Interview de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à Europe 1 le 17 mai 2012, sur la composition du nouveau Gouvernement, les plans sociaux de grandes entreprises et la revalorisation du smic.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH La rumeur vous donnait dans 3 ou 4 ministères, pas celui dont vous avez hérité. Vous avez atterri au ministère du Travail, de l'Emploi et du Dialogue social. Vous ne vous y attendiez pas mais apparemment, c'est toujours ça la formation d'un Gouvernement, la surprise.
 
MICHEL SAPIN Comme quoi il ne faut pas écouter les rumeurs, et il faut plutôt compter sur le raisonnement politique. En l'occurrence de François HOLLANDE et de son Premier ministre qui a été d'essayer de mettre à la fois des gens ayant un peu de l'expérience dans un certain nombre de ministères ; et de faire en sorte aussi qu'il y ait (comme on dit) de nouvelles pousses, enfin bref ! Que ce Gouvernement soit à la fois représentatif de la diversité française et en même temps capacité de travailler immédiatement, y compris sur des dossiers délicats.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH On ne le choisit pas, on accepte à plus forte raison quand c'est son ami de toujours qui est aux commandes.
 
MICHEL SAPIN On est à disposition compte tenu de sa personnalité, de son expérience et de sa compétence si l'on en a, et on écoute ce que l'on vous dit.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Le travail, l'emploi, le dialogue social sont apparemment prioritaires, pourquoi sont-ils… le ministère est 11ème dans l'ordre protocolaire ?
 
MICHEL SAPIN Parce que tout est prioritaire dans un ministère…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et il faut bien commencer par quelque chose.
 
MICHEL SAPIN Et il faut bien commencer par quelqu'un et par quelque chose, voilà. Mais que ce soit Travail, Emploi et Dialogue social, je pense que ceci a une signification particulière pour le Premier ministre qui en a fait la proposition et pour François HOLLANDE qui l'a nommé.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Michel SAPIN, qu'est-ce que vous conseillez à la majorité de vos collègues, les pousses ou les bleus qui n'ont jamais encore siégé dans un Gouvernement ?
 
MICHEL SAPIN Un Gouvernement, c'est une accumulation d'individualités mais qui ne valent que parce qu'elles sont ensemble. Pour le dire autrement, il y a énormément de discipline à avoir lorsqu'on est dans un Gouvernement. C'est un ensemble qui est jugé, ce n'est pas chacun qui se fait valoir, c'est un ensemble qui agit. Et ce qu'on appelle « la solidarité Gouvernementale », c'est quelque chose d'absolument décisif pour ce que l'on dit, être entendu et pour la manière dont les Français vous perçoivent.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et il faut arriver à créer ce travail collectif. En tout cas on l'a noté, la parité, 17 hommes – 17 femmes, et c'est vrai qu'on le répète tant nous sommes surpris d'avoir autant de femmes que d'hommes aux responsabilités. Et puis il y a le respect de la diversité, le non-cumul des mandats, ça ce sont les promesses tenues.
 
MICHEL SAPIN Et vous avez remarqué comme c'est étonnant que ce qui est normal puisse étonner, alors c'est vrai que c'est la première fois. Donc lorsque c'est la première fois c'est étonnant, mais qu'il y ait effectivement – et poste par poste, catégorie de ministère par catégorie de ministère – autant de femmes que d'hommes, voilà enfin…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH La nouveauté.
 
MICHEL SAPIN Une réalité… ce n'est pas une nouveauté, c'st la réalité sociale, il y a même un peu plus de femmes que d'hommes dans la réalité démographique française, eh bien voilà. Mais cette fois-ci, c'est devenu une réalité Gouvernementale.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Jean-Marc AYRAULT a prévenu, tout ministre battu devra quitter le Gouvernement. Parmi les 34 ministres de ce Gouvernement, certains pourraient ne pas revenir, ils sont en CDD d'un mois.
 
