Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
2013 constituera pour le pays une année charnière en matière économique et financière. Lenjeu, pour le Gouvernement, pour cette Assemblée, sera de créer les conditions du changement. Je veux vous présenter, aujourdhui, les grandes lignes de notre stratégie pour réussir cette étape.
Créer les conditions de réussite du changement demande de concilier de réconcilier, peut-être dans un même agenda nos leviers français et européen, notre politique de redressement des comptes et de relance de la croissance, dans un contexte économique très fragilisé. La tâche est difficile, nous ne la sous-estimons pas. Nous avons pris la mesure du défi, et nous voulons le relever, avec laide de cette Assemblée.
Vous connaissez les contraintes qui bordent cet exercice, et que le rapport de la Cour des Comptes a détaillées la semaine dernière. Je ne tiens pas à entrer, ici, dans un long exposé sur les responsabilités dans cette situation : vous en débattrez. Tenons-nous en aux faits. Notre croissance est atone, et le chômage touche aujourdhui 10% de la population active. Nos entreprises ninvestissent pas et perdent des parts de marché à létranger. Nous héritons dun stock de dette conséquent, augmenté de 600 milliards deuros au cours du dernier quinquennat, et le déficit public sélève encore à plus de 100 milliards deuros en 2011. Les instruments fiscaux ont été employés avec peu de discernement, ils nont pas permis damortir limpact dune crise brutale sur les plus démunis. Cest à ce triple déficit - déficit de croissance et demplois, déficit de crédibilité budgétaire, déficit de confiance, enfin, que nous devons remédier.
Redresser les comptes publics nest pas une fin en soi, ce nest pas un nouvel avatar de la « pensée unique ». Cest une voie indispensable pour conserver notre souveraineté, pour conserver la maîtrise de nos politiques publiques, en un mot cest une condition de réussite du changement. Autrement dit, si nous affichons clairement nos objectifs pour la trajectoire des finances publiques, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, cest parce que le désendettement permet de rétablir une capacité à agir sur le plan des politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre pour laction politique.
Vous connaissez nos objectifs en matière de déficit 4,5% du PIB en 2012, 3% en 2013, léquilibre en fin de mandat, en 2017. Nous les assumons, pour respecter nos engagements européens, pour restaurer la confiance, pour rester souverains, aussi, face à des marchés financiers qui guettent les moindres signes de vacillement de notre part, mais surtout pour faire de notre budget un instrument au service de la croissance, et de notre modèle social. Le Premier ministre a rappelé la semaine dernière, dans cet hémicycle, que le service de la dette 50 milliards deuros par an constituait notre premier poste budgétaire. Tous, ici, nous pouvons nous retrouver sur cette évidence : la maitrise des déficits publics et de la dette nest pas incompatible avec une politique réformiste, elle en est constitutive.
Je veux, devant vous, tenir un discours de vérité : la marche que nous aurons à franchir lan prochain est haute, nous ne lavons jamais caché. Nous devrons pour la franchir opérer des choix structurels qui ont fait défaut jusquà présent. Mais je veux aussi vous dire ceci : autour dune même cible de déficit, différents chemins peuvent être empruntés. Lobjectif est ambitieux ; nous latteindrons, mais nous latteindrons en suivant notre propre chemin, cest-à-dire en répartissant les efforts au plus juste, et en dégageant des capacités financières pour nos priorités. Cest ce que le Président de la République, François Hollande, a appelé « le redressement dans la justice ».
Les efforts seront donc équitablement répartis, en 2013 et au-delà, tout au long de notre mandat :
Justement répartis et séquencés dans le temps, selon un calendrier clairement annoncé. Leffort immédiat portera davantage sur les recettes : à partir de 2014, le taux de prélèvement obligatoire sera globalement stable, la hausse des impôts étant concentrée sur 2012 et 2013. La maîtrise des dépenses se déploiera, elle, sur la totalité du quinquennat. Ces arbitrages se justifient au regard de la rigidité de la dépense à court terme et des prévisions de recettes surévaluées par lancien Gouvernement. Ils permettront de préserver la demande publique à court terme, alors que la croissance est vacillante, tout en maîtrisant son évolution dans la durée. Ils donneront également à lensemble des acteurs économiques et des citoyens la visibilité nécessaire au plan fiscal pour investir, consommer et exporter.
Justement répartis entre recettes et dépenses. En effet, nous ne voulons ni dessécher ladministration, ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises. Cette politique là a un nom, laustérité, ce fut celle de nos prédécesseurs : nous nous refusons à la suivre. Leffort entre recettes et dépenses sera ainsi équilibré 50% / 50% sur la période 2012-2017. Le Gouvernement ne procèdera pas à un ajustement par le seul levier de la fiscalité contrairement à ce que certains ont feint de comprendre - mais entend bien maîtriser la dépense publique, en prenant appui sur des normes strictes.
