Conférence de presse de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires européennes, sur les efforts de l'Union européenne en faveur de la croissance économique et de l'équilibre budgétaire, à Bruxelles le 24 juillet 2012.

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Circonstance : Conseil affaires générales, à Bruxelles (Belgique) le 24 juillet 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, merci infiniment pour votre présence. Je vous prie de m'excuser pour mon retard mais j'étais à une réunion avec un commissaire européen sur des sujets qui méritaient qu'on s'y attarde un peu plus que nous ne l'avions envisagé à l'origine, ce qui explique mon retard.
Ce que je vous propose si vous en êtes d'accord, c'est de dire en quelques mots les raisons de notre rencontre et de ma présence ici à Bruxelles aujourd'hui. Au terme de ce court propos introductif, je répondrai bien volontiers à l'ensemble des questions que vous souhaitez me poser sur les sujets sur lesquels je suis aujourd'hui venu à votre rencontre.
Je suis donc à Bruxelles aujourd'hui mardi pour un Conseil Affaires générales qui va être l'occasion d'entendre la Présidence chypriote sur les priorités de cette présidence sur les six mois qui viennent. Nous avons, dans le cadre des procédures habituelles, rencontré la Présidence chypriote pour entendre ses orientations et lui faire part des nôtres, dans la perspective notamment de l'élaboration des perspectives financières pour la période 2014-2020. Ce dialogue qui s'est tenu, pour ce concerne notre pays la semaine dernière, a été extrêmement riche, intéressant et nous aborderons aujourd'hui à la fois les priorités de cette Présidence et d'autre part, nous ré-aborderons une nouvelle fois la question des perspectives financières avant de nous retrouver à la fin du mois d'août pour une réunion entre ministres des Affaires européennes à Nicosie.
Par ailleurs, j'ai profité de ce déplacement à Bruxelles pour rencontrer un certain nombre d'acteurs de la Commission, et non des moindres, avec un souci que vous allez comprendre : nous sommes sortis de la réunion du 29 juin dernier avec la volonté de faire vivre ce pacte pour la croissance de façon concrète, efficace, et de le décliner rapidement sur le territoire de nos différents pays pour faire en sorte que les décisions que nous avons prises soient effectives et aient des résultats. Par conséquent, pour ce qui concerne le gouvernement français, nous prenons des dispositions et nous nous mobilisons à la fois en France et ici à Bruxelles pour atteindre l'objectif de cette efficacité, de cette mise en oeuvre opérationnelle des mesures pour lesquelles nous nous sommes mobilisés et pour lesquelles nous avons pris des décisions le 29 juin dernier.
Pour ce qui concerne tout d'abord les dispositions que nous avons prises en France, nous mobilisons l'ensemble des préfectures de région, des grandes associations d'élus, au premier rang desquelles l'association des régions de France, pour créer les conditions d'une mobilisation rapide, effective, des fonds structurels disponibles dans nos régions à des fins d'orientation de ces fonds vers les projets les plus structurants, les plus porteurs de croissance, qui rentrent de surcroît dans le cadre des objectifs 2020 sur lesquels nous sommes mobilisés, croissance verte, transition énergétique, développement des nouveaux réseaux de transports et autres sujets très stratégiques sur lesquels nous souhaitons orienter la croissance.
Nous avons également pris des contacts, je les ai conduits avec les acteurs de la Banque européenne d'investissement (BEI), pour voir très concrètement comment accompagner les projets susceptibles d'être financés par les fonds structurels qui rentrent dans le cadre de cette programmation, mais aussi accompagner un certain nombre de grands projets français d'investissement qui pourraient bénéficier de la mobilisation des prêts de la BEI. Nous souhaitons, concernant les prêts de la BEI et la phase pilote des «project bonds», qu'un certain nombre de grands projets qui peuvent être identifiés et accompagnés en maîtrise d'ouvrage par le Commissariat général aux Investissements puisse être, là aussi, mis sur le métier.
