Texte intégral
Je suis très heureux de prendre la parole devant vous ce matin, et je vous remercie chaleureusement de votre invitation. Je sais que c'est votre grand rendez-vous annuel, c'est la première fois que j'y participe, et j'espère que ce n'est pas la dernière : plusieurs d'entre vous m'ont dit leur espoir d'un peu plus de continuité dans l'action du Ministre du Travail qu'il n'y en a eu dans la période récente
Vous avez travaillé, et merci Jean Christophe Sciberras de la synthèse que vous venez de livrer de vos propositions 2012. Ce sont des propositions utiles, particulièrement bienvenues en terme de calendrier quelques jours avant la Grande Conférence Sociale, j'y reviendrai.
Compétitivité, diversité, dialogue social : ce sont les bons sujets ! Je n'en suis pas étonné : les DRH que vous êtes sont au cur des enjeux économiques, sociaux et humains dans l'entreprise. Ils sont des acteurs, des acteurs engagés, des praticiens, qui ont à faire entendre leur voix sur ces sujets. Dans l'entreprise d'abord, et je sais que ce n'est pas toujours très facile, surtout dans les périodes de crise qui focalisent souvent l'attention sur le court terme et les variables financières. Mais aussi dans le débat public, avec la place originale qui est la vôtre, ni celle d'une organisation patronale, ni celle d'un « syndicat des DRH »
La compétitivité tout d'abord
C'est un mot qui me va bien, aucun problème avec ce concept. Dès lors qu'il s'agit de compétitivité globale : celle qui repose sur l'alliance de l'économique et du social. Vous le savez bien, vous particulièrement : pour que nos entreprises soient compétitives, il faut qu'elles sachent valoriser leur capital humain. La qualité de notre offre productive, c'est d'abord la qualité des ressources humaines de l'entreprise, les compétences, la motivation, et aussi la diversité. En retour, cette capacité à développer les compétences par la formation, par l'innovation, à donner à chacun les possibilités de progresser dans sa carrière, à donner à chacun la juste reconnaissance de son travail, dépend aussi de la performance économique de l'entreprise, donc de sa compétitivité. Les deux sont intimement liés, la performance économique et la performance sociale se nourrissent l'une de l'autre, ou l'une souffre de l'insuffisance de l'autre.
J'y ajoute une dimension essentielle : la justice.
La justice j'en suis fondamentalement convaincu- est un facteur de compétitivité. Parce que c'est un facteur de cohésion sociale, tout simplement. Surtout dans des périodes de crise comme celle que nous vivons où des efforts, des changements, sont nécessaires. Ces efforts, ces changements, ces adaptations, doivent être justes pour être simplement acceptables, et acceptés par tous.
Limitation des écarts entre la rémunération des hauts dirigeants- devenus souvent délirante- et celle des salariés du bas de l'échelle ; juste distribution des richesses crées dans l'entreprise ; égalité des chances et refus des discriminations ; égalité salariale entre les hommes et les femmes : c'est partout que doit s'appliquer dans l'entreprise ce principe de justice.
Ce qui est vrai au plan de l'entreprise est aussi vrai au plan global de l'économie toute entière : le chômage, le coût des accidents du travail, la perte de confiance dans l'avenir, les discriminations qui nous privent de talents, pour ne prendre que ces seuls exemples, sont autant de facteurs qui nuisent à la compétitivité globale du pays. A l'inverse le transfert réussi des compétences des anciens vers les jeunes, la création d'emploi, les accords collectifs qui assurent des évolutions apaisées, la qualité de vie au travail, la juste place faite aux femmes à tous les niveaux de l'entreprise, favorisent la compétitivité.
En matière d'emploi c'est une préoccupation majeure pour le Ministre que je suis- je n'ai pas besoin de vous dresser le tableau de la situation : un taux de chômage France entière qui a dépassé la barre symbolique des 10%, 4,3 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi, presque 3 millions dans la catégorie de ceux qui n'ont aucune activité même très réduite.