Justement répartis au sein du secteur public lui-même :
Les dépenses de lEtat hors dette et pensions seront stabilisées en valeur, sur la base dun projet de refondation et de modernisation de laction publique qui opposera, aux coupes aveugles de la RGPP, des réformes éclairées, partagées par tous, et tout particulièrement les agents publics, sans qui la réforme ne saurait être menée.
Nous lancerons également une procédure dévaluation des investissements publics, facteurs clés de croissance et de productivité, pour sassurer du rendement de linvestissement productif, sans grever les finances.
Au-delà de lEtat, toutes les administrations participeront à leffort de redressement, dans le respect de nos priorités en matière demploi, déducation, de justice et de sécurité. Les administrations de sécurité sociale connaîtront une hausse maîtrisée de leurs dépenses : la progression de lONDAM sera ainsi en particulier limitée à 2,7% à partir de 2014. Les concours aux collectivités territoriales seront stabilisés en valeur, et un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre lEtat et les collectivités territoriales pour revoir leurs relations financières de manière globale, et associer les collectivités au retour de la crédibilité budgétaire.
Justement répartis, enfin, entre les entreprises, et entre les ménages. Nous nous tournerons, au sein de ces catégories, vers ceux qui disposent des marges les plus conséquentes : les ménages les plus aisés, qui bénéficient dune capacité dépargne plus élevée, et les grandes entreprises, soumises à des taux dimposition effectifs plus faibles.
Lefficacité économique rejoindra ainsi lexigence politique et sociale.
La loi de finances rectificative actuellement en cours dexamen au parlement constitue la première étape de cette politique de redressement des comptes qui préserve léquité. Nous amplifierons à lautomne ce double mouvement mouvement de consolidation de notre crédibilité budgétaire, et mouvement de juste recomposition fiscale avec la loi de finances pour 2013.
Mais créer les conditions de réussite du changement, ce nest pas seulement redresser les comptes publics, cest aussi redresser lappareil productif du pays pour favoriser le retour de la croissance et de lemploi.
Notre économie souffre aujourdhui dune demande peu dynamique. Celle-ci est fragilisée par laffaissement conjoncturel de nos partenaires, contraints à des politiques daustérité en labsence de solution globale et concertée à la crise des dettes souveraines. Elle souffre, aussi, dune triple faiblesse : faiblesse de linvestissement des entreprises, faiblesse de la consommation de ménages au pouvoir dachat en berne, et faiblesse de la demande publique. La crise qui nexplique pas tout a aussi révélé les failles structurelles de notre tissu dentreprises, des PME en particulier. Depuis cinq ans, la dégradation de notre balance commerciale, qui a atteint un déficit historique lan dernier, est le corollaire du recul de leurs parts de marché à létranger. Dun excédent commercial de 3,5 milliards deuro en 2002, nous avons ainsi peu à peu dérivé vers un déficit de plus de 70 milliards en 2011. Il faut appréhender le problème de cette perte de compétitivité de façon globale, prendre en compte les difficultés daccès au financement, la progression des coûts de production, mais aussi lenvironnement fiscal et ses effets sur linvestissement, linnovation et la recherche. Cest ce à quoi nous nous attèlerons à la rentrée.
Le retour de la croissance passera par une relance du projet européen jy reviendrai, cest essentiel et par un soutien déterminé au pouvoir dachat des ménages et à linvestissement :
En matière de pouvoir dachat, le Gouvernement a dores et déjà adopté plusieurs mesures pour soutenir les ménages : coup de pouce au SMIC, hausse de lallocation de rentrée scolaire, contrats aidés supplémentaires, abrogation de laugmentation de la TVA dans le projet de loi de finances rectificative Nous en proposerons dautres au cours des prochains mois, que je me contenterai de mentionner brièvement ici pour mémoire: il reviendra au ministre compétent den fixer les contours, après concertation et en temps voulu, selon la méthode présentée la semaine dernière par le Premier Ministre. Ces mesures auront pour finalité de mieux encadrer lévolution des dépenses contraintes des ménages ces dépenses inévitables parce quindispensables et en premier lieu le logement et la santé, qui pèsent de plus en plus lourdement dans les budgets individuels.