Par ailleurs, j'ai pensé qu'il était intéressant de rencontrer trois types d'interlocuteurs avec le même souci de faire en sorte que ce que nous faisons en France soit articulé avec ce qui se fait ici le mieux possible, toujours avec le même souci d'efficacité, de cohérence. J'ai rencontré hier le Commissaire Semeta sur les questions fiscales, notamment sur la taxe sur les transactions financières qui est un des sujets importants pour nous, à la suite des conclusions de la réunion du 29 juin dernier. Cette taxe sur les transactions financières, nous souhaitons la mettre en oeuvre en coopération renforcée. Nous souhaitons que les discussions s'engagent sur la base des propositions de la Commission et que nous puissions cheminer avec ceux qui saisiront la Commission d'une lettre d'intention en vue de la mise en oeuvre de cette coopération renforcée, de telle sorte à aboutir à une taxe ambitieuse qui puisse être effective le plus rapidement possible. Il ne s'agit pas simplement pour nous de mettre en oeuvre cette taxe pour tenir un engagement qui n'est pas sans importance, mais il s'agit aussi à travers cette taxe et d'autres outils, d'engager une réflexion stratégique, prioritaire et importante, sur les ressources propres dont doit bénéficier le budget de l'UE pour pouvoir faire en sorte que, dans le cadre des perspectives budgétaires 2014-2020 et autres perspectives des années qui viennent, la dynamique des ressources propres permette à l'UE d'être dotée d'un budget permettant de prolonger notre ambition de croissance à travers ces perspectives budgétaires.
Nous avons, avec le Commissaire Semeta, abordé d'autres sujets qui concernent d'autres ressources propres possibles. Je pense notamment à ce qui tourne autour de la fiscalité environnementale, écologique, fiscalité carbone. J'ai rencontré ce matin grâce à l'hospitalité de, M. l'ambassadeur Philippe Etienne, le Commissaire Hahn sur les fonds structurels ; c'était le deuxième sujet : comment faire en sorte que les 55 milliards de fonds structurels puissent être mobilisés ? Comment voyons-nous la politique de cohésion dans la perspective du budget 2014-2020 ? Nous étions avec le Commissaire Semeta comme avec le Commissaire Hahn dans une réflexion très opérationnelle, très concrète sur la manière de faire en sorte que l'ambition de croissance soit effective, déclinable, tangible.
Et puis nous avons eu également des échanges avec l'entourage du président Van Rompuy sur une feuille de route qui permet de profiler l'Union économique et monétaire au moment où nous devons continuer à témoigner d'une grande vigilance pour faire en sorte que toutes les décisions que nous avons prises soient effectives face aux marchés. Voilà ce que je voulais vous dire en introduction sur les raisons de ce déplacement, son agenda, les sujets qui ont été traités, mis sur le métier. Je ne vais pas vous assommer avec un propos de trois quarts d'heure au terme duquel je prendrais cinq minutes de questions, j'ai dû parler sept minutes et je vous laisse la parole pour des questions dont je ne peux pas vous garantir que je pourrais les prendre pendant trois quarts d'heure, car il y a une réunion du CAG qui suit notre réunion.
Q - J'en ai plusieurs... La première, juste brièvement sur la coopération renforcée en matière de fiscalité : combien de pays sont prêts à soumettre cette lettre à la Commission et quand allez-vous le faire ? Ensuite, sur cette taxe, combien vont rester dans les États et combien vont aller abonder des opérations, soit pour le budget européen, soit pour des opérations dites vertes dans le cadre du 2020 ? Ma troisième question : vous parlez des perspectives financières, la Commission européenne et le Commissaire Lewandowski vous ont dit que vous étiez des pingres parce que le budget 2013, vous l'avez taillé de 5 milliards, dont 3,5 qui sont destinés aux opérations pour l'emploi et la formation. Avez-vous une justification ?
