Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, à "Jpresse" le 16 juillet 2001, sur sur la complémentarité du sport et de la culture lors des jeux de la francophonie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 4èmes Jeux de la francophonie à Ottawa-Hull (Canada), du 14 au 24 juillet 2001

Média : Jpresse - Presse étrangère

Texte intégral

Q - On vient d'apprendre la récente élection du belge Jacques Rogge à la présidence du CIO, et bien sûr on a tous vécu la déception concernant les J.O. de 2008 : que vous inspirent ces décisions ?
R - Il ne faut pas être mauvais perdant, nous avions un dossier technique remarquable, une belle candidature avec de nombreux atouts. Nous avions mis l'accent sur l'accueil, avec notamment des sites dans Paris même, et sur la solidarité. Mais la décision s'est faite à partir d'autres enjeux avec l'idée que la Chine évolue plus vite grâce aux J.O. Maintenant il faut dire bonne chance à Pékin et préparer les nombreux autres événements que nous allons accueillir : les Championnats du monde d'athlétisme en 2003, ceux d'escrime, de lutte
Quant à Jacques Rogge, il faut attendre de voir quelles sont les valeurs qu'il va porter, quel est son projet, ses objectifs.
Q - Que représentent pour vous ces IVème Jeux de la Francophonie ?
R - Cela montre d'abord que ces Jeux ont une réalité, vous l'avez vu lors de la cérémonie d'ouverture. Mais le premier souci est qu'ils restent des jeux à mesure humaine : avec beaucoup de jeunesse et de fraternité. Il ne faut pas faire des "Championnats du monde bis" mais au contraire garder la caractéristique de ces jeux : aujourd'hui ils ont lieu à Ottawa-Hull et demain au Niger qui doit pouvoir organiser ces jeux avec la même fierté. Gardons à ces jeux leur identité et n'essayons pas de faire venir des vedettes.
Q - Comment comprenez-vous la participation de certaines équipes qui, en réalité, ne parlent pas ou plus le français ?
R - Je n'ai appris cela que ce matin puisque le ministre du Liban est intervenu à ce propos lors de la réunion de la CONFEJES. Si on regarde bien les objectifs de la Francophonie, ce n'est pas seulement porter la langue mais partager des valeurs, une culture. Ceci dit, il ne faut pas en faire une affaire, ce n'est pas grave. Cela pourrait leur donner envie de parler français.
Q - Concernant les valeurs que doivent porter les Jeux de la Francophonie, on a tous pu remarquer que cette IVème édition développait un aspect mercantile qui n'existait pas avant, au détriment des échanges interculturels.
Il faut surtout empêcher ça ! Il y a déjà assez d'endroits touchés par le mercantilisme dans le sport. Ce qui est important, c'est qu'un maximum de jeunes, d'un maximum de pays puisse participer à ces Jeux. On n'est pas là pour faire de l'argent. Sinon qu'est-ce qui va se passer au Niger ? Ils n'auront pas les mêmes moyens. Et puis que les places soient toutes vendues est positif, cela montre que ces jeux peuvent remplir des stades même si l'on peut regretter que les médias français ne soient assez présents.
Q - On constate que la délégation française ne comprend qu'une vingtaine d'artistes, et près de 200 athlètes. Que faire pour que sport et culture soient véritablement au même niveau ?
R - Le ministère de la Jeunesse et des Sports, c'est autant du sport que de l'éducation populaire, même si certains ne le voient pas. Il faut impérativement essayer de donner plus de visibilité à ce mélange. Il faut mettre l'accent sur la spécificité de cette compétition qui mêle culture et sport. On parle différemment des artistes et des athlètes alors qu'ici ils vivent dans les mêmes bâtiments et se croisent tout le temps.
Q - La première médaille française a été décrochée par une fille, dans un sport de combat. C'est un résultat intéressant par rapport aux idées que vous défendez au sein de votre ministère
R - Cela fait tomber des idées préconçues et en plus, c'est une jolie image. Mais le judo connaît déjà une véritable mixité, ce qui n'est pas le cas du rugby par exemple, ou de la boxe, où les clichés sont encore pire.
Q - Un mot pour nos compétiteurs ?
R - Qu'ils prennent beaucoup de plaisir et qu'ils gagnent beaucoup de médailles ! Mais surtout qu'ils se sentent bien ici et qu'ils fassent du sport et de la culture dans la bonne humeur.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2001)