceront ceux qui partent seront des fonctionnaires de gauche ?

STEPHANE LE FOLL Je n’en sais rien, ce n’est pas moi qui ai la responsabilité de ce grand et vaste secteur, aussi important que celui du ministère de l’Intérieur, il y aura des gens compétents.

CHRISTOPHE BARBIER Il plait à la droite et il plait à la gauche, Manuel VALLS en ce moment dans les sondages, c’est un atout ou il faudrait que, il soit un peu plus un ministre de l’Intérieur de gauche ?

STEPHANE LE FOLL Ecoutez, quand on est ministre de l’Intérieur, on représente l’Etat, et puis, il y a derrière l’ensemble des services qui sont la police et puis la gendarmerie, donc il y a l’ordre…

CHRISTOPHE BARBIER C’est important de ne pas parler de laxiste…

STEPHANE LE FOLL Voilà, il faut montrer aux Français que nous sommes responsables, que sur cette question-là, il n’y aura pas de changement par rapport à ce qui a été la ligne, là encore, du président de la République, nous serons fermes, mais à la fois justes.

CHRISTOPHE BARBIER Bercy s’oppose à la prime que devait toucher, avec sa clause de non concurrence, l’ancien patron d’AIR FRANCE, Pierre-Henri GOURGEON, est-ce que ce n’est pas une injustice rétroactive, il avait négocié, il partait en clause de non concurrence…

STEPHANE LE FOLL Ce qui est incompréhensible, c’est que, un patron qui va partir à un moment où son entreprise connaît des difficultés puisse s’octroyer une prime de 400.000 euros, c’est ça…

CHRISTOPHE BARBIER Oui, mais il était considéré comme un bon patron, il pourrait partir à la concurrence, ça serait idiot, non !

STEPHANE LE FOLL Oui, pour une clause qui consiste à dire : il ne faut pas aller à la concurrence, mais enfin, quand on a été patron d’une grande entreprise, comme AIR FRANCE, qu’on a fait peut-être un travail qui au bout du compte n’a pas donné les résultats escomptés, puisque AIR FRANCE est en difficulté, on demande une prime de 400.000 euros pour être sûr de ne pas aller à la concurrence, je trouve que là, il y a un vrai problème d’éthique et de responsabilité, et donc moi, je suis tout à fait d’accord pour dire que ce qui a été fait et octroyé n’est pas acceptable.

CHRISTOPHE BARBIER Jean-Marc AYRAULT l’a confirmé, la fourchette de 1 à 20 pour l’écart maximum des salaires entre la base et le patronat dans les entreprises publiques sera appliquée aux patrons qui sont en poste, c’est-à-dire que certains vont voir 40, 50% de leurs salaires amputés, est-ce que c’est loyal, quand ils ont été nommés, on leur a donné un salaire, on va leur reprendre ?

STEPHANE LE FOLL Ce qui n’est quand même pas acceptable, là encore, c’est que, il y ait eu des rémunérations qui ont été octroyées à des patrons qui ont été nommés à la tête de grandes entreprises publiques. Là encore, la campagne présidentielle a mis sur la table un certain nombre de choses, dont le fait que dans les entreprises publiques, il ne pouvait pas y avoir d’écart supérieur de 1 à 20, entre le plus petit des salaires et le plus élevé, ça s’applique aujourd’hui, personne… tout le monde a été mis au courant, les patrons eux-mêmes…

CHRISTOPHE BARBIER Ils vont partir, les meilleurs vont partir, vous allez avoir des gens de moins bonne qualité…

STEPHANE LE FOLL Mais vous savez… pas forcément, je ne crois pas que le fait d’augmenter ou de donner des salaires mirobolants soit un gage de qualité dans le management d’une entreprise.

CHRISTOPHE BARBIER 1 à 20, la fourchette, ce sera avant ou après impôts ?

STEPHANE LE FOLL Ecoutez, je vais vérifier avant ou après impôts, en tout cas, la fourchette est de 1 à 20, selon ce qui a été dit ce matin ou ce qui sera précisé d’ailleurs par le Premier ministre.

CHRISTOPHE BARBIER Si la gauche est majoritaire à l’Assemblée nationale, souhaitez-vous que Ségolène ROYAL préside l’Assemblée ?

STEPHANE LE FOLL Ségolène ROYAL ferait une bonne présidente de l’Assemblée nationale.

CHRISTOPHE BARBIER C’est votre candidate ou vous préférez Jean GLAVANY ou d’autres ?

STEPHANE LE FOLL C’est ma candidate, je ne sais pas exactement où elle en est aujourd’hui par rapport à sa candidature à la présidence de l’Assemblée nationale, si elle est candidate, ça sera ma candidate.

CHRISTOPHE BARBIER Et pour le Parti socialiste, que vous connaissez bien, est-ce que Martine AUBRY doit rester à sa tête, puisqu’elle n’est pas ministre, est-ce que c’est Harlem DESIR votre candidat, Jean-Christophe CAMBADELIS ?

STEPHANE LE FOLL Là, écoutez, j’ai vu les déclarations de Martine AUBRY, tout ça nécessitera qu’on en rediscute, le congrès du Parti socialiste, je crois, est après l’automne, ça doit être autour de novembre, d’ailleurs, il faudrait qu’on fixe les dates, Martine AUBRY a fait le travail que l’on sait, et je salue le travail qui a été le sien. Donc tout ça se discutera dans les semaines qui viennent.

CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu’un président normal ne devrait pas rendre La Lanterne, la résidence à Versailles, au Premier ministre ?

STEPHANE LE FOLL Oui, La Lanterne…

CHRISTOPHE BARBIER Eh oui, HOLLANDE a utilisé La Lanterne…

STEPHANE LE FOLL C’est vrai, il a utilisé La Lanterne ?

CHRISTOPHE BARBIER Eh oui !

STEPHANE LE FOLL Bon, moi, j’étais en campagne.

CHRISTOPHE BARBIER Vous lui direz ?

STEPHANE LE FOLL Je lui dirai.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 31 mai 2012