R - Je vais essayer de répondre le plus précisément possible à vos trois questions. Pour ce qui concerne la coopération renforcée, il faut qu'il y ait au moins neuf pays. Pour l'instant, nous sommes dans une fourchette entre neuf et douze pour les plus optimistes, entre sept et douze pour ceux qui le sont moins, ce qui veut dire que nous pensons que nous parviendrons à adresser cette lettre à la Commission avec le nombre requis d'États, ce qui est la condition de l'enclenchement du dispositif. Nous travaillons au «drafting» de la lettre avec nos partenaires et nous essayons de l'élaborer de façon extrêmement pragmatique, de manière à être le plus efficace possible et dans l'esprit que je vous indiquais ; c'est-à-dire que si nous voulons créer les conditions d'aboutir sur ce sujet, il faut que nous tenions compte de ce qui a déjà été écrit en la matière, notamment par la Commission. C'est la raison pour laquelle nous indiquons que ce qu'a écrit la Commission constitue une base à partir de laquelle nous pouvons cheminer et le «drafting» sur lequel nous travaillons tient compte de cette réalité là. La deuxième chose, c'est qu'il faut qu'à partir de ce « drafting «, nous soyons dans une situation où nous puissions faire un consensus.
Nous sommes donc très concrets sur la volonté d'aboutir à un compromis, un consensus. Pour cela, nous tenons compte des débats qui sont déjà intervenus entre nous ou à l'intérieur même des pays pour faire en sorte que chacun ait bien à l'esprit la position dont parle l'autre et, par ailleurs, nous le faisons avec le souci de créer les conditions à la fois d'une régulation - parce que cette taxe est un instrument de régulation - et, d'autre part, du bon fonctionnement des places financières des pays qui appliqueront cette taxe. C'est donc avec la volonté de mettre la position au barycentre de ces préoccupations que nous avançons, et pour cela, nous préparons un courrier sur la base des propositions de la Commission qui laissent ouvertes les hypothèses de manière à pouvoir cheminer ensemble.
Deuxièmement, vous me posez la question de l'affectation de cette taxe : le président de la République s'est exprimé à ce sujet à plusieurs reprises et avait indiqué qu'il souhaitait que l'affectation de cette taxe serve au rétablissement des comptes publics, à la croissance et à l'aide au développement. J'ai eu, à plusieurs reprises devant le Parlement français, à indiquer que, pour atteindre l'objectif, notamment de la croissance, et dans la perspective de la dynamisation du budget de l'UE, la France n'était pas fermée à définir les modalités d'une affectation de partie de cette taxe au budget de l'UE. C'est un sujet sur lequel il faut que nous puissions cheminer avec nos partenaires en trouvant les bonnes modalités pour le faire. Mais on ne peut pas à la fois vouloir que le budget de l'UE reçoive à terme des ressources propres et ne pas accepter de poser la question de l'affectation d'une partie de cette taxe du budget de l'Union sur le métier, même si, techniquement, nous devons prendre le temps de la réflexion pour définir avec nos partenaires les modalités de cette affectation. Plusieurs solutions techniques se présentent à nous.
Troisièmement, le budget : je sais que c'est un sujet auquel vous êtes particulièrement sensible vous-mêmes, sur lequel vous écrivez des choses que je lis toujours avec beaucoup d'attention. Je veux par conséquent vous dire des choses précises sur cette question. La première chose précise que je veux vous dire, c'est qu'il y a deux manières de lire ce qui s'est passé dans la discussion budgétaire concernant non pas les perspectives budgétaires 2014-2020 mais la discussion sur l'annualité budgétaire qui vient.
La Commission nous adresse deux demandes et nous voulons satisfaire les deux, en sachant qu'il faut satisfaire les deux en étant à la fois concrets et raisonnables. Nous devons respecter nos trajectoires financières budgétaires prises devant la Commission parce que le rétablissement de nos comptes publics en dépend. Le rétablissement de nos comptes publics est un sujet sur lequel nous sommes engagés et dont dépend le rétablissement de la croissance, parce que sans rétablissement des comptes publics, il n'y aura pas de rétablissement de la croissance. Par ailleurs, nous sommes engagés devant la Commission à laquelle nous présentons une trajectoire pluriannuelle de finances publiques à laquelle nous devons nous tenir.
La Commission nous dit aussi vouloir souhaiter disposer d'un budget qui lui permette de mettre en oeuvre concrètement les engagements que nous avons pris ensemble, ce que nous comprenons puisque de ces engagements dépend l'atteinte des objectifs de croissance ou pas. Nous sommes à la fois dans la volonté de réussir la stabilité et de réussir la croissance.
