Extraits d'un entretien de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires européennes, avec Europe 1 le 2 juillet 2012, sur les relations franco-allemandes et la crise de la Zone euro.

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Média : Europe 1

Texte intégral

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Q - L’euro a gagné un répit avec l’accord de Bruxelles, un compromis qui satisfait à peu près tout le monde. Diriez-vous que c’est une première victoire pour François Hollande ? Diriez-vous que M. Hollande a gagné le match 1-0 contre Mme Merkel ?
R - C’est l’Europe qui a gagné. Nous voulions une relation avec l’Allemagne qui soit équilibrée, qui ne soit pas exclusive de la relation que nous pouvons avoir avec les autres pays de l’Union européenne. Nous avons réussi ce rééquilibrage dans une relation avec l’Allemagne qui s’est finalement confortée, parce qu’on ne construit de bons compromis qu’à travers l’expression claire des buts à atteindre.
Nous avions des éléments de convergence très forts avec l’Allemagne : sur la nécessité de rétablir les comptes publics ; sur la nécessité aussi de rétablir la croissance par l’approfondissement du marché intérieur. Nous avions des discussions sur les modalités de relance de la croissance. Fallait-il recapitaliser la Banque européenne d’investissement ? Fallait-il mobiliser cinquante milliards d’euros de fonds structurels pour des grands projets d’investissement qui feront la croissance de demain ? Fallait-il créer des conditions, à travers la recapitalisation de la BEI, de l’engagement de 180 milliards d’euros d’investissements privés ? Sur ces sujets, il y a eu des discussions. Et puis il y a eu, surtout, une discussion très importante - et qui a progressé - sur l’union monétaire. Nous voulons de la croissance et il faut de la stabilité sur les marchés et de la stabilité bancaire…
Q - Bernard Cazeneuve, je rappelle que vous êtes ministre délégué aux Affaires européennes. Comment se porte le couple franco-allemand ?
R - Que s’est-il passé en réalité au cours des quatre dernières semaines ? Nous sommes venus avec une volonté de réorientation de l’Europe, encore une fois, sur le chemin de la croissance. Nous refusions une logique condamnant l’Europe à l’austérité à perte de vue. Cette réorientation s’est faite à travers la multiplication des contacts, non seulement avec les Allemands - Pierre Moscovici a rencontré à plusieurs reprises M. Schäuble ; Laurent Fabius a rencontré M. Westerwelle ; moi-même, mon homologue allemand M. Link ; le président de la République a multiplié les contacts avec Mme Merkel - mais aussi dans l’affirmation de nos positions. Allemands et Français, nous avons réussi à bâtir un compromis extrêmement solide.
Ce compromis solide, c’est quoi ? C’est l’intégration solidaire, c’est-à-dire que tout progrès supplémentaire dans la voie de la solidarité monétaire financière et bancaire fait progresser l’intégration de nos dispositifs de pilotage politique…
Q - Cela ne va pas si mal, c’est ce que vous nous dites ce matin…
R - Je dirais même que cela va mieux que ce n’était, puisque la relation est rééquilibrée et qu’elle n’exclue pas la relation avec les autres pays de l’Union…
Q - François Fillon dit qu’il faut une relation fusionnelle entre la France et l’Allemagne. Est-ce que vous utiliseriez ce mot ?
R - Le terme est tout à fait impropre, nous ne sommes pas dans un langage et dans des affaires qui relèvent de l’affectivité. Nous voulons une relation équilibrée et efficace, de bonnes relations européennes. C’est d’ailleurs systématiquement dans ce cadre que le couple franco-allemand a pu jouer son rôle de moteur de l’Europe. Ce sont des relations dans lesquelles les choses sont équilibrées et permettent, parce que le moteur franco-allemand est équilibré et fort, de maintenir dans le mouvement de la construction européenne l’ensemble des autres pays de l’Union. Ce rééquilibrage a eu lieu dans une relation franche, directe, confiante entre la France et l’Allemagne, entre François Hollande et Angela Merkel.
Q - Pas de fusion, pas de Merkhollande, pardon de reposer la question sur ce néologisme ?
R - La fusion n’est pas le terme approprié. Ce qui compte, c’est la coopération, la franchise dans les relations, et un moteur franco-allemand équilibré et qui joue son rôle.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juillet 2012