Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les défis et priorités de la politique étrangère de la France, au Sénat le 11 juillet 2012.

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Circonstance : Audition devant la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, le 11 juillet 2012

Texte intégral

Je suis naturellement très ouvert à l'idée de revenir devant le Sénat pour un débat sur l'Afghanistan avec le ministre de la Défense. Avant d'évoquer les grands sujets d'actualité, je voudrais commencer cette première audition devant votre commission par quelques mots sur notre vision, celle du président de la République et du gouvernement, de la politique étrangère de notre pays.
Une politique étrangère, c'est, certes, une action concrète face aux différentes crises, mais une action qui doit s'inscrire un dessein plus large.
Le président de la République a donné comme cap à son action le redressement du économique et productif du pays. Cela passe par un plan d'ensemble, qui inclut évidemment une dimension internationale. La politique étrangère de ce gouvernement s'inscrira dans cet objectif. Pour notre diplomatie, cette exigence implique une stratégie globale.
En matière de politique étrangère, on oppose souvent la puissance, ou «hard power», et l'influence, ou «soft power».
À mon sens, la France doit s'affirmer comme une «puissance d'influence». J'ai proposé cette expression qui signifie une puissance fondée sur nos atouts. Elle prend en compte la dimension singulière mais aussi universelle de notre message. La France est une puissance utile qui contribue au règlement des crises internationales. Nous cultiverons ce rôle, comme nous le faisons en nous mobilisant pour le règlement des crises syrienne, sahélo-saharienne, iranienne...
La France est aussi un pays qui rayonne et attire par sa langue, sa culture, sa recherche, son système universitaire, son excellence dans de nombreux domaines - je pense à la santé, aux énergies, aux transports. J'ai donné à notre diplomatie la mission d'y contribuer encore plus fortement. Il existe, en effet, une forte attente de France hors de nos frontières.
Cette «puissance de l'influence» repose sur un ensemble de facteurs :
- notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies ;
- la possession de l'arme nucléaire ;
- notre puissance économique, même si celle-ci est confrontée à la crise économique et financière et à l'influence croissante des puissances émergentes, comme on a pu le constater lors des dernières réunions du G8 et du G20 ;
- notre puissance financière ;
- notre langue, parlée par plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde - Songez qu'il y aura 700 millions de francophones sur le continent africain vers 2050 ! ;
- notre attachement aux valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, à la démocratie et aux principes de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.
«La France n'est elle-même que dans la grandeur» disait le général de Gaulle et André Malraux parlait d'une «communauté de rêves».
Pour accomplir cette mission, je me suis fixé un principe cardinal, la «cohérence».
Cohérence à court et moyen terme. Mais aussi cohérence à long terme avec ce qui fait la force de la France. L'engagement de la France doit être constant et ne pas souffrir d'éclipses ou d'exceptions s'agissant de la promotion des droits de l'Homme, de l'appui à la démocratie, de l'accompagnement des aspirations à la dignité (notamment sur le pourtour méditerranéen), du soutien au développement durable.
Une diplomatie doit aussi s'inscrire dans le long terme. Rien n'est pire en matière de politique étrangère que des changements de caps, des décisions improvisées.
Une politique étrangère doit reposer aussi sur des principes qui doivent guider l'action de la France. Quels sont-ils ?
Ce sont d'abord les principes de liberté, d'égalité et de fraternité, ainsi que l'égalité entre les hommes et les femmes, le respect des droits de l'Homme et singulièrement des droits de la femme.
Ce sont aussi le respect de la légalité internationale et du rôle des Nations unies, la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationale, ce qui ne signifie pas le pacifisme.
Parmi ces principes figurent aussi une attention particulière à certains pays ou continents, comme l'Afrique ou les pays en voie de développement, notre engagement en faveur des plus pauvres et une forme de singularité, par exemple dans le cadre de l'Alliance atlantique ou dans d'autres organisations internationales.
La cohérence exige de fixer des priorités et de s'y tenir. C'est d'autant plus important que le ministère des Affaires étrangères prendra sa part aux efforts budgétaires nécessaires à l'assainissement de nos finances publiques. Il ne s'agit pas de réduire le périmètre de notre action mais de mieux la cibler pour gagner en impact et en efficacité, malgré des moyens en baisse.