Je vous rappelle quand même, M. Spillmann que l'an dernier, nous avons eu un budget par rapport à l'année précédente en augmentation de 2 % et notre contribution a augmenté de plus de 2 %. Là, nous sommes à 2,8 % ; c'est moins que ce que nous pourrions souhaiter si la situation des finances publiques le permettait, c'est plus que ce qui avait été fait l'an dernier, et cela ne présage en rien de ce qu'est l'issue de la négociation puisqu'elle est en cours, d'une part, et, d'autre part, de ce que nous pourrons faire pour les perspectives budgétaires 2014-2020, puisque nous sommes en arbitrage. Donc, aujourd'hui, nous sommes dans une phase transitoire ; nous faisons plus que l'an dernier et nous sommes en train de définir, dans un cadre interministériel, une position à l'automne sur les perspectives budgétaires 2014-2020. La volonté est de faire en sorte que l'Europe puisse bénéficier d'un budget qui lui permette de faire de la croissance et qui nous permette, dans cet objectif-là, de jouer notre rôle, et en même temps, de ne pas déroger à ce que nous demande la Commission en matière de respect d'un certain nombre de règles de finances publiques.
C'est dans cette perspective que nous souhaitons très clairement - parce que nous ne sommes pas les plus pingres des radins, contrairement à ce que vous dites - faire en sorte que nous puissions à la fois avoir la croissance et la stabilité dans la perspective de ces arbitrages et des discussions que nous avons, et ouvrir un chantier qui, jusqu'à présent, ne l'a pas été comme il devait l'être, celui des ressources propres de l'Union. Parce que la meilleure manière de garantir demain un budget dynamique qui permette de faire de la croissance, c'est de créer des conditions des ressources propres de l'Union afin à terme de substituer à des dotations contraintes des recettes dynamiques, pour partie, et de faire en sorte que ce dynamisme des recettes garantisse un dynamisme du budget en vue de sortir de cette approche toujours très contrainte dans laquelle nous sommes depuis des années. Et la France, sur la question des ressources propres, dans l'attente de ces arbitrages, joue un rôle important pour qu'il y ait une cohérence entre les objectifs de croissance que nous portons, et ce que nous mettrons dans les perspectives budgétaires, parce que les perspectives budgétaires peuvent aussi être la prolongation de notre ambition de croissance.
Q - Pour revenir sur les ressources propres, je voulais savoir un petit peu si vous aviez des idées plus précises concernant la fiscalité carbone et environnementale et si cela en fait partie ? Quelles sont vos propositions dans ce domaine et avez-vous l'impression qu'il y a un soutien suffisamment large pour ceci ? Voyez-vous des pistes se dégager ? Et puis par rapport au niveau général du budget, la France, vous l'avez dit, a un objectif de maintenir les coûts de sa contribution au budget européen, donc est-ce que cela veut dire que si on réduit les contributions nationales, cela permet d'augmenter le montant total du budget européen ?
R - J'essaie de m'exprimer précisément, mais je me rends compte à travers votre question qu'en réponse à votre collègue, je n'ai pas dû être encore suffisamment clair. Je vais donc essayer d'être encore plus précis.
Pour ce qui concerne la fiscalité et les ressources propres, la Commission a une réflexion, des propositions pour ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, pour ce qui concerne la contribution carbone.
Pour ce qui concerne la taxe sur les transactions financières comme pour la contribution carbone, nous souhaitons que la discussion s'engage sur les bases des propositions de la Commission, et que sur la base des propositions de la Commission, les choses soient suffisamment ouvertes pour que le débat se noue entre les États et que, dans le cadre des comités, les choses se déploient de telle sorte que nous puissions aboutir à un consensus. C'est ce que j'ai rappelé hier au Commissaire Semeta, c'est-à-dire notre ouverture et notre souhait de voir le budget de l'UE être doté de ressources propres, la volonté qui est la nôtre sur la taxe sur les transactions financières de partir des bases de propositions de la Commission pour cheminer en tenant compte des débats qui ont déjà eu lieu entre les États vers un objectif qui permette de faire en sorte que cette taxe sur les transactions financières soit mise en oeuvre en coopération renforcée dans les mois qui viennent.
