Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Nous souhaitions, même si c'est rapide, dire un certain nombre de choses sur notre rencontre de travail.
D'abord, je suis très heureux d'accueillir le ministre des Relations extérieures du Brésil à Paris. C'est à la fois un signe de l'excellente relation qui existe entre nos deux pays et de la volonté que nous partageons de leur faire franchir un nouveau stade.
Nous avons passé en revue, avec mon homologue brésilien, l'ensemble du champ de nos relations bilatérales et nous avons aussi examiné ensemble un certain nombre de questions internationales. Je vais aller à l'essentiel.
Nous avons un partenariat stratégique que nous avons l'intention d'amplifier et vous allez voir, dans les mois qui viennent, une série d'échanges ministériels. Nous sommes convenus que nous aurions, désormais, chaque année une visite, une fois au Brésil, une fois en France, au niveau des ministres des Relations extérieures. Il en sera de même au niveau des ministres de la Recherche ainsi qu'au niveau des ministres de la Défense et des conseillers diplomatiques des présidents, la présidente Dilma Rousseff et le président François Hollande. Il en sera de même des Commissions, qui peut-être ne s'étaient pas réunies dans les temps récents, pour faire le point sur toute une série de dossiers.
En effet, nous avons beaucoup de dossiers à faire avancer ensemble sur le plan économique - le champ est considérable -, sur le plan de la Défense, sur le plan culturel, scientifique et éducatif. Nous avons aussi quelques problèmes ponctuels que nous devons faire avancer, en particulier des questions qui doivent être réglées à la frontière entre la Guyane et le Brésil.
Je vous donnerai quelques chiffres pour vous montrer l'ampleur de la coopération et de la qualité des relations entre le Brésil et la France. En termes d'échanges, nous avons un commerce extérieur qui est de l'ordre de huit milliards d'euros par an. Nous avons des investissements français à l'étranger qui sont considérables puisque les entreprises à base française sont responsables de 500.000 emplois au Brésil et, d'après ce que nous ont dit nos amis, tout cela va se développer encore. Nous avons en matière d'échanges universitaires ou d'étudiants, là aussi, des chiffres impressionnants puisque la France est le pays de destination le plus important pour les boursiers brésiliens et le deuxième pays étranger de destination pour les étudiants brésiliens.
Nous avons des relations qui sont déjà tout à fait excellentes, à la fois compte tenu de la tradition d'amitié entre le Brésil et la France et je dirai encore plus, compte tenu du lien particulier qui existe entre nos gouvernements et entre nos deux présidents.
Bref, c'est une visite extrêmement positive dont je remercie M. le ministre Patriota. Je veux ajouter que notre coopération sera d'autant plus forte qu'il y a des perspectives de grands événements qui vont se produire au Brésil. Je pense à la Coupe du monde de football en 2014, je pense aux Jeux Olympiques en 2016 et puis, il vient de se tenir des événements, eux aussi de grande portée, la Conférence Rio+20 en fait partie. On sait la place de plus en plus grande que le Brésil tient, à la fois bien sûr sur le continent américain mais aussi dans l'ensemble des relations internationales, sur beaucoup de dossiers ou dans plusieurs pays, notamment en Afrique ou dans certaines parties d'Amérique. Le Brésil et la France doivent travailler ensemble, à travers des coopérations vers des pays tiers.
Avec mon ami, M. Antonio Patriota, nous sommes aussi convenus de nous tenir étroitement au courant sur des questions vives, souvent dramatiques, concernant la Syrie, les relations avec l'Iran, ou encore les relations entre Israël et les Palestiniens.
Bref, c'est une coopération vivante qui va se développer et qui est incarnée par la visite du ministre des Relations extérieures brésilien que je remercie encore chaleureusement d'avoir pris sur son temps pour venir nous rendre cette visite en France.
Q - Je voulais savoir si une rencontre entre les chefs d'État était prévue ?
Par ailleurs, durant le déjeuner, vous avez abordé le sujet de la Syrie, envisagez-vous des actions communes pour faire progresser le débat par une résolution concernant cette affaire qui s'empire de jour en jour ?
