Texte intégral
Je voudrais dire quelques mots pour rendre compte de ma visite ici au Liban et ensuite je répondrai volontiers à quelques questions.
Je suis venu ici au Liban pour une visite rapide mais absolument nécessaire dans le cadre d'un déplacement d'ensemble que j'effectue en Jordanie, au Liban et en Turquie à la demande du président de la République, M. François Hollande.
Cette visite est essentiellement centrée sur les questions humanitaires qui sont posées dans ces différents pays par le flux de réfugiés lié à la situation en Syrie. Et cette visite est d'autant plus utile pour nous, qu'elle va préparer la réunion qui se tiendra à New York le 30 août sous présidence française au niveau ministériel et qui sera consacrée largement aux questions humanitaires.
J'ai eu l'occasion de rencontrer un certain nombre de responsables libanais - je les remercie beaucoup de la gentillesse de leur accueil -, M. le président de la République avec lequel je viens de m'entretenir au Palais de Beiteddine, M. le Premier ministre, M. Nagib Mikati, qui m'a reçu dans son bureau et nous a ensuite très gentiment convié chez lui à un iftar, le président de l'Assemblée, M. Nabih Berry, et mon homologue le ministre des Affaires étrangères, M. Adrian Mansour. J'ai eu également des conversations avec M. Walid Joumblatt et j'ai rendu hommage à la mémoire de Rafic Hariri. Je me suis entretenu ce matin au téléphone avec Monseigneur Raï car je tenais à transmettre au Patriarche un message particulier d'amitié et de solidarité aux chrétiens d'Orient et, plus généralement, de vigilance vis-à-vis de la protection de toutes les minorités. J'ai également rencontré ce matin un certain nombre de responsables qui s'occupent des réfugiés, à la fois au titre des autorités libanaises, en particulier le général qui commande le HCR, et puis des responsables européens ou d'organisations qui s'occupent fort bien des réfugiés.
À toutes les personnes puis aux responsables que j'ai rencontrés, - je les ai écoutés, bien sûr, il y a beaucoup de choses à apprendre - j'ai fait passer un message. En premier lieu, la grande amitié qui existe entre le Liban et la France. Les Libanais, ce ne sont pas simplement nos amis, ce sont nos frères et nos cousins. C'est un peuple que nous aimons, dont nous nous sentons extrêmement proches et je sais que du côté libanais il y a également beaucoup d'amitié pour la France. Et celle-ci se manifeste dans tous les secteurs. Nous avons passé en revue notre coopération dans les domaines économique et culturel avec toute une série de projets que nous avons ensemble. Et je dois confirmer le fait que l'amitié entre le Liban et la France est extrêmement solide et pas seulement au niveau des déclarations diplomatiques. C'est une amitié profonde, affective, qui est là et qui durera ; cela, c'est le premier message.
Le deuxième message, c'est de réaffirmer, au nom du gouvernement de la République française, l'attachement que nous avons pour l'intégrité et la souveraineté du Liban et le souhait que les événements graves qui se passent en Syrie n'aient pas de contagion négative insupportable pour le Liban. C'est vrai que l'unité du Liban est quelque chose d'extrêmement précieux qui a été très difficile à conquérir. Et la population libanaise, profondément, veut conserver cette unité dans la diversité. C'est donc un message de respect de l'intégralité et de la souveraineté du Liban. Des efforts sont faits par le gouvernement libanais en ce sens pour déconnecter la situation en Syrie de ce qui se passe ici. Des efforts qui sont faits à l'initiative du président de la République libanaise par le biais d'un dialogue national. Tous ces efforts sont excellents et la France les soutient profondément.
Le troisième message, c'est à propos des réfugiés eux-mêmes. C'est vrai que, comme c'est le cas en Jordanie, en Turquie, en Irak, les événements de Syrie entraînent un nombre considérable de réfugiés. Ces pays sont dans une situation très difficile pour les aider, pour les accueillir. Non seulement les réfugiés eux-mêmes s'en inquiètent, même s'ils ne sont pas difficiles, mais les populations voisines qui les accueillent, qui sont souvent des populations pauvres, sont elles-mêmes dans une situation très compliquée. Et j'apprécie hautement les efforts qui sont faits par le Haut Comité de Secours, par toute une série d'organisations pour venir en aide à ces réfugiés. Ce n'est pas facile. Parce que quand vous avez des milliers et des milliers de personnes qui arrivent, il faut les héberger. Cela pose des problèmes financiers, de logement et il faut les soigner. Il faut penser aux enfants qui, si cela dure, devront aller à l'école. Il faut éviter que des rassemblements trop concentrés, trop importants, déséquilibrent complètement la population locale. Il faut éviter qu'il y ait une exploitation politique de la situation, c'est donc très difficile.
