Interview de M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, à Europe 1 le 8 juin 2012, sur les rythmes scolaires, notamment le raccourcissement des grandes vacances, la baisse des effectifs des enseignants et le redoublement des élèves.

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Média : Europe 1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT Vincent PEILLON, ça a encore un sens ces grandes vacances qui durent deux mois, on vient d'en parler à l'instant d'un point de vue touristique ?
 
VINCENT PEILLON Elles sont longues en France et nos élèves n'ont pas assez de jours de classe et donc vous me le demandiez tout à l'heure, oui on ne prendra pas de vacances, nous, cet été, parce que le président de la République nous a demandé pour refonder l'école de la République, cette mobilisation de tous les Français autour de leur école. C'est l'appel du président de la République, c'est indispensable de travailler tout l'été sur des sujets multiples et intéressants, si on veut la réussite de tous, dont bien entendu cette question du temps scolaire, pourquoi cette exception française, si peu de jours travaillés et des journées si chargées ?
 
BRUCE TOUSSAINT Votre prédécesseur, Luc CHATEL, avait lancé une grande concertation sur la question du rythme scolaire et il y avait ce fameux tabou des vacances scolaires parce que je crois que ça a toujours existé ces vacances aussi longues, au fond ce serait une révolution. Une des propositions, c'était de raccourcir les vacances scolaires d'été à six semaines, est-ce que c'est quelque chose qui vous parait être au moins une piste ?
 
VINCENT PEILLON D'abord ça n'a pas toujours existé, et il faut que ceux qui nous écoutent sachent qu'en réalité nos enfants, pour moi nos élèves, ont beaucoup moins de jours de classe que nous n'en avions. Vous êtes jeune, Bruce TOUSSAINT, mais ma génération déjà, travaillait le samedi et pas seulement le samedi matin, le samedi après-midi. Il n'y avait pas non plus des vacances aussi longues, vous savez qu'aujourd'hui nous nous approchons du baccalauréat, un certain nombre de collégiens ou de lycéens qui sont dans des centres d'examens, vont se retrouver le 10 juin, le 15 juin livrés à eux-mêmes. Lorsque les familles ont tous les moyens de leur offrir un certain nombre d'activités, qu'elles soient sportives ou culturelles, tout va bien, quand ça n'est pas le cas, ça fait des jeunes qui ne sont pas pris en charge par la collectivité et pour apprendre il faut du temps. Il faut du temps pour enseigner pour les professeurs, il faut du temps pour apprendre pour nos enfants et donc nous avons besoin de revoir les choses, c'est ce que nous ferons cet été.
 
BRUCE TOUSSAINT Non mais pour être vraiment précis, cette question des grandes vacances, qui ne concerne pas seulement l'école, qui concerne aussi l'entreprise pour les parents, qui concerne le secteur du tourisme, elle va être sur le tapis cette question des grandes vacances ?
 
VINCENT PEILLON Il n'y a pas de tabou, la mission que m'a confié le président de la République, c'est l'intérêt général, l'intérêt des élèves. Aujourd'hui en France la grande question, c'est la réussite de tous nos enfants et donc il faut poser toutes les questions. Cette question est posée, vous vous dites, et vous voulez avoir déjà un élément de réponse, en tout cas vous en mettez un au débat.
 
BRUCE TOUSSAINT Non, j'aimerai avoir votre avis peut-être tout simplement, un avis personnel avant la concertation.
 
VINCENT PEILLON Il est difficile dans mon cas d'avoir trop d'avis personnels d'autant plus que je dois mener, mais en tout cas vous voyez que la ligne est clairement fixée. 144 jours de classe pour les enfants du primaire français, c'est une exception et ça leur coûte cher et ça nous coûte cher ?
 
BRUCE TOUSSAINT Vincent PEILLON, c'est presque un cadeau empoisonné d'être nommé ministre à quelques jours ou quelques semaines des élections législatives, parce que du coup, on ne peut pas dire grand-chose, il faut faire gaffe.
 
VINCENT PEILLON Jamais on a dit autant de choses sur l'école que nous le faisons depuis plusieurs mois, jamais on a autant agi pour l'école, jour après jour comme nous le faisons, hier encore avec le président de la République. Et nous allons le continuer simplement il y a une nouveauté, nous voulons que tous les Français se réunissent autour de leur école. Bien sûr les professeurs qui ont été tellement attaqués, vous avez vu hier encore, on apprenait qu'il y avait eu encore plus de suppressions de postes par monsieur CHATEL que ce qui était annoncé, pas 16 000, 17 000.
 
BRUCE TOUSSAINT 16 811 précisément.
 