Et aussi, au niveau commercial - même si le ministre brésilien de la Défense a indiqué que cela avait été encore une fois ajourné -, comptez-vous malgré tout sur la vente des avions Rafale au Brésil ?
R - Sur cette nouvelle phase et cette nouvelle étape du partenariat, je confirme cet état d'esprit que mon ami M. Patriota et moi-même avons expliqué. Il se trouve - c'est d'ailleurs une coïncidence - que l'ambassadeur Saint-Geours qui est là et qui a fait un remarquable travail auquel je veux rendre hommage en tant qu'ambassadeur au Brésil, il se trouve que nous venons de le nommer à la tête de notre administration. Il sera donc remplacé, - on peut rendre cela public puisque vous avez la gentillesse de donner votre agrément, - par l'ambassadeur Bruno Delaye ici présent et qui est, lui aussi, un remarquable ambassadeur. Ils auront la tâche de mettre en musique ce que nous venons de dire l'un et l'autre.
Concernant la Syrie, nous avons effectivement abordé ce sujet grave et nous avons confronté nos analyses qui sont très largement convergentes. J'ai exposé en particulier à mon collègue M. Patriota, à la fois comment nous abordions sur le plan diplomatique cette très difficile question compte tenu du blocage qui existe au Conseil de sécurité. J'ai indiqué comment les choses pouvaient se présenter sur le plan stratégique et militaire et comment elles se présentaient aussi sur le plan humanitaire, d'autant plus que, comme vous le savez, le Conseil de sécurité des Nations unies, sous présidence française tiendra ce jeudi 30 août, une réunion au niveau ministériel à New York.
Nous avons aussi évoqué les questions liées à l'Iran, le conflit israélo-palestinien et d'autres aspects encore.
Sur nos échanges qui sont l'autre volet de votre question, il y a un champ de coopérations considérables dans beaucoup de domaines. Nous en discutions avec nos interlocuteurs à table, par exemple avec M. Kron, le patron d'Alstom, en examinant toute une série de perspectives qui sont les vôtres en matière de transports, de trains, etc. C'est vrai aussi bien sûr en matière d'équipement de défense. Nous avons abordé la question des sous-marins, des hélicoptères, ainsi que toute une série de domaines moins connus : le Groupe Accord, le Groupe Casino qui fait travailler plus de 150.000 personnes au Brésil.
Il ne faut pas oublier le domaine culturel, M. Cogeval, le président du Musée d'Orsay nous a exposé le succès tout à fait remarquable de l'exposition sur l'impressionnisme et la mode.
Sur la question des avions Rafale, je laisserai mon collègue répondre. Il y a une proposition française que vous connaissez. Nous considérons que cette proposition française est la meilleure sur différents plans et en particulier sur le plan technologique puisqu'elle permet de faire des transferts technologiques qui permettront au Brésil - et c'est son souhait - de développer une industrie et de faire respecter pleinement son indépendance.
Maintenant, évidemment, la décision appartient au gouvernement brésilien, il y a eu un certain nombre de déclarations à ce sujet, mais la proposition française reste pleinement actuelle.
Q - Sur le dossier de l'Iran et les différentes déclarations du Premier ministre israélien M. Netanyahou, il n'est pas sûr qu'il puisse y avoir une frappe unilatérale d'Israël contre les installations nucléaires de l'Iran mais c'est quelque chose qu'aucun dirigeant occidental ne peut exclure. Le Brésil a montré il y a quelque temps une position originale, d'ailleurs qu'il présentait avec la Turquie. J'aimerais, M. Patriota, que vous nous donniez aujourd'hui la position du Brésil qui est une position originale et différente de la position par exemple des États-Unis d'Amérique, de la France ou du Royaume-Uni, que vous nous l'expliquiez, surtout en ce moment où il y a quand même un vrai risque d'actions de bombardements israéliens de l'Iran. J'aimerais aussi Monsieur le Premier Ministre que vous nous donniez la réponse de la France au point de vue original brésilien lorsque le ministre l'aura exprimé.
