Déclaration à la presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur la situation au Mali et en Syrie, à New York le 24 septembre 2012.

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Circonstance : Déplacement à New York (Etats-Unis) à l’occasion de la 67e Assemblée générale des Nations unies, du 24 au 28 septembre 2012

Texte intégral

Q - Sur la force au Mali, concrètement qu'est ce que la France est prête à engager comme dispositif pour aider à la reconquête du Nord ?
R - Vous connaissez la situation au Mali : le Mali est coupé en deux et, au nord, un certain nombre de terroristes se sont installés. Le Mali, très légitimement, veut qu'on l'aide à reconquérir l'ensemble de son territoire. Il a donc déposé une demande auprès du Conseil de sécurité des Nations unies pour que des troupes lui permettent de reconquérir l'ensemble de son territoire. Il va y avoir des troupes africaines, de pays voisins. Ces troupes vont étudier des plans pour permettre effectivement de reconquérir le nord.
La France n'est pas en première ligne, elle est un facilitateur. Ce que nous voulons, évidemment, c'est que le Mali puisse reconquérir son territoire. Nous savons que les terroristes installés au nord sont extrêmement dangereux, non seulement pour le Mali mais aussi pour tous les pays voisins d'Afrique, parce qu'ils sont très armés, parce qu'ils ont beaucoup d'argent. Ils sont dangereux aussi pour la France et pour l'Europe car ils ne cachent pas leur volonté de déstabiliser ces pays.
Si le Conseil de sécurité, ce que je crois et que j'espère, donne droit à la demande des autorités maliennes, cela permettra, pas tout de suite mais à terme, d'éradiquer ces inquiétudes.
Q - Concernant les otages, la France est-elle menacée sur le plan intérieur ?
R - Il n'y a pas de menaces précises dans telle ou telle ville, mais, globalement, nous sommes collectivement menacés, comme les pays voisins de l'Afrique, parce que ces terroristes qui relèvent du groupe AQMI ont dit très clairement que leur ennemi c'était l'ensemble des «infidèles».
Q - Il s'agit donc d'aider à la fois le gouvernement malien à retrouver sa souveraineté mais cette action, notamment celle de la France, s'inscrit aussi dans la lutte anti-terroriste plus globale.
R - C'est une présentation tout à fait juste. Qu'on comprenne bien, il ne s'agit pas d'envoyer des troupes françaises au sol, il n'en est pas question. C'est aux Africains, sous mandat des Nations unies, de mener les actions nécessaires. Nous qui sommes opposés au terrorisme, si nous pouvons aider d'une manière ou d'une autre, nous le ferons.
Q - Êtes-vous inquiet pour vos otages ?
R - C'est évidemment une inquiétude chaque jour. Le président de la République et moi-même avons reçu les familles d'otages la semaine dernière. Ce sont des personnes extrêmement responsables, dont le courage force l'admiration. Nous agissons quotidiennement, je pèse mes mots, et discrètement, pour que nous puissions retrouver les otages.
Q - Avez-vous des preuves qu'ils sont en vie ?
R - Oui, il y a eu une preuve récente qu'ils sont en vie.
Q - Pour revenir à la situation dans le nord du Mali, peut-on dire que cette région sert aussi désormais à la formation de terroristes pour d'autres pays ?
R - Oui, ce sont des informations que nous avons. Il y a un certain nombre de terroristes, dont AQMI, qui ont beaucoup d'armes. Une partie de ces armes provient de Libye, l'autre a pu être achetée avec l'argent généré par le trafic de drogue. La région sert de plaque tournante pour former des terroristes qui ensuite vont commettre leurs méfaits dans d'autres pays de l'Afrique, y compris jusqu'au bout de l'Afrique de l'Est. C'est donc un danger, non seulement pour le Mali mais pour l'ensemble de l'Afrique et de l'Europe.
Q - L'ONU est maintenant saisie. Pensez-vous que la mise sur pied d'une force africaine peut aller assez vite ?
R - Je l'espère parce qu'il y avait au cours des derniers mois des difficultés internes, au Mali, entre les différents acteurs pour se mettre d'accord. Heureusement - mais je reste prudent -, il y a un accord pour formuler une demande. La question sera étudiée dans les jours qui viennent et j'espère que le Conseil de sécurité prendra une décision positive. Si c'est le cas, ce sera une bonne décision.
Q - Le dossier syrien peut-il évoluer ? Que peut-on attendre de l'Assemblée générale ?
R - Je crains qu'il n'évolue malheureusement pas beaucoup parce que c'est au Conseil de sécurité de prendre ses responsabilités. Deux États bloquent : la Russie et la Chine. Je ne vois malheureusement pas aujourd'hui ce qui va les faire changer d'avis. C'est d'autant plus grave qu'il y a des morts tous les jours, et que si le conflit dure, cela risque d'exacerber les passions et on risque de s'acheminer vers une sorte de fragmentation de la Syrie, ce qui serait extrêmement dangereux.
C'est la raison pour laquelle la France est aux avant-postes pour essayer à la fois de réunir l'opposition en Syrie, pour trouver une d'alternative à Bachar et pour convaincre les Russes et Chinois, qu'il faut vraiment que Bachar s'en aille et que l'on trouve une solution pour que le peuple syrien puisse enfin vivre en paix.
Q - La crainte des Russes notamment, c'est que des extrémistes musulmans prennent le pouvoir après Bachar Al-Assad. Est-ce que la France considère aussi cette hypothèse avec inquiétude ?
R - Il faut l'éviter, et pour cela et dans ce contexte, il est nécessaire que le remplacement de Bachar Al-Assad soit rapide, puisqu'il y a déjà des éléments intégristes qu'on nous signale ici ou là. Si la crise devait durer, ce risque serait encore plus grand.
Q - Vous avez dit que vous étiez optimiste sur le Mali. Il y avait beaucoup d'inquiétude et d'interrogations pour savoir si la CEDEAO pouvait avoir assez de troupes. On a parlé de 3.000 hommes nécessaires qui n'étaient pas réunis jusqu'à maintenant - est-ce que ça va changer ?
R - Je reste prudent mais il est vrai que c'est le premier signe positif que nous avons en ce qui concerne le Mali puisque le président et le Premier ministre du Mali se sont mis d'accord, pour envoyer une lettre, avec l'accord de la CEDEAO, afin de saisir le Conseil de sécurité. C'est donc une première phase, il y en aura d'autres, et c'est une phase positive. C'est au Conseil de sécurité des Nations unies de répondre à la demande des autorités du Mali, afin de permettre d'envisager que l'intégrité du Mali soit rétablie, ce qui est essentiel, et que les terroristes partent.
Q - Vous pensez que ces pays auront les 3.000 hommes nécessaires ?
R - Je pense que c'est à la portée de nos amis africains.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2012