Pour ce qui concerne la contribution carbone, j'ai écouté avec intérêt les propositions de M. Semeta. J'ai manifesté l'intérêt de la France pour cette discussion et la volonté qui était la nôtre de faire en sorte que, sur ce sujet, le débat puisse se poursuivre.
Pour ce qui concerne le budget, je vous ai indiqué des choses précises. Je vous ai dit : «nous devons avoir à la fois la stabilité, c'est-à-dire le respect de la trajectoire budgétaire et, par ailleurs, une contribution qui permette de faire de la croissance». Je ne vous ai pas dit que la décision avait été prise par la France de maintenir sa contribution ; je vous ai dit que nous étions en cours d'arbitrage pour faire en sorte que cet équilibre entre stabilité et croissance soit au coeur des arbitrages auxquels nous allons procéder, et qui sont en cours. Voilà très précisément ce que je vous ai indiqué. Notre objectif est de faire en sorte que nous puissions tenir nos objectifs de stabilité, que nous puissions faire de la croissance et que, pour cela, le budget de l'Europe puisse être doté de ressources propres dynamiques. C'est autour de ces trois éléments de notre réflexion que nous préparons des arbitrages qui seront rendus dans les semaines qui viennent, de telle sorte que nous puissions poursuivre la discussion en CAG au cours des derniers trimestres de l'année 2012.
Q - Vous dites que vous allez terminer ces arbitrages à l'automne. J'ai un peu de mal à y croire étant donné que la discussion sur les chiffres des perspectives financières commence fin août - début septembre. Je ne comprends pas très bien... Est-ce que derrière cela, vous n'êtes pas en train de nous dire que vous ne voulez pas assumer que le gouvernement français est aussi pieds et poings liés par la situation économique et les besoins de réduire son déficit et sa dette publique que le gouvernement précédent, malgré les discours sur la croissance ? Ma deuxième question est sur le budget 2013 : un des secteurs les plus porteurs de croissance, c'est la recherche, et sur le budget 2013, il a été coupé par rapport à la proposition de la Commission de 1,2 milliard ; c'est conséquent, que pouvez-vous nous dire là-dessus ? Et aussi sur les ressources propres, jusqu'à quel point est-ce que vous êtes prêts à vous battre sur une question comme le rabais britannique ?
R - Pardonnez-moi de ne pas vous donner des réponses par rapport à ce que vous avez envie d'écrire, mais par rapport à ce que nous avons envie de faire. Mon rôle est de faire en sorte que nous prenions les bonnes décisions et que nous les mettions en oeuvre, et de faire en sorte que ces bonnes décisions soient préparées dans le cadre des bons dispositifs d'arbitrage. Vous avez envie de penser que nous sommes pieds et poings liés et que nous ne pourrons pas avoir la marge de manoeuvre budgétaire qui convient pour faire en sorte que nous puissions, dans le budget de l'UE prolonger nos ambitions de croissance. Je vous réponds que telle n'est pas notre volonté et, comme cette réponse ne suffit pas, je vais essayer de vous dire comment nous allons faire, sans être assuré de pouvoir vous convaincre.
Premier point : oui, nous sommes dans une situation budgétaire qui implique que nous recherchions l'objectif de stabilité. Cela correspond d'ailleurs tout à fait à nos engagements. Nous avons dit que nous voulions procéder à des efforts de rétablissement des comptes publics parce que sans le rétablissement des comptes publics et sans des efforts faits de maîtrise et de diminution de la dette, nous ne parviendrons pas à avoir de croissance. Les déficits qui se creusent et la dette qui augmente, ce sont des pressions sur les taux d'intérêt dont on voit les effets en Espagne ou dans d'autres pays. Il n'y a donc pas de rétablissement de la croissance possible s'il n'y a pas un effort de rétablissement des comptes publics, parce que la dégradation des comptes publics, ce sont des taux d'intérêt qui s'envolent et il n'y a pas de possibilité de faire de la croissance dans des pays dont les taux d'intérêt connaissent une telle pression à la hausse.
