Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, en réponse à une question sur la conférence sociale, au Sénat le 12 juillet 2012.

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Circonstance : Question posée au gouvernement par M. Hervé Maurey, sénateur (Union centriste et républicaine - UCR) de l'Eure (Haute-Normandie), au Sénat le 12 juillet 2012

Texte intégral

Monsieur le Président. Monsieur le Sénateur. Je vous trouve un peu excessif. Alors que j’avais cru, en vous écoutant l’autre jour, après la déclaration de politique général au Sénat, que vous étiez plus pragmatiques, plus attentifs au dialogue. Mais je m’aperçois que vous reprenez quasiment tous les arguments du président sortant. Je vous rappelle la façon dont était conçu le traitement des problèmes, il avait même envisagé un référendum pour décider de la formation des chômeurs, comme si c’était une réponse, une solution à un problème réel. Oui, nous avons décidé d’une autre méthode, de tourner la page du mépris des partenaires sociaux et, au contraire, de les réunir pour traiter les problèmes, trouver des solutions face aux grands défis qui se posent au pays. Vous le savez bien, nous avons l’actualité qui nous le rappelle.
Une actualité brutale, qui provoque des chocs, des salariés qui ont le sentiment souvent d’être des variables d’ajustement, à qui on ne demande jamais rien, qu’on n’associe pas en amont au suivi de la gestion des entreprises. Je pense en particulier à ce qui se passe à PSA, chez Peugeot, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, vient de l’évoquer il y a quelques instants. Vous trouvez normal que dans notre pays, qui a à faire face à des restructurations industrielles, qui a à faire face à la perte d’emplois industriels, je rappelle, 750 000 emplois perdus en dix ans dans l’industrie, ça, c’est la réalité, trouvez-vous normal que les représentants des salariés ne soient pas présents dans les conseils d’administration des entreprises, pour être informés en amont des stratégies des entrepreneurs qui, souvent, pour des raisons de court terme, pour des raisons financières, envoient dans le mur des groupes industriels entiers qui se traduisent par des milliers de licenciements ? Cette méthode-là, cette façon de faire, elle est terminée, nous voulons tourner la page.
Pour tourner la page, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, nous avons pris l’initiative d’une grande conférence sociale, qui est une première, en effet. J’ai été frappé à cette occasion, pendant les deux jours de réunion, par la soif de dialogue, d’écoute de tous ceux qui étaient là. C’est-à-dire aussi bien les représentants du patronat, des grandes entreprises, des entreprises moyennes, des petites entreprises, des représentants du secteur de l’économie sociale et solidaire, des représentants des professions libérales, mais aussi des représentants de toutes les organisations syndicales les plus représentatives comme les plus petites, qui étaient là et qui attendaient qu’on les respecte, qu’on les écoute et qui souhaitent, à condition qu’on trouve les bons compromis, les bonnes solutions, les bonnes réponses, participer, elles aussi et eux aussi, au redressement du pays. Alors, j’aurais aimé que vous aussi, vous soyez présents, pour participer au redressement du pays. Plutôt que d’ironiser, plutôt que d’utiliser des solutions qui n’ont pas marché ou qui appauvrissent une partie des Français. Vous avez ici, il y a quelques instants, revendiqué une décision qui sera soumise à votre Assemblée pour être supprimée, qui est tout simplement le prélèvement de 12 milliards d’euros sur les classes populaires et les classes moyennes à travers l’augmentation de la TVA. Voilà ce que nous proposons aux parlementaires.
