Texte intégral
Je suis heureux, Mesdames et Messieurs les Membres de la Commission, de me retrouver parmi vous, et resterai toujours à votre disposition. Pour l'heure, je me bornerai à brosser par touches rapides un tableau d'ensemble, en vous priant d'excuser le caractère impressionniste de cette présentation.
Avant tout, compte tenu de la situation de la France, notre stratégie globale et notre politique étrangère doivent être subordonnées à un objectif : le redressement du pays, en particulier son redressement économique.
En second lieu, si l'on s'en tient à la distinction désormais classique entre pouvoir de contraindre - hard power - et pouvoir de convaincre - soft power -, la France est une puissance d'influence - influential power. C'est le concept qui doit guider notre action.
Cette influence résulte d'éléments disparates, mais qui, rassemblés, définissent la singularité et l'universalité de la France : notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ; l'arme nucléaire que nous détenons ; notre rang de cinquième puissance économique mondiale ; notre langue, qui est partagée par plusieurs centaines de millions de locuteurs et qui, dans un avenir proche - 2050 -, sera parlée par 700 millions de personnes sur le seul continent africain ; les principes auxquels nous nous référons, tels que le respect des droits de la personne humaine, le respect du droit, notre vision internationale sinon internationaliste, le fait que nous nous exprimons au-delà des seuls intérêts de la France avec un souci d'universalisme, nos liens particuliers avec toute une série de pays, notre position singulière sur le conflit israélo-palestinien.
Cette influence dépasse largement celle qui se déduit des simples réalités matérielles, notre population de 60 millions d'habitants et notre puissance économique.
Troisièmement, nous devons privilégier la vision de long terme et la cohérence. Même si la vie internationale est marquée par des crises, auxquelles il faut répondre, l'horizon de la politique étrangère doit être celui du forestier.
Quatrièmement, nos priorités thématiques ne sont autres que les objectifs et les principes forts auxquels nous croyons et auxquels on identifie à juste titre la France : la recherche de la paix, la sécurité, la régulation internationale, le respect des droits de la personne humaine, le développement durable.
Nous avons, en outre, des priorités géographiques : nos relations étroites avec de très grandes puissances telles que les États-Unis d'Amérique - avec lesquels nous sommes alliés, sans être alignés - et la Russie, grand partenaire avec lequel nous avons construit une relation particulière depuis des décennies ; notre appartenance à l'Union européenne, même si la France peut défendre des positions singulières dans ce cadre ; le soutien aux pays en développement.
Au-delà, certains éléments caractérisent notre pays : nous voulons entretenir des relations de proximité avec le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine - les BRIC -, mais aussi avec les «moyens émergents», groupe assez hétérogène comprenant des pays tels que la Turquie, l'Indonésie ou la Colombie. Nous devons établir une doctrine, adopter une attitude et un langage particuliers à l'égard de ces pays.
Je citerai également, au titre des priorités géographiques, le continent africain, qui est - quoi qu'on en dise et malgré la liste des crises - un continent du futur. La France doit avoir à l'égard de l'Afrique, dans sa diversité et dans sa globalité, une politique particulière et forte.
Je mentionnerai enfin la question euro-méditerranéenne, au-delà de la forme qu'elle a prise à travers l'Union pour la Méditerranée. Il nous faut promouvoir une «Euroméditerran??e». Compte tenu de sa position géographique et des évolutions qui se dessinent, la France doit avoir une relation particulière avec cette région. J'ai été très bien reçu hier par les autorités algériennes et par le président Bouteflika, que je remercie. J'aurai l'occasion de me rendre prochainement dans quelques pays voisins.
Pour mettre en oeuvre les orientations que j'ai mentionnées, notre politique étrangère doit s'appuyer sur deux piliers : la diplomatie économique et la diplomatie culturelle au sens large - éducative, scientifique et culturelle.
S'agissant de la première, j'ai été frappé de constater à quel point notre position relative s'était dégradée depuis que j'ai quitté mes dernières fonctions gouvernementales il y a dix ans. Compte tenu de notre situation difficile et de l'évolution qui nous menace, notre objectif premier doit être, je le répète, le redressement économique et notre diplomatie doit être au service de cet objectif. Je proposerai dans quelques semaines un certain nombre d'actions convergentes avec celles d'autres ministères pour «muscler» notre diplomatie économique.