R - Nous avons discuté effectivement de cela et M. Patriota a rappelé dans quel contexte, à l'époque, avaient été faites ces propositions. Aujourd'hui, où en sommes-nous ? Comme il y a été fait allusion, il y a ces discussions entre le P5+1 et l'Iran. Nous avons choisi une double stratégie qui est une stratégie à la fois de sanctions et de dialogue. Les sanctions, d'après ce qui nous est communiqué, ont une certaine efficacité, mais une certaine efficacité seulement, en particulier parce qu'un certain nombre de pays à travers le monde ne les respectent pas.
Quant au dialogue, il se poursuit mais il n'y a pas eu dans le passé récent d'avancée de la partie iranienne. Le point que je partage avec mon collègue, c'est que du coup, cela crée une très grande inquiétude parce que si vous avez, d'un côté, un processus qui se déroule et, de l'autre, une absence de progrès, on risque d'avoir des réactions, d'un côté ou de l'autre - on ne sait pas qui exactement -, qui seraient extrêmement graves. Nous continuons donc notre pression à partir de cette double approche que je viens de rappeler. Il est vrai que c'est un très grave sujet qui risque évidemment, s'il se développait, d'avoir des effets ravageurs et en chaîne. Le rôle de la diplomatie, dans ces circonstances, est donc d'essayer de faire que cela n'arrive pas et, en même temps, de faire bouger les lignes.
La position de la France s'agissant du nucléaire iranien est très claire. Autant nous pensons parfaitement légitime que ce pays puisse utiliser l'énergie nucléaire civile, autant nous pensons qu'il serait très dangereux qu'il accède à l'arme nucléaire, puisque cela pourrait, indépendamment d'autres conséquences, introduire un phénomène de dissémination et donc de troubles supplémentaires dans cette partie déjà passablement troublée du monde.
Voilà où nous en sommes en souhaitant que la sagesse finalement prévale.
Q - Permettez-moi de revenir sur le dossier syrien. Vendredi dernier, M. le ministre Le Drian, ministre de la Défense, a évoqué la possibilité d'une zone d'exclusion au moins partielle en Syrie. Est-ce que cette zone d'exclusion s'arrête dans le cadre de l'ONU ? Pouvez-vous nous donner plus de précisions là-dessus ? Est-ce que le Brésil est d'accord avec cette proposition d'une zone d'exclusion en Syrie ?
R - Nous en sommes à ce stade dans une période de réflexion et d'examen. Comment se pose le problème que l'on résume en l'appelant zone d'exclusion aérienne, zone-tampon, «no-fly zone», «buffer zone», enfin il y a différentes formulations. Cette question peut se poser d'ailleurs en relation avec la question des réfugiés dont nous parlions il y a un instant. Il se trouve que de plus en plus de réfugiés, indépendamment des personnes déplacées, de plus en plus de réfugiés vont dans les pays voisins : on pense à la Jordanie, à l'Irak, au Liban, à la Turquie. On peut penser à d'autres pays, y compris d'ailleurs maintenant, dans des proportions moindres, dans des pays européens.
Cela pose évidemment de lourds problèmes pour les personnes elles-mêmes, pour les pays qui les reçoivent et pour les populations. Ce problème existe en soi. Si les causes essentielles qui expliquent ce phénomène, c'est-à-dire l'attitude continue du clan de M. Bachar Al-Assad elle-même se poursuit, donc si cela devait se poursuivre, cela poserait de plus en plus le problème de l'accueil de ces populations. Vous avez vu que tel ou tel pays, je pense en particulier à la Turquie, dit : «oui mais à partir d'un certain nombre, nous ne pouvons plus accueillir les réfugiés et donc nous allons fermer la frontière».
Qu'est-ce qui se passe si les réfugiés continuent à affluer et s'ils ne peuvent pas aller dans les pays voisins ? Ils vont s'accumuler dans des zones en Syrie, à la frontière. Dans le même temps, la Syrie dit - il y a eu des déclarations en ce sens : «nous n'acceptons pas qu'il y ait des camps sur notre territoire». Donc, quand on examine ces déclarations, la situation telle qu'elle risque de se développer, on est obligé quand on est responsable, c'est le cas du ministre de la Défense, c'est mon cas, c'est le cas de tous mes autres collègues, de réfléchir à ce qui pourrait se passer. Et c'est là où nous sommes amenés à envisager, pas du tout à décider, à envisager la question de la zone d'exclusion aérienne.