Il sagira aussi dencourager linvestissement des entreprises, condition du redressement de lappareil productif et de la relance de la croissance. Nous mobiliserons ici deux leviers la fiscalité et la finance pour servir un même objectif : réformer le financement de léconomie réelle, cest-à-dire rétablir des canaux dirrigation entre dune part, des capacités de financement considérables mais souvent inexploitées, et dautre part, un tissu de petites et moyennes entreprises (PME), de PME industrielles et dentreprises de taille intermédiaire qui peinent à trouver les moyens de se développer. La création dune Banque Publique dInvestissement, la réforme du système bancaire, de lépargne règlementée et de la fiscalité de lépargne, en constituent les axes principaux. En parallèle, nous favoriserons linvestissement des entreprises, avec une évolution de limpôt sur les sociétés et du crédit impôt recherche, et nous proposerons plusieurs initiatives pour soutenir le commerce extérieur. Je conduirai ce chantier de réforme du financement de léconomie, dont cette Assemblée sera bien sûr saisie.
Permettez-moi à présent de vous parler de lEurope, un peu plus longuement, peut-être, que ne le veut traditionnellement cet exercice. Pas simplement parce que cest mon petit tropisme, mais aussi parce que je tiens à expliquer très clairement, devant vous, comment nous construisons un continuum entre notre agenda réformiste national et notre agenda européen, comment ils se nourrissent et se renforcent mutuellement. Jai une conviction politique, une conviction personnelle aussi, extrêmement forte, que je sais partagée par le Gouvernement, et que je souhaite soutenue par cette Assemblée : nous devons traverser les séquences européennes et les séquences économiques et financières nationales en les mettant ensemble, simultanément, au service du changement. Les conditions de sa réussite se jouent à ce double niveau.
Je ne veux pas céder à la facilité dopposer la scène nationale et larène de lUnion, nos objectifs de croissance et nos engagements budgétaires européens. Cest une paresse intellectuelle, une faute politique, et une aberration économique. Je ne dis pas que léquation se résout delle-même ; je dis quil est de notre devoir, de notre responsabilité, de réussir à articuler ces politiques, ces niveaux et ces leviers. Il faut lutter contre la propension naturelle des gouvernements à dissocier et à cloisonner, car cest se mettre en situation déchec. Chercher, au contraire, les chaînons fédérateurs qui lient ensemble ces composantes : voilà notre tâche, voilà ce à quoi se sont employés le Président de la République et le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault ces dernières semaines.
Quavons-nous accompli, lors de cette séquence européenne incroyablement accélérée, et quelles connections avons-nous établies avec notre agenda national ? Laissez-moi vous faire part de ma vision. Nous avons adopté une approche financière qui privilégie le sérieux, et la sincérité, sur le temps long nous en discutons aujourdhui, nous y reviendrons à lautomne. Cest parce que nous sommes sérieux et crédibles sur le plan budgétaire, parce que nous tenons les engagements du projet présidentiel, parce que nous respecterons nos engagements européens, tout en traçant notre chemin propre, que nous réussissons à nous faire entendre de nos partenaires européens. Cest-à-dire à forger un consensus, avec nos voisins, autour dun rééquilibrage des politiques européennes en faveur de la croissance, comme nous lavons fait au Conseil européen de juin. Et ce recentrage des politiques européennes vient en retour démultiplier les effets des politiques nationales de relance de la croissance que jévoquais il y a quelques instants.
Nous voulons réorienter la construction européenne, et des progrès majeurs ont été accomplis dans ce sens avec ladoption du pacte de croissance lors du Sommet des 28 et 29 juin. Nous voulons réorienter les politiques je le disais à linstant pour amplifier leffet de notre agenda réformiste, mais aussi pour créer les conditions dadhésion démocratique au cadrage européen des finances publiques au sein duquel nous nous insérons. Ce cadrage, qui sincarne dans les recommandations qui nous sont adressées par la Commission, na pas pour unique vocation dêtre contraignant ; il peut aussi être structurant, dès lors quil ne constitue pas lunique horizon de la construction communautaire. Cest la condition de son acceptation par les peuples européens, par la représentation nationale, aussi. Nous solliciterons bientôt votre soutien au traité de stabilité, de croissance et de gouvernance, parce que nous pensons que les conditions de confiance politiques et dadhésion démocratique à ce texte sont remplies, alors quune étape décisive pour la réorientation de la construction communautaire a été franchie. Cest pourquoi nous vous invitons à apporter votre soutien à lintégration solidaire que nous appelons de nos voeux, et à laquelle nous travaillons.
Je veux prendre à présent le temps de répondre, ici, aux interrogations que certains ont formulées, par exemple en Commission des finances la semaine dernière, lorsque Jérôme Cahuzac et moi-même sommes allés à votre rencontre. Devons-nous nous préparer au retour de laustérité ? Proposez-vous une politique de rigueur ? Jentends ces questions. Je ne crois pas quil faille les balayer dun revers de main. Une inquiétude nest pas nécessairement fondée ; elle est toujours légitime.