Deuxième élément de réponse : la discussion commence au mois de septembre, dites-vous, mais elle a déjà commencé. Nous sommes déjà dans la négociation, nous sommes depuis plusieurs CAG en train de discuter d'une boîte de négociations préparée par la Présidence danoise, dont nous avons dit qu'elle constituait une bonne base de discussions. Cette négociation va se poursuivre et nous souhaitons qu'elle aboutisse à la fin de l'année ou au début de l'année 2013. Les arbitrages dont je vous parle seront rendus de telle sorte à ce que nous puissions participer activement à cette discussion, à cette négociation dans le courant du dernier trimestre de l'année 2012.
La question que vous me posez, c'est : «comment rendez-vous compatible la contrainte budgétaire avec vos ambitions pour la croissance ?». Il y a plusieurs éléments de réponse à cela : le premier élément de réponse dont je vous ai déjà parlé, c'est la possibilité de faire en sorte que nous puissions mettre sur le métier - par la réflexion sur les ressources propres que nous souhaitons mettre dans les priorités de la discussion de la négociation sur le même plan que ce que nous débattons sur les dépenses -, que nous puissions ouvrir des perspectives pour le budget de l'UE qui permette à ce budget de disposer de ressources propres dynamiques qui garantissent que l'on pourra, dans les années qui viennent - à condition de tomber d'accord sur la nature de ces ressources propres, sur leur assiette, sur la manière dont nous les mobilisons et les affectons au budget de l'UE - ouvrir des perceptives pour le budget de l'Union qui soient infiniment plus dynamiques que ce qui a prévalu jusqu'à présent. Il est possible d'ouvrir ces perspectives pour les ressources propres de l'UE sans remettre en cause l'exigence de rigueur qui préside à nos ambitions de stabilité budgétaire. C'est la raison pour laquelle nous sommes très offensifs sur cette question des ressources propres et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que nous puissions aborder cette discussion avec le Commissaire Semeta hier. Des discussions existent aussi entre les pays de l'Union sur cette perspective parce qu'il y a, malgré la contrainte budgétaire, une ambition européenne et une ambition pour le budget de l'Union qui peut passer par ce chemin là.
Deuxièmement, il y a la réflexion sur le «better spending». Vous parlez de la recherche, mais nous avons aussi, dans les perspectives budgétaires pour l'année qui vient, insisté beaucoup sur le maintien des fonds de cohésion - je rappelais ce sujet avec le Commissaire Hahn tout à l'heure - et nous souhaitons, pour ce qui concerne les fonds de cohésion, que nous puissions procéder à des évolutions. Nous accompagnons totalement la réflexion sur la concentration thématique. Nous pensons qu'il est tout à fait souhaitable et possible aujourd'hui, dès lors que l'on maintient les efforts sur les fonds de cohésion, de faire en sorte qu'il y ait une meilleure utilisation de ces fonds en faisant en sorte que ces fonds soient davantage utilisés dans la perspective des orientations définies au titre de l'Europe 2020, ce qui permet d'avoir une plus grande efficacité de ces fonds.
Troisièmement, il y a la volonté qui est aussi la nôtre de faire en sorte qu'ils puissent, dans le cadre de l'affectation des ressources propres à la croissance, y avoir des dispositifs qui permettent d'optimiser ce que nous pouvons faire en matière de recherche, d'innovation, de croissance demain ; les arbitrages portent aussi sur ce que nous pourrions faire en la matière. Donc, la marge de manoeuvre est moins importante que ce que nous pourrions souhaiter si nous étions en pleine croissance avec une marge de manoeuvre budgétaire importante, mais les marges de manoeuvre ne sont pas nulles ; beaucoup dépend de la capacité d'imagination et de la volonté politique qui sera la nôtre. Je ne peux pas vous dire autre chose que la réalité, c'est-à-dire que cette volonté politique est grande et elle nous conduit à optimiser ce que nous pouvons faire dans le cadre des marges de manoeuvre qui existent. Il y a des pistes, et ces pistes sont intéressantes, elles ont été jusqu'à présent inexplorées. Je pense notamment à tout ce qui concerne les ressources propres.
Q - Allez-vous chercher, au cours de ce CAG, une date pour un nouveau sommet européen pour sauver l'Espagne ?
R - Il y a eu une réunion importante le 29 juin à l'occasion de laquelle des décisions ont été prises. Ces décisions sont pour partie en cours de mise en oeuvre. Je rappelle quelles sont ces décisions : mise en place de la supervision bancaire qui permettrait de faire intervenir le MES directement à la recapitalisation des banques et fin de la séniorité du MES pour ce qui concerne particulièrement l'Espagne.