MICHEL SAPIN Mais le principe d'une candidature, c'est qu'on peut ne pas être élu. L'objectif d'une candidature, c'est d'être élu et l'objectif de ce Gouvernement, c'est d'avoir une majorité large, solidaire, qui soit à la fois diverse mais très solidaire qui vienne appuyer l'action Gouvernementale. Donc c'est normal que les ministres, j'en serai, soient dans la bataille législative.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH A 11h00, Xavier BERTRAND va vous passer les pouvoir Michel SAPIN. En général, le ministre du Travail et de l'Emploi c'est l'augure qui vient annoncer chaque fin de mois… comment dire, que le chômage augmente, que c'est la faute de la crise, des vilains entrepreneurs, de l'héritage. Et j'ai vu que les prévisions de l'assurance chômage c'est 307.000 chômeurs supplémentaires dans les 2 ans. Vous avez du courage pour prendre ce ministère.
 
MICHEL SAPIN Oui, mais on pourrait faire de ce ministère le ministère du chômage, mais ça, ça serait une vision passive des choses, ce serait la vision de celui qui ne serait là que pour compter les résultats d'autres choses, d'autres, mes prédécesseurs. Et pendant quelques mois, on va compter malheureusement des chômeurs qui sont le résultat d'une politique, je ne veux pas jouer sur simplement la question de l'héritage, mais vous savez bien qu'il y a un certain nombre de plans sociaux qui ont été retardés pour passer par-dessus l'élection…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors justement…
 
MICHEL SAPIN Et donc ils vont…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Justement.
 
MICHEL SAPIN Arriver. Mais donc on peut avoir une vision passive du ministère, ça n'est pas ma vision des choses.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors justement vous…
 
MICHEL SAPIN Je veux avoir une vision active.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous, vous montrez Michel SAPIN que vous vous attendez au surgissement de plans sociaux qui ont été préparés par les entreprises. On dit AREVA, AIR FRANCE, SNCM, GOODYEAR, CARREFOUR, PETROPLUS, d'autres, est-ce que vous pourriez les interdire ?
 
MICHEL SAPIN Non, on n'est pas rentrés dans une mécanique d'interdiction, sauf si bien entendu ces plans sociaux ne sont pas conformes à la loi. Dans ces cas-là, il y a des dispositions législatives qui permettent de faire en sorte de… soit par les pouvoirs de l'Inspection du travail soit par le pouvoir du juge et du tribunal d'annuler les plans sociaux, et donc d'une certaine manière d'interdire ces licenciements. Non, ce qu'il faut avoir…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais les suppressions d'emplois et…
 
MICHEL SAPIN C'est une action…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les licenciements, vous les rendrez plus difficiles !
 
MICHEL SAPIN Oui, pour ceux qui en l'occurrence seraient des suppressions d'emplois qu'on qualifie de manière un peu rapide mais imagée de boursier, c'est-à-dire qu'ils ne seraient là que pour gagner plus d'argent.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ceux-là seront interdits autant que possible ?
 
MICHEL SAPIN Ceux-là seront… c'était l'engagement qui a été pris rendus beaucoup plus difficiles et beaucoup plus coûteux, parce qu'il faut que ceux qui calculent uniquement en termes d'argent ce qui, au fond, est simplement la vie d'un homme ou d'une femme, puissent le payer très cher.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Au 1er juillet, ce qui est prévu c'est le coup de pouce donné au Smic.
 
MICHEL SAPIN Ça fait partie très directement et très concrètement des sujets qui feront l'objet d'entretiens avec les partenaires sociaux par définition. On ne va pas commencer le dialogue social en décidant tous seuls.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Oui, mais ça c'est l'urgence.
 
MICHEL SAPIN Bien sûr, c'est une urgence et c'est une urgence dans les semaines qui viennent.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est donc vous qui êtes aussi en charge des contrats de génération et des 150.000 emplois d'avenir, quand ?
 
