Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le retrait des forces françaises d'Afghanistan, à Kaboul le 18 juillet 2012.

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Circonstance : Déplacement en Afghanistan- adresse aux troupes françaises sur KAIA, à Kaboul le 18 juillet 2012

Texte intégral

Monsieur l’Ambassadeur,
Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, soldats,
C’est mon troisième déplacement en Afghanistan depuis que j’ai pris mes fonctions, il y a deux mois. En juin, en raison de circonstances exceptionnelles, douloureuses pour nous tous, j’étais passé trop brièvement à KAIA. Je m’étais promis de passer plus de temps avec vous lorsque je reviendrais. Je suis heureux de pouvoir le faire aujourd’hui.
Nous venons de fêter le 14 juillet. J’en témoigne auprès de vous, la réussite du défilé sur les Champs Elysées fut à l’honneur de nos militaires, et les rencontres qui ont suivi, entre les unités et les Parisiens mais aussi partout en France, ont donné la mesure de la formidable cohésion qui rassemble tous les Français autour de la communauté militaire. C’est le sens de la fête nationale et nous pouvons être fiers que nos armées aient suscité un tel enthousiasme. C’est la preuve d’une grande confiance qui, cette année encore, n’a pas été déçue. La veille, le Président de la République s’était déplacé au ministère de la défense pour prononcer un discours important, qui a rendu un hommage appuyé à nos forces engagées en Afghanistan. Il en a profité pour passer un long moment avec les familles des blessés et les représentants des unités qui allaient défiler.
A mon tour, je veux saluer votre engagement en Afghanistan, qui est exemplaire. J’ai déjà eu l’occasion de voir avec quel professionnalisme, quelle détermination, quel courage aussi, vous accomplissiez les missions qui vous rassemblent à Kaboul. Depuis onze ans maintenant, c’est grâce à des hommes et des femmes comme vous, que la France a répondu présent à l’appel des nations qui s’inquiétait de voir ce pays aux mains d’un terrorisme international, menaçant la sécurité du monde.
Vous me permettrez aussi de saluer la qualité de votre commandement. C’est une grande fierté que de voir nos officiers placés par nos alliés américains et britanniques à des postes à responsabilités. J’y reconnais l’excellence à laquelle est parvenue l’armée française, l’excellence de son dispositif de formation. Mais j’y vois aussi la parfaite adaptation de nos armées à s’insérer dans un commandement multinational, comme celui de l’OTAN.
Aujourd’hui, les objectifs qui ont présidé à notre engagement sont en passe d’être atteints. Les infrastructures d’Al Qaida ont été détruites, le commandement de ce réseau a été pour une grande part capturé, neutralisé ou tué. L’Afghanistan n’abrite plus de réseaux terroristes intégrés à l’appareil de l’Etat. Et les efforts considérables des Alliés font progressivement émerger une véritable armée afghane. Là où l’on ne voyait, il y a encore deux ans, que des unités éparses et mal dotées, s’affirment de plus en plus des unités et un commandement cohérent.
Bien évidemment, la crise afghane dans toutes ses dimensions est encore loin d’être résolue. Il subsiste de graves tensions internes qui nous commandent de rester particulièrement vigilants. Mais je voudrais dire à ceux qui sont inquiets pour l’avenir de ce pays que, par rapport aux objectifs qui étaient les nôtres, vous avez fait le maximum. L’heure est donc venue de repenser la forme d’un engagement décidé il y a plus de dix ans, comme nos Alliés le font et comme les Afghans le souhaitent.
Le 4 juillet, nous avons transféré la Kapisa aux forces nationales afghanes. Quelques jours après, nos trois derniers Mirage 2000 D engagés en Afghanistan effectuaient un ultime vol à partir de Kandahar. Ils sont maintenant en France. Au 1er août, les effectifs de nos forces présentes en Afghanistan auront déjà baissé de 650 soldats sur les 2000 qui auront retrouvé leur foyer pour Noël.