Cela nécessite que des priorités géographiques, qui tiennent compte des nouvelles réalités mondiales, soient fixées. Le monde se caractérise par la montée en puissance de nouveaux émergents - Afrique du Sud, Mexique, Indonésie, Vietnam, Turquie, etc. - aux côtés de la première vague des pays déjà «émergés» comme la Chine, l'Inde ou le Brésil. Nous investirons particulièrement dans la relation avec ces pays. Nous devons également porter plus d'attention à des pays qui ont été quelque peu négligés. Je pense, par exemple, au Japon, qui est la troisième puissance économique, une démocratie et un acteur important sur la scène internationale, notamment en matière d'aide au développement, et auquel nous n'avons peut être pas accordé l'attention qu'il mérite. Naturellement, nous développerons nos relations avec la Chine, avec les États-Unis et avec la Russie. Concernant les États-Unis, notre position n'a pas varié : nous sommes de solides alliés sans pour autant être alignés sur les positions américaines. Nous serons également présents partout où se manifestent des aspirations démocratiques, notamment dans le monde arabe. Le lancement de l'Union pour la méditerranée a sans doute souffert d'imperfections, qui se sont révélées avec le «printemps arabe» en Tunisie et en Égypte, mais l'idée de construire une relation particulière entre l'Europe et la rive Sud de la Méditerranée, notamment à travers des projets concrets, est bonne. La vision de la France est celle d'un grand ensemble euro-méditerranéen, auquel nous souhaitons contribuer par le développement de coopérations concrètes.
L'Europe est le cadre général dans lequel nous souhaitons agir, en renforçant notamment, quand c'est possible et utile, la politique extérieure commune. L'élargissement, mais aussi les conséquences de la crise économique et financière, sont en train d'en changer la nature.
La première priorité concernera l'économie. Nous avons besoin d'une diplomatie économique forte, renouvelée, active et réactive, efficace, à l'écoute de tous les acteurs économiques de «l'équipe de France». Nous avons des atouts pour cela - notre réseau consulaire, en particulier. Dès juin, j'ai demandé à nos principaux postes à l'étranger d'établir, des objectifs précis à court, moyen et long terme en matière économique. Après concertation et en plein accord avec le Premier ministre, le ministre de l'Économie et des Finances, le ministre du Redressement productif et la ministre déléguée au Commerce extérieur, je présenterai notre stratégie d'ensemble ainsi qu'un plan d'action détaillé lors de la prochaine conférence des ambassadeurs, fin août, qui sera largement consacrée à la diplomatie économique. Les défis de la croissance et de l'emploi se jouent, pour une part importante, à l'international. En continuant de servir les intérêts de la France, le ministère des Affaires étrangères doit devenir, aussi, le ministère des entreprises. Songez que notre déficit commercial avec la Chine a été de 27 milliards d'euros en 2011 ! L'Allemagne connaît un déficit bien moindre. Dans certains secteurs, comme l'agro alimentaire, qui est pourtant l'un de nos principaux postes d'exportation, nous n'exportons quasiment pas vers la Chine, en dehors du vin.
Cette stratégie économique s'appuiera, autre priorité, sur une politique renforcée au service du rayonnement de la France dans tous ses domaines. Nous souhaitons valoriser la coopération culturelle, audiovisuelle, universitaire, scientifique et de recherche pour rehausser l'image de notre pays et contribuer à son rayonnement. C'est un enjeu diplomatique - affirmer notre présence -, démocratique - contribuer à l'émancipation des sociétés par la culture -, mais aussi économique, car notre attractivité économique se nourrit du rayonnement culturel de notre pays.
Nous veillerons à conforter notre dispositif. Notre réseau diplomatique est l'un des plus importants au monde. Notre réseau culturel est exceptionnel - une centaine d'instituts français et près de 400 alliances françaises soutenues par le ministère des Affaires étrangères. Il peut davantage renforcer son impact, notamment en faisant appel au cofinancement de partenaires extérieurs. Il me semble aussi qu'une réflexion sur le rôle des opérateurs, qui se sont multipliés ces dernières années, serait utile afin de trouver un équilibre entre la souplesse qu'offrent les opérateurs, et la nécessaire cohérence et coordination du ministère.
Notre réseau éducatif, universitaire et de recherche, avec 490 écoles et lycées français dans 130 pays, 175 espaces Campus France, 27 instituts de recherche, le million de professeurs de français, sont des atouts à maintenir. Et nous veillerons à donner à l'audiovisuel extérieur - la chaîne francophone TV5Monde, France 24 et RFI, qui diffusent leurs programmes à 220 millions de foyers - la sérénité et la solidité nécessaires pour qu'il puisse tenir son rôle essentiel pour notre présence, notamment dans le monde francophone.