Mais le message de notre part, c'est un message de solidarité vis-à-vis des efforts que fait le Liban et, d'une manière générale, tous ceux qui travaillent sur ce problème : le HCR, les organisations européennes, Echo etc. La France évidemment contribue à tout cela, en particulier à travers une aide financière et sans compter bien sûr un soutien complémentaire à l'effort que fait le Liban en ce sens. Cela est un autre message très fort.
Puis, nous avons parlé de la situation générale, de la situation en Syrie et je veux insister en remerciant à nouveau les autorités libanaises de leur gentillesse et de la chaleur de leur accueil. Le président libanais était venu en France au mois de juillet, une visite qui s'était extrêmement bien passée. Une invitation a été lancée au Premier ministre Mikati pour venir, à la date qu'il choisira, à Paris cet automne.
Je suis à votre disposition pour répondre à quelques questions.
Q - Quelle est l'aide française apportée aux réfugiés syriens ? La création de camps pour les réfugiés est-elle envisageable ?
R - À chaque fois c'est différent, comme vous le soulignez dans votre question. Je vais me rendre en Turquie, donc je verrai exactement ce qui est fait sur place. En Jordanie, le camp que j'ai visité se situe dans un lieu qui n'est pas facile - les autorités jordaniennes en sont convenues elles-mêmes - où il y a beaucoup de tempêtes de sable et avec un accès compliqué. Actuellement, il y a environ six mille personnes et c'est un camp qui est prévu pour un maximum de cent mille personnes. On imagine les problèmes qui se posent surtout lorsqu'il y a beaucoup de jeunes enfants et de mamans. Si les choses doivent durer, il faudra envisager la scolarisation. C'est un schéma. Je ne sais pas si c'est ce schéma qui sera amplifié par les autorités jordaniennes mais c'est le choix qu'ils ont fait.
Ici, nous nous situons dans un cadre différent tel qu'il a été choisi par les autorités libanaises. La difficulté pour le gouvernement libanais est d'essayer, compte tenu de la disposition géographique et de la situation politique, d'avoir des rassemblements qui soient moins vastes. Mais cela n'est pas facile à organiser. Évidemment, si dans le futur, le drame syrien devait se prolonger, si du coup il y avait des afflux massifs de réfugiés, on voit que cela poserait des problèmes.
Il faut évoquer aussi le cas des Palestiniens puisque, compte tenu de l'histoire et de toute une série de circonstances, il n'est pas souhaitable qu'il y ait des camps palestiniens - au sens traditionnel du terme - qui soient établis. Cela demande évidemment un suivi très précis. Le Premier ministre s'en occupe personnellement. Il y a ce qu'on appelle ici un «contingency planning« (plan de contingence). Tout cela est surveillé d'une façon tout à fait méthodique, mais cela pose évidemment beaucoup de difficultés, et en particulier mes interlocuteurs ont insisté sur les difficultés financières. Parce que, quand il faut soigner durablement des gens qui ont été blessés ou tout simplement un grand nombre de personnes qui ont été hospitalisées, comment les prend-on en charge durablement ? Il y a toute une série de ressources qui sont mobilisées, d'autres qui doivent l'être. C'est un aspect que nous comptons aborder dans cette réunion des Nations unies.
La Turquie procède d'une autre façon et j'aurai l'occasion de le voir au cours de ma visite dans ce pays. Ce qui compte, c'est qu'à chaque fois, les principes de l'aide humanitaire - ceux des droits de l'Homme - soient respectés. Et que les réfugiés soient accueillis de la moins mauvaise façon ou de la meilleure façon possible et qu'en même temps les populations locales ne soient pas déséquilibrées par ces afflux ce qui, évidemment, soulève des difficultés considérables.
L'aide globale de la France pour l'aspect humanitaire est de l'ordre d'un peu plus de 14 millions d'euros lorsque l'on ajoute ce qui est fait au niveau direct, humanitairement j'entends, pour la Syrie, ce qui est fait dans chacun des pays et à travers notre contribution à l'Europe. Nous avons décidé un apport supplémentaire en ce qui concerne le Haut Comité de secours. Mais nous sommes dans un ordre de grandeur d'une quinzaine de millions d'euros.