Ce qui du coup pose toute une série d'autres questions qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main. D'abord, quelle est la base internationale de légalité ? C'est la question que vous posez. Les Nations unies n'ont pas décidé cela. L'OTAN ne peut le faire que dans le cadre de l'article 5, or les pays ne sont pas attaqués. Il peut y avoir la responsabilité de protéger, nous en avons parlé avec mon collègue, mais c'est une notion un peu différente. Il y a donc déjà cette question-là.
Après il y a une autre question très importante qui est : est-ce qu'il est possible d'isoler telle zone géographique, compte tenu de ce qu'est le relief, la topographie de la Syrie ? Et il y a une troisième question - mais il y en a beaucoup d'autres - qui est : quel type de moyen cela demande ? Parfois la comparaison est faite avec la Libye, mais comparaison n'est pas nécessairement raison, car en Libye, les Américains étaient intervenus, les Britanniques étaient intervenus, les Français étaient intervenus, face à une aviation qui était tout à fait différente par sa masse, beaucoup plus faible que celle de la Syrie. Donc ces questions, sans du tout qu'il y ait de décision à ce stade, il est de la responsabilité de différents pays de les examiner et, en fonction du déroulement, de prendre le moment venu, les décisions nécessaires.
Maintenant je reviens, comme l'a dit excellemment mon collègue sur ce qui est en amont. Bien sûr il faut s'occuper de tout cela, et nous le faisons très activement en ce qui concerne la France, mais il faut s'occuper surtout de l'amont, c'est-à-dire arriver par la discussion, la pression, toute une série de mécanismes, à faire en sorte que la situation en Syrie même puisse se modifier. Car si vous ne modifiez pas la cause, vous ne modifiez pas beaucoup la conséquence. Voilà, la façon dont nous abordons cette question qui est au stade de l'examen.
Je voudrais ajouter deux mots pour terminer en faisant écho à ce que disait mon collègue, M. Patriota. D'abord pour souligner, comme il l'a fait, qu'il est très important, et c'est le sens des contacts que nous avons avec l'opposition syrienne, que lorsqu'on réfléchit au jour d'après, comme nous disons dans notre jargon, l'opposition syrienne souligne qu'il y aura respect de toutes les communautés. On pense aux chrétiens, aux alaouites, à la diversité des communautés. C'est absolument essentiel car l'argument qu'utilise le clan de M. Assad, c'est de dire attention, si ce n'est pas moi, vous allez être menacés. Alors qu'une grande partie de ces communautés elles-mêmes sont déjà menacées en ce qui concerne leurs ressortissants, car vous avez des chrétiens, des druzes, etc. qui quotidiennement meurent. Donc il est très important que l'opposition syrienne, les forces d'alternative, soulignent qu'il y aura un respect plein et entier de la diversité des communautés.
Ensuite je voudrais mentionner, tout à fait dans l'esprit qui a été dit, que ce matin même, j'ai reçu, à la fois pour préparer notre réunion de jeudi à New York, la quasi-totalité des grandes organisations, soit internationales, soit non-gouvernementales qui travaillent sur les questions humanitaires là-bas. Et d'autre part, une organisation extrêmement significative des médecins d'origine syrienne qui, soit en Syrie, soit à travers le monde, et notamment en France, propose une aide pour soigner les gens de l'intérieur. Il y a déjà plus de 70 médecins qui ont été tués, plus de 700 qui ont disparu. Ils ont besoin de fonds pour implanter ce qu'ils appellent des hôpitaux de fortune. Ils font un travail extrêmement précieux et là aussi on doit avoir le contact avec ces personnes. Même dans les choses les plus dramatiques il y a toujours des ironies. Savez-vous ce qu'on reproche à ces médecins ? On leur reproche d'avoir du sang sur les mains. Ils disent «oui nous avons du sang sur les mains, c'est le sang des personnes qui ont été blessées ou tuées par le régime et que nous essayons de sauver». En écoutant leur récit, on se dit qu'il y a vraiment beaucoup à faire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 septembre 2012
Nous souhaitions, même si c'est rapide, dire un certain nombre de choses sur notre rencontre de travail.