S'agissant de la seconde, la France dispose, faut-il le rappeler, du réseau culturel le plus important au monde. Il est caractérisé par sa diversité - écoles, alliances françaises, instituts culturels -, mais constitue une force essentielle, qui ne doit pas être séparée de l'aspect économique. Il convient de préserver cet ensemble.
Je souhaite souligner, à ce propos, le professionnalisme de nos agents. La France a la chance de disposer, pour mener sa politique étrangère, d'hommes et de femmes de grande qualité, compétents, dévoués, qui font ce métier parce qu'ils l'ont choisi et qui l'exercent dans des conditions souvent très difficiles aux quatre coins du monde. Ils ont d'ailleurs pu éprouver, à un moment donné, un certain malaise.
J'entends m'appuyer sur les quatre ministres délégués, notamment en vue d'une meilleure prise en compte de la dimension économique de notre diplomatie.
Je mentionnerai, pour finir, quelques sujets d'actualité qui nous mobilisent, vous comme moi : la question syrienne ; la question du Mali et, plus généralement, du Sahel ; l'Afghanistan, sur lequel nous reviendrons dans quelques jours lorsque vous examinerez le projet autorisant la ratification du traité d'amitié signé en janvier dernier ; la question iranienne, moins présente dans l'actualité, mais non moins lourde de menaces ; les questions européennes que vous avez évoquées, madame la présidente ; la question israélo-palestinienne enfin, matrice de nombreux autres conflits.
La France bénéficie, sur ce dernier sujet, d'une situation favorable. D'un côté, les Palestiniens nous accordent une très large confiance, et nous entretenons de bonnes relations avec M. Mahmoud Abbas, qui vient fréquemment en France. De l'autre, le gouvernement israélien, actuellement en situation de force, considère le gouvernement français actuel comme un de ses interlocuteurs privilégiés, aux côtés des États-Unis.
Nous sommes là pour aborder toutes ces questions posément et publiquement - ce qui doit nous inciter à une certaine retenue, mais n'exclut pas la passion. Les quatre ministres délégués et moi-même sommes, Mesdames et Messieurs les Membres de la Commission, à votre disposition. Nous serons heureux d'entendre vos conseils, vos recommandations, vos observations. Le Quai d'Orsay vous est ouvert, sachez-le.
Q - (Sur la situation au Mali)
R - La situation au Mali est très difficile, et même dramatique, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en réponse à M. François Loncle. Il y a, je le rappelle, six otages français dans cette région. Nous devons donc, les uns et les autres, mesurer nos paroles.
Trois grandes séries de problèmes s'ajoutent les uns aux autres au Mali.
Il y a d'abord la dimension politique : le pays est coupé en deux ; une junte militaire s'est emparée du pouvoir au Sud, avant de laisser la place à un Président qui a fait l'objet d'une tentative d'assassinat et se trouve actuellement en France - j'ai eu l'occasion de le rencontrer, c'est un homme remarquable - et à un Premier ministre qui se trouve, lui, sur place. Le pays est confronté à des difficultés de tous ordres, en particulier économiques.
La Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) - en particulier le Burkina Faso auquel une mission de médiation a été confiée -, d'une part, et l'Union africaine, d'autre part, ont formulé des propositions pour tenter d'améliorer la situation. Ces deux organisations ont souhaité que le gouvernement malien soit élargi, afin de gagner en représentativité et d'offrir ainsi une assise pour reconquérir le territoire et mettre fin à la coupure Nord-Sud.
Le Premier ministre malien m'a confirmé ce matin qu'il s'attelait à cette tâche, qui lui a été assignée par la CEDEAO et l'Union africaine avec le 31 juillet pour date butoir, et qu'il était en contact avec le président malien à Paris, auquel il a demandé de jouer un rôle actif dans ce processus.
La question comporte ensuite une dimension terroriste : de nombreux mouvements sont présents au Nord, en plus des Touaregs qui ont des revendications anciennes. D'après notre analyse, qui s'appuie sur les renseignements de nos services, la situation est dominée par le mouvement AQMI, qui a des ramifications régionales pouvant porter d'autres noms, par exemple Boko Haram au Nigeria.
Le mouvement AQMI a pour caractéristiques de disposer d'armes en quantité, d'argent - qui provient, pour une part des rançons et, pour une autre, de divers trafics - et de combattants généralement prêts à mourir, ce qui lui confère un avantage dans la lutte qui l'oppose aux autres mouvements. Il se singularise surtout, je le rappelle, par le fait que son ennemi déclaré est la France.