Q - Avez-vous une réaction après la prise d'otages de plusieurs Syriens ici au Liban ?
R - Bien sûr, c'est une grave préoccupation. Et la position des responsables libanais que j'ai rencontrés - je l'approuve très fortement -, c'est de faire en sorte qu'il y ait le moins de contagion possible entre ce qui se passe dramatiquement en Syrie et la situation au Liban. Les événements qui ont eu lieu depuis quelques jours et encore depuis quelques heures, malheureusement favorisent cette contagion. On ne peut que souhaiter à la fois la libération de tous ceux qui, dans des circonstances très différentes, ont été pris en otage et que la crise en Syrie n'aboutisse pas à une situation de tension extrême ici. Sur ce point, l'ensemble des responsables que j'ai rencontrés m'ont confirmé cette façon de voir les choses.
Q - Quel est votre message aux représentants de l'opposition syrienne ?
R - Je les ai surtout écoutés, comme je le fais d'ailleurs lorsque je me trouve en France. Ils ont expliqué la situation et j'ai eu l'occasion de les informer de la position des Européens et des Français.
Q - Avez-vous une réaction à la fin de la MISNUS ? Cela va-t-il entraîner une escalade sur le terrain ?
R - Effectivement, la mission qui était celle de Kofi Annan et des observateurs a pris fin puisque, malheureusement ces observateurs ne pouvaient pas remplir leur mission. Il devrait y avoir une présence politique qui soit maintenue en Syrie, sous une autre forme, on parle de bureau politique et d'un responsable qui serait nommé pour arriver à maintenir le contact. Mais ce dernier n'aura pas le même rôle que celui de la mission précédente parce que malheureusement elle a échoué. Si c'était la même mission qui était reconduite, on aurait les mêmes résultats, mais c'est le produit de la très grave situation syrienne.
Q - Avez-vous peur des répercussions de la crise syrienne au Liban ?
R - Je viens de dire que c'est ce qu'il faut absolument éviter. Parce que la situation en Syrie est extrêmement grave avec des conflits qui s'additionnent. Il y a risque d'une guerre confessionnelle avec des morts qui se chiffrent par centaines tous les jours. Il faut faire le maximum d'efforts pour que le Liban demeure à l'écart de cette contagion.
Q - Où avez-vous obtenu des informations sur des défections spectaculaires ? Quelles seront-elles ?
R - Il y a eu, dans les semaines précédentes, des défections très importantes. J'en cite deux ou trois. La dernière en date c'est la défection du Premier ministre de M. Bachar Al-Assad. Et le Premier ministre, ce n'est pas n'importe qui - je ne le dis pas parce que moi-même j'ai été Premier ministre -, c'est quelqu'un qui évidemment a la connaissance de tous les rouages. Et ce qui est important, je parle du Premier ministre qui a été accueilli en Jordanie, c'est ce qu'il a dit : que le gouvernement de M. Bachar Al-Assad ne contrôle plus - je crois - qu'un tiers du territoire, et d'autre part il a donné un certain nombre de détails qui montrent à quel point d'une part le régime multiplie les exactions, et d'autre part il est en train de s'affaiblir de l'intérieur. Mais il y a d'autres défections, notamment de généraux, il y en a en permanence. J'ai cru pouvoir dire, je vous le confirme, que ce mouvement de défection va se continuer dans les jours qui viennent. Il ne faut pas anticiper sur ce que vous apprendrez sans doute dans les jours prochains.
Q - S'agit-il de civils ou de militaires ?
R - J'en ai dit suffisamment.
Q - Avez-vous eu des entretiens avec les responsables d'Amal et du Hezbollah ?
R - La question est claire, même si elle est formulée en anglais. Et la réponse est claire en français : non.
Q - Êtes-vous pour un changement de mandat de la FINUL ?
R - La France est engagée aux côtés des Nations unies dans le cadre de la résolution 1701, avec la FINUL. Nous avons beaucoup d'hommes mobilisés par cette tâche qui est extrêmement difficile, qui est d'ailleurs dangereuse, comme vous le savez. Je veux leur rendre hommage, parce qu'ils font leur travail d'une façon exceptionnelle. Le président français s'est engagé à ce que nos troupes dans la FINUL soient maintenues parce qu'elles jouent au sud du pays, compte tenu de ce qu'est la réalité géographique et politique, un rôle absolument essentiel, ceci dans le cadre de la résolution 1701.