D'abord, je suis très heureux d'accueillir le ministre des Relations extérieures du Brésil à Paris. C'est à la fois un signe de l'excellente relation qui existe entre nos deux pays et de la volonté que nous partageons de leur faire franchir un nouveau stade.
Nous avons passé en revue, avec mon homologue brésilien, l'ensemble du champ de nos relations bilatérales et nous avons aussi examiné ensemble un certain nombre de questions internationales. Je vais aller à l'essentiel.
Nous avons un partenariat stratégique que nous avons l'intention d'amplifier et vous allez voir, dans les mois qui viennent, une série d'échanges ministériels. Nous sommes convenus que nous aurions, désormais, chaque année une visite, une fois au Brésil, une fois en France, au niveau des ministres des Relations extérieures. Il en sera de même au niveau des ministres de la Recherche ainsi qu'au niveau des ministres de la Défense et des conseillers diplomatiques des présidents, la présidente Dilma Rousseff et le président François Hollande. Il en sera de même des Commissions, qui peut-être ne s'étaient pas réunies dans les temps récents, pour faire le point sur toute une série de dossiers.
En effet, nous avons beaucoup de dossiers à faire avancer ensemble sur le plan économique - le champ est considérable -, sur le plan de la Défense, sur le plan culturel, scientifique et éducatif. Nous avons aussi quelques problèmes ponctuels que nous devons faire avancer, en particulier des questions qui doivent être réglées à la frontière entre la Guyane et le Brésil.
Je vous donnerai quelques chiffres pour vous montrer l'ampleur de la coopération et de la qualité des relations entre le Brésil et la France. En termes d'échanges, nous avons un commerce extérieur qui est de l'ordre de huit milliards d'euros par an. Nous avons des investissements français à l'étranger qui sont considérables puisque les entreprises à base française sont responsables de 500.000 emplois au Brésil et, d'après ce que nous ont dit nos amis, tout cela va se développer encore. Nous avons en matière d'échanges universitaires ou d'étudiants, là aussi, des chiffres impressionnants puisque la France est le pays de destination le plus important pour les boursiers brésiliens et le deuxième pays étranger de destination pour les étudiants brésiliens.
Nous avons des relations qui sont déjà tout à fait excellentes, à la fois compte tenu de la tradition d'amitié entre le Brésil et la France et je dirai encore plus, compte tenu du lien particulier qui existe entre nos gouvernements et entre nos deux présidents.
Bref, c'est une visite extrêmement positive dont je remercie M. le ministre Patriota. Je veux ajouter que notre coopération sera d'autant plus forte qu'il y a des perspectives de grands événements qui vont se produire au Brésil. Je pense à la Coupe du monde de football en 2014, je pense aux Jeux Olympiques en 2016 et puis, il vient de se tenir des événements, eux aussi de grande portée, la Conférence Rio+20 en fait partie. On sait la place de plus en plus grande que le Brésil tient, à la fois bien sûr sur le continent américain mais aussi dans l'ensemble des relations internationales, sur beaucoup de dossiers ou dans plusieurs pays, notamment en Afrique ou dans certaines parties d'Amérique. Le Brésil et la France doivent travailler ensemble, à travers des coopérations vers des pays tiers.
Avec mon ami, M. Antonio Patriota, nous sommes aussi convenus de nous tenir étroitement au courant sur des questions vives, souvent dramatiques, concernant la Syrie, les relations avec l'Iran, ou encore les relations entre Israël et les Palestiniens.
Bref, c'est une coopération vivante qui va se développer et qui est incarnée par la visite du ministre des Relations extérieures brésilien que je remercie encore chaleureusement d'avoir pris sur son temps pour venir nous rendre cette visite en France.
Q - Je voulais savoir si une rencontre entre les chefs d'État était prévue ?
Par ailleurs, durant le déjeuner, vous avez abordé le sujet de la Syrie, envisagez-vous des actions communes pour faire progresser le débat par une résolution concernant cette affaire qui s'empire de jour en jour ?