Quest-ce que laustérité ? Une chape de plomb, qui écrase dans un même mouvement la consommation, lemploi et linvestissement. Quest-ce que la rigueur ? Dans son acception historique, cest un tournant après des promesses inconsidérées, bref cest le renoncement, le reniement qui précèdent le rejet. La stratégie que nous avons élaborée pour créer les conditions du changement économique et financier, et dont jai présenté à linstant les grands axes, nest ni lune, ni lautre. Je ne veux pas me contenter, devant vous, de laffirmer, mais dire pourquoi.
Laustérité a un horizon politique unique : la stricte orthodoxie financière, pour moyen et pour fin. Ce nest pas ce que nous proposons. Nous devrons faire un pas budgétaire conséquent lan prochain, cest exact. Mais cela népuise pas notre programme, et cest la raison pour laquelle je récuse le terme daustérité. Dabord, parce que le redressement des comptes auquel nous travaillons saccompagnera de politiques de relance de la croissance. Je les ai brièvement mentionnées aujourdhui, je le redis : notre agenda nest pas unijambiste. Ensuite, parce que ce redressement nimposera pas un effort indiscriminé, mais ciblera au plus juste ceux que la crise a davantage épargnés. Tous les ménages, toutes les entreprises, nont pas une capacité de contribution égale. Laustérité ne tient pas compte de cette variable ; nous, si. Enfin, laustérité, dans sa déclinaison RGPP, purge et dessèche lEtat. Nous ne souhaitons rompre avec cette gestion purement comptable des effectifs. Nous choisissons, nous, le sentier plus étroit, plus exigeant, mais plus juste et plus intelligent aussi, dune réflexion sur la qualité du service, sur la modernisation et les priorités de la puissance publique.
Je naccepte pas, non plus, le terme de rigueur, dans son acception historique. Littéralement, il nest pas inacceptable : je préfère dans la gestion des finances publiques, être rigoureux plutôt quapproximatif, flou ou vague. Mais là encore, je ne veux pas me placer dans un registre purement déclaratoire, mais vous dire exactement pourquoi. Ce mot ne correspond pas à ce que nous vous proposons. Rien de ce que je vous ai présenté aujourdhui na du vous surprendre. Rien nest abdication, rien nest mensonge, rien nest revirement : tout trouve son origine dans le programme présidentiel. La trajectoire de finances publiques que nous visons. Nos arbitrages fiscaux. Les premières mesures que nous avons adoptées. En matière de politique économique et financière, être lisible et prévisible nest pas un défaut, cest une vertu. Nous la revendiquons.
Ni austérité, ni rigueur, donc, mais sérieux et cohérence, pour atteindre nos objectifs communs.
Un mot, enfin, pour clore ce débat, de lesprit qui nous anime ; plus quun esprit, une méthode. Nous voulons créer les conditions de réussite du changement en matière économique et financière. Trois principes guideront nos initiatives : sincérité, concertation, et pragmatisme :
La sincérité et je pense ici à la sincérité des comptes et de nos prévisions de croissance conditionne la remise en ordre des finances publiques. Trop souvent, les prévisions financières se fondent sur des hypothèses exagérément optimistes. Nous allons rompre avec cette pratique : la République exemplaire, cest aussi celle qui tient un discours de vérité. Cest pourquoi nous nous basons, pour 2012 et 2013, sur le consensus des économistes en matière de croissance ; cest aussi la raison pour laquelle nous retiendrons, pour la période 2014-2017, le bas de la fourchette du taux de croissance attendu pour cette période (2%).
La concertation, ensuite, est lantidote aux initiatives sans lendemain, aux réformes jetables, aux lois mal conçues et donc mal appliquées. Elle nécessite que le redressement soit mis en oeuvre en associant les partenaires sociaux et les collectivités à notre politique économique, sans stigmatiser les dépenses sociales. Cest le sens de la grande conférence sociale qui sest déroulée hier, et continue aujourdhui. Le pragmatisme, enfin, implique de renoncer à la RGPP. Nous mettrons fin à lapproche mécanique du volume des effectifs de la fonction publique que le gouvernement précédent a privilégiée, pour déployer les moyens là où ils sont nécessaires, pour agir de façon concertée au sein de chaque ministère.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, les orientations que nous entendons suivre pour lannée 2013, et jusquen 2017. Nous entendons, bien sûr, y associer pleinement le parlement et nous attendons avec plaisir ce débat. Merci. Jai la conviction que notre démarche, dont la mise en oeuvre a commencé, est à la fois cohérente, sérieuse et ambitieuse. Cest pourquoi jespère quelle sera faire réfléchir lopposition et convaincre la majorité. Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 12 juillet 2012
Mesdames et Messieurs les Députés,
2013 constituera pour le pays une année charnière en matière économique et financière. Lenjeu, pour le Gouvernement, pour cette Assemblée, sera de créer les conditions du changement. Je veux vous présenter, aujourdhui, les grandes lignes de notre stratégie pour réussir cette étape.