Alors, évidemment qu’il y a beaucoup de choses à changer, il y a beaucoup de règles du jeu à changer. Mais ça ne peut pas se faire sans le dialogue et sans l’écoute. Vous avez les entreprises en difficulté, là, nous proposons aux partenaires sociaux d’engager une négociation, pour être capables à la fois d’examiner, situation par situation, ce qui se passe. Quand des entreprises connaissent de vraies difficultés transitoires, il faut trouver les solutions pour préserver l’outil industriel, préserver les emplois. Lorsque ce sont des situations beaucoup plus dramatiques, alors là, il faudra envisager aussi des réponses adaptées. Et puis, lorsque des licenciements sont envisagés et qu’ils sont abusifs, qu’on a souvent qualifié de boursiers, même si les entreprises concernées ne sont pas toutes cotées en Bourse, alors, il faudra mettre en place de nouvelles règles. Ce que nous voulons, c’est l’efficacité économique, ce que nous voulons, c’est la justice, c’est le respect du droit des salariés, c’est le respect du droit du travail et c’est là-dessus que nous avons proposé aux partenaires sociaux d’engager une négociation.
Vous avez évoqué le financement de notre protection sociale, bien sûr, et le coût du travail. Nous avons un objectif, une ambition, c’est de préserver un système de protection sociale qui est au coeur même du pacte républicain. Nous ne sommes pas de ceux qui disent le coût du travail est moins élevé en Chine ou en Inde et qu’il faudrait le rattraper ! Nous savons que ce n’est pas possible et nous ne voulons pas aller dans cette direction. Mais pour autant, avec nos partenaires, en particulier en Europe, la question peut se poser du coût du travail, en particulier dans le secteur industriel. Nous devons l’examiner objectivement. C’est pour ça qu’il faut à la fois concilier le financement de notre système de protection sociale, tout en regardant en face certaines situations. Mais ça ne peut se faire que dans la franchise, dans le diagnostic partagé, dans la discussion et la négociation. C’est pour ça que nous avons décidé – je l’ai dit à la conclusion de la grande conférence sociale – de saisir le Haut conseil sur le financement de la protection sociale pour analyser tous les points qui concernent le financement de notre protection sociale.
Ensuite, vous nous reprochez de ne pas agir, mais je vais vous rassurer au premier trimestre de l’année 2013, nous engagerons avec les partenaires sociaux, sur la base de ces travaux, une discussion. Courant de l’année 2013, le gouvernement prendra ses responsabilités, vous aurez à prendre les vôtres, puisque le Parlement sera saisi de propositions très concrètes et très pratiques, avec un objectif, je le répète encore : assurer la survie de notre système de protection sociale, la garantie de son accès à tous et je pense en particulier à la santé et à la retraite et en même temps assurer l’avenir de notre économie, de nos entreprises et de la compétitivité de nos entreprises.
Enfin, un dernier point concret, face à la situation urgente dans le domaine de l’emploi, nous avons décidé d’engager pendant l’été une concertation, non pas une négociation, une concertation avec les partenaires sociaux, pour préparer un projet de loi pour créer les emplois d’avenir qui sera soumis au Parlement. Le président de la République s’était engagé pour 150 000 emplois, nous vous proposerons d’en décider 100 000 dès la rentrée prochaine. Et puis, enfin, nous avons également proposé la négociation d’un contrat de génération, c’est-à-dire de maintenir dans l’emploi des seniors car nous voulons préserver leur maintien dans l’emploi. Mais en même temps, nous voulons, en contrepartie des aides que l’Etat accorde aux entreprises, que soit négociée l’embauche d’un jeune en CDI pour trouver un travail et en même temps bénéficier du transfert d’expérience des salariés les plus âgés. Nous proposons aux partenaires sociaux de négocier dans les branches des réponses adaptées, pour que, dès l’année prochaine, dès le début de l’année prochaine, nous puissions signer les premiers contrats de génération.
Vous voyez bien que nous ne renvoyons pas à un horizon éloigné les solutions, nous nous attaquons dès maintenant aux problèmes, mais nous voulons décider, non pas tous seuls, parce qu’on sait que quand on décide tout seul, c’est l’échec assuré. Avec les partenaires sociaux, contribuer dans la justice et l’efficacité au redressement du pays.
Source http://www.gouvernement.fr, le 16 juillet 2012