Maintenant, si d'autres perspectives devaient être étudiées, c'est une question tout à fait différente et cela ne peut pas être fait dans le cadre de cette force-là et c'est en soi un problème différent.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 août 2012
Je suis venu ici au Liban pour une visite rapide mais absolument nécessaire dans le cadre d'un déplacement d'ensemble que j'effectue en Jordanie, au Liban et en Turquie à la demande du président de la République, M. François Hollande.
Cette visite est essentiellement centrée sur les questions humanitaires qui sont posées dans ces différents pays par le flux de réfugiés lié à la situation en Syrie. Et cette visite est d'autant plus utile pour nous, qu'elle va préparer la réunion qui se tiendra à New York le 30 août sous présidence française au niveau ministériel et qui sera consacrée largement aux questions humanitaires.
J'ai eu l'occasion de rencontrer un certain nombre de responsables libanais - je les remercie beaucoup de la gentillesse de leur accueil -, M. le président de la République avec lequel je viens de m'entretenir au Palais de Beiteddine, M. le Premier ministre, M. Nagib Mikati, qui m'a reçu dans son bureau et nous a ensuite très gentiment convié chez lui à un iftar, le président de l'Assemblée, M. Nabih Berry, et mon homologue le ministre des Affaires étrangères, M. Adrian Mansour. J'ai eu également des conversations avec M. Walid Joumblatt et j'ai rendu hommage à la mémoire de Rafic Hariri. Je me suis entretenu ce matin au téléphone avec Monseigneur Raï car je tenais à transmettre au Patriarche un message particulier d'amitié et de solidarité aux chrétiens d'Orient et, plus généralement, de vigilance vis-à-vis de la protection de toutes les minorités. J'ai également rencontré ce matin un certain nombre de responsables qui s'occupent des réfugiés, à la fois au titre des autorités libanaises, en particulier le général qui commande le HCR, et puis des responsables européens ou d'organisations qui s'occupent fort bien des réfugiés.
À toutes les personnes puis aux responsables que j'ai rencontrés, - je les ai écoutés, bien sûr, il y a beaucoup de choses à apprendre - j'ai fait passer un message. En premier lieu, la grande amitié qui existe entre le Liban et la France. Les Libanais, ce ne sont pas simplement nos amis, ce sont nos frères et nos cousins. C'est un peuple que nous aimons, dont nous nous sentons extrêmement proches et je sais que du côté libanais il y a également beaucoup d'amitié pour la France. Et celle-ci se manifeste dans tous les secteurs. Nous avons passé en revue notre coopération dans les domaines économique et culturel avec toute une série de projets que nous avons ensemble. Et je dois confirmer le fait que l'amitié entre le Liban et la France est extrêmement solide et pas seulement au niveau des déclarations diplomatiques. C'est une amitié profonde, affective, qui est là et qui durera ; cela, c'est le premier message.
Le deuxième message, c'est de réaffirmer, au nom du gouvernement de la République française, l'attachement que nous avons pour l'intégrité et la souveraineté du Liban et le souhait que les événements graves qui se passent en Syrie n'aient pas de contagion négative insupportable pour le Liban. C'est vrai que l'unité du Liban est quelque chose d'extrêmement précieux qui a été très difficile à conquérir. Et la population libanaise, profondément, veut conserver cette unité dans la diversité. C'est donc un message de respect de l'intégralité et de la souveraineté du Liban. Des efforts sont faits par le gouvernement libanais en ce sens pour déconnecter la situation en Syrie de ce qui se passe ici. Des efforts qui sont faits à l'initiative du président de la République libanaise par le biais d'un dialogue national. Tous ces efforts sont excellents et la France les soutient profondément.
Le troisième message, c'est à propos des réfugiés eux-mêmes. C'est vrai que, comme c'est le cas en Jordanie, en Turquie, en Irak, les événements de Syrie entraînent un nombre considérable de réfugiés. Ces pays sont dans une situation très difficile pour les aider, pour les accueillir. Non seulement les réfugiés eux-mêmes s'en inquiètent, même s'ils ne sont pas difficiles, mais les populations voisines qui les accueillent, qui sont souvent des populations pauvres, sont elles-mêmes dans une situation très compliquée. Et j'apprécie hautement les efforts qui sont faits par le Haut Comité de Secours, par toute une série d'organisations pour venir en aide à ces réfugiés. Ce n'est pas facile. Parce que quand vous avez des milliers et des milliers de personnes qui arrivent, il faut les héberger. Cela pose des problèmes financiers, de logement et il faut les soigner. Il faut penser aux enfants qui, si cela dure, devront aller à l'école. Il faut éviter que des rassemblements trop concentrés, trop importants, déséquilibrent complètement la population locale. Il faut éviter qu'il y ait une exploitation politique de la situation, c'est donc très difficile.
