Interview de M. Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire, à "Canal Plus" le 11 juin 2012, sur les résultats électoraux du premier tour des élections législatives marquées par une forte abstention.

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Média : Canal Plus

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CAROLINE ROUX Alors avant vous, nous avons reçu Bruno le MAIRE qui nous disait : le PS doit être déçu ce matin ; on entendait hier François FILLON dire : il n’y a pas d’appétence pour le projet socialiste ; RAFFARIN qui disait : il n’y a pas eu d’appétit de gauche. Alors ce matin, est-ce que le score du Parti socialiste vous satisfait ?

BENOIT HAMON Evidemment, je préfère être dans ma situation que dans la leur. S’ils retiennent de ce scrutin qu’il n’y a pas d’appétit de gauche, en tout cas davantage d’appétit de gauche que d’appétit de droite manifestement, et c’est qu’ils n’ont pas beaucoup entendu ce qui a été exprimé par nos concitoyens. Il y a d’abord effectivement une abstention qui est une abstention forte, c’est un phénomène récurrent de la vie politique française à l’exception des élections présidentielles…

CAROLINE ROUX Ça ne traduit pas un manque d’enthousiasme…

BENOIT HAMON Qui traduit un scepticisme à l’égard de l’action politique en général, et qui doit interroger toutes les formations démocratiques sur le fait que beaucoup de Français pensent que l’action politique ne changera rien à leur vie.

CAROLINE ROUX Il y avait eu un enthousiasme après l’élection de Nicolas SARKOZY en 2007, il n’est pas là après l’élection de François HOLLANDE…

BENOIT HAMON Si vous voulez bien…

CAROLINE ROUX Vous en tirez une leçon ou pas du tout ?

BENOIT HAMON Si vous le voulez bien, on attendra le résultat de l’élection présidentielle qui donne…

CAROLINE ROUX Il faut la participation…

BENOIT HAMON Election législative. Oui mais en tout cas ce que moi j’observe, c’est que nous avons aujourd’hui un score qui nous met en situation d’avoir la majorité absolue, c’est le plus important. Et il est clair que beaucoup de Français, après le quinquennat de Nicolas SARKOZY qui avait fait du volontarisme politique (on va dire) la loi d’airain de son action, sont très déçus sur les conséquences du volontarisme politique qui a davantage facilité, amélioré la vie de ceux qui allaient déjà bien que la vie de ceux qui n’allaient pas bien. C’est pour ça qu’on a un bon premier résultat qu’il faut confirmer. L’objectif, je le répète, c’est dimanche 17 juin de donner les moyens à François HOLLANDE de faire la politique pour laquelle il a été élu.

CAROLINE ROUX Quelle majorité, donner les moyens, donner une majorité naturellement mais quelle majorité, est-ce qu’il est important que ce soit une majorité 100 % PS ?

BENOIT HAMON La plus large possible… Comment voulez-vous qu’on mesure ça ? C’est impossible…

CAROLINE ROUX Certains l’ont dit très clairement ici même sur ce plateau, c’est ce qu’ils souhaitaient.

BENOIT HAMON Si on a une majorité absolue c’est très bien, si… moi ce que je souhaite, c’est qu’on dispose de la majorité la plus large à gauche, pour nous permettre de faire une politique qui garantisse que nous gouvernions la France avec le maximum de formations politiques tendues vers cet objectif d’améliorer la vie des Français. Il faut faire…

CAROLINE ROUX Mais ce ne serait pas un problème de composer avec les Verts, de composer avec le Front de Gauche ?

BENOIT HAMON Nous avons déjà un accord électoral avec eux, nous travaillons avec le Front de Gauche dans une multitude de régions, départements, collectivités locales, ça se passe bien. Et qu’est-ce que nous voulons ? Que sur le logement, sur les créations d’emplois dans le secteur marchand ou non marchand, sur les questions de pouvoir d’achat.

CAROLINE ROUX Sur le nucléaire, sur le Smic, c’est compliqué.

BENOIT HAMON Evidemment, sinon on serait tous dans le même parti. Et donc le but, c’est évidemment qu’on puisse avoir tout le monde qui travaille à la réussite de cette politique de gauche. Le plus nombreux nous serons, plus unis nous serons plus nous avons de chances par ailleurs de résister et de convaincre celles et ceux qui… les agences de notation, les marchés financiers, une grande partie des dirigeants conservateurs européens veulent surtout faire une chose, détricoter le mandat pour lequel a été élu François HOLLANDE. Alors le mandat de François HOLLANDE, c’est le progrès social, la croissance économique, le retour à l’équilibre des comptes mais aussi le progrès social.

CAROLINE ROUX Ça veut dire que ce ne sera pas un handicap, je choisis le mot, handicap pour François HOLLANDE de composer avec Europe Ecologie Les Verts ou avec le Front de Gauche, pour la politique qu’il souhaite mener par rapport au programme sur lequel il s’est fait élire à la présidentielle ?

BENOIT HAMON Ce n’est pas un handicap d’avoir à discuter, débattre, la collégialité c’est une des règles de fonctionnement de ce gouvernement. Et moi, j’en atteste comme membre du gouvernement que nous discutons des sujets qui sont des sujets importants qui concernent la vie des Français, indépendamment de nos départements ministériels respectifs. François HOLLANDE a insisté sur la nécessité de valoriser les contrepouvoirs, de donner un rôle au Parlement qui a été bien méprisé pendant 5 ans. Voilà, c’est une illustration de cette volonté-là.

