Déclaration de M. Michel sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la revalorisation du SMIC, Paris le 26 juin 2012.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale de la convention collective à Paris le 26 juin 2012

Texte intégral

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui pour cette première réunion de la Commission nationale de la négociation collective ensemble.
Nous nous sommes transportés à quelques centaines de mètres de l'illustre salle des accords de l'hôtel du Châtelet qui accueillait traditionnellement ces réunions. _ Mais, rassurez-vous ce changement ne nous empêchera pas d'inscrire nos travaux dans la riche histoire de ce Ministère, qui fait de celui-ci, depuis les accords de Grenelle de 1936, la maison du dialogue social.
C'est un très grand honneur pour moi d'être le Ministre du Travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Derrière le choix de cette dénomination, c'est l'illustration d'une conviction et d'une méthode. La conviction, c'est celle du rôle essentiel des corps intermédiaires – et aux premiers rangs desquels les partenaires sociaux – dans la société et dans la construction de l'intérêt général.
La méthode, c'est celle du dialogue, de la concertation et du respect de la négociation. Non pas comme un passage obligé mais bien au contraire comme un principe d'action et de réforme.
C'est l'esprit qui anime, sous l'impulsion du Président de la République, tout le Gouvernement.
La Commission nationale de la négociation collective doit être un lieu important de ces échanges. Par ces attributions bien évidemment : elle aura à se prononcer sur l'ensemble des textes intervenant dans le champ des relations individuelles et collectives du travail. Mais, au-delà, par la qualité du dialogue que nous pourrons y nouer dans le respect des positions de chacun.
Notre réunion de ce matin est consacrée à l'examen de la revalorisation du SMIC. _ Elle est également l'occasion de vous présenter, comme c'est la tradition chaque année à cette époque, le bilan annuel de la négociation collective. Avant donc d'en venir au SMIC, je vous propose donc que le Directeur général du travail, Jean-Denis COMBREXELLE, nous présente en quelques mots les principaux enseignements de ce bilan de la négociation pour 2011
[intervention du DGT – 4 min]
Merci Monsieur le Directeur général.
Cet ouvrage est une parfaite illustration de la richesse de la négociation collective dans notre pays que ce soit au niveau interprofessionnel, dans les branches ou dans les entreprises. C'est un aspect trop souvent méconnu de nos relations sociales, trop souvent caricaturées ! Bien, au contraire, le dynamisme du dialogue social ne peut que conforter le Gouvernement dans son ambition d'articuler au mieux démocratie sociale et politique.
Je tiens à remercier les organisations représentées ici pour la qualité de vos contributions à cet ouvrage.
Venons en maintenant à la revalorisation du SMIC.
Conformément aux engagements présidentiels, le Gouvernement a décidé de procéder à une revalorisation du SMIC sans attendre la revalorisation annuelle obligatoire du 1er janvier 2013.
Il s'agit d'une mesure de justice aux bénéfices des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles. Faut-il rappeler qu'aucun « coup de pouce » sur le SMIC n'est intervenu depuis 6 ans ! Le pouvoir d'achat du SMIC sur cette période n'a progressé que de 5%.
Il est donc important de prendre en compte, sans attendre, l'aspiration légitime des citoyens dont les salaires sont les plus bas à une progression de leur pouvoir d'achat.
La situation économique est difficile, c'est une évidence. Il faut donc agir avec mesure. [C'est le message que m'ont rappelé les membres du groupe d‘experts sur le SMIC que j'ai souhaité rencontrer.]
C'est pourquoi le Gouvernement propose une revalorisation du SMIC de 2% au 1er juillet 2012. Cette augmentation se décompose comme suit : +1,4% au titre de l'inflation intervenue depuis la précédente revalorisation et +0,6% au titre d'un coup de pouce supplémentaire.
Ainsi, au 1er juillet 2012, le taux horaire du SMIC sera porté à 9,40 euros bruts, soit 1425,67 euros bruts mensuels sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaire.
Au total, le gain net par mois est de 21,5 euros.
