Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, en hommage aux deux militaires français tués en Guyane, à Paris le 3 juillet 2012.

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Circonstance : Cérémonie d'hommages aux Invalides à l'Adjudant-chef Stéphane Moralia et au Sergent Sébastien Pissot, à Paris le 3 juillet 2012

Texte intégral

Officiers, sous-officiers, caporaux-chefs, caporaux et soldats,
C’est dans la douleur et le recueillement que nous sommes aujourd’hui réunis, dans la cour d’honneur des Invalides, pour honorer la mémoire de vos compagnons d’armes, l’adjudant-chef Stéphane MORALIA et le sergent Sébastien PISSOT, tombés le 27 juin 2012 en Guyane dans l’accomplissement de leur mission.
Ils participaient depuis le 1er août 2011 à la mission HARPIE, opération de lutte contre l’orpaillage clandestin, qui est le fléau de la Guyane, par l’insécurité qu’elle génère et les atteintes à l’environnement, graves, souvent irréversibles, qui accompagnent des pratiques à tous points de vue illégales.
Le 27 juin 2012, dans le secteur de Dorlin, à 150 kilomètres au sud-ouest de Cayenne, l’adjudant-chef Stéphane MORALIA et le sergent Sébastien PISSOT sont mortellement blessés par des tireurs embusqués. A leurs côtés, trois gendarmes du Groupe de pelotons d'intervention de Cayenne sont également blessés.
Tous deux, comme certains d’entre vous, faisaient partie du 9e régiment d’infanterie de marine de Cayenne, dont des centaines d’hommes sont en permanence engagés, dans le sud du département, au cœur de la jungle amazonienne. Héritier du 9e régiment d’infanterie coloniale et du bataillon de Guyane, leur régiment participe depuis des décennies à la sécurité du Maroni et à la lutte pour le respect de nos frontières en Guyane. C’est la mission des troupes de marine que de servir outre-mer, dans les départements et les collectivités d’outre-mer, pour armer les forces de souveraineté et faire respecter les intérêts de la France aussi loin que s’étend le territoire national. Le sacrifice de vos deux camarades vient nous rappeler la réalité de l’engagement des marsouins, le sens de ce service qui pèse sur eux-mêmes et leurs familles. Ils sont tombés sur un sol français, éloigné de la métropole mais où l’Etat de droit, dans sa pleine souveraineté, doit être respecté. C’était le sens de leur mission.
A travers vos deux camarades, c’est aussi à l’engagement des militaires qui luttent quotidiennement contre l’orpaillage illégal, dans des conditions difficiles, que nous rendons hommage. Je tiens à saluer la collaboration exemplaire qui réunit en Guyane gendarmes et soldats. Sans les gendarmes qui sont représentés aujourd’hui, cette mission de police administrative et judiciaire ne pourrait avoir lieu. Sans vous, militaires du 9e RIMA, et sans vos frères d’armes du 3e REI, elle serait vouée à l’échec, car les savoirs-faire que vous avez acquis, notamment la pratique du combat en forêt, sont indispensables à la réalisation de cette mission, face à un adversaire menaçant, et dans un milieu qui est particulièrement hostile. C’est ensemble, fort de valeurs communes, forgées dans les mêmes écoles, que vous menez une action essentielle à la préservation de l’Etat de droit sur l’ensemble de notre territoire.
Adjudant-chef Stéphane MORALIA,
C’est en 2002 que vous vous engagez, à l’âge de 19 ans, en rejoignant l’Ecole nationale des sous-officiers de Saint-Maixent-l’Ecole.
Tout au long d’un parcours remarquable, vous participez à de nombreuses opérations extérieures. En 2003, jeune sergent au Régiment de marche du Tchad, vous faites partie de l’opération LICORNE en Côte d’Ivoire. En 2005, vous partez pour l’Afghanistan. Promu sergent-chef en 2006, vous êtes au Kosovo, l’année suivante, dans le cadre de l’opération TRIDENT. En 2008, vous intervenez au Liban. En 2009, vous êtes déployé une première fois en Guyane, pour l’opération HARPIE qui vient de commencer. Vous prenez ensuite part à l’opération EPERVIER au Tchad, avant de retourner en Côte d’Ivoire.