Les derniers chiffres du chômage ne démontrent pas une « baisse tendancielle de la hausse », bien au contraire : beaucoup de plans sociaux « sortent » opportunément et vont sortir dans les prochains mois, qui aggraveront encore la tendance. Et puisque l'on évoque les questions de diversité, trois catégories de population sont particulièrement touchées : les jeunes, les seniors, les chômeurs de longue durée dont le niveau est record.
Ma priorité en tant que Ministre de l'emploi, l'objectif du gouvernement, est de faire en sorte que, par une nouvelle politique économique, par la mobilisation des outils existants mais aussi par des outils nouveaux, nous parvenions à contenir le plus possible cette progression pour inverser, demain, la courbe du chômage. Ce n'est pas le problème du Ministre de l'Emploi : c'est le problème de tous, c'est-à-dire le votre aussi ! Les solutions sont autant chez vous, dans vos entreprises, que dans mon administration, au Parlement ou à Pôle Emploi !
Je forme le vu que nous travaillons ensemble sur les approches les plus efficaces, sur les nouveaux outils à venir et en particulier le Contrat de Génération, qui n'est pas un remède « miracle » mais peut doit- apporter un levier supplémentaire de mobilisation et de progrès.
Pour beaucoup de jeunes, l'accès à l'emploi durable est devenu un parcours du combattant, s'étendant sur de trop longues années après la sortie du système éducatif.
Dans le même temps, trois seniors sur cinq ne sont plus en emploi lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite. Cette situation fait planer une véritable menace sur notre pacte social. La solidarité entre générations perd son sens lorsque des générations entières sont laissées au bord du chemin.
Je sais que cette thématique de gestion des âges est compliquée à gérer au niveau de vos entreprises. Les jeunes frais sortis du système scolaire manquent d'expérience, ils ne possèdent pas à leur arrivée les codes de l'entreprise et peuvent être perçus comme des éléments perturbateurs.
Quant aux départs anticipés de travailleurs âgés, ils ont longtemps fait l'objet d'un relatif consensus, les salariés en fin de carrière n'étant parfois pas mécontents de s'en aller plus tôt, et le collectif voyant leur départ comme une solution pour ajuster les effectifs « à bas bruit ».
Le contrat de génération nous engage à changer notre regard sur le transfert et le renouvellement des compétences. Je le vois comme un outil d'anticipation pour les entreprises.
Je sais que vous vous interrogez probablement sur la mécanique, sur le « comment ça va marcher concrètement ». Nous y travaillons et le sujet sera à l'ordre du jour dans la grande conférence sociale, et nous verrons dans quelle mesure les Partenaires Sociaux souhaiteront s'en emparer pour négocier.
Je peux déjà vous donner quelques lignes directrices :
* il s'agit d'abord de faire quelque chose de simple et de lisible. Hors de question de créer une usine à gaz que les DRH des entreprises mettraient des mois à maîtriser et qui resterait inaccessible aux petites.
* 2e principe : le contrat de génération devra s'adapter à la situation de chaque entreprise, la TPE et le grand Groupe c'est très différent, l'industrie et le petit commerce aussi.
* Les accords d'entreprises peuvent être un moyen d'y parvenir, dans les grandes entreprises, ce sera un sujet à discuter. C'est en effet au niveau des entreprises que les initiatives les plus propices à l'intégration des jeunes pourront germer. J'ai été très sensible à vos propositions en ce qui concerne la sensibilisation au dialogue social des nouveaux salariés.
La mobilisation pour l'emploi des jeunes passera également par les emplois d'avenir. Nous ne pouvons pas laisser sans solution les 100 000 à 150 000 jeunes qui quittent le système scolaire chaque année sans qualification. Le retour en formation est bien sûr un objectif ; mais certains ont la maturité, les compétences, et surtout l'envie nécessaires pour accéder à l'emploi. Pour d'autres, le passage dans une entreprise peut servir de déclic, de révélateur pour bâtir un projet professionnel, pouvant passer par exemple par l'entrée ensuite dans une formation en alternance. Nous souhaitons y travailler avec vous pour mettre en place ce marchepied vers l'emploi.