VINCENT PEILLON Invraisemblable, et les économies d'argent qui soit disant devaient être distribuées à ce corps de personnes dévouées, eh bien ne l'ont pas été, donc des attaques sans précédent. Mais aussi les parents d'élèves et l'ensemble de la nation car quand même il faut s'unir et se rassembler sur une cause qui nous unit tous, c'est notre jeunesse, ça veut dire c'est la France de demain.
 
BRUCE TOUSSAINT Vincent PEILLON, on est le 8 juin, c'est la saison des conseils de classes.
 
VINCENT PEILLON La saison comme vous le dites.
 
BRUCE TOUSSAINT Oui, enfin c'est le moment des conseils de classes.
 
VINCENT PEILLON Ca bat son plein.
 
BRUCE TOUSSAINT C'est un parent d'élève qui vous parle, vous savez. C'est important parce que la question du redoublement arrive sur le tapis à nouveau, c'est la Une du Parisien Aujourd'hui en France ce matin, il y a deux pages consacrées dans ce dossier, faut-il supprimer le redoublement ? Hier François HOLLANDE a dit, il faut limiter le redoublement, qu'est-ce que ça veut dire ça, limiter le redoublement ?
 
VINCENT PEILLON Ca veut dire d'abord et je le dis pour les journalistes, faites attention vous avez un rôle considérable. Faut-il supprimer blanc, noir, cette question n'a pas de sens. Ce qu'on apprend à l'école, c'est que pour avoir des bonnes réponses, il faut déjà bien poser les questions. Par contre la réponse du président de la République, elle a du sens, nous sommes le pays qui fait le plus redoubler et en même temps nous sommes celui où aujourd'hui vous avez bien vu, il y a un décrochage considérable. Ca veut dire immédiatement que le redoublement n'est pas facteur de progrès et donc il faut bien entendu non pas arrêter le redoublement, le supprimer, ça n'aurait aucun sens, mais il faut peut- être faire attention à mieux l'utiliser. Vous savez les sociologues disent concernant nos enfants français, je vous rappelle qui sont ceux qui souffrent le plus avec les petits Japonais, on ne peut pas en être fier collectivement. Il y a le plus de stresse, de souffrance et même de suicide en France, il n'est pas interdit d'apprendre et d'être heureux, et même pour être motivé à apprendre, il faut avoir un peu de plaisir, l'école ne peut pas être un lieu de souffrance, elle doit être un lieu aussi où l'effort s'appuie sur l'envie de réussir et la satisfaction.
 
BRUCE TOUSSAINT Vincent PEILLON, limiter le redoublement ça pourrait par exemple être l'idée, retenir l'idée de supprimer le redoublement aux primaires par exemple, c'est une façon de limiter. Est-ce que ça, ça a un sens pour vous ?
 
VINCENT PEILLON Non, d'abord vous savez, on ne respecte pas la loi, aucun de nous n'en a l'air gêné.
 
BRUCE TOUSSAINT C'est-à-dire ?
 
VINCENT PEILLON C'est que la loi, en réalité notre école devrait être organisée par cycle, c'est les cycles qui sont dans la loi, donc ce ne sont pas des classes. Quand votre enfant va en grande section, il est dans un cycle, il est grande section, CP, CE1. A l'intérieur de ces cycles, comme dans beaucoup d'autres pays européens qui réussissent mieux, l'enfant ne devrait pas redoubler, mais il devrait progresser à un rythme différencié, c'est pour cela qu'on a fait des cycles. C'est une des fonctions qui va être la mienne, c'est de faire aussi qu'on respecte la loi et les avancées pédagogiques possibles.
 
BRUCE TOUSSAINT Le bac, là aussi ça commence dans quelques jours, la fameuse saison du bac. Comment faire pour éviter un scandale comme ces dernières années, des fuites sur le web, etc ? Vous avez mis en place par exemple une cellule de veille, des moyens de prévention ?
 
VINCENT PEILLON Elle a été mise en place par mon prédécesseur, elle est, je crois, on va la tester cette année, de bonne…
 
BRUCE TOUSSAINT Il n'y aura pas de fuite cette année ?
 
VINCENT PEILLON On ne peut jamais le dire, mais en fait tout est fait pour l'éviter et il y a des cellules de veille qui sont organisées du niveau académique au niveau national qui devraient être efficaces.
 
BRUCE TOUSSAINT Vivement le deuxième tour des législatives.
 
VINCENT PEILLON D'abord oui il faut donner au président une majorité…
 
BRUCE TOUSSAINT La situation politique sera plus simple aussi et pour vous ce sera plus confortable de travailler, on peut le dire.
 
VINCENT PEILLON Surtout on pourra agir monsieur TOUSSAINT, car vous savez que sans parlement on ne peut pas faire de loi et que par exemple pour l'école nous voulons une grande loi de refondation de l'école et donc il faut donner une majorité au président de la République.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 juin 2012