Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires étrangères, sur l'Année franco-allemande, à Paris le 5 juillet 2012.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec mme Adeline Hazan, maire de Reims, et M. Jacques Godfrain, Président de la Fondation Charles de Gaulle, à l'occasion du lancement de l'Année franco-allemande, à Paris le 5 juillet 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,
Madame le Maire,
Je voudrais vous remercier toutes et tous pour votre présence à cette conférence de presse. Je vous remercie d’avoir un peu patienté mais il était important que cette conférence de presse débutât en présence de l’ensemble de ceux qui vont contribuer à l’animer.
Je voudrais me réjouir de la présence de Mme le maire de Reims, Adeline Hazan, à laquelle nous devons beaucoup pour ce qui concerne la manifestation qui se déroulera samedi à Reims.
Elle en assure une grande partie de la maîtrise d’ouvrage de l’organisation. Elle a été extrêmement présente à nos côtés pour faire en sorte que cette manifestation qui ouvrira l’Année franco-allemande soit à la hauteur de ce que la coopération franco-allemande porte de réalisations et d’espérance pour l’avenir. Je me réjouis qu’elle ait accepté de venir jusqu’à nous, ici au quai d’Orsay pour le lancement de cette Année franco-allemande.
Je voudrais également remercier très chaleureusement le président de la Fondation Charles de Gaulle avec lequel j’ai déjà eu l’occasion de m’entretenir, d’évoquer ce qu’ont été les 50 dernières années, le rôle très important joué par le général de Gaulle il y a de cela 50 ans, alors que nous étions encore très près de la fin de la Seconde guerre mondiale, pour que la relation franco-allemande soit projetée dans l’avenir avec une ambition de réconciliation et une ambition européenne qui a contribué à faire du moteur franco-allemand, l’axe de structuration de l’Europe et de ses ambitions pour les 50 dernières années.
Je remercie également le secrétaire général de la Fondation de Gaulle pour sa présence.
L’objectif de notre rencontre d’aujourd’hui est de faire le point sur l’Année franco-allemande qui s’ouvrira dimanche prochain à Reims.
Le 8 juillet, le président de la République et la chancelière allemande Angela Merkel seront présents dans la ville qu’administre Adeline Hazan pour célébrer le discours, le passage du chancelier Adenauer et de Charles de Gaulle, il y a de cela 50 ans dans cette ville. Ils étaient venus consacrer le début de la réconciliation franco-allemande, l’ambition que portait cette réconciliation dans une ville qui avait été très durement touchée par la première guerre mondiale.
C’est donc une dimension symbolique forte dans cette visite et nous la retrouverons à travers des festivités simples, sobres mais extrêmement denses et profondes que nous vivrons ensemble dimanche prochain à Reims.
D’autres éléments viendront jalonner cette Année franco-allemande, je profiterai de cette conférence de presse pour les évoquer.
Tout d’abord, la rencontre du 22 septembre prochain qui sera la manière de célébrer l’adresse du général de Gaulle à la jeunesse allemande. Il s’agit là aussi d’une rencontre méticuleusement préparée par l’Allemagne qui nous recevra et la France. Ce sera un moment extrêmement important qui préfigurera un autre événement qui viendra clôturer l’Année en juillet prochain et dont je dirai un mot tout à l’heure.
Il y aura le 22 janvier prochain à Berlin la cérémonie à proprement parler de commémoration avec de la signature du Traité de l’Élysée. Nous sommes en discussion pour la préparation de cet événement. Il s’agira d’un moment qui aura une dimension politique très importante qui devrait permettre non seulement la rencontre entre le président de la République et la chancelière, mais une rencontre avec un certain nombre de membres des deux gouvernements. Il y aura une rencontre possible entre les parlements ainsi que des manifestations à caractère plus culturel, plus symbolique qui donneront à la fois la dimension d’émotion et qui matérialiseront la profondeur de la relation entre nos deux pays.
Et puis, il y aura, en juillet 2013, et ce sera la quatrième et dernière étape parmi les grands événements qui jalonneront cette étape, une manifestation autour de l’Office franco-allemand de la jeunesse qui est une structure qui a fait énormément à la fois pour l’apprentissage de la langue, la rencontre entre les cultures, entre les jeunes et les échanges interuniversitaires. C’est une structure à laquelle nous voulons donner de nouvelles perspectives et la rencontre de juillet 2013 sera l’occasion pour nous de dire ce que nous voulons ensemble pour l’OFAJ, au regard de ce qu’elle a déjà pu faire au cours des 50 dernières années.