Enfin, il se pose des problèmes humanitaires très préoccupants, que M. Loncle a rappelés avec raison : d'une part, environ 200 000 Maliens ont trouvé refuge dans les pays voisins, dans des conditions épouvantables ; d'autre part, 167 000 personnes se sont déplacées du Nord au Sud du pays. Pour comble de malheur, plusieurs pays de la région sont touchés par une invasion de criquets pèlerins, aux conséquences potentiellement redoutables.
Malgré les décisions préventives prises en 2011, une grave crise humanitaire risque donc de s'ajouter aux difficultés politiques et au terrorisme dans les semaines à venir. La France, avec l'Union européenne, a déjà débloqué d'importantes sommes pour tenter de l'empêcher.
Je considère, en parfait accord avec nos amis algériens, que les problèmes politiques doivent être abordés de manière politique. En revanche, le terrorisme, s'il se révèle irréductible, devra être traité par les moyens qui conviennent, le moment venu. Lors de mon séjour à Alger, d'aucuns ont voulu opposer une vision algérienne purement politique, voire angélique - nous en avons souri, le président Bouteflika et moi-même -, à une vision française exclusivement belliqueuse. Cela n'a aucun sens ! J'ai au contraire constaté avec plaisir que les Algériens, particulièrement avertis de ces questions du fait de leur proximité géographique avec le Mali et de leur expérience passée du terrorisme, partagent mon analyse ; mon homologue l'a dit expressis verbis. Ce qui répond également aux remarques tout à fait pertinentes de M. Janquin.
Selon nos amis algériens, en revanche, AQMI est un mouvement spécifique et d'autres mouvements seraient plus ouverts que lui à la discussion, alors que, selon nos services, c'est bien AQMI qui prend le dessus sur les autres. Nous sommes convenus que nos services respectifs travailleraient ensemble sur ces questions.
Les pays voisins défendent des positions diverses mais qui tendent à se rejoindre. Les plus fermes sont le Niger, la Mauritanie et le Nigeria - lequel a d'ailleurs décidé au cours des dernières heures d'attaquer le mouvement Boko Haram.
L'essentiel est l'effort de la communauté internationale. Pour notre part, nous ne voulons pas nous substituer aux Africains mais jouer un rôle facilitateur. Au Mali, il s'agit de favoriser une solution politique au Sud, le respect de l'intégrité du pays et, le moment venu, une solution «sécuritaire» au problème du terrorisme. Le Premier ministre malien me l'indiquait ce matin, la CEDEAO a dépêché sur place des experts militaires chargés d'étudier la situation sécuritaire - y compris au Sud, où il ne faudrait pas que les difficultés actuelles ouvrent la voie à AQMI. L'Union africaine agit dans le même sens. Quant à l'Union européenne, que j'ai saisie, elle apporte son soutien à la formation des militaires ainsi qu'une aide humanitaire. Enfin, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté la semaine dernière, à l'initiative de la France, une résolution placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies et dans laquelle, sans autoriser une intervention prochaine, il invite les instances concernées à revenir devant lui le moment venu s'il le faut. La France prend les contacts nécessaires pour que les grands pays - dont les membres permanents du Conseil de sécurité, mais aussi l'Afrique du Sud, qui y siège et dont on connaît l'importance sur le continent - oeuvrent en ce sens.
Nous n'en sommes donc pas à invoquer la responsabilité de protéger. La France, je le répète, veut être facilitatrice ; nous soutenons nos amis africains, mais c'est à eux seuls, à travers leurs organisations régionales, qu'il appartient d'agir, tandis que nous jouons notre rôle comme membre permanent du Conseil de sécurité et comme membre de l'Union européenne.
Nous y reviendrons, car cette crise ne se dénouera pas en trois semaines !
Q - (Sur le génocide arménien)
R - Sur le difficile problème du génocide arménien et de la Turquie, nous devons également mesurer nos paroles. Une loi que plusieurs d'entre vous ont votée tendait à réprimer sous certaines conditions la négation du génocide. Le Conseil constitutionnel, auquel le texte a été déféré, l'a jugé non conforme à la Constitution. Au cours de la campagne présidentielle, un engagement à sanctionner la négation du génocide a été souscrit - par les deux principaux candidats, si ma mémoire est bonne. Le gouvernement y travaille. La tâche n'est pas facile, car il s'agit de respecter à la fois cet engagement du président de la République et l'ordre juridique et constitutionnel qui s'impose à nous.