Et aussi, au niveau commercial - même si le ministre brésilien de la Défense a indiqué que cela avait été encore une fois ajourné -, comptez-vous malgré tout sur la vente des avions Rafale au Brésil ?
R - Sur cette nouvelle phase et cette nouvelle étape du partenariat, je confirme cet état d'esprit que mon ami M. Patriota et moi-même avons expliqué. Il se trouve - c'est d'ailleurs une coïncidence - que l'ambassadeur Saint-Geours qui est là et qui a fait un remarquable travail auquel je veux rendre hommage en tant qu'ambassadeur au Brésil, il se trouve que nous venons de le nommer à la tête de notre administration. Il sera donc remplacé, - on peut rendre cela public puisque vous avez la gentillesse de donner votre agrément, - par l'ambassadeur Bruno Delaye ici présent et qui est, lui aussi, un remarquable ambassadeur. Ils auront la tâche de mettre en musique ce que nous venons de dire l'un et l'autre.
Concernant la Syrie, nous avons effectivement abordé ce sujet grave et nous avons confronté nos analyses qui sont très largement convergentes. J'ai exposé en particulier à mon collègue M. Patriota, à la fois comment nous abordions sur le plan diplomatique cette très difficile question compte tenu du blocage qui existe au Conseil de sécurité. J'ai indiqué comment les choses pouvaient se présenter sur le plan stratégique et militaire et comment elles se présentaient aussi sur le plan humanitaire, d'autant plus que, comme vous le savez, le Conseil de sécurité des Nations unies, sous présidence française tiendra ce jeudi 30 août, une réunion au niveau ministériel à New York.
Nous avons aussi évoqué les questions liées à l'Iran, le conflit israélo-palestinien et d'autres aspects encore.
Sur nos échanges qui sont l'autre volet de votre question, il y a un champ de coopérations considérables dans beaucoup de domaines. Nous en discutions avec nos interlocuteurs à table, par exemple avec M. Kron, le patron d'Alstom, en examinant toute une série de perspectives qui sont les vôtres en matière de transports, de trains, etc. C'est vrai aussi bien sûr en matière d'équipement de défense. Nous avons abordé la question des sous-marins, des hélicoptères, ainsi que toute une série de domaines moins connus : le Groupe Accord, le Groupe Casino qui fait travailler plus de 150.000 personnes au Brésil.
Il ne faut pas oublier le domaine culturel, M. Cogeval, le président du Musée d'Orsay nous a exposé le succès tout à fait remarquable de l'exposition sur l'impressionnisme et la mode.
Sur la question des avions Rafale, je laisserai mon collègue répondre. Il y a une proposition française que vous connaissez. Nous considérons que cette proposition française est la meilleure sur différents plans et en particulier sur le plan technologique puisqu'elle permet de faire des transferts technologiques qui permettront au Brésil - et c'est son souhait - de développer une industrie et de faire respecter pleinement son indépendance.
Maintenant, évidemment, la décision appartient au gouvernement brésilien, il y a eu un certain nombre de déclarations à ce sujet, mais la proposition française reste pleinement actuelle.
Q - Sur le dossier de l'Iran et les différentes déclarations du Premier ministre israélien M. Netanyahou, il n'est pas sûr qu'il puisse y avoir une frappe unilatérale d'Israël contre les installations nucléaires de l'Iran mais c'est quelque chose qu'aucun dirigeant occidental ne peut exclure. Le Brésil a montré il y a quelque temps une position originale, d'ailleurs qu'il présentait avec la Turquie. J'aimerais, M. Patriota, que vous nous donniez aujourd'hui la position du Brésil qui est une position originale et différente de la position par exemple des États-Unis d'Amérique, de la France ou du Royaume-Uni, que vous nous l'expliquiez, surtout en ce moment où il y a quand même un vrai risque d'actions de bombardements israéliens de l'Iran. J'aimerais aussi Monsieur le Premier Ministre que vous nous donniez la réponse de la France au point de vue original brésilien lorsque le ministre l'aura exprimé.