Créer les conditions de réussite du changement demande de concilier de réconcilier, peut-être dans un même agenda nos leviers français et européen, notre politique de redressement des comptes et de relance de la croissance, dans un contexte économique très fragilisé. La tâche est difficile, nous ne la sous-estimons pas. Nous avons pris la mesure du défi, et nous voulons le relever, avec laide de cette Assemblée.
Vous connaissez les contraintes qui bordent cet exercice, et que le rapport de la Cour des Comptes a détaillées la semaine dernière. Je ne tiens pas à entrer, ici, dans un long exposé sur les responsabilités dans cette situation : vous en débattrez. Tenons-nous en aux faits. Notre croissance est atone, et le chômage touche aujourdhui 10% de la population active. Nos entreprises ninvestissent pas et perdent des parts de marché à létranger. Nous héritons dun stock de dette conséquent, augmenté de 600 milliards deuros au cours du dernier quinquennat, et le déficit public sélève encore à plus de 100 milliards deuros en 2011. Les instruments fiscaux ont été employés avec peu de discernement, ils nont pas permis damortir limpact dune crise brutale sur les plus démunis. Cest à ce triple déficit - déficit de croissance et demplois, déficit de crédibilité budgétaire, déficit de confiance, enfin, que nous devons remédier.
Redresser les comptes publics nest pas une fin en soi, ce nest pas un nouvel avatar de la « pensée unique ». Cest une voie indispensable pour conserver notre souveraineté, pour conserver la maîtrise de nos politiques publiques, en un mot cest une condition de réussite du changement. Autrement dit, si nous affichons clairement nos objectifs pour la trajectoire des finances publiques, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, cest parce que le désendettement permet de rétablir une capacité à agir sur le plan des politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre pour laction politique.
Vous connaissez nos objectifs en matière de déficit 4,5% du PIB en 2012, 3% en 2013, léquilibre en fin de mandat, en 2017. Nous les assumons, pour respecter nos engagements européens, pour restaurer la confiance, pour rester souverains, aussi, face à des marchés financiers qui guettent les moindres signes de vacillement de notre part, mais surtout pour faire de notre budget un instrument au service de la croissance, et de notre modèle social. Le Premier ministre a rappelé la semaine dernière, dans cet hémicycle, que le service de la dette 50 milliards deuros par an constituait notre premier poste budgétaire. Tous, ici, nous pouvons nous retrouver sur cette évidence : la maitrise des déficits publics et de la dette nest pas incompatible avec une politique réformiste, elle en est constitutive.
Je veux, devant vous, tenir un discours de vérité : la marche que nous aurons à franchir lan prochain est haute, nous ne lavons jamais caché. Nous devrons pour la franchir opérer des choix structurels qui ont fait défaut jusquà présent. Mais je veux aussi vous dire ceci : autour dune même cible de déficit, différents chemins peuvent être empruntés. Lobjectif est ambitieux ; nous latteindrons, mais nous latteindrons en suivant notre propre chemin, cest-à-dire en répartissant les efforts au plus juste, et en dégageant des capacités financières pour nos priorités. Cest ce que le Président de la République, François Hollande, a appelé « le redressement dans la justice ».
Les efforts seront donc équitablement répartis, en 2013 et au-delà, tout au long de notre mandat :
Justement répartis et séquencés dans le temps, selon un calendrier clairement annoncé. Leffort immédiat portera davantage sur les recettes : à partir de 2014, le taux de prélèvement obligatoire sera globalement stable, la hausse des impôts étant concentrée sur 2012 et 2013. La maîtrise des dépenses se déploiera, elle, sur la totalité du quinquennat. Ces arbitrages se justifient au regard de la rigidité de la dépense à court terme et des prévisions de recettes surévaluées par lancien Gouvernement. Ils permettront de préserver la demande publique à court terme, alors que la croissance est vacillante, tout en maîtrisant son évolution dans la durée. Ils donneront également à lensemble des acteurs économiques et des citoyens la visibilité nécessaire au plan fiscal pour investir, consommer et exporter.
Justement répartis entre recettes et dépenses. En effet, nous ne voulons ni dessécher ladministration, ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises. Cette politique là a un nom, laustérité, ce fut celle de nos prédécesseurs : nous nous refusons à la suivre. Leffort entre recettes et dépenses sera ainsi équilibré 50% / 50% sur la période 2012-2017. Le Gouvernement ne procèdera pas à un ajustement par le seul levier de la fiscalité contrairement à ce que certains ont feint de comprendre - mais entend bien maîtriser la dépense publique, en prenant appui sur des normes strictes.