Par ailleurs, le président français a rencontré son homologue turc, M. Gül, en marge du sommet de l'OTAN à Chicago, puis le Premier ministre Erdogan à Los Cabos, au Mexique, dans le cadre du Sommet du G20. À l'issue de cette prise de contact très fructueuse, au cours de laquelle ces questions n'ont pas été abordées, les Turcs ont décidé de lever les sanctions économiques qu'ils avaient prises contre la France. J'ai ensuite moi-même reçu le ministre turc des Affaires étrangères, avec lequel j'ai discuté de ces sujets. Je lui ai indiqué les termes du problème. La communauté arménienne s'est émue de ma déclaration, craignant que le Président renonce à honorer son engagement. L'Élysée a confirmé sa promesse. Voilà où nous en sommes.
Nous devons tenter de trouver une solution en toute bonne foi. Il faut également faire en sorte que les relations entre l'Arménie et la Turquie s'améliorent ; mais, sur ce point, nous ne pouvons que formuler des propositions. Le ministre turc des Affaires étrangères m'a confirmé qu'il souhaitait cette amélioration. Je recevrai dans quelques jours mon homologue arménien.
Q - (Sur le conflit israélo-palestinien)
R - En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, le gouvernement français entretient de très bonnes relations avec chacune des deux parties. M. Mahmoud Abbas est venu plusieurs fois à Paris. Lors de sa dernière visite, il s'est entretenu avec le président de la République, avec le Premier ministre et avec moi-même. C'est un homme de dialogue. Dans ce conflit qui est, vous l'avez dit, la mère de bien d'autres, nous nous sommes également efforcés d'être facilitateurs. Du côté israélien, M. Netanyahou nous a envoyé nombre de ses collaborateurs - ministres, conseillers -, ce qui témoigne de l'intérêt qu'il accorde à la position française, et nous a fait savoir qu'il tiendrait la France, à l'instar des États-Unis, particulièrement informée de la situation.
Voici ce que je puis dire. Les Israéliens et les Palestiniens déclarent les uns comme les autres vouloir avancer. Les discussions portent sur deux questions : d'une part, la libération de prisonniers - leur nombre, leur identité ; d'autre part, la livraison d'armes dont l'Autorité palestinienne a besoin pour assurer la sécurité. Or, les élections américaines approchent et, avant même cette échéance, il est envisagé, avec crainte ou avec espoir - c'est selon - , que la question revienne devant l'Assemblée générale des Nations unies, qui se réunit en septembre, voire devant le Conseil de sécurité. Il est souhaitable que les discussions aient progressé d'ici là. La France s'efforce d'oeuvrer en ce sens.
J'ai en outre fait valoir à nos interlocuteurs israéliens qu'ils y avaient tout intérêt, non seulement pour remédier à une injustice et éteindre un foyer de troubles et de drames, mais aussi parce que les pays où ont eu lieu les «printemps arabes» risquent de se retourner contre Israël - ce qu'ils n'ont heureusement pas fait jusqu'à présent - lorsqu'ils connaîtront des revers et des difficultés économiques. C'est lorsque l'on est en position de force du point de vue politique, comme l'est aujourd'hui M. Netanyahou, que l'on doit discuter : voilà ce que j'ai amicalement dit aux Israéliens.
La France soutient et soutiendra toutes les initiatives qui contribueront à hâter l'issue du conflit. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que l'on réussira en quelques jours, avant les élections américaines ; mais des signes favorables, notamment sur les deux points que j'ai soulignés, permettraient d'espérer, dans la région et au-delà, la relance d'une solution à ce conflit aussi ancien que cruel.
Q - (Sur les mouvements d'ambassadeurs)
R - Quelques mouvements d'ambassadeurs ont déjà eu lieu et d'autres interviendront au cours des semaines à venir, comme cela arrive périodiquement lorsque des postes se libèrent ; mais aucun mouvement massif n'est prévu. Quant aux postes non pourvus, ils doivent l'être le plus vite possible ; mes services formuleront des propositions et je m'efforcerai de ne pas perdre de temps.
Pour le reste, je présenterai dès le Conseil des ministres de rentrée, à la fin du mois d'août, un plan sur la diplomatie économique ; ce sera l'un des deux principaux sujets à l'ordre du jour de la Conférence des ambassadeurs prévue la semaine suivante. Ce plan global, qui associera les autres ministères visera à donner à notre diplomatie le «réflexe économique».
