Texte intégral
Je viens d'avoir un entretien avec le président sénégalais, après avoir eu un entretien avec mon collègue et ami le ministre des Affaires étrangères. Juste deux mots pour vous dire d'une part, vraiment, que je remercie les autorités sénégalaises de leur gentillesse et de la chaleur de leur accueil. Je confirme que tout est réuni pour une nouvelle et excellente page dans les relations entre le Sénégal et la France. Que ce soit sur le plan multilatéral ou sur le plan bilatéral, nos analyses, nos orientations et nos décisions sont tout à fait convergentes. Vraiment, je suis sûr que l'on va construire de belles et utiles choses ensemble.
Sur le plan bilatéral, nous avons passé en revue les champs de notre partenariat ; c'est le mot qu'il faut utiliser : un partenariat d'égal à égal, et déjà beaucoup de choses ont été faites sur le plan économique, éducatif, culturel, scientifique, de développement, et nous allons amplifier tout cela.
Sur le plan multilatéral, nos analyses sont aussi très convergentes. Vous comprendrez que nous avons parlé en particulier de l'Afrique et notamment, bien sûr, de ce qui se passe au Mali et dans le Sahel, et là aussi nos analyses sont convergentes. Il faut une démocratie qui soit inclusive comme on dit maintenant. Le gouvernement doit être un gouvernement de large union et, de ce point de vue, nous avons salué le retour du président Traoré à Bamako.
Il faut, en même temps, que des décisions soient prises pour reconstruire le Mali sur le plan économique et social, et nous comptons beaucoup sur les autorités maliennes pour le faire avec le soutien de tous.
Et puis il y a un aspect de sécurité évident, à la fois dans la partie sud du Mali et pour l'intégralité du Mali. C'est la question grave posée par l'existence de groupes terroristes regroupés sous l'étiquette AQMI, qui ne peuvent pas être acceptés compte tenu de la menace qu'ils font peser non seulement sur le Mali mais aussi sur l'ensemble de la région et, de façon générale, sur l'ensemble des démocraties.
C'est donc aux Maliens et à l'ensemble des Africains de prendre les décisions nécessaires avec le soutien de la communauté européenne et internationale. La France, dans tout cela, souhaite jouer le rôle de facilitateur et, sur ces plans comme sur le reste, nos analyses sont également convergentes.
Je repartirai dans quelques instants ; j'irai au Tchad avant mon retour à Paris avec la confirmation que le Sénégal et la France sont des partenaires, des cousins, des amis. Et que nous avons énormément de choses à bâtir ensemble.
Q - Avez-vous parlé de la situation en Syrie ?
R - Nous avons centré notre discussion sur le Sahel mais, bien évidemment, nous sommes non seulement préoccupés mais extrêmement choqués et blessés par ce qui se passe et, notamment, par les dernières informations en provenance d'Alep. M. Bachar Al-Assad massacre son peuple et quand on voit les dizaines et les dizaines de morts qui tous les jours sont comptabilisées simplement parce qu'un homme qu'on ne peut nommer autrement qu'un massacreur refuse de faire droit aux revendications de son peuple, on ne peut qu'être bouleversé par ce qui se passe.
Vous savez que la France est pleinement mobilisée, à la fois directement et au niveau international. Elle a pris et prend toute une série d'initiatives pour parvenir à faire cesser les combats, éviter que le conflit ne gagne les pays voisins et puis, pour préparer la transition qui est absolument indispensable. Il faut que l'opposition s'unifie. Il faut aussi faire droit à des éléments qui, dans le passé, ont collaboré avec le régime sans s'être évidemment compromis. Au XXIe siècle, on ne peut pas admettre qu'un tyran massacre son peuple, contrairement à tout ce qu'exige l'humanité. Donc voilà, nous sommes bouleversés par ce qui se passe et nous allons faire le maximum sur le plan international pour essayer de trouver une solution pacifique.
Q - Et pour le cas du Mali, vous dites que vous êtes facilitateur mais combien de temps faudra t-il attendre avant que l'action militaire ne soit engagée ?
R - Nous avons tous la même analyse sur ce plan. C'est un triangle «démocratie, développement, sécurité». Il faut que ces trois piliers soient présents. Démocratie, c'est le travail qu'est en train d'accomplir, j'espère avec le concours de tous, le président Traoré pour avoir un gouvernement de large union. Il faut qu'il fasse appel à la bonne volonté des uns et des autres. Ce gouvernement doit être large et démocratique s'il veut retrouver les chemins du développement, d'autant plus que le Mali doit faire face a une situation humanitaire très compliquée en ce moment. Mais tout ceci n'est possible que si vous avez la sécurité ; à la fois la sécurité au Sud et la sécurité dans l'ensemble du Mali. Il va y avoir certainement des discussions du gouvernement avec les différentes parties de la population. S'il se trouve - et c'est très probable - que le groupe terroriste AQMI maintient ses positions - qui sont inadmissibles - et ses pratiques, il faudra, le moment venu, que cette question de la sécurité soit réglée comme elle doit l'être par les Africains d'abord. Il est donc nécessaire à la fois que les forces du Mali se reconstituent et que les pays voisins qui veulent partager cette action se rassemblent. Il faut, évidemment que l'ensemble de la région et la communauté internationale apportent un soutien - et c'est là que la France joue son rôle de facilitateur non pas à la place des Africains mais en soutien des Africains et pour la paix.
Q - Avez-vous parlé de la possibilité que le président François Hollande vienne au Sénégal ?
R - Très aimablement le président Macky Sall avait invité le président François Hollande qui, bien évidemment, honorera cette invitation ; c'est un grand privilège que d'être accueilli au Sénégal. La date n'est pas encore fixée car vous savez que, pour d'évidentes raisons, le président Hollande a un calendrier extrêmement lourd. Mais il va de soi que dès qu'il en aura l'occasion, c'est avec beaucoup de joie qu'il se rendra au Sénégal.
Q - La France va-t-elle intervenir militairement au Nord Mali ?
R - Le problème ne se pose pas comme cela aujourd'hui. Il faut d'abord établir une démocratie totale au Mali, aider au développement et, ensuite, que les Maliens eux-mêmes et les pays qui sont autour dégagent des forces de sécurité. Si toute ces conditions sont remplies - et il faut qu'elles soient remplies -, à ce moment-là, il pourrait y avoir un appui de la France avec un soutien international. Mais la France ne va pas se substituer aux Africains parce que ce serait une idée qui serait reçue de manière extrêmement dure si des Français intervenaient contre des Maliens - cela n'aurait aucun sens. Il faut donc d'abord qu'il y ait des forces de sécurité de la part des populations - on est en train d'y travailler - et après, il y aura un rôle de facilitateur de la France.
Q - On ne parle dernièrement que de la menace terroriste mais il y a aussi des exactions qui sont commises dans le Nord Mali et les populations maliennes qui sont obligées de fuir. En sait-on plus sur ces hommes, qui seraient quelques milliers ? Combien sont-ils ? Quel est leur profil ?
R - Sur le nombre, il y a des discussions ; les plus optimistes disent quelques centaines, les plus pessimistes disent quelques milliers. Ce qu'il y a de sûr, c'est que leurs objectifs et leurs pratiques sont absolument inacceptables. Violer, assassiner, faire plier tout le monde sous une seule loi qui est une loi religieuse, ce n'est pas accepté par l'immense majorité des populations africaines. Et ce n'est pas accepté par nous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2012