Mais le message de notre part, c'est un message de solidarité vis-à-vis des efforts que fait le Liban et, d'une manière générale, tous ceux qui travaillent sur ce problème : le HCR, les organisations européennes, Echo etc. La France évidemment contribue à tout cela, en particulier à travers une aide financière et sans compter bien sûr un soutien complémentaire à l'effort que fait le Liban en ce sens. Cela est un autre message très fort.
Puis, nous avons parlé de la situation générale, de la situation en Syrie et je veux insister en remerciant à nouveau les autorités libanaises de leur gentillesse et de la chaleur de leur accueil. Le président libanais était venu en France au mois de juillet, une visite qui s'était extrêmement bien passée. Une invitation a été lancée au Premier ministre Mikati pour venir, à la date qu'il choisira, à Paris cet automne.
Je suis à votre disposition pour répondre à quelques questions.
Q - Quelle est l'aide française apportée aux réfugiés syriens ? La création de camps pour les réfugiés est-elle envisageable ?
R - À chaque fois c'est différent, comme vous le soulignez dans votre question. Je vais me rendre en Turquie, donc je verrai exactement ce qui est fait sur place. En Jordanie, le camp que j'ai visité se situe dans un lieu qui n'est pas facile - les autorités jordaniennes en sont convenues elles-mêmes - où il y a beaucoup de tempêtes de sable et avec un accès compliqué. Actuellement, il y a environ six mille personnes et c'est un camp qui est prévu pour un maximum de cent mille personnes. On imagine les problèmes qui se posent surtout lorsqu'il y a beaucoup de jeunes enfants et de mamans. Si les choses doivent durer, il faudra envisager la scolarisation. C'est un schéma. Je ne sais pas si c'est ce schéma qui sera amplifié par les autorités jordaniennes mais c'est le choix qu'ils ont fait.
Ici, nous nous situons dans un cadre différent tel qu'il a été choisi par les autorités libanaises. La difficulté pour le gouvernement libanais est d'essayer, compte tenu de la disposition géographique et de la situation politique, d'avoir des rassemblements qui soient moins vastes. Mais cela n'est pas facile à organiser. Évidemment, si dans le futur, le drame syrien devait se prolonger, si du coup il y avait des afflux massifs de réfugiés, on voit que cela poserait des problèmes.
Il faut évoquer aussi le cas des Palestiniens puisque, compte tenu de l'histoire et de toute une série de circonstances, il n'est pas souhaitable qu'il y ait des camps palestiniens - au sens traditionnel du terme - qui soient établis. Cela demande évidemment un suivi très précis. Le Premier ministre s'en occupe personnellement. Il y a ce qu'on appelle ici un «contingency planning« (plan de contingence). Tout cela est surveillé d'une façon tout à fait méthodique, mais cela pose évidemment beaucoup de difficultés, et en particulier mes interlocuteurs ont insisté sur les difficultés financières. Parce que, quand il faut soigner durablement des gens qui ont été blessés ou tout simplement un grand nombre de personnes qui ont été hospitalisées, comment les prend-on en charge durablement ? Il y a toute une série de ressources qui sont mobilisées, d'autres qui doivent l'être. C'est un aspect que nous comptons aborder dans cette réunion des Nations unies.
La Turquie procède d'une autre façon et j'aurai l'occasion de le voir au cours de ma visite dans ce pays. Ce qui compte, c'est qu'à chaque fois, les principes de l'aide humanitaire - ceux des droits de l'Homme - soient respectés. Et que les réfugiés soient accueillis de la moins mauvaise façon ou de la meilleure façon possible et qu'en même temps les populations locales ne soient pas déséquilibrées par ces afflux ce qui, évidemment, soulève des difficultés considérables.
L'aide globale de la France pour l'aspect humanitaire est de l'ordre d'un peu plus de 14 millions d'euros lorsque l'on ajoute ce qui est fait au niveau direct, humanitairement j'entends, pour la Syrie, ce qui est fait dans chacun des pays et à travers notre contribution à l'Europe. Nous avons décidé un apport supplémentaire en ce qui concerne le Haut Comité de secours. Mais nous sommes dans un ordre de grandeur d'une quinzaine de millions d'euros.
Q - Avez-vous une réaction après la prise d'otages de plusieurs Syriens ici au Liban ?