Enfin, j'ai l'intention de m'appuyer sur nos diplomates et les personnels du ministère des Affaires étrangères. Notre pays a la chance de disposer de diplomates de très grande qualité, qui ont parfois été injustement maltraités ces dernières années. Les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères sont des agents très compétents ayant choisi de travailler au sein de ce corps au service de notre pays. Ce serait une faute de ne pas s'appuyer sur eux.
Voilà pour les réorientations majeures que je souhaite impulser à notre diplomatie, sans oublier bien sur les questions essentielles du développement, la lutte contre le changement climatique, la promotion de notre langue, l'attention qui doit être portée à nos compatriotes établis hors de France...
Sur tous ces sujets, le maitre mot sera «cohérence», une cohérence qui permet de développer une vision de long terme au milieu des urgences sur lesquelles je souhaite revenir maintenant.
Cinq graves crises nous mobilisent actuellement.
La première est la crise syrienne, dossier sur lequel la France est très présente. Malgré la mission des Nations unies, les massacres de civils se poursuivent et on dénombre environ une centaine de morts chaque jour.
La deuxième crise, très préoccupante également, est la situation au Sahel, et singulièrement au Mali. Ce qui est en jeu n'est pas seulement l'intégrité territoriale du Mali mais aussi la lutte contre le terrorisme, puisque le principal ennemi d'AQMI est notre pays. Je rappelle que six de nos compatriotes sont retenus en otages dans cette région. Avec le président de la République et le Premier ministre, nous suivons attentivement l'évolution de la situation de nos otages.
Troisième difficulté, l'Afghanistan, dossier sur lequel nous aurons l'occasion de revenir lors du débat en séance publique au Sénat.
Quatrième crise, l'Iran, la question nucléaire iranienne.
Enfin, dernière crise, celle de l'avenir de l'Europe et de la zone euro.
Q - (Sur le Mali)
R - La situation qui prévaut actuellement au Nord-Mali est d'une particulière gravité : c'est la première fois qu'un mouvement terroriste prend le contrôle d'une population et met en place des responsables locaux. L'intégrité territoriale du pays est en jeu. Nombre de ces terroristes viennent de Libye, sont lourdement armés, et disposent d'importants moyens financiers.
AQMI constitue un danger spécifique pour la France, puisqu'il vise en priorité notre pays, ses ressortissants et ses intérêts.
Au Sud-Mali, la junte militaire n'est qu'en partie écartée, le président de la République est toujours à Paris à la suite de la violente agression dont il a été victime à Bamako, et le Premier ministre qui entretient des rapports contrastés tant avec le président qu'avec la CEDEAO - dont le président en exercice est le chef d'État du Burkina Faso - et l'Union africaine que préside le chef de l'État béninois. Ces deux organisations ont, sur la situation malienne, des approches parfois divergentes. Face à cette situation, quelle peut être l'action de notre pays ? C'est d'être un facilitateur. Nous pouvons aider à l'émergence d'une solution politique, d'abord en confortant le pouvoir en place à Bamako et en contribuant à obtenir la légalité institutionnelle nécessaire pour une saisine de l'ONU. C'est dans cette perspective que j'ai désigné un envoyé personnel dans la région, l'ambassadeur Jean Félix-Paganon. Nous pouvons ensuite mobiliser les responsables des pays africains de la région, ainsi que la communauté internationale. Ces responsables se sont récemment réunis au Burkina Faso mais, en l'absence du Premier ministre et du président maliens, elle n'a pu parvenir à aucune conclusion opérationnelle. Les présidents de certains de ces pays sont favorables à une option militaire, d'autres pas. Au plan international, je rappelle que le Conseil de sécurité a voté à l'unanimité la résolution 2056, sous chapitre VII, laquelle demande aux pays africains d'établir un plan d'action militaire. Les troupes qui composeraient la force d'intervention devraient, bien entendu, être à dominante africaine, mais il est difficile de déterminer les pays qui pourront ou voudront fournir des troupes.
En toute hypothèse, cette force ne pourrait être utilisée que lorsque la légalité sera rétablie au Sud-Mali. Il faut être conscient que les combattants d'AQMI sont bien armés, prêts à mourir, qu'ils sont difficiles à localiser et qu'ils peuvent trouver refuge dans certains pays voisins du Mali, ce qui rendra extrêmement délicate toute intervention militaire.
L'Union européenne peut apporter son concours financier à la région, dont le développement est entravé par la situation sécuritaire, et dont les populations sont menacées de famine. Je rappelle enfin que la France a six des ses ressortissants otages au Mali. Mon prochain voyage en Algérie me fournira l'occasion d'évoquer ces questions ainsi que les sujets bilatéraux.