CAROLINE ROUX Jean-Luc MELENCHON ne sera pas au Parlement, ne sera pas à l’Assemblée nationale, il a été battu, il arrive derrière le candidat socialiste, il a retiré sa candidature, c’est Marine le PEN qui est en tête dans cette circonscription. Comment est-ce que vous expliquez l’échec de Jean-Luc MELENCHON ?

BENOIT HAMON D’abord il faut toujours saluer les gens qui prennent des risques pour défendre leurs convictions, voilà, il en a pris. Ensuite, il y a à se rassembler derrière Monsieur KEMEL et que la gauche l’emporte et qu’elle garde cette circonscription au Parti socialiste, c’est ça la priorité.

MAÏTENA BIRABEN 23,5.

BENOIT HAMON C’est qu’aujourd’hui dans cette circonscription, ce soit un socialiste qui à nouveau représente les habitants de ce territoire, instruit par l’expérience y compris de nos propres erreurs. Moi j’appelle tous les électeurs de Jean-Luc MELENCHON à réaliser ce rassemblement de la gauche derrière Monsieur KEMEL.

CAROLINE ROUX Et est-ce que vous appelez les électeurs d’Olivier FALORNI – qui se maintient à Ségolène ROYAL – à soutenir la candidature de Ségolène ROYAL, puisque c’est un duel gauche/gauche dans la première circonscription de Charente-Maritime ?

BENOIT HAMON Olivier FALORNI le sait, il y a une règle à gauche que nous avons toujours respectée, c’est que le candidat arrivé en tête à gauche – même quand il y a une compétition entre deux candidats de gauche – ce candidat reçoit le soutien de tous les autres candidats. Et même quand le deuxième tour est un deuxième tour gauche/gauche, la tradition est que celui qui arrive en seconde position se désiste en faveur du premier. Et je souhaite…

CAROLINE ROUX Pour l’instant, il a dit qu’il ne le ferait pas.

BENOIT HAMON Mais j’ai bien entendu qu’il l’a dit mais moi, je souhaite que, dans cette circonscription comme ailleurs, on puisse se rassembler derrière celle qui est arrivée en tête, Ségolène ROYAL.

CAROLINE ROUX C’est parce qu’il faut sauver la candidate ROYAL, c’est important pour le perchoir ou c’est au-delà de ça ?

BENOIT HAMON Il s’agit de sauver personne, il s’agit d’avoir des règles, des principes et que ces principes s’appliquent à tous et qu’il n’y ait pas d’exception. Il y en a toujours mais moi je ne souhaite pas que cette circonscription soit une exception.

CAROLINE ROUX Je voudrais vous faire réagir à une phrase qu’on a entendue dans le journal de 7 h 30, elle est signée Gérard LONGUET, ancien ministre de la Défense, qui dit à propos des le PEN : le père n’est pas la fille et le temps a passé. Est-ce que vous avez des inquiétudes vis-à-vis de l’attitude de l’UMP entre ces deux tours...

BENOIT HAMON J’ai vu les explications embarrassées de Bruno le MAIRE. D’abord, il ne fait pas de différence entre le Front National et moi par exemple, il n’y a pas de différence entre François HOLLANDE et Marine le PEN, ni ni. Ce n’est pas notre choix à nous, nous considérons qu’à chaque fois qu’il y a un candidat républicain clairement engagé dans ces combats-là, il faut le soutenir. Mais c’est… vous savez, c’est assez frappant de voir un dirigeant de l’UMP – je l’ai croisé tout à l’heure – qui ne fait pas de différence en effet entre moi et Marine le PEN…

CAROLINE ROUX Parce qu’il vous reproche de faire alliance avec le Parti de gauche, en disant que vous faites bien alliance avec la gauche radicale d’une certaine manière…

BENOIT HAMON Parti de gauche historiquement inscrit dans les combats démocratiques de ce pays et depuis très, très longtemps, comme le Parti communiste, mais c’est en France. En tout cas, j’observe cela et je le regrette, j’entends que Nadine MORANO n’a pas de problème de valeur avec le Front National.

CAROLINE ROUX Elle appelle les électeurs du Front National.

BENOIT HAMON C’est pour dire qu’ils ignorent une réalité. Le Front National veut abattre l’UMP, pas s’allier à lui, il veut abattre l’UMP. Ecoutez ! Si Nadine MORANO est à ce point aveugle sur la stratégie Front National et Gérard LONGUET aussi…

CAROLINE ROUX Vous donnez des conseils en stratégie à Nadine MORANO, on va la garder celle-là…

BENOIT HAMON Non mais je trouve ça… non mais je ne lui donne pas de conseil parce que Nadine MORANO continue son aventure personnelle, elle est dans l’excès dans beaucoup de choses et je crains que cela se poursuive encore longtemps. Moi je regrette… en tout cas j’appelle tous les électeurs de sa circonscription à avoir un député qui soit un député authentiquement républicain, et inscrits dans les combats qui sont ceux du président de la République : croissance économique, justice sociale.

MAÏTENA BIRABEN En l’occurrence, il s‘appelle Dominique POTIER et il est au deuxième tour avec 39,2 % des voix face à Nadine MORANO qui en a 34,3.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 28 juin 2012