Justement répartis au sein du secteur public lui-même :
Les dépenses de lEtat hors dette et pensions seront stabilisées en valeur, sur la base dun projet de refondation et de modernisation de laction publique qui opposera, aux coupes aveugles de la RGPP, des réformes éclairées, partagées par tous, et tout particulièrement les agents publics, sans qui la réforme ne saurait être menée.
Nous lancerons également une procédure dévaluation des investissements publics, facteurs clés de croissance et de productivité, pour sassurer du rendement de linvestissement productif, sans grever les finances.
Au-delà de lEtat, toutes les administrations participeront à leffort de redressement, dans le respect de nos priorités en matière demploi, déducation, de justice et de sécurité. Les administrations de sécurité sociale connaîtront une hausse maîtrisée de leurs dépenses : la progression de lONDAM sera ainsi en particulier limitée à 2,7% à partir de 2014. Les concours aux collectivités territoriales seront stabilisés en valeur, et un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre lEtat et les collectivités territoriales pour revoir leurs relations financières de manière globale, et associer les collectivités au retour de la crédibilité budgétaire.
Justement répartis, enfin, entre les entreprises, et entre les ménages. Nous nous tournerons, au sein de ces catégories, vers ceux qui disposent des marges les plus conséquentes : les ménages les plus aisés, qui bénéficient dune capacité dépargne plus élevée, et les grandes entreprises, soumises à des taux dimposition effectifs plus faibles.
Lefficacité économique rejoindra ainsi lexigence politique et sociale.
La loi de finances rectificative actuellement en cours dexamen au parlement constitue la première étape de cette politique de redressement des comptes qui préserve léquité. Nous amplifierons à lautomne ce double mouvement mouvement de consolidation de notre crédibilité budgétaire, et mouvement de juste recomposition fiscale avec la loi de finances pour 2013.
Mais créer les conditions de réussite du changement, ce nest pas seulement redresser les comptes publics, cest aussi redresser lappareil productif du pays pour favoriser le retour de la croissance et de lemploi.
Notre économie souffre aujourdhui dune demande peu dynamique. Celle-ci est fragilisée par laffaissement conjoncturel de nos partenaires, contraints à des politiques daustérité en labsence de solution globale et concertée à la crise des dettes souveraines. Elle souffre, aussi, dune triple faiblesse : faiblesse de linvestissement des entreprises, faiblesse de la consommation de ménages au pouvoir dachat en berne, et faiblesse de la demande publique. La crise qui nexplique pas tout a aussi révélé les failles structurelles de notre tissu dentreprises, des PME en particulier. Depuis cinq ans, la dégradation de notre balance commerciale, qui a atteint un déficit historique lan dernier, est le corollaire du recul de leurs parts de marché à létranger. Dun excédent commercial de 3,5 milliards deuro en 2002, nous avons ainsi peu à peu dérivé vers un déficit de plus de 70 milliards en 2011. Il faut appréhender le problème de cette perte de compétitivité de façon globale, prendre en compte les difficultés daccès au financement, la progression des coûts de production, mais aussi lenvironnement fiscal et ses effets sur linvestissement, linnovation et la recherche. Cest ce à quoi nous nous attèlerons à la rentrée.
Le retour de la croissance passera par une relance du projet européen jy reviendrai, cest essentiel et par un soutien déterminé au pouvoir dachat des ménages et à linvestissement :
En matière de pouvoir dachat, le Gouvernement a dores et déjà adopté plusieurs mesures pour soutenir les ménages : coup de pouce au SMIC, hausse de lallocation de rentrée scolaire, contrats aidés supplémentaires, abrogation de laugmentation de la TVA dans le projet de loi de finances rectificative Nous en proposerons dautres au cours des prochains mois, que je me contenterai de mentionner brièvement ici pour mémoire: il reviendra au ministre compétent den fixer les contours, après concertation et en temps voulu, selon la méthode présentée la semaine dernière par le Premier Ministre. Ces mesures auront pour finalité de mieux encadrer lévolution des dépenses contraintes des ménages ces dépenses inévitables parce quindispensables et en premier lieu le logement et la santé, qui pèsent de plus en plus lourdement dans les budgets individuels.