Q - (Sur la République démocratique du Congo)
R - En ce qui concerne la RDC, nous recevons des informations alarmantes mais la rencontre entre les présidents Kabila et Kagamé à Addis-Abeba peut être interprétée favorablement. L'action de la France a pour objectif la stabilisation des Kivu et l'unité de la RDC. Des groupes armés veulent remettre en cause les efforts déjà accomplis et faire basculer l'Est du pays dans le chaos, ce qui nuirait non seulement à la RDC mais à tous ses voisins. Nous soutenons donc résolument les initiatives prises en marge du Sommet de l'Union africaine, qui pourraient déboucher sur une solution - mais restons prudents, car nos espoirs ont souvent été déçus. La France peut apporter son aide ; j'aimerais toutefois être certain que les choses avancent comme on nous le dit.
Q - (Sur la situation de Mme Ioulia Timochenko)
R - En ce qui concerne Mme Timochenko, la position de la France, comme celle des autorités européennes, consiste à défendre le droit. Même si cela peut paraître symbolique, nous avons d'ailleurs témoigné à l'Ukraine notre réprobation à l'occasion d'une récente manifestation sportive. La fille de Mme Timochenko a été reçue au ministère il y a quelques jours. Nous nous efforçons de progresser sur ce dossier, ce qui n'est pas facile.
Q - (Sur le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan)
R - Quant au conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, je recevrai dans les jours qui viennent leurs ministres des Affaires étrangères respectifs. Je souhaite que la France, qui copréside le groupe de Minsk, contribue à faire progresser les discussions ; je ne sais pas encore comment nous pouvons nous rendre utiles, mais notre disponibilité est totale.
Q - (Sur l'activité de Peugeot en Iran)
R - Enfin, s'agissant de l'activité de Peugeot en Iran, j'ai été par ailleurs informé des difficultés auxquelles vous faites allusion. Si des sanctions sont décidées, nous devons les appliquer ; mais il ne faut pas aggraver les difficultés dont souffre Peugeot.
Q - (Sur la modification de la prise en charge de la scolarité à l'étranger)
R - La modification de la prise en charge (PEC) de la scolarité des élèves français était l'un des engagements du candidat François Hollande. De fait, si la gratuité avait pu sembler séduisante, au point qu'elle avait été promise pour l'ensemble de la scolarité, elle n'était pas sans effets pervers. Ainsi, certaines entreprises qui contribuaient auparavant à ce financement ne le faisaient plus, au motif que le contribuable y pourvoyait. Surtout, l'argent consacré à la PEC n'était pas disponible pour financer les bourses. Le système était donc injuste et l'engagement de M. Hollande sera tenu.
Le président de la République a rassuré les associations de Français à l'étranger qui redoutaient que l'État veuille faire des économies avec la suppression de la PEC. Les sommes en cause seront entièrement affectées aux bourses, et aux personnes qui en ont le plus besoin. La mise en place d'un nouveau système étant toujours difficile, il a été demandé à Mme Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, d'adopter une attitude ouverte afin d'éviter que des familles se trouvent en difficulté.
Q - (Sur la politique d'aide au développement)
R - Monsieur Terrot, la tendance à un plus grand multilatéralisme ne doit pas nous priver des moyens de mettre en oeuvre notre propre vision. Lors de la préparation du budget, dans quelques semaines, M. Canfin, ministre délégué chargé du développement, et moi-même, nous efforcerons d'assurer un bon équilibre qui, tout en respectant le multilatéralisme, ne nous dessaisisse pas de nos capacités d'influence.
Q - (Sur les moyens de la Défense et la politique étrangère)
R - Il va de soi que notre outil de défense ne doit pas être démantelé, le Sahel en est un exemple. C'est cependant aux Africains qu'il appartient de traiter cette question, même si la France peut jouer un rôle d'appui.
Q - (Sur la situation de l'Union européenne)
R - Votre vision peu optimiste de l'état de l'Union européenne ne nous a pas surpris. Je ne crois pas être moi-même euro-béat, mais la réunion des 28 et 29 juin a été positive, à la différence de certaines réunions précédentes. Elle doit maintenant se traduire dans les faits, et les ministres compétents y travaillent.
Q - (Sur le pacte de croissance)
R - On ne peut qualifier le pacte de croissance de «pacte de récession», sauf à avoir de la réalité une vision assez paradoxale. Je vous donne acte cependant que ces mesures doivent être appliquées, ce qui n'est pas si facile.