Au terme de la mise en place de la supervision, nous souhaitons et nous avons insisté sur ce point également dans nos discussions au cours des dernières heures - nous le faisons en continu à tous les niveaux : la Représentation permanente, les ministres de l'Eurogroupe, l'ensemble de ceux qui ont à connaître de ces sujets - pour que nous puissions faire en sorte que la supervision bancaire soit effective dans les délais prévus par le Conseil de telle sorte que les modalités d'intervention du MES, telles que décidées à l'occasion de la réunion du 29 juin, puissent être mises en oeuvre rapidement au profit de l'Espagne.
Deuxièmement, avant le Sommet du 29 juin, l'Eurogroupe s'était mis d'accord sur les modalités d'intervention en faveur de l'Espagne avec une enveloppe pouvant aller jusqu'à 100 milliards d'euros, dont 30 milliards ont été actés au cours des derniers jours, qui peuvent à tout moment être mobilisés. Bien entendu, le CAG peut à tout moment, comme l'Eurogroupe, comme les réunions ou contacts informels entre les chefs d'État et de gouvernement, décider à tel ou tel moment de prendre telle ou telle mesure mais, pour l'instant, nous sommes dans la mise en oeuvre concrète, précise, volontariste de ce qui a été décidé le 29 juin dernier. Comme vous le constatez en lisant les dépêches, en interrogeant les uns et les autres, nous sommes collectivement dans la volonté de mettre en oeuvre précisément, efficacement, rigoureusement ce qui a été décidé, et nous travaillons à cela.
Q - Juste pour revenir sur les ressources propres, est-ce qu'il reste assez de temps pour mettre en place quelque chose de nouveau, que ce soit pour le budget de l'année prochaine ou alors même pour 2014-2020 ?
R - Nous travaillons sur les ressources propres dans le cadre de la boîte de négociations 2014-2020. Nous avons donc le temps qui convient pour mettre en oeuvre cette mesure et la rendre efficiente, effective dans la perspective des négociations en cours pour la période 2014-2020.
Q - Avez-vous l'impression qu'il y aurait du soutien pour que la TTF devienne une ressource propre ? Combien de pays seraient d'accord avec la France ?
R - Il y a deux sujets. Il y a l'accord que l'on noue pour mettre en coopération renforcée un dispositif fiscal, la taxe sur les transactions financières - et je vous ai expliqué que nous sommes sur la base de la Commission dans l'élaboration d'une lettre destinée à être adressée à la Commission par les pays qui ont manifesté leur intérêt pour cette taxe - et puis il y a un deuxième sujet, qui est celui de l'affectation de cette taxe pour partie au budget de l'UE. Ce sont deux sujets différents que nous ne lions pas l'un à l'autre. On peut d'ailleurs trouver des mécanismes pour ce qui concerne le deuxième sujet, qui permettent de mettre en oeuvre cette affectation pour les pays qui le souhaitent ; ce ne sont pas nécessairement l'ensemble des pays qui auront adopté la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée. Il y a un travail technique sur les mécaniques à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectif. Ce travail est en cours, les deux sujets ne sont pas liés. C'est finalement plutôt bien que les deux sujets ne soient pas liés parce que cela offre de la souplesse pour réussir la mise en oeuvre de l'affectation d'une partie de cette taxe au budget propre de l'Union, à partir du volontariat des États qui auront mis en place la taxe sur les transactions financières.
Q - Donc, cette taxe est la seule option qu'il y a pour le moment ?
R - Non, il y a aussi les autres taxes qui sont sur le métier. J'évoquais tout à l'heure la taxe carbone qui est un sujet sur lequel la Commission travaille et qui a été évoqué dans les discussions hier.
Q - Sur le chèque britannique, qui est un moyen effectivement de réduire la contribution ?
R - Sur le chèque britannique, nous avons pris une position qui est connue, qui est la volonté de mettre en place un dispositif lisible, équitable et transparent ; ce qui est une manière de vous dire clairement et diplomatiquement ce que je pense du rabais.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2012