J’arrive du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan, où je suis allé préciser les modalités de notre désengagement logistique, qui prendra le relais de celui des hommes, au premier semestre 2013. Je viens de signer les accords qui nous lient à l’Ouzbékistan et qui ouvrent ainsi la voie du Nord. D’autres discussions se poursuivent, notamment avec le Pakistan, en liaison avec l’OTAN. Dans tous les cas, nous prendrons les précautions qui s’imposent.
Je sais que la période qui s’ouvre est délicate à mener. La manœuvre que vous allez conduire n’est pas un repli mais une manœuvre de relève sur positions par nos alliés afghans et américains. C’est une des manœuvres les plus difficiles de l’art militaire. Vous la conduirez dans un environnement où les menaces sont nombreuses. L’ensemble du désengagement devra se faire dans la plus grande sûreté. J’y attache une extrême importance et j’y veillerai personnellement. A la suite de l’attaque-suicide du 9 juin dernier, qui a tué quatre de nos soldats, ainsi que leurs deux interprètes afghans, j’ai demandé que toutes les mesures soient prises pour vous protéger. Le risque zéro n’existe pas sur un théâtre comme celui de l’Afghanistan. Mais le renforcement des procédures de sécurité, au moment où nous engageons un retrait de nos unités combattantes, est impératif. Il doit primer sur le reste, même, comme je l’ai indiqué lors de ma dernière visite à Kaboul, sur le calendrier. C’est ma première priorité. Avant de partir, j’ai convoqué le CEMA et les principaux responsables du renseignement en comité ministériel pour faire le point sur la sécurité. Et le bref séjour que je viens d’effectuer à Nijrab m’a permis de vérifier la pertinence des dispositifs que nous venions de décider.
Je n’ai pas besoin de dire ici que le désengagement n’est pas un renoncement. D’autres missions commencent. Je sais qu’elles vous concernent directement. Nous n’allons pas abandonner la population afghane. Au contraire, maintenant qu’Al Qaida est grandement affaibli et que l’armée nationale afghane est en passe de devenir une réalité tangible, nous transférons les responsabilités de sécurité aux Afghans eux-mêmes, dans le respect de leur souveraineté et selon leur volonté, pour concentrer nos actions sur la formation et la coopération. Nous continuerons de former les cadres de l’armée et des forces de sécurité afghanes et nous assurerons une présence de la France au service d’infrastructures essentielles à Kaboul : l’hôpital international, qui joue un rôle très important, je le sais, y compris auprès de la population civile, mais aussi, à la demande du général Allen, l’aéroport dont nous prendrons la responsabilité à partir du 1er octobre de cette année. Ce sont des missions significatives, adaptées aux besoins. Nous serons ainsi en phase avec les évolutions de la situation de ce pays. Il s’agit désormais d’œuvrer au développement de l’Afghanistan, pour inscrire dans la durée l’action que nous avons menée.
Au sein de la FIAS et au-delà, dans le cadre du traité de coopération et d’amitié franco-afghan, qui est en voie de ratification, la France restera donc engagée aux côtés de l’Afghanistan. Avec le président Karzaï, que j’ai rencontré hier, nous avons d’ailleurs évoqué le programme de coopération qui va être mis en œuvre par ce traité.
Dans le processus de désengagement autant que dans les missions qui seront désormais celles de la France en Afghanistan, plus que jamais, vous jouerez un rôle essentiel. Depuis onze ans, les forces françaises ont fait l’admiration de tous, de nos concitoyens comme de nos alliés. C’est vous qui laisserez la dernière impression. Je sais pouvoir compter sur vous pour conduire cette dernière phase avec le même brio. Depuis onze ans, le déploiement de nos forces sur ce théâtre prouve toute l’importance des soutiens. L’avenir le démontrera avec d’autant plus de force que les missions de formation et de coopération vont être désormais au cœur de notre engagement. Plus que jamais, je compte sur vous, comme vous pouvez compter sur mon soutien, et sur celui de la Nation tout entière.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 août 2012