Q - (Sur les rapports entre le ministère des Affaires étrangères et les collectivités territoriales)
R - M. Peyronnet m'a interrogé sur le contenu de la mission confiée à M. André Laignel, secrétaire général de l'association des maires de France. Il s'agit d'améliorer les rapports entre mon ministère et les collectivités territoriales qui mettent en oeuvre des coopérations décentralisées. Le ministère des Affaires étrangères devrait mieux diffuser et clarifier les demandes dont il est saisi par les pays partenaires. De leur côté, les collectivités territoriales devraient introduire plus de cohérence dans les moyens qu'elles consacrent à cette coopération. L'idée est de constituer un centre de ressources qui mette l'offre et la demande en présence et contribue à la cohérence de l'action de l'État et des collectivités territoriales. M. Laignel aura donc pour tâche de remédier au manque de transparence et à la dispersion des moyens qui caractérisent la situation actuelle. Pour citer un exemple concret de ce que je souhaite promouvoir, j'ai constaté, lors de mon récent voyage en Chine, que certaines régions françaises ont mis des volontaires en relation avec UbiFrance, ce qui est un bon exemple de mutualisation des moyens.
Q - (Sur le siège français de membre permanent du Conseil de sécurité)
R - Le siège français de membre permanent du Conseil de sécurité n'est pas menacé, ni susceptible de l'être. Mais une réforme de cette instance est souhaitable et nécessaire. Elle se heurte à une difficulté ponctuelle : la sélection par les pays africains de celui ou ceux d'entre eux qui les y représenteront. Elle se heurte surtout à la difficulté inhérente à toute réforme institutionnelle d'ampleur.
Q - (Sur la Turquie)
R - La Turquie est un grand pays qui joue un rôle majeur et utile au Moyen-Orient. Les rencontres qu'a eues le président Hollande avec M. Gül ainsi qu'avec le Premier ministre Erdogan au Mexique lors du G20 ont abouti à la levée des sanctions prises par la Turquie contre les entreprises françaises. La décision d'intégrer ce pays au sein de l'Union européenne ne saurait être prise sans une consultation préalable du peuple français. Ce sont les termes de notre Constitution qui le dictent. S'agissant de la pénalisation de la négation du génocide arménien, vous savez que la loi votée en ce sens au début de l'année 2012 a été invalidée par le Conseil constitutionnel. Le président Hollande a pris, dans ce domaine, un engagement dont les modalités juridiques de réalisation restent à déterminer. Je relève que les dirigeants turcs sont ouverts à une concertation entre historiens turcs et arméniens, et à une réconciliation avec l'Arménie.
Q - (Sur l'Australie)
R - L'Australie, évoquée par M. Boulaud, offre des perspectives de coopération importantes dans les domaines économique, mais également stratégique.
Q - (Sur les Touaregs)
R - S'agissant des Touaregs, il est regrettable qu'ils doivent subir la force pratiquée par les terroristes au Nord-Mali. Il est très difficile de s'y retrouver entre les différentes factions.
Q - (Sur les échanges économiques)
R - Comme l'a suggéré M. del Picchia, notre diplomatie doit s'appuyer sur les deux millions de Français résidant à l'étranger qui constituent autant de relais. S'agissant de l'action des entreprises françaises à l'étranger, il faut se poser la question des activités de certaines filiales à l'étranger. Ainsi, l'installation d'une filiale d'Airbus en Chine a conduit certains responsables chinois à évoquer, en ma présence, la perspective d'exporter des avions qui y sont fabriqués vers des pays tiers, entrant ainsi directement en concurrence avec nos propres exportations. Je rappelle que les filiales d'entreprises japonaises situées en France y ont créé près de 60 000 emplois, alors que leurs homologues chinoises n'en ont créé que quelques milliers.
Je précise que la diplomatie économique que j'évoquais au début de mon propos devra nous conduire à une politique plus différenciée en matière de délivrance de visas.
Q - (Sur la contribution des pays émergents au bilan de la Conférence Rio+20)
R - Les pays émergents, dont le pays organisateur du Sommet de Rio, ont en effet contribué au mince résultat qui y a été obtenu.
Q - (Sur le prochain sommet de la Francophonie)
R - S'agissant du sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa, il convient de tenir compte de la situation politique précaire dans ce pays. Il est souhaitable que la perspective de la tenue du sommet permette que quelques gestes dans le sens d'une meilleure gouvernance soient effectués avec les autorités congolaises. Le président Hollande réserve pour l'instant sa décision sur son éventuelle participation.