La diversité ensuite, deuxième de vos thèmes.
Les jeunes, les seniors, tous ceux qui apportent de la diversité dans le corps social, sont une source de richesses pour les entreprises. Vous êtes témoins des tensions que peut faire naître l'application de règles rigides et conservatrices pour tous ceux qui ne sont pas parfaitement dans le moule.
Vous faites sur la diversité pas seulement celle des âges- des propositions particulièrement fortes et audacieuses. Sur des sujets sensibles, comme votre proposition d'ouverture d'un débat national sur les jours férié : c'est une question sensible, le débat s'ouvre, nous verrons comment vous le mènerez, mais si je peux vous faire une recommandation, c'est d'aborder cette question avec délicatesse et « du bout des doigts ».
N'oublions pas l'emploi des travailleurs handicapés, sur lequel je souhaite agir avec la ministre déléguée, Marie-Arlette Carlotti. Ces salariés sont aussi une source de diversité profitable pour l'entreprise, ils peuvent cristalliser des solidarités positives au sein d'un collectif de travail. Nos priorités concernent l'accès à la formation qualifiante et à l'alternance pour les travailleurs handicapés, qui ne bénéficient pas suffisamment aujourd'hui des dispositifs de droit commun. _ Plutôt que d'aller vers un renforcement immédiat des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations, je préférerais que les partenaires sociaux se mobilisent pour développer, par la négociation collective, l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Dialogue social enfin, et j'en finirai par là.
Je l'ai dit à l'instant, pas de compétitivité sans performance globale économique et sociale, pas de performance sans justice, et j'ajoute pas de salut sans retour de la confiance !
Cette confiance doit être rétablie à tous les niveaux, entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, entre l'Etat et les entreprises, entre le pouvoir politique et les citoyens, et bien entendu entre les entreprises et leurs salariés.
Cette confiance, selon moi, passe par une méthode, le dialogue social, le respect des partenaires sociaux, le respect de chaque interlocuteur, le partage des diagnostics afin que soient trouvées des convergences.
Grâce à un dialogue social bien mené et constructif, nous gagnerons du temps et nous éviterons l'écueil de réformes imposées, non comprises et inapplicables. Chaque fois qu'un équilibre partagé peut être trouvé ensemble, c'est le gage d'une solution plus efficace, plus durable.
Oui, les intérêts peuvent être divergents, il peut arriver qu'il n'y ait pas de convergence, que l'on ne conclue pas avec un accord signé, c'est le jeu même du dialogue social. Mais ce temps de négociation ou de concertation aura permis de progresser vers une solution meilleure.
La Grande Conférence Sociale qui se réunira dans quelques jours est un parfait exemple de cette approche dont notre pays a tant besoin.
Cette démarche permettra d'aborder en profondeur, pendant deux jours et à travers 7 tables rondes thématiques, tous les grands enjeux sociaux de la mandature qui s'ouvre : l'emploi et particulièrement l'emploi des jeunes ; la formation et le développement des compétences ; les salaires, le pouvoir d'achat, le SMIC et les bas salaires ; l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la qualité de vie au travail ; le redressement productif national ; l'avenir de nos retraites et de notre protection sociale ; le rôle de nos services publics et de ses agents.
Je dois vous dire, à quelques jours du début de cette Grande Conférence, que je suis très confiant quant à son déroulé et à son débouché. Elle nous dotera d'une « feuille de route » partagée pour les mois et années à venir sur tous ces sujets. Et je suis certain que vous, DRH, vous serez intéressés et sans doute pour un certain nombre d'entre vous directement impliqués- à ce grand chantier social qui s'ouvre.