R - Nous avons discuté effectivement de cela et M. Patriota a rappelé dans quel contexte, à l'époque, avaient été faites ces propositions. Aujourd'hui, où en sommes-nous ? Comme il y a été fait allusion, il y a ces discussions entre le P5+1 et l'Iran. Nous avons choisi une double stratégie qui est une stratégie à la fois de sanctions et de dialogue. Les sanctions, d'après ce qui nous est communiqué, ont une certaine efficacité, mais une certaine efficacité seulement, en particulier parce qu'un certain nombre de pays à travers le monde ne les respectent pas.
Quant au dialogue, il se poursuit mais il n'y a pas eu dans le passé récent d'avancée de la partie iranienne. Le point que je partage avec mon collègue, c'est que du coup, cela crée une très grande inquiétude parce que si vous avez, d'un côté, un processus qui se déroule et, de l'autre, une absence de progrès, on risque d'avoir des réactions, d'un côté ou de l'autre - on ne sait pas qui exactement -, qui seraient extrêmement graves. Nous continuons donc notre pression à partir de cette double approche que je viens de rappeler. Il est vrai que c'est un très grave sujet qui risque évidemment, s'il se développait, d'avoir des effets ravageurs et en chaîne. Le rôle de la diplomatie, dans ces circonstances, est donc d'essayer de faire que cela n'arrive pas et, en même temps, de faire bouger les lignes.
La position de la France s'agissant du nucléaire iranien est très claire. Autant nous pensons parfaitement légitime que ce pays puisse utiliser l'énergie nucléaire civile, autant nous pensons qu'il serait très dangereux qu'il accède à l'arme nucléaire, puisque cela pourrait, indépendamment d'autres conséquences, introduire un phénomène de dissémination et donc de troubles supplémentaires dans cette partie déjà passablement troublée du monde.
Voilà où nous en sommes en souhaitant que la sagesse finalement prévale.
Q - Permettez-moi de revenir sur le dossier syrien. Vendredi dernier, M. le ministre Le Drian, ministre de la Défense, a évoqué la possibilité d'une zone d'exclusion au moins partielle en Syrie. Est-ce que cette zone d'exclusion s'arrête dans le cadre de l'ONU ? Pouvez-vous nous donner plus de précisions là-dessus ? Est-ce que le Brésil est d'accord avec cette proposition d'une zone d'exclusion en Syrie ?
R - Nous en sommes à ce stade dans une période de réflexion et d'examen. Comment se pose le problème que l'on résume en l'appelant zone d'exclusion aérienne, zone-tampon, «no-fly zone», «buffer zone», enfin il y a différentes formulations. Cette question peut se poser d'ailleurs en relation avec la question des réfugiés dont nous parlions il y a un instant. Il se trouve que de plus en plus de réfugiés, indépendamment des personnes déplacées, de plus en plus de réfugiés vont dans les pays voisins : on pense à la Jordanie, à l'Irak, au Liban, à la Turquie. On peut penser à d'autres pays, y compris d'ailleurs maintenant, dans des proportions moindres, dans des pays européens.
Cela pose évidemment de lourds problèmes pour les personnes elles-mêmes, pour les pays qui les reçoivent et pour les populations. Ce problème existe en soi. Si les causes essentielles qui expliquent ce phénomène, c'est-à-dire l'attitude continue du clan de M. Bachar Al-Assad elle-même se poursuit, donc si cela devait se poursuivre, cela poserait de plus en plus le problème de l'accueil de ces populations. Vous avez vu que tel ou tel pays, je pense en particulier à la Turquie, dit : «oui mais à partir d'un certain nombre, nous ne pouvons plus accueillir les réfugiés et donc nous allons fermer la frontière».
Qu'est-ce qui se passe si les réfugiés continuent à affluer et s'ils ne peuvent pas aller dans les pays voisins ? Ils vont s'accumuler dans des zones en Syrie, à la frontière. Dans le même temps, la Syrie dit - il y a eu des déclarations en ce sens : «nous n'acceptons pas qu'il y ait des camps sur notre territoire». Donc, quand on examine ces déclarations, la situation telle qu'elle risque de se développer, on est obligé quand on est responsable, c'est le cas du ministre de la Défense, c'est mon cas, c'est le cas de tous mes autres collègues, de réfléchir à ce qui pourrait se passer. Et c'est là où nous sommes amenés à envisager, pas du tout à décider, à envisager la question de la zone d'exclusion aérienne.