A l’été 2011, quelques semaines avant d’être promu adjudant, vous retrouvez la Guyane en étant affecté au 9e RIMA, comme sous-officier adjoint au sein des Commandos de recherche et d’actions en jungle. C’est à ce titre que vous participez à la mission HARPIE.
Le 27 juin 2012, dans le secteur de Dorlin, dans le sud-ouest de la Guyane, vous êtes mortellement blessé au cours d’un accrochage avec des tireurs embusqués mais vous commandez votre équipe jusqu’à l’épuisement de vos forces.
Les dix années que vous avez passées dans les armées, au service de la France, ont permis de vous signaler comme un sous-officier très apprécié de ses hommes. Votre charisme et votre sens du devoir ont fait de vous un exemple qui restera longtemps dans la mémoire de vos compagnons d’armes.
A cet instant, mes pensées vont à votre famille, qui sait la grandeur mais aussi les risques de l’engagement militaire. Je tiens à saluer votre père, qui servait comme capitaine dans l’armée de terre, ainsi que vos deux frères, engagés comme vous.
Sergent Sébastien PISSOT,
Votre parcours au sein des armées fut non moins exemplaire.
Engagé à l’âge de dix-neuf ans au 1er régiment d’infanterie de marine, vous partez à de nombreuses reprises également en opérations extérieures. Dès 1999, vous êtes en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’opération LICORNE. L’année suivante, vous êtes envoyé en mission à Djibouti. Devenu caporal, vous intervenez en 2001 au profit de la Force de stabilisation de l’OTAN en ex-Yougoslavie. En 2002, vous partez pour Mayotte. C’est là-bas que vous êtes promu caporal-chef. En 2004, vous êtes envoyé en Afghanistan, dans le cadre de la mission HERACLES. Vous partez de nouveau pour Djibouti, en 2008, avant de participer, l’année suivante, à l’opération EPERVIER au Tchad. En 2010, vous retournez à Djibouti pour la troisième fois.
Affecté depuis l’été 2011 au 9e RIMA, basé à Cayenne, vous intégrez les Commandos de recherche et d’actions en jungle en qualité de chef d’équipe débarquée et d’auxiliaire sanitaire. Particulièrement volontaire, apprécié de vos chefs comme de vos camarades, vous servez avec abnégation et faites la preuve de grandes compétences, tant techniques que tactiques.
Le 27 juin 2012, alors que vous êtes engagé dans le cadre de la mission HARPIE de lutte contre l’orpaillage clandestin, vous êtes mortellement touché au cours de l’embuscade, alors que vous portiez secours à l’un de vos camarades blessés. L’héroïsme que vous déployez alors a durablement impressionné vos compagnons d’armes. Il force l’admiration de tous. Il restera longtemps dans nos mémoires.
J’ai une pensée particulière pour votre compagne et l’enfant que vous laissez. Il grandira dans l’amour d’un père absent et, au-delà du chagrin, dans la fierté de l’exemple que vous offrez à tous. Cette lumière ne s’éteindra jamais.
Adjudant-chef Stéphane MORALIA, Sergent Sébastien PISSOT,
Au nom du Président de la République, chef des armées, comme en celui de l’ensemble du Gouvernement, je tiens à exprimer à vos familles la solidarité de la communauté militaire. C’est aussi en son nom que je m’apprête à vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d’honneur, qui sont la marque de l’hommage de la Nation tout entière, qui vous est reconnaissante.
Je le dis avec la plus grande fermeté, le Gouvernement est résolu à retrouver les auteurs de cette attaque et à les traduire devant la justice, pour que ce crime ne demeure pas impuni.
L’Etat de droit ne doit connaître aucune exception sur le territoire national, et c’est à sa défense que vous œuvriez dans le département de Guyane, faisant la démonstration d’un courage qui ne s’est éteint que dans la mort. Votre engagement militaire est un exemple pour tous vos camarades. Il appelle notre plus profond respect.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 août 2012