Le processus de la Grande Conférence Sociale se continuera tout au long du quinquennat. Ce n'est pas un « feu de paille », je le redis c'est LA méthode de ce Gouvernement, celle qui fera entrer notre pays dans une ère nouvelle de notre vie sociale.
Cette méthode, le dialogue social, c'est aussi celle que vous pratiquez dans vos entreprises, et vous les DRH vous en êtes le plus souvent les artisans.
J'ai lu avec attention les propositions que vous faites sur le dialogue social. Je ne vais pas me prononcer devant vous dans l'instant sur chacune d'elles, surtout à quelques jours de la grande conférence sociale qui traitera de ces sujets je manquerais à mon propre engagement de méthode- mais je retrouve dans beaucoup de ces propositions. Je suis heureux de constater que nous partageons, vous DRH, le gouvernement et les partenaires sociaux, souvent la même analyse. Et nous devons travailler sur les solutions.
L'une de vos propositions est de modifier une culture managériale- et parfois une culture syndicale symétriquement- souvent fondée sur la méfiance. Vous rejoignez mon propos, c'est un enjeu clé, et c'est cela qu'il faut changer. Et je suis ouvert à la discussion de toutes vos propositions dans ce sens. Je vous encourage d'ailleurs à faire parvenir votre document de propositions à toutes les organisations qui vont participer à la Grande Conférence Sociale.
Voilà Mesdames et Messieurs, j'aurais pu vous parler encore de beaucoup d'autres sujets, comme la formation tout au long de la vie peut-être inviterez vous bientôt Thierry Repentin qui vient de me rejoindre comme Ministre délégué, la gestion des restructurations et le droit du licenciement, les salaires et le SMIC
J'aborde petit à petit tous ces sujets, avec quelques convictions fortes que j'espère avoir partagées avec vous- avec beaucoup d'humilité aussi, et surtout avec beaucoup d'énergie et de détermination.
Je sais que je peux trouver en vous, en l'ANDRH et en chacun de vous individuellement, de vrais interlocuteurs engagés et passionnés de l'humain, cette valeur qui est la plus grande et la plus précieuse des richesses.
Merci de votre attention.Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 11 juillet 2012
Vous avez travaillé, et merci Jean Christophe Sciberras de la synthèse que vous venez de livrer de vos propositions 2012. Ce sont des propositions utiles, particulièrement bienvenues en terme de calendrier quelques jours avant la Grande Conférence Sociale, j'y reviendrai.
Compétitivité, diversité, dialogue social : ce sont les bons sujets ! Je n'en suis pas étonné : les DRH que vous êtes sont au cur des enjeux économiques, sociaux et humains dans l'entreprise. Ils sont des acteurs, des acteurs engagés, des praticiens, qui ont à faire entendre leur voix sur ces sujets. Dans l'entreprise d'abord, et je sais que ce n'est pas toujours très facile, surtout dans les périodes de crise qui focalisent souvent l'attention sur le court terme et les variables financières. Mais aussi dans le débat public, avec la place originale qui est la vôtre, ni celle d'une organisation patronale, ni celle d'un « syndicat des DRH »
La compétitivité tout d'abord
C'est un mot qui me va bien, aucun problème avec ce concept. Dès lors qu'il s'agit de compétitivité globale : celle qui repose sur l'alliance de l'économique et du social. Vous le savez bien, vous particulièrement : pour que nos entreprises soient compétitives, il faut qu'elles sachent valoriser leur capital humain. La qualité de notre offre productive, c'est d'abord la qualité des ressources humaines de l'entreprise, les compétences, la motivation, et aussi la diversité. En retour, cette capacité à développer les compétences par la formation, par l'innovation, à donner à chacun les possibilités de progresser dans sa carrière, à donner à chacun la juste reconnaissance de son travail, dépend aussi de la performance économique de l'entreprise, donc de sa compétitivité. Les deux sont intimement liés, la performance économique et la performance sociale se nourrissent l'une de l'autre, ou l'une souffre de l'insuffisance de l'autre.