Par delà ces quatre grands événements, il y aura un ensemble d’événements organisés par les collectivités territoriales françaises qui sont, pour un très grand nombre d’entre elles, jumelées avec des collectivités territoriales allemandes, qui conduisent des actions communes autour de la culture, du sport, parfois de la recherche, de l’innovation et des échanges universitaire. Les deux gouvernements ont décidé d’accompagner, autant que faire se peut, au moins en les mettant en valeur, parfois en les accompagnant financièrement, ces manifestations qui seront organisées par les collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous avons engagé un processus interministériel qui vise à faire en sorte que l’ensemble des ministères français puissent être associés à la célébration de cette Année franco-allemande chacun dans leur compétence et qu’il y ait, autant que faire se pourra, une présence ministérielle aux événements organisés soit par les gouvernements, soit par les collectivités territoriales de manière à faire en sorte que les territoires soient pleinement associés à cette Année franco-allemande.
Nous avons la même ambition avec la société civile, le secteur associatif qui est extrêmement présent et dynamique sur les enjeux de la relation franco-allemande. Le processus interministériel dans lequel nous sommes engagé a également vocation, comme l’a souhaité le président de la République, de faire en sorte qu’autour des enjeux de la jeunesse et de la culture, nous puissions, à l’instar de ce qu’ont fait il y a 50 ans le général de Gaulle et le chancelier Adenauer, projeter la relation franco-allemande autour de nombreux thèmes d’intérêts communs dans les années qui viennent.
Je veux conclure cette intervention avant de laisser la parole en vous disant que la relation franco-allemande est pour la France extrêmement précieuse. Le souhait du président de la République, qui l’a exprimé à plusieurs reprises depuis sa prise de fonction, est de contribuer à l’approfondissement de cette relation. Il n’y a pas de possibilité d’aller plus loin dans le renforcement de l’Union européenne dans le renforcement et des mécanismes de solidarité qui existent entre les nations et de l’union politique qui permet par son approfondissement de renforcer l’Union européenne dans ses atouts si les Français et les Allemands, ensemble, ne jouent pas leur rôle de moteur de la construction européenne.
Pour cela, il faut que la relation franco-allemande soit équilibrée, c’est-à-dire que nous puissions nous dire les choses aussi sincèrement que nous avons pu nous les dire, notamment à l’occasion de la préparation du Sommet qui s’est déroulé la semaine dernière, car les bons compromis sont toujours des compromis qui se bâtissent, lorsque l’on souhaite les inscrire dans la durée, dans l’expression claire de ce que nous avons à nous dire les uns et les autres. Par ailleurs, cette relation, qui doit être fondée sur la franchise pour aboutir à de bons compromis et qui doit être une relation équilibrée, n’est pas une relation exclusive de la relation que nous pouvons entretenir avec les autres pays de l’Union européenne. De ce point de vue-là, la séquence qui vient de s’achever montre également à quel point nous avons réussi en même temps que l’approfondissement de la relation, dans le confortement de la relation franco-allemande à ouvrir cette relation à d’autres pays partenaires et importants de manière à essayer d’avancer positivement dans la voie du renforcement de l’union politique et des solutions de sortie de crise et, par conséquent, donc de la solidarité.
Q - En marge de ces cérémonies, François Hollande et Angela Merkel auront-ils des entretiens bilatéraux ? On dit que certains sujets comme le renforcement des pouvoirs de l’Eurogroupe seraient évoqués ? Plus globalement, au cours de cette année de célébration, resterons-nous dans le registre de la célébration ou peut-on s’attendre à ce que cela débouche sur des initiatives politiques ?
R - Le président et la chancelière se parlent continûment. La situation dans laquelle se trouve l’Union européenne conduit l’ensemble de ceux qui exercent en son sein une responsabilité à se parler toujours, parce qu’il y a, à chaque instant, des sujets qui nous sollicitent et qui impliquent des échanges et des initiatives.
Est-il prévu des entretiens sur les sujets qui nous ont mobilisés au cours des dernières semaines et qui nous mobiliseront dans les prochains mois, dans l’agenda que j’ai sous les yeux ? Je ne vois pas ce moment inscrit. Ce n’est pas pour cela qu’il n’y aura pas d’échange. En marge d’une cérémonie officielle, il n’est jamais interdit d’avoir des discussions informelles. Mais ce n’est pas l’objet de la cérémonie de dimanche.
Le moment de dimanche est un moment de commémoration d’un événement qui fut à l’origine de la relation du couple franco-allemand, qui a projeté cette relation pour les 50 années qui viennent de s’écouler et qui a fait de cette relation une relation extrêmement prometteuse pour la France et l’Allemagne et pour l’Europe dans son ensemble. Je pense que cette part d’émotion, de promesse, cette dimension d’actes fondateurs et tout ce que cela implique en termes d’approfondissement pour les années qui viennent seront très présents, je l’imagine, dans l’esprit du président de la République et de la chancelière ainsi que de tous ceux qui participeront à ces cérémonies.