R - Bien sûr, c'est une grave préoccupation. Et la position des responsables libanais que j'ai rencontrés - je l'approuve très fortement -, c'est de faire en sorte qu'il y ait le moins de contagion possible entre ce qui se passe dramatiquement en Syrie et la situation au Liban. Les événements qui ont eu lieu depuis quelques jours et encore depuis quelques heures, malheureusement favorisent cette contagion. On ne peut que souhaiter à la fois la libération de tous ceux qui, dans des circonstances très différentes, ont été pris en otage et que la crise en Syrie n'aboutisse pas à une situation de tension extrême ici. Sur ce point, l'ensemble des responsables que j'ai rencontrés m'ont confirmé cette façon de voir les choses.
Q - Quel est votre message aux représentants de l'opposition syrienne ?
R - Je les ai surtout écoutés, comme je le fais d'ailleurs lorsque je me trouve en France. Ils ont expliqué la situation et j'ai eu l'occasion de les informer de la position des Européens et des Français.
Q - Avez-vous une réaction à la fin de la MISNUS ? Cela va-t-il entraîner une escalade sur le terrain ?
R - Effectivement, la mission qui était celle de Kofi Annan et des observateurs a pris fin puisque, malheureusement ces observateurs ne pouvaient pas remplir leur mission. Il devrait y avoir une présence politique qui soit maintenue en Syrie, sous une autre forme, on parle de bureau politique et d'un responsable qui serait nommé pour arriver à maintenir le contact. Mais ce dernier n'aura pas le même rôle que celui de la mission précédente parce que malheureusement elle a échoué. Si c'était la même mission qui était reconduite, on aurait les mêmes résultats, mais c'est le produit de la très grave situation syrienne.
Q - Avez-vous peur des répercussions de la crise syrienne au Liban ?
R - Je viens de dire que c'est ce qu'il faut absolument éviter. Parce que la situation en Syrie est extrêmement grave avec des conflits qui s'additionnent. Il y a risque d'une guerre confessionnelle avec des morts qui se chiffrent par centaines tous les jours. Il faut faire le maximum d'efforts pour que le Liban demeure à l'écart de cette contagion.
Q - Où avez-vous obtenu des informations sur des défections spectaculaires ? Quelles seront-elles ?
R - Il y a eu, dans les semaines précédentes, des défections très importantes. J'en cite deux ou trois. La dernière en date c'est la défection du Premier ministre de M. Bachar Al-Assad. Et le Premier ministre, ce n'est pas n'importe qui - je ne le dis pas parce que moi-même j'ai été Premier ministre -, c'est quelqu'un qui évidemment a la connaissance de tous les rouages. Et ce qui est important, je parle du Premier ministre qui a été accueilli en Jordanie, c'est ce qu'il a dit : que le gouvernement de M. Bachar Al-Assad ne contrôle plus - je crois - qu'un tiers du territoire, et d'autre part il a donné un certain nombre de détails qui montrent à quel point d'une part le régime multiplie les exactions, et d'autre part il est en train de s'affaiblir de l'intérieur. Mais il y a d'autres défections, notamment de généraux, il y en a en permanence. J'ai cru pouvoir dire, je vous le confirme, que ce mouvement de défection va se continuer dans les jours qui viennent. Il ne faut pas anticiper sur ce que vous apprendrez sans doute dans les jours prochains.
Q - S'agit-il de civils ou de militaires ?
R - J'en ai dit suffisamment.
Q - Avez-vous eu des entretiens avec les responsables d'Amal et du Hezbollah ?
R - La question est claire, même si elle est formulée en anglais. Et la réponse est claire en français : non.
Q - Êtes-vous pour un changement de mandat de la FINUL ?
R - La France est engagée aux côtés des Nations unies dans le cadre de la résolution 1701, avec la FINUL. Nous avons beaucoup d'hommes mobilisés par cette tâche qui est extrêmement difficile, qui est d'ailleurs dangereuse, comme vous le savez. Je veux leur rendre hommage, parce qu'ils font leur travail d'une façon exceptionnelle. Le président français s'est engagé à ce que nos troupes dans la FINUL soient maintenues parce qu'elles jouent au sud du pays, compte tenu de ce qu'est la réalité géographique et politique, un rôle absolument essentiel, ceci dans le cadre de la résolution 1701.
Maintenant, si d'autres perspectives devaient être étudiées, c'est une question tout à fait différente et cela ne peut pas être fait dans le cadre de cette force-là et c'est en soi un problème différent.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 août 2012