Il sagira aussi dencourager linvestissement des entreprises, condition du redressement de lappareil productif et de la relance de la croissance. Nous mobiliserons ici deux leviers la fiscalité et la finance pour servir un même objectif : réformer le financement de léconomie réelle, cest-à-dire rétablir des canaux dirrigation entre dune part, des capacités de financement considérables mais souvent inexploitées, et dautre part, un tissu de petites et moyennes entreprises (PME), de PME industrielles et dentreprises de taille intermédiaire qui peinent à trouver les moyens de se développer. La création dune Banque Publique dInvestissement, la réforme du système bancaire, de lépargne règlementée et de la fiscalité de lépargne, en constituent les axes principaux. En parallèle, nous favoriserons linvestissement des entreprises, avec une évolution de limpôt sur les sociétés et du crédit impôt recherche, et nous proposerons plusieurs initiatives pour soutenir le commerce extérieur. Je conduirai ce chantier de réforme du financement de léconomie, dont cette Assemblée sera bien sûr saisie.
Permettez-moi à présent de vous parler de lEurope, un peu plus longuement, peut-être, que ne le veut traditionnellement cet exercice. Pas simplement parce que cest mon petit tropisme, mais aussi parce que je tiens à expliquer très clairement, devant vous, comment nous construisons un continuum entre notre agenda réformiste national et notre agenda européen, comment ils se nourrissent et se renforcent mutuellement. Jai une conviction politique, une conviction personnelle aussi, extrêmement forte, que je sais partagée par le Gouvernement, et que je souhaite soutenue par cette Assemblée : nous devons traverser les séquences européennes et les séquences économiques et financières nationales en les mettant ensemble, simultanément, au service du changement. Les conditions de sa réussite se jouent à ce double niveau.
Je ne veux pas céder à la facilité dopposer la scène nationale et larène de lUnion, nos objectifs de croissance et nos engagements budgétaires européens. Cest une paresse intellectuelle, une faute politique, et une aberration économique. Je ne dis pas que léquation se résout delle-même ; je dis quil est de notre devoir, de notre responsabilité, de réussir à articuler ces politiques, ces niveaux et ces leviers. Il faut lutter contre la propension naturelle des gouvernements à dissocier et à cloisonner, car cest se mettre en situation déchec. Chercher, au contraire, les chaînons fédérateurs qui lient ensemble ces composantes : voilà notre tâche, voilà ce à quoi se sont employés le Président de la République et le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault ces dernières semaines.
Quavons-nous accompli, lors de cette séquence européenne incroyablement accélérée, et quelles connections avons-nous établies avec notre agenda national ? Laissez-moi vous faire part de ma vision. Nous avons adopté une approche financière qui privilégie le sérieux, et la sincérité, sur le temps long nous en discutons aujourdhui, nous y reviendrons à lautomne. Cest parce que nous sommes sérieux et crédibles sur le plan budgétaire, parce que nous tenons les engagements du projet présidentiel, parce que nous respecterons nos engagements européens, tout en traçant notre chemin propre, que nous réussissons à nous faire entendre de nos partenaires européens. Cest-à-dire à forger un consensus, avec nos voisins, autour dun rééquilibrage des politiques européennes en faveur de la croissance, comme nous lavons fait au Conseil européen de juin. Et ce recentrage des politiques européennes vient en retour démultiplier les effets des politiques nationales de relance de la croissance que jévoquais il y a quelques instants.
Nous voulons réorienter la construction européenne, et des progrès majeurs ont été accomplis dans ce sens avec ladoption du pacte de croissance lors du Sommet des 28 et 29 juin. Nous voulons réorienter les politiques je le disais à linstant pour amplifier leffet de notre agenda réformiste, mais aussi pour créer les conditions dadhésion démocratique au cadrage européen des finances publiques au sein duquel nous nous insérons. Ce cadrage, qui sincarne dans les recommandations qui nous sont adressées par la Commission, na pas pour unique vocation dêtre contraignant ; il peut aussi être structurant, dès lors quil ne constitue pas lunique horizon de la construction communautaire. Cest la condition de son acceptation par les peuples européens, par la représentation nationale, aussi. Nous solliciterons bientôt votre soutien au traité de stabilité, de croissance et de gouvernance, parce que nous pensons que les conditions de confiance politiques et dadhésion démocratique à ce texte sont remplies, alors quune étape décisive pour la réorientation de la construction communautaire a été franchie. Cest pourquoi nous vous invitons à apporter votre soutien à lintégration solidaire que nous appelons de nos voeux, et à laquelle nous travaillons.
Je veux prendre à présent le temps de répondre, ici, aux interrogations que certains ont formulées, par exemple en Commission des finances la semaine dernière, lorsque Jérôme Cahuzac et moi-même sommes allés à votre rencontre. Devons-nous nous préparer au retour de laustérité ? Proposez-vous une politique de rigueur ? Jentends ces questions. Je ne crois pas quil faille les balayer dun revers de main. Une inquiétude nest pas nécessairement fondée ; elle est toujours légitime.