Quant à la suite, l’année qui s’ouvre est une année de commémoration. C’est aussi une année de réflexion sur ce que doit être la relation franco-allemande dans les 50 années qui viennent et c’est la raison pour laquelle le président de la République avait d’ailleurs souhaité que l’on réfléchisse à quelques sujets qui pouvaient être mis sur le métier. Il avait évoqué, pendant la campagne présidentielle, la jeunesse et la culture.
Nous avons, par ailleurs, décidé avec mon homologue, Michael Link, de relancer dans le cadre de la coopération franco-allemande, au titre des travaux et du secrétariat général pour la Coopération franco-allemande, des travaux en commun sur mille sujets.
Nous avons décidé de réunir une fois tous les six mois, nos cabinets et nos administrations en séminaire sous notre présidence et d’avoir un travail de réflexion sur ce que peut être la relation franco-allemande dans les années qui viennent afin de présenter des propositions à la chancelière et au président de la République.
Q - Il y a quelques années, M. Lellouche avait présenté une série de propositions pour « réenchanter » les relations franco-allemandes. Y a-t-il un suivi de toutes ces propositions ? Certaines se sont-elles concrétisées ?
R - On ne reprend jamais tout à zéro, il faut toujours respecter le travail fait par ceux qui vous ont précédé. Nous avons défini une méthode de travail avec M. Link qui paraît être la bonne, pour tenir compte de tout ce qui s’est passé, et utiliser tout ce qui s’est passé à des fins de préparation de l’avenir. Nous avons d’abord demandé à nos administrations de faire, non seulement pour le cinquantième anniversaire mais pour tous les autres sujets qui pourraient se décliner dans ce cadre, l’inventaire des manifestations, des dossiers préparés, des suggestions faites.
Nous nous sommes déjà vus deux fois en réunion bilatérale avec nos cabinets et nos administrations et nous avons prévu de nous revoir dans le courant de l’été pour préparer la suite.
Sur la base de ce qui a déjà été fait, nous verrons ce qui peut être approfondi et ce qui peut être inventé. Si nous voulons projeter la relation franco-allemande dans les cinquante prochaines années, il faut que nous puissions apporter un contenu précis, comme ce qu’avait évoqué le président de la République, tenir compte de ce que souhaite la chancelière et regarder quel peut être l’agenda commun d’une relation approfondie. Il y a la jeunesse, la culture, l’université, il peut y avoir la recherche. Sur la transition énergétique, nous avons des sujets qui peuvent nous rassembler.
Nous sommes en train de réfléchir, dans un cadre interministériel à la définition de cet agenda et notre objectif est d’essayer de faire en sorte qu’il y ait autant d’ambition portée par ces commémorations qu’il y en a eu 50 ans auparavant au moment où la réconciliation a été portée sur les fonts baptismaux de manière à ce que nous ayons un agenda de travail qui conforte, approfondisse, solidifie la relation franco-allemande à laquelle, encore une fois nous tenons.
Ce qui a été fait par nos prédécesseurs sera bien entendu préempté par nous comme un élément de réflexion car il n’y a aucune raison de ne pas tenir compte de ce qui a été fait de bon avant nous, comme il n’y a pas non plus de raison de garder ce qui était insatisfaisant.
Q - À titre personnel, ce 8 juillet 1962 évoque des choses dans vos familles respectives ?
R - Je ne veux pas vous inventer un souvenir que je ne peux pas avoir puisque je n’étais pas né. Et d’ailleurs, si je le faisais, vous tous en feriez une chronique. S’inventer des histoires n’est jamais bon lorsque l’on a des responsabilités comme les miennes.
Je suis né un an après, mon premier souvenir date de 1965, c’est une conférence de presse du général de Gaulle en télévision noir et blanc avec un verbe, une puissance des mots, une solennité dans la forme et un charisme qui m’a beaucoup marqué alors que j’étais enfant. Mon éveil à la chose politique, c’est l’ORTF, la télévision en noir et blanc et les propos du général de Gaulle.
Le général de Gaulle a été, sur la réconciliation extraordinairement courageux et visionnaire. Pour quelqu’un qui avait eu son parcours, cette légitimité historique qui l’a conduit, à certain moment de l’Histoire, à prendre des responsabilités, être capable de rompre et d’affronter la solitude, il l’a fait non pas face aux Allemands mais face à leur régime. Parvenir à porter la réconciliation quelques années seulement après la fin de la guerre, il fallait toute la force du général de Gaulle pour le faire.
Cela suscite chez le jeune ministre des Affaires européennes que je suis beaucoup de respect.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2012