J'y ajoute une dimension essentielle : la justice.
La justice j'en suis fondamentalement convaincu- est un facteur de compétitivité. Parce que c'est un facteur de cohésion sociale, tout simplement. Surtout dans des périodes de crise comme celle que nous vivons où des efforts, des changements, sont nécessaires. Ces efforts, ces changements, ces adaptations, doivent être justes pour être simplement acceptables, et acceptés par tous.
Limitation des écarts entre la rémunération des hauts dirigeants- devenus souvent délirante- et celle des salariés du bas de l'échelle ; juste distribution des richesses crées dans l'entreprise ; égalité des chances et refus des discriminations ; égalité salariale entre les hommes et les femmes : c'est partout que doit s'appliquer dans l'entreprise ce principe de justice.
Ce qui est vrai au plan de l'entreprise est aussi vrai au plan global de l'économie toute entière : le chômage, le coût des accidents du travail, la perte de confiance dans l'avenir, les discriminations qui nous privent de talents, pour ne prendre que ces seuls exemples, sont autant de facteurs qui nuisent à la compétitivité globale du pays. A l'inverse le transfert réussi des compétences des anciens vers les jeunes, la création d'emploi, les accords collectifs qui assurent des évolutions apaisées, la qualité de vie au travail, la juste place faite aux femmes à tous les niveaux de l'entreprise, favorisent la compétitivité.
En matière d'emploi c'est une préoccupation majeure pour le Ministre que je suis- je n'ai pas besoin de vous dresser le tableau de la situation : un taux de chômage France entière qui a dépassé la barre symbolique des 10%, 4,3 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi, presque 3 millions dans la catégorie de ceux qui n'ont aucune activité même très réduite.
Les derniers chiffres du chômage ne démontrent pas une « baisse tendancielle de la hausse », bien au contraire : beaucoup de plans sociaux « sortent » opportunément et vont sortir dans les prochains mois, qui aggraveront encore la tendance. Et puisque l'on évoque les questions de diversité, trois catégories de population sont particulièrement touchées : les jeunes, les seniors, les chômeurs de longue durée dont le niveau est record.
Ma priorité en tant que Ministre de l'emploi, l'objectif du gouvernement, est de faire en sorte que, par une nouvelle politique économique, par la mobilisation des outils existants mais aussi par des outils nouveaux, nous parvenions à contenir le plus possible cette progression pour inverser, demain, la courbe du chômage. Ce n'est pas le problème du Ministre de l'Emploi : c'est le problème de tous, c'est-à-dire le votre aussi ! Les solutions sont autant chez vous, dans vos entreprises, que dans mon administration, au Parlement ou à Pôle Emploi !
Je forme le vu que nous travaillons ensemble sur les approches les plus efficaces, sur les nouveaux outils à venir et en particulier le Contrat de Génération, qui n'est pas un remède « miracle » mais peut doit- apporter un levier supplémentaire de mobilisation et de progrès.
Pour beaucoup de jeunes, l'accès à l'emploi durable est devenu un parcours du combattant, s'étendant sur de trop longues années après la sortie du système éducatif.
Dans le même temps, trois seniors sur cinq ne sont plus en emploi lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite. Cette situation fait planer une véritable menace sur notre pacte social. La solidarité entre générations perd son sens lorsque des générations entières sont laissées au bord du chemin.
Je sais que cette thématique de gestion des âges est compliquée à gérer au niveau de vos entreprises. Les jeunes frais sortis du système scolaire manquent d'expérience, ils ne possèdent pas à leur arrivée les codes de l'entreprise et peuvent être perçus comme des éléments perturbateurs.
Quant aux départs anticipés de travailleurs âgés, ils ont longtemps fait l'objet d'un relatif consensus, les salariés en fin de carrière n'étant parfois pas mécontents de s'en aller plus tôt, et le collectif voyant leur départ comme une solution pour ajuster les effectifs « à bas bruit ».