Ce qui du coup pose toute une série d'autres questions qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main. D'abord, quelle est la base internationale de légalité ? C'est la question que vous posez. Les Nations unies n'ont pas décidé cela. L'OTAN ne peut le faire que dans le cadre de l'article 5, or les pays ne sont pas attaqués. Il peut y avoir la responsabilité de protéger, nous en avons parlé avec mon collègue, mais c'est une notion un peu différente. Il y a donc déjà cette question-là.
Après il y a une autre question très importante qui est : est-ce qu'il est possible d'isoler telle zone géographique, compte tenu de ce qu'est le relief, la topographie de la Syrie ? Et il y a une troisième question - mais il y en a beaucoup d'autres - qui est : quel type de moyen cela demande ? Parfois la comparaison est faite avec la Libye, mais comparaison n'est pas nécessairement raison, car en Libye, les Américains étaient intervenus, les Britanniques étaient intervenus, les Français étaient intervenus, face à une aviation qui était tout à fait différente par sa masse, beaucoup plus faible que celle de la Syrie. Donc ces questions, sans du tout qu'il y ait de décision à ce stade, il est de la responsabilité de différents pays de les examiner et, en fonction du déroulement, de prendre le moment venu, les décisions nécessaires.
Maintenant je reviens, comme l'a dit excellemment mon collègue sur ce qui est en amont. Bien sûr il faut s'occuper de tout cela, et nous le faisons très activement en ce qui concerne la France, mais il faut s'occuper surtout de l'amont, c'est-à-dire arriver par la discussion, la pression, toute une série de mécanismes, à faire en sorte que la situation en Syrie même puisse se modifier. Car si vous ne modifiez pas la cause, vous ne modifiez pas beaucoup la conséquence. Voilà, la façon dont nous abordons cette question qui est au stade de l'examen.
Je voudrais ajouter deux mots pour terminer en faisant écho à ce que disait mon collègue, M. Patriota. D'abord pour souligner, comme il l'a fait, qu'il est très important, et c'est le sens des contacts que nous avons avec l'opposition syrienne, que lorsqu'on réfléchit au jour d'après, comme nous disons dans notre jargon, l'opposition syrienne souligne qu'il y aura respect de toutes les communautés. On pense aux chrétiens, aux alaouites, à la diversité des communautés. C'est absolument essentiel car l'argument qu'utilise le clan de M. Assad, c'est de dire attention, si ce n'est pas moi, vous allez être menacés. Alors qu'une grande partie de ces communautés elles-mêmes sont déjà menacées en ce qui concerne leurs ressortissants, car vous avez des chrétiens, des druzes, etc. qui quotidiennement meurent. Donc il est très important que l'opposition syrienne, les forces d'alternative, soulignent qu'il y aura un respect plein et entier de la diversité des communautés.
Ensuite je voudrais mentionner, tout à fait dans l'esprit qui a été dit, que ce matin même, j'ai reçu, à la fois pour préparer notre réunion de jeudi à New York, la quasi-totalité des grandes organisations, soit internationales, soit non-gouvernementales qui travaillent sur les questions humanitaires là-bas. Et d'autre part, une organisation extrêmement significative des médecins d'origine syrienne qui, soit en Syrie, soit à travers le monde, et notamment en France, propose une aide pour soigner les gens de l'intérieur. Il y a déjà plus de 70 médecins qui ont été tués, plus de 700 qui ont disparu. Ils ont besoin de fonds pour implanter ce qu'ils appellent des hôpitaux de fortune. Ils font un travail extrêmement précieux et là aussi on doit avoir le contact avec ces personnes. Même dans les choses les plus dramatiques il y a toujours des ironies. Savez-vous ce qu'on reproche à ces médecins ? On leur reproche d'avoir du sang sur les mains. Ils disent «oui nous avons du sang sur les mains, c'est le sang des personnes qui ont été blessées ou tuées par le régime et que nous essayons de sauver». En écoutant leur récit, on se dit qu'il y a vraiment beaucoup à faire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 septembre 2012