Q - (Sur le bilan des actions en matière de politique étrangère)
R - Me voilà devant vous comme Saint Sébastien percé de flèches. Si je vous ai paru trop flou, mettez cela sur le compte de mon manque d'éloquence, d'expérience et de capacité de synthèse. Vos conseils seront précieux en tout cas.
Il me semblait que, depuis deux mois, le président de la République et son gouvernement ne démarraient pas si mal dans leurs rapports avec l'Union européenne, lorsqu'ils ont mis en avant le thème de la croissance. Il ne me semble pas que la Conférence des amis du peuple syrien, qui a réuni 107 pays à Paris, ait été perçue par le monde entier comme un échec cinglant. Nos rapports avec l'Italie étaient déjà bons, encore fallait-il les matérialiser. Dans nos rapports avec la Birmanie je n'ai pas le sentiment que la réception faite en France à Mme Aung San Suu Kyi soit à mettre au débit de la diplomatie française. Hier, en Algérie M. Bouteflika m'a fait un accueil particulièrement chaleureux - voyez la presse algérienne. Quant au voyage que j'ai effectué en Chine - qui contrastait, il est vrai, avec celui que j'avais fait avant les élections -, le fait sans précédent d'être reçu à la fois par le Premier ministre actuel et par celui qui lui succédera probablement après le XVIIIème Congrès ne constitue pas une marque d'infamie indélébile. Nous pouvons peut-être mieux faire, mais le démarrage aurait pu être plus catastrophique.
Q - (Sur l'Égypte)
R - Pour ce qui est de l'Égypte, nous faisons tous la même analyse : deux pouvoirs se font face et tentent de se concilier tout en luttant l'un contre l'autre, sous le regard fatigué de la population. Vous aurez vu que les résultats de l'élection présidentielle diffèrent de ceux des élections législatives - 51 % contre 49 % dans un cas, 80 % contre 20 % dans l'autre.
L'un des juges de paix sera la situation de l'économie, aujourd'hui catastrophique - elle est maintenue par les États-Unis et, dans une moindre mesure, par l'Union européenne. Les recettes touristiques ont plongé, les recettes gazières et pétrolières sont modestes. L'inquiétude porte à la fois sur la capacité de conciliation entre les différents pouvoirs, sur la lassitude de l'opinion et sur la situation économique. Nous avons fait savoir que nous serions très attentifs au respect des droits, notamment de ceux des minorités.
Q - (Sur l'Iran et la Syrie)
R - Les relations entre l'Iran et la Syrie mériteraient un long développement. Selon les informations dont nous disposons, les sanctions commencent à avoir un effet notable. Le secteur pétrolier est particulièrement affecté.
Certains pays, comme la Chine, n'appliquent pas les sanctions, qui représentent d'ailleurs un sacrifice pour les pays qui les acceptent, comme le Japon. La Grande-Bretagne, après avoir argué des difficultés que représenteraient ces sanctions pour les transactions de la City, s'est finalement rangée à nos arguments. Même si elles ne suffisent pas, les sanctions sont utiles. La France veut combiner sanctions et discussions. Pour l'heure, nous ne progressons guère, mais nous poursuivons la pression.
Q - (Sur les Printemps arabes)
R - J'ai demandé à notre direction de la prospective d'apporter des éléments de réponse à votre question. Nous pouvons adopter une position de principe générale, fondée sur les droits, et l'ajuster à la situation - laquelle est différente en Tunisie, en Syrie, en Libye et en Égypte.
Q - (Sur la coopération décentralisée)
R - J'ai demandé à M. André Laignel, en tant que secrétaire général de l'Association des maires de France, d'examiner l'ensemble de la coopération décentralisée. Il convient d'opérer un double mouvement : le ministère des Affaires étrangères doit jouer un rôle de proposition beaucoup plus marqué pour indiquer aux collectivités ce qu'elles peuvent faire et, symétriquement, les collectivités doivent pouvoir s'appuyer sur le ministère. Certaines régions, qui interviennent dans des pays lointains, disposent d'équipes qui sont à la fois coûteuses et trop peu nombreuses pour être efficaces. À l'inverse, au Japon, les responsables d'Ubifrance - l'organisme qui intervient pour les petites et moyennes entreprises - m'ont donné des exemples de régions qui mettent à disposition des personnels abrités dans la structure d'Ubifrance, ce qui permet une synergie au profit tant de la région concernée que de l'ensemble de notre pays. Il faut avancer dans ce domaine qui intéresse beaucoup les collectivités et les élus, et représente des montants considérables.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2012