Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-turques, à Paris le 5 juillet 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Point de presse conjoint avec M. Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires étrangères de la République de Turquie, à Paris le 5 juillet 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je vous remercie d’être là, nombreux. Je veux vous dire d’abord le plaisir que j’ai à accueillir au Quai d’Orsay mon ami Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires étrangères de Turquie, un grand pays avec lequel la France entretient une tradition d’amitié. Une tradition d’amitié à laquelle nous voulons donner une nouvelle étape puisque c’est dans ce cadre que mon ami vient ici. C’est une nouvelle étape de la relation entre la Turquie et la France.
Dans la période récente, il y a eu plusieurs contacts très positifs entre les plus hauts dirigeants turcs et français. Le président de la République française a rencontré, au mois de mai, le président Gül à Chicago et, au mois de juin, le Premier ministre Erdogan à Rio. J’étais à chaque fois à ses côtés et j’ai pu témoigner de l’excellente qualité de ces contacts. Nous avons eu avec Ahmet Davutoglu, une série de rencontres, notamment le 6 juin dernier à Istanbul, lors d’une réunion sur la Syrie.
Durant les quelques dizaines de minutes que nous avons passé ensemble, nous avons passé en revue les grands dossiers du moment, les grandes priorités régionales et internationales. Nous avons parlé de nos relations bilatérales.
Bien sûr, la priorité du moment, c’est la situation en Syrie. La France et la Turquie ont des positions extrêmement proches et nos échanges nous permettent de préparer au mieux la réunion du Groupe des amis du peuple syrien qui se tiendra demain avec une centaine d’États. Je rappelle que cette réunion avait été précédée par une réunion à Tunis et une autre à Istanbul. Nous sommes sur des positions qui permettent là aussi d’affirmer l’amitié entre la Turquie et la France.
Dans un contexte régional instable, la Turquie qui est notre allié et notre ami, est un pôle de stabilité et un acteur majeur. C’est pourquoi nos échanges sur l’ensemble des dossiers d’actualité sont importants. Nous avons examiné la situation en Afghanistan, le processus de paix au Moyen-Orient. Nous avons aussi fait un tour d’horizon sur la situation internationale. Bien sûr, nous avons parlé de l’Union européenne et la France est déterminée, et c’est je crois ce que souhaite la Turquie, à examiner avec une totale bonne foi la perspective des relations entre la Turquie et l’Union européenne.
Nous avons aussi fait un tour d’horizon des relations franco-turques. Le dialogue politique, qui s’était beaucoup limité au dossier syrien, va reprendre et s’étendre à tous les domaines. Un certain nombre de visites vont avoir lieu, y compris au plus haut niveau. Nous sommes très attentifs aux domaines du commerce extérieur et culturel.
Nous avons la chance de bénéficier en France d’une importante communauté turque qui constitue un trait d’union entre nos deux pays. Et puisque je ne voudrais pas être trop long, je voudrais dire que sur les dossiers qui ont pu opposer la Turquie et la France ces derniers temps, nous sommes, pour notre part, déterminés à les aborder avec une totale bonne foi en cherchant à trouver les solutions qui permettront vraiment d’ouvrir une nouvelle période, sur tous les plans, dans les relations entre la Turquie et la France.

Q - Vous avez dit que vous avez ouvert un nouveau chapitre. Quelles sont les mesures concrètes par rapport à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ? La France est-elle prête à débloquer les cinq chapitres qui ont été mis en œuvre par M. Sarkozy ? Quelles seront les procédures si vous êtes prêts ?
R - Cette question est tout à fait pertinente. La Turquie est un partenaire extrêmement important pour l’Union européenne comme pour la France. Son rôle dans les crises régionales est tout à fait capital. Il est donc normal que cette question soit posée. J’ai indiqué au ministre des Affaires étrangères turc que, comme nous le faisons dans différents domaines, le nouveau gouvernement français est en train d’examiner un certain nombre de dossiers qui sont hérités des précédents responsables et que l’essentiel - et c’est ce que souhaitent nos amis turcs -, c’est de poursuivre les discussions de bonne foi en tenant compte des engagements passés. Nous souhaitons dépasser les difficultés des dernières années.
Sur la question que vous posez, nous sommes d’accord, le ministre des Affaires étrangères turc et moi-même. À la fin, les choses relèveront de la décision des peuples.
Par ailleurs, nous soutenons la mise en œuvre par la Commission européenne de ce que l’on appelle l’agenda positif UE-Turquie, qui a été entériné en décembre dernier et qui permettra, nous le souhaitons, de progresser ensemble. C’est dans cet esprit positif et de bonne foi que nous allons aborder l’ensemble des questions qui ont trait aux relations entre l’Europe et la Turquie.

Q - Sauf erreur de ma part, le dossier que vous avez évoqué sur les relations bilatérales avait trait à la loi sur la négation du génocide arménien. J’aurais voulu savoir si le gouvernement français aujourd’hui s’est engagé clairement à ce qu’un tel projet de loi ne revienne pas ?
R - Les questions de Mémoire sont des questions très délicates pour les responsables politiques. La France, en particulier, est très bien placée pour le savoir.
Sur cette question, vous savez que le Conseil constitutionnel, qui est l’organe juridictionnel suprême en France, a décidé que la proposition de loi qui avait été présentée par une parlementaire était contraire à notre Constitution : c’est ce qui a été décidé. Donc, il n’est pas possible de reprendre le même chemin, sinon le résultat sera évidemment le même.
Ce que nous souhaitons, c’est la réconciliation entre l’Arménie et la Turquie et nous soutiendrons évidemment tout effort qui est fait en ce sens. Nous souhaitons aussi - nous en discutions avec Ahmet -, un développement du débat historique, qu’il s’agisse de la Turquie ou de la France, pour apaiser les tensions. Nous voulons que cet élément qui a été vécu - on le comprend - avec beaucoup de difficultés, à la fois en Turquie et en France, puisse être dépassé. Et, là encore, de bonne foi - c’est le mot et la méthode dont nous sommes convenus -, nous voulons aborder dans cet esprit la nouvelle période qui s’ouvre pour la Turquie et pour la France.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2012