Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte parole du gouvernement, à France 2 le 11 juin 2012, sur les résultats du premier tour des lélections législatives 2012.

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Média : France 2

Texte intégral

ROLAND SICARD La gauche est arrivée en tête au premier tour, et pourtant personne ne parle de vague rose. Est-ce que vous pensiez faire mieux ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM Ecoutez, d’abord, c'est un résultat encourageant, c'est le moins que l’on puisse dire, qui vient conforter le résultat du 6 mai dernier, et qui est une bonne nouvelle, parce que nous l’avions dit, à gauche, pour pouvoir mener à bien le changement auquel s’est engagé François HOLLANDE, il lui faut une majorité solide, cohérente, large, à l’Assemblée nationale. Les jeux ne sont pas encore faits, ce n'est que le premier tour, mais l’essai du 6 mai, semble en voie d’être transformé, et nous en sommes évidemment heureux. Alors, est-ce qu’il y a eu vague rose...
 
ROLAND SICARD Mais pourquoi, vous-même, vous ne dites pas, vous dites : « Il n’y a pas de vague rose » ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM En tout cas, je constate qu’il y a eu une marée basse bleue, ça c'est sûr, pour le reste, moi j’estime, vous savez, de la même façon qu’il n’y a pas d’état de grâce post-élection présidentielle, parce que les Français sont dans une période de perplexité liée à la crise, d’inquiétude et veulent surtout des faits et des actes, eh bien de la même façon, ils ont été cohérents, ils ont été logiques par rapport à eux-mêmes, ils ont mis en conformité leur vote des législatives, par rapport au vote des présidentielles. Voilà, c'est le constat aujourd'hui, encore une fois cela doit être confirmé dimanche prochain, donc les choses ne sont pas encore faites.
 
 
ROLAND SICARD Vous parliez de majorité cohérente, une majorité cohérente ça veut dire une majorité absolue pour le Parti socialiste ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM Ça veut dire une majorité de gauche, qu’elle soit absolue pour le Parti socialiste ou avec ses partenaires.
 
ROLAND SICARD Mais, est-ce que vous préférez une majorité pour le PS, ou pas, clairement ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM Mais c'est aux électeurs d’en décider. Moi, j’estime que ce n’est pas à nous d’émettre une préférence. Nous, nous nous trouverons les moyens de gouverner, que ce soit avec une majorité absolue socialiste ou alors avec nos partenaires, ce sont aussi nos partenaires, Europe Ecologie Les Verts, le MRC, peut-être, qui sait, le Front de gauche qui nous rejoindra, sur la base de notre projet, bien entendu, mais l’important, si vous voulez, c'est quoi ? C’est que la France puisse porter haut et fort, une voix, qui soit une voix unique, dans ses discussions avec ses partenaires européens. Et pour se faire, il faut que le président de la République puisse avoir, à l’Assemblée nationale, une majorité qui l’accompagne, qui le soutienne, qui soit sur la même ligne. Voilà ce que nous recherchons, et je crois que les Français ont fait preuve d’un certain bon sens hier soir, j’espère qu’il sera confirmé, encore une fois, dimanche prochain, mais aujourd'hui, dans cette période de crise, il faut pouvoir parler d’une voix forte et d’une voix unique.
 
ROLAND SICARD Justement, en période de crise, est-ce qu’il ne faut pas, carrément, une Union nationale ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM En période de crise, il faut...
 
ROLAND SICARD Est-ce qu’on peut imaginer un gouvernement où il y aurait aussi des ministres UMP ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM Je pense qu’en période de crise, il faut une réponse politique cohérente, donc, aujourd'hui, François HOLLANDE, avec ses 60 engagements pris pendant sa campagne présidentielle, dont il a commencé à tenir déjà la plupart, très vite, dès qu’il a pris ses fonctions, François HOLLANDE présente un programme politique qui est cohérent, qui est le programme politique d’une gauche, d’une gauche réformatrice, d’une gauche sûre d’elle-même, d’une gauche qui considère que pour pouvoir relancer la croissance dans ce pays, il faut à la fois réindustrialiser la France, il faut soutenir le pouvoir d’achat, il faut redresser le pays dans la justice. Ça n’était pas exactement la voie qu’avait empruntée le gouvernement sortant, et qui a été sanctionné par les urnes, et donc, par souci de clarté, je crois qu’il faut une alternative et puis une alternance claire. Voilà, nous l’avons eue le 6 mai dernier, pour ce qui est du président de la République, ayons-là si possible, dimanche prochain, pour ce qui est de l’Assemblée nationale.
 
ROLAND SICARD L’autre leçon, c'est ma très forte abstention. Comment vous l’expliquez ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM Il y a beaucoup de raisons. Vous savez, ça fait des années qu’on déplore l’abstention, qui ne fait que croitre, en effet. Alors, il y a des raisons, j’allais dire, institutionnelles, c'est-à-dire que, un mois après l’élection présidentielle, peut-être qu’il y a une forme de fatigue démocratique, peut-être aussi que cette année 2012 a été très riche en termes de rendez-vous démocratiques, avec une élection présidentielle qui a commencé avec la campagne des primaires et qui a duré longtemps, mais en même temps c’était le prix à payer pour opérer une alternance dans de bonnes conditions. Il va falloir réfléchir, d’ailleurs François HOLLANDE lui-même a déclaré vouloir le faire, en consultant aussi les autres partis, peut-être à l’automne prochain, un certain nombre d’évolutions institutionnelles à apporter à l’élection présidentielle et à l’élection législative. Réfléchir et en même temps, et surtout je crois que c'est l’essentiel, renouer le lien de confiance avec les électeurs, parce que s’ils ne vont pas voter, c'est aussi parce qu’ils sortent d’un quinquennat, celui de Nicolas SARKOZY, où tous les engagements qui avaient été pris, n’ont pas été tenus, ou ils ont été déçus, ils se sont sentis trahis, et donc aujourd'hui je crois que les Français ont besoin simplement de revoir du volontarisme politique, de revoir des engagements tenus, et l’un des critères de réussite de notre quinquennat en 2017, ça sera de voir si nous avons réussi à faire baisser l’abstention ou pas.
 
ROLAND SICARD Est-ce que vous appelez à un Front républicain contre le Front national ?
 
NAJAT VALLAUD-BELKACEM Bien sûr. Bien sûr et au Parti socialiste, nous nous sommes déjà engagés à un désistement républicain, là où il s’imposait. Parce que moi, au fond, plus encore que le score du Front national, c'est la progression des idées du Front national qui me préoccupe, qui m’inquiète, ça fait longtemps que je tire la sonnette d’alarme. J’avais commis, avec Guillaume BACHELAY, d’ailleurs, un ouvrage sur ce sujet, je pense que le Front national, aujourd'hui, il faut l’attaquer sur le plan des idées, il faut au fond arrêter la diabolisation qui me parait assez vaine et assez gratuite. En revanche, il faut avoir conscience du fait qu’en France, de plus en plus d’électeurs ont un vote d’adhésion à l’égard du Front national, et donc, pour pouvoir le contrer et le contenir, il faut évidemment un front républicain. Mais si nous appelons à un désistement en faveur d’un élu de droite, il faut qu’il comprenne aussi que c'est un signe de confiance que nous lui faisons, pour nous aider à contenir les idées du Front national, et qu’il ne trahisse pas ce signe de confiance.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 28 juin 2012