Quest-ce que laustérité ? Une chape de plomb, qui écrase dans un même mouvement la consommation, lemploi et linvestissement. Quest-ce que la rigueur ? Dans son acception historique, cest un tournant après des promesses inconsidérées, bref cest le renoncement, le reniement qui précèdent le rejet. La stratégie que nous avons élaborée pour créer les conditions du changement économique et financier, et dont jai présenté à linstant les grands axes, nest ni lune, ni lautre. Je ne veux pas me contenter, devant vous, de laffirmer, mais dire pourquoi.
Laustérité a un horizon politique unique : la stricte orthodoxie financière, pour moyen et pour fin. Ce nest pas ce que nous proposons. Nous devrons faire un pas budgétaire conséquent lan prochain, cest exact. Mais cela népuise pas notre programme, et cest la raison pour laquelle je récuse le terme daustérité. Dabord, parce que le redressement des comptes auquel nous travaillons saccompagnera de politiques de relance de la croissance. Je les ai brièvement mentionnées aujourdhui, je le redis : notre agenda nest pas unijambiste. Ensuite, parce que ce redressement nimposera pas un effort indiscriminé, mais ciblera au plus juste ceux que la crise a davantage épargnés. Tous les ménages, toutes les entreprises, nont pas une capacité de contribution égale. Laustérité ne tient pas compte de cette variable ; nous, si. Enfin, laustérité, dans sa déclinaison RGPP, purge et dessèche lEtat. Nous ne souhaitons rompre avec cette gestion purement comptable des effectifs. Nous choisissons, nous, le sentier plus étroit, plus exigeant, mais plus juste et plus intelligent aussi, dune réflexion sur la qualité du service, sur la modernisation et les priorités de la puissance publique.
Je naccepte pas, non plus, le terme de rigueur, dans son acception historique. Littéralement, il nest pas inacceptable : je préfère dans la gestion des finances publiques, être rigoureux plutôt quapproximatif, flou ou vague. Mais là encore, je ne veux pas me placer dans un registre purement déclaratoire, mais vous dire exactement pourquoi. Ce mot ne correspond pas à ce que nous vous proposons. Rien de ce que je vous ai présenté aujourdhui na du vous surprendre. Rien nest abdication, rien nest mensonge, rien nest revirement : tout trouve son origine dans le programme présidentiel. La trajectoire de finances publiques que nous visons. Nos arbitrages fiscaux. Les premières mesures que nous avons adoptées. En matière de politique économique et financière, être lisible et prévisible nest pas un défaut, cest une vertu. Nous la revendiquons.
Ni austérité, ni rigueur, donc, mais sérieux et cohérence, pour atteindre nos objectifs communs.
Un mot, enfin, pour clore ce débat, de lesprit qui nous anime ; plus quun esprit, une méthode. Nous voulons créer les conditions de réussite du changement en matière économique et financière. Trois principes guideront nos initiatives : sincérité, concertation, et pragmatisme :
La sincérité et je pense ici à la sincérité des comptes et de nos prévisions de croissance conditionne la remise en ordre des finances publiques. Trop souvent, les prévisions financières se fondent sur des hypothèses exagérément optimistes. Nous allons rompre avec cette pratique : la République exemplaire, cest aussi celle qui tient un discours de vérité. Cest pourquoi nous nous basons, pour 2012 et 2013, sur le consensus des économistes en matière de croissance ; cest aussi la raison pour laquelle nous retiendrons, pour la période 2014-2017, le bas de la fourchette du taux de croissance attendu pour cette période (2%).
La concertation, ensuite, est lantidote aux initiatives sans lendemain, aux réformes jetables, aux lois mal conçues et donc mal appliquées. Elle nécessite que le redressement soit mis en oeuvre en associant les partenaires sociaux et les collectivités à notre politique économique, sans stigmatiser les dépenses sociales. Cest le sens de la grande conférence sociale qui sest déroulée hier, et continue aujourdhui. Le pragmatisme, enfin, implique de renoncer à la RGPP. Nous mettrons fin à lapproche mécanique du volume des effectifs de la fonction publique que le gouvernement précédent a privilégiée, pour déployer les moyens là où ils sont nécessaires, pour agir de façon concertée au sein de chaque ministère.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, les orientations que nous entendons suivre pour lannée 2013, et jusquen 2017. Nous entendons, bien sûr, y associer pleinement le parlement et nous attendons avec plaisir ce débat. Merci. Jai la conviction que notre démarche, dont la mise en oeuvre a commencé, est à la fois cohérente, sérieuse et ambitieuse. Cest pourquoi jespère quelle sera faire réfléchir lopposition et convaincre la majorité. Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 12 juillet 2012