MICHEL SAPIN Eh bien ! Quand nous aurons premièrement engagé les discussions, parce que les contrats de génération c'est une belle grande idée que chacun a bien comprise, je ne vais pas revenir dans les détails, mais qui nécessitent aussi des négociations, des discussions avec les partenaires sociaux, parce qu'on ne fait pas un contrat de génération de la même manière dans une usine automobile ou dans un bureau de banque. Donc il faut adapter tout cela branche par branche, entreprise par entreprise. Donc il y aura une part de négociation et puis il faudra les outils législatifs. C'est pour ça qu'il faut une majorité au Parlement et à l'Assemblée nationale pour nous permettre de mettre en oeuvre…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc il faut attendre…
 
MICHEL SAPIN Le changement.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Le mois prochain. Mais est-ce que vous allez garder les contrats aidés, l'apprentissage Fillon et Bertrand ?
 
MICHEL SAPIN Les contrats aidés ils étaient là avant, il y en a aujourd'hui, le risque c'est qu'ils aient été abondamment consommés dans la première moitié de l'année pour éviter des montées du chômage trop importantes, là aussi c'est une conséquence de la période électorale. Donc nous verrons exactement l'état des choses, mais il faut les transformer, il faut les réorienter, il faut faire en sorte que ce soit les jeunes d'un côté et les plus âgés des travailleurs de l'autre qui soient au coeur des préoccupations. Et donc inciter les entreprises à embaucher un jeune et à garder un plus âgé dans son entreprise, plutôt que de le renvoyer au chômage en attendant la retraite.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que vous vous efforcerez de proposer une réforme du marché du travail, comme le réclament le FMI, la BCE et même la COUR DES COMPTES ?
 
MICHEL SAPIN Oui, je ne sais pas trop ce que veut dire une réforme du marché du travail, c'est une espèce de ritournelle que j'entends (moi) depuis des années et des années et des années. Il m'a semblé qu'aujourd'hui, on avait aussi besoin de règles, on avait besoin de sécurité, que ce soit dans le domaine de la finance ou que ce soit dans le domaine du travail. Donc c'est ça que je vais regarder en priorité.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous êtes le ministre du Dialogue social, est-ce que ça veut dire qu'avant vos prédécesseurs ne parlaient pas avec les syndicats ?
 
MICHEL SAPIN Bien sûr qu'ils parlaient, mais la question ce n'est pas seulement de parler, c'est pour quoi faire. Pour dire les choses très simplement, quand Nicolas SARKOZY dit « vous avez 2 mois pour décider sur un sujet extrêmement délicat, et si au bout de 2 mois vous n'avez pas décidé c'est moi qui déciderai », ça ce n'est pas du dialogue.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Quelle sera la méthode SAPIN, s'il y en a une ?
 
MICHEL SAPIN J'espère que ça sera la plus ouverte, la plus à l'écoute, la plus en capacité de rapprocher des points de vue et qui permettra de toute façon une décision, car le dialogue est fait aussi pour aboutir à la décision.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous êtes un homme de patience !
 
MICHEL SAPIN Oui, de patience mais en même temps j'aime bien ce qui bouge.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Cet après-midi – et c'est ma dernière question – au Conseil des ministres, vous n'aurez pas l'impression de vous retrouver tous dans un bureau du Parti socialiste, puisque toutes les tendances y seront représentées.
 
MICHEL SAPIN Moi je connais la pièce, je connais la salle, je connais la table, mais je vais découvrir aussi un certain nombre de…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH De visages.
 
MICHEL SAPIN De nouveaux visages, que je connaissais mais je vais les voir en situation. Et je suis sûr que parmi tous ceux-là, parmi toute cette nouvelle génération, il y a de grands hommes et femmes d'Etat en devenir.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Toutes les tendances du PS sont représentées.
 
MICHEL SAPIN C'est le rassemblement de ceux qui ont soutenu la candidature de François HOLLANDE.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et c'est le Gouvernement Ayrault numéro 1 et on verra après les élections.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 mai 2012