Texte intégral
Q - Le ministre délégué chargé des Affaires européennes est l'invité de France Inter ce matin. Bonjour Bernard Cazeneuve.
R - Bonjour.
Q - Je voudrais d