L'anticipation de la prise en compte de l'inflation par rapport au calendrier légal de revalorisation, c'est 90 euros en plus pour un salarié au SMIC sur le second semestre, qu'il n'aurait pas eu en l'absence de cette revalorisation. Ceci à bien resituer dans un contexte global de faible progression des salaires réels comme le montre les dernières statistiques de la DARES ou de l'INSEE.
Quant au niveau du coup du pouce, il faut le comparer avec les derniers coups de pouce pour en mesurer la portée : +0,3% en 2006 et 2001 et +0,46% en 1998. Il faut donc remonter à 1997 (quinze ans !) pour trouver un coup de pouce supérieur.
La revalorisation procède donc d'un équilibre : du pouvoir d'achat sans attendre mais une progression raisonnable quand on l'inscrit dans la durée. Je souhaite souligner que, conformément aux dispositions du code du travail, l'application des critères légaux de revalorisation au 1er janvier prochain prendra en compte la revalorisation intervenue en cours d'année. Seule l'inflation mesurée de juin à novembre entrera donc en compte dans la formule de calcul de la revalorisation. Les questions salariales sont bien évidemment un enjeu central du dialogue social. Vous le savez, une table-ronde spécifique y sera consacré lors de la Grande conférence sociale des 9 et 10 juillet prochain. De nombreuses questions essentielles devront être abordées et débattues ensemble.
Parmi elles, nous pouvons en citer deux qui ont un lien direct avec notre réunion de ce matin.
Il y a tout d'abord la réflexion à mener sur l'évolution des règles de revalorisation du SMIC pour que celles-ci garantissent aux salariés dont les rémunérations sont les plus basses de participer à la croissance qui est aussi le fruit de leur travail. C'est bien l'ambition originelle du SMIC que de faire participer tous les salariés « au développement économique de la Nation ». Les règles de revalorisation – qui n'ont pas évolué depuis 40 ans – pourront être réexaminées à l'aune de cette ambition. Il y a surtout la question de la prise en compte rapide du SMIC dans les négociations salariales, en premier lieu dans les branches. C'est là un enjeu majeur.
Avec le SMIC tel que revalorisé au 1er juillet, 3 branches sur 4 parmi les branches de plus de 5000 salariés du secteur général auront un premier coefficient en-dessous du SMIC. Ce sont ainsi plus de 100 branches dont le minimum est rattrapé par le SMIC. 26 étaient déjà dans cette situation avant la revalorisation. Des négociations vont donc devoir s'ouvrir rapidement dans ces branches. Je sais que des efforts ont été accomplis pour accélérer les calendriers de négociation mais il faut aller plus loin.
Nous devrons examiner ensemble les moyens pour les accompagner, les inciter et mesurer les résultats. Là où des blocages surgissent, tous les leviers dont nous disposons devront être mobilisés.
Au-delà de la question de la prise en compte du SMIC, c'est toute la question de la progressivité des grilles salariales qui est posée : comment garantir aux salariés, qu'en fonction de leur qualification et de leur expérience, il bénéficie d'une progressivité salariale réelle ? Comment faire pour qu'un salarié ne puisse connaitre 10 années au SMIC, sans perspective de progression salariale ?
La question est complexe, elle interroge au-delà du bas de l'échelle des salaires, l'ensemble du système de classification professionnelle et de construction des grilles salariales.
Nous devrons donc être en capacité de poser un diagnostic clair sur cette question du tassement de grilles salariales. Il en va d'une question de justice pour les salari??s mais également d'attractivité pour les branches concernées. Comment, en effet, valoriser les compétences et encourager l'investissement individuel et collectif dans le travail en l'absence de perspective de progression salariale ?
Bien évidemment, ces deux questions n'épuisent pas les thématiques que nous aurons à développer à la Grande conférence. Nous avons souhaité que la Grande conférence permette d'ouvrir le plus grand nombre de sujet.
C'est tout l'intérêt de la méthode qui, comme l'ont souligné le Président de la République et le Premier ministre constitue une première étape et non un aboutissement. Nous avons à construire ensemble un agenda partagé, utile au redressement du pays.
Je vous propose maintenant que nous procédions au tour de la table afin de recueillir, comme il est d'usage, vos positions sur la revalorisation du SMIC proposée. Monsieur FOURIER, pour la CGT, je vous cède donc la parole.Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 27 juin 2012