Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la protection des travailleurs, le dialogue social au sein de l'OIT, Genève le 11 juin 2012.

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Circonstance : Conférence nationale du travail à Genève le 11 juin 2012

Texte intégral

Permettez-moi tout d'abord de vous dire la fierté que j'éprouve à m'exprimer pour la première fois sur le plan international en tant ministre du Travail ici, devant vous, dans l'enceinte abritant l'une des plus anciennes organisations internationales.
Je tiens aussi à saluer le remarquable travail accompli par M. Somavia, et à féliciter chaleureusement M. Ryder pour son élection à la tête de cette institution, et de l'assurer que la France lui apportera, comme elle l'a toujours fait, son plein et entier soutien.
Jaurès croyait à l'avènement d'une humanité « assez organisée, assez maîtresse d'elle-même pour pouvoir résoudre, par la raison, la négociation et le droit, les conflits de ses groupements et de ses forces ». Ces valeurs de justice sociale, fondement de l'OIT, auxquelles la France a, au cours de son histoire, donné une place majeure et centrale, ne peuvent être mise en œuvre que par la raison, par la négociation et par le droit.
1. La raison nous conduit à constater que dans notre monde qui malgré les effets de la crise qui touche durement les populations, n'a jamais été aussi riche, la pauvreté, l'exploitation des enfants, des femmes et des hommes demeurent.
Seule une action collective et globale peut faire cesser cette misère sociale
Cette action nécessite de mettre la protection des droits des travailleurs au cœur des décisions prises dans les autres instances internationales.
Développement économique et progrès du droit du travail ne peuvent et ne doivent être pensés l'un sans l'autre. Mon déplacement, la semaine prochaine, au G20 ira dans ce sens : je plaiderai pour que la mondialisation ne soit pas que financière et pour que le rôle du BIT au sein du G20 soit consolidé.
Cette action doit aussi être menée en gardant continuellement à l'esprit que l'emploi et particulièrement l'emploi des jeunes doit être notre priorité - je salue ainsi la réflexion menée au sein de votre organisation sur ce sujet, sujet ayant aussi été discuté au sein du G20 sous l'impulsion de la France.
2. La seule voix pour y parvenir est la négociation. Les intérêts des uns et des autres peuvent diverger. Nous le savons, les intérêts des pays émergents et ceux des pays riches, les intérêts des employeurs et ceux travailleurs, ne sont pas toujours naturellement convergents.
La force de l'OIT est de montrer que le dialogue est possible. Grâce à sa structure, fondée sur le tripartisme, des accords entre gens de bonne volonté peuvent être trouvés.
Le gouvernement français met au cœur de son action le dialogue social : je réunirai après-demain en France les partenaires sociaux pour nous réfléchissions ensemble aux réformes à proposer à l'échelle internationale.
Je porterai aussi l'ambition d'un dialogue social renouvelé, au niveau international par un renforcement du L20 et du B20 auprès du G20, et, au niveau européen, par une action en faveur d'un forum social européen et un renouveau du sommet social tripartite.
3. Enfin, la raison d'être de l'OIT, atteindre la paix par le droit, est vaine si les normes ne sont pas respectées par tous.
C'est pourquoi la ratification des 8 conventions fondamentales est une question centrale : comment accepter que ne soit pas reconnue la liberté syndicale ? que ne soit pas aboli le travail des enfants ? que ne soient pas interdites les discriminations ? que ne soit pas aboli le travail forcé ?
La raison nous le dit : ce droit commun fondamental qu'est la dignité de l'homme, doit être partagé par tous. Comme le disait François Mitterrand à cette tribune en 1982 : « la France, avec tous ses défauts et ses manques, ne peut que s'élever contre cette perversion de l'esprit qu'est toute forme de travail forcé ». « Lutte sans fin », ajoutait-il, « enracinée dans la nuit des temps, que celle qui veut que l'homme libre en finisse avec l'esclavage ». La France s'engage donc résolument, aux côtés de l'OIT, pour faire avancer le processus de ratification.
Je ne méconnais pas la difficulté pour certains d'y parvenir. Il faut bien sure en tenir compte en avançant pas à pas, en dialoguant afin de surmonter les obstacles à de telles ratifications avec pour ultime objectif que ces droits fondamentaux soient respectés par tous et applicables à tous. C'est le sens de la discussion qui a lieu ici sur ces droits fondamentaux, ainsi que sur le socle de protection sociale, et que je salue.
Oui, par la raison, la négociation et le droit, nous avancerons vers plus de justice sociale. (nous pouvons sortir de la « damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers (…) » décrites par Hugo.) Nous sommes décidés à œuvrer de toutes nos forces en ce sens.
Je vous remercie.Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 12 juin 2012