Q - (Sur l'Algérie)
R - M. Chevènement a raison de souligner l'importance de nos relations avec l'Algérie, qui est un pays qui joue un rôle stratégique, avec lequel je m'efforcerai d'établir un dialogue confiant.
Q - (Sur la Syrie)
R - En Syrie, nous constatons que la guerre prend une tournure confessionnelle, et a des conséquences sur les pays voisins : près de 100.000 réfugiés se trouvent aujourd'hui en Jordanie. La troisième Conférence des Amis du peuple syrien qui s'est réunie à Paris le 6 juillet dernier a, pour la première fois, associé toutes les composantes de l'opposition syrienne, y compris de l'intérieur, à ses délibérations. Sur le terrain, la résistance gagne progressivement du terrain. Les différents mouvements qui la composent amorcent un rapprochement, sous l'égide de M. Kofi Annan, Envoyé spécial conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe. Le groupe d'action a adopté à Genève des conclusions dont le contenu est clair, en dépit des interprétations qui en ont été faites : Bachar doit partir. En toute hypothèse, une intervention militaire, à l'image de celle en Libye, est exclue.
L'attitude de la Russie à l'égard de Damas est fondée sur une série de considérations que je cite dans le désordre : le précédent libyen a été mal ressenti à Moscou, qui est également attaché à la présence de sa base navale à Tartus. La Russie considère également que son influence en Syrie constitue un élément de sa puissance, et que les combats qui s'y déroulent relèvent des affaires intérieures de ce pays. Les Russes s'opposent fermement à toute ingérence. Ils posent également une vraie question qui touche au risque que des forces terroristes ne succèdent à Damas à Bachar Al-Assad. D'où l'importance de travailler avec l'opposition à la recherche d'une alternative. Il n'est cependant pas exclu que la position russe évolue sur ce dossier. Le président Poutine est sensible aux analyses d'Israël, pays qu'il respecte. La Chine est sur la même ligne.
Q - (Sur l'Iran)
R - Pour l'Iran, le groupe des négociateurs, composé des cinq pays membres du Conseil de sécurité et de l'Allemagne (5+1), affiche une unité sans faille : les sanctions contre Téhéran ont pris effet au 1er juillet dernier. L'Iran a manifesté sa volonté de participer à la récente réunion de la Conférence des Amis du peuple syrien, volonté qui s'est heurtée à un refus de la part de la France et des États-Unis. Il faut déplorer que la position de Téhéran sur le dossier nucléaire reste intangible. Elle s'inscrit dans le contexte plus général de l'opposition croissante entre les Chiites et les Sunnites.
Q - (Sur les relations israélo-palestiniennes)
R - J'en viens aux relations entre Israël et l'Autorité palestinienne. La France se félicite d'avoir de bonnes relations avec les deux partenaires. Le président de l'Autorité palestinienne, M. Abbas, défend une ligne raisonnable. Le Premier ministre Netanyahu a envoyé plusieurs émissaires à Paris. Cela nous a fourni l'occasion de lui adresser un message clair : il faut se réjouir que jusqu'à présent, les «printemps arabes» n'avaient pas conduit à une mise en cause d'Israël. Mais il est à craindre que, en cas de difficultés surgissant dans le déroulement de ces processus révolutionnaires, cette situation ne s'infléchisse au détriment de Tel Aviv. Nous estimons donc que c'est le bon moment pour Israël, qui est en position de force, pour négocier. Par ailleurs, il n'est pas certain que ce pays ait abandonné le projet d'une intervention militaire en Iran.
Q - (Sur le financement, par l'Iran, d'infrastructures réalisées à Djibouti par des entreprises françaises dont le règlement des factures serait rendu impossible par l'embargo en vigueur depuis le 1er juillet)
R - Je souhaite que vous me saisissiez de ce point par écrit, mais je ne suis pas persuadé qu'une solution positive pourra être trouvée.
Q - (Sur le déficit commercial entre la France et la Chine)
R - Il s'agit là d'un problème complexe, car le marché chinois est très diversifié. Dans certains secteurs, comme l'aéronautique ou l'électronique, nos entreprises remportent des succès. D'autres secteurs, comme celui de la santé, ne sont pas ouverts à la concurrence internationale. Je suis préoccupé par le fait que les échanges commerciaux français avec la Chine soient cinq fois inférieurs à ceux de l'Allemagne. Vous savez également qu'il est prévu de reconnaître en 2016 à Pékin le statut d'économie de marché, ce qui rendra difficile toute procédure anti-dumping.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2012