Le contrat de génération nous engage à changer notre regard sur le transfert et le renouvellement des compétences. Je le vois comme un outil d'anticipation pour les entreprises.
Je sais que vous vous interrogez probablement sur la mécanique, sur le « comment ça va marcher concrètement ». Nous y travaillons et le sujet sera à l'ordre du jour dans la grande conférence sociale, et nous verrons dans quelle mesure les Partenaires Sociaux souhaiteront s'en emparer pour négocier.
Je peux déjà vous donner quelques lignes directrices :
* il s'agit d'abord de faire quelque chose de simple et de lisible. Hors de question de créer une usine à gaz que les DRH des entreprises mettraient des mois à maîtriser et qui resterait inaccessible aux petites.
* 2e principe : le contrat de génération devra s'adapter à la situation de chaque entreprise, la TPE et le grand Groupe c'est très différent, l'industrie et le petit commerce aussi.
* Les accords d'entreprises peuvent être un moyen d'y parvenir, dans les grandes entreprises, ce sera un sujet à discuter. C'est en effet au niveau des entreprises que les initiatives les plus propices à l'intégration des jeunes pourront germer. J'ai été très sensible à vos propositions en ce qui concerne la sensibilisation au dialogue social des nouveaux salariés.
La mobilisation pour l'emploi des jeunes passera également par les emplois d'avenir. Nous ne pouvons pas laisser sans solution les 100 000 à 150 000 jeunes qui quittent le système scolaire chaque année sans qualification. Le retour en formation est bien sûr un objectif ; mais certains ont la maturité, les compétences, et surtout l'envie nécessaires pour accéder à l'emploi. Pour d'autres, le passage dans une entreprise peut servir de déclic, de révélateur pour bâtir un projet professionnel, pouvant passer par exemple par l'entrée ensuite dans une formation en alternance. Nous souhaitons y travailler avec vous pour mettre en place ce marchepied vers l'emploi.
La diversité ensuite, deuxième de vos thèmes.
Les jeunes, les seniors, tous ceux qui apportent de la diversité dans le corps social, sont une source de richesses pour les entreprises. Vous êtes témoins des tensions que peut faire naître l'application de règles rigides et conservatrices pour tous ceux qui ne sont pas parfaitement dans le moule.
Vous faites sur la diversité pas seulement celle des âges- des propositions particulièrement fortes et audacieuses. Sur des sujets sensibles, comme votre proposition d'ouverture d'un débat national sur les jours férié : c'est une question sensible, le débat s'ouvre, nous verrons comment vous le mènerez, mais si je peux vous faire une recommandation, c'est d'aborder cette question avec délicatesse et « du bout des doigts ».
N'oublions pas l'emploi des travailleurs handicapés, sur lequel je souhaite agir avec la ministre déléguée, Marie-Arlette Carlotti. Ces salariés sont aussi une source de diversité profitable pour l'entreprise, ils peuvent cristalliser des solidarités positives au sein d'un collectif de travail. Nos priorités concernent l'accès à la formation qualifiante et à l'alternance pour les travailleurs handicapés, qui ne bénéficient pas suffisamment aujourd'hui des dispositifs de droit commun. _ Plutôt que d'aller vers un renforcement immédiat des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations, je préférerais que les partenaires sociaux se mobilisent pour développer, par la négociation collective, l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Dialogue social enfin, et j'en finirai par là.
Je l'ai dit à l'instant, pas de compétitivité sans performance globale économique et sociale, pas de performance sans justice, et j'ajoute pas de salut sans retour de la confiance !
Cette confiance doit être rétablie à tous les niveaux, entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, entre l'Etat et les entreprises, entre le pouvoir politique et les citoyens, et bien entendu entre les entreprises et leurs salariés.
Cette confiance, selon moi, passe par une méthode, le dialogue social, le respect des partenaires sociaux, le respect de chaque interlocuteur, le partage des diagnostics afin que soient trouvées des convergences.
Grâce à un dialogue social bien mené et constructif, nous gagnerons du temps et nous éviterons l'écueil de réformes imposées, non comprises et inapplicables. Chaque fois qu'un équilibre partagé peut être trouvé ensemble, c'est le gage d'une solution plus efficace, plus durable.
Oui, les intérêts peuvent être divergents, il peut arriver qu'il n'y ait pas de convergence, que l'on ne conclue pas avec un accord signé, c'est le jeu même du dialogue social. Mais ce temps de négociation ou de concertation aura permis de progresser vers une solution meilleure.
La Grande Conférence Sociale qui se réunira dans quelques jours est un parfait exemple de cette approche dont notre pays a tant besoin.
Cette démarche permettra d'aborder en profondeur, pendant deux jours et à travers 7 tables rondes thématiques, tous les grands enjeux sociaux de la mandature qui s'ouvre : l'emploi et particulièrement l'emploi des jeunes ; la formation et le développement des compétences ; les salaires, le pouvoir d'achat, le SMIC et les bas salaires ; l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la qualité de vie au travail ; le redressement productif national ; l'avenir de nos retraites et de notre protection sociale ; le rôle de nos services publics et de ses agents.
Je dois vous dire, à quelques jours du début de cette Grande Conférence, que je suis très confiant quant à son déroulé et à son débouché. Elle nous dotera d'une « feuille de route » partagée pour les mois et années à venir sur tous ces sujets. Et je suis certain que vous, DRH, vous serez intéressés et sans doute pour un certain nombre d'entre vous directement impliqués- à ce grand chantier social qui s'ouvre.
Le processus de la Grande Conférence Sociale se continuera tout au long du quinquennat. Ce n'est pas un « feu de paille », je le redis c'est LA méthode de ce Gouvernement, celle qui fera entrer notre pays dans une ère nouvelle de notre vie sociale.
Cette méthode, le dialogue social, c'est aussi celle que vous pratiquez dans vos entreprises, et vous les DRH vous en êtes le plus souvent les artisans.
J'ai lu avec attention les propositions que vous faites sur le dialogue social. Je ne vais pas me prononcer devant vous dans l'instant sur chacune d'elles, surtout à quelques jours de la grande conférence sociale qui traitera de ces sujets je manquerais à mon propre engagement de méthode- mais je retrouve dans beaucoup de ces propositions. Je suis heureux de constater que nous partageons, vous DRH, le gouvernement et les partenaires sociaux, souvent la même analyse. Et nous devons travailler sur les solutions.
L'une de vos propositions est de modifier une culture managériale- et parfois une culture syndicale symétriquement- souvent fondée sur la méfiance. Vous rejoignez mon propos, c'est un enjeu clé, et c'est cela qu'il faut changer. Et je suis ouvert à la discussion de toutes vos propositions dans ce sens. Je vous encourage d'ailleurs à faire parvenir votre document de propositions à toutes les organisations qui vont participer à la Grande Conférence Sociale.
Voilà Mesdames et Messieurs, j'aurais pu vous parler encore de beaucoup d'autres sujets, comme la formation tout au long de la vie peut-être inviterez vous bientôt Thierry Repentin qui vient de me rejoindre comme Ministre délégué, la gestion des restructurations et le droit du licenciement, les salaires et le SMIC
J'aborde petit à petit tous ces sujets, avec quelques convictions fortes que j'espère avoir partagées avec vous- avec beaucoup d'humilité aussi, et surtout avec beaucoup d'énergie et de détermination.
Je sais que je peux trouver en vous, en l'ANDRH et en chacun de vous individuellement, de vrais interlocuteurs engagés et passionnés de l'humain, cette valeur qui est la plus grande et la plus précieuse des richesses.
Merci de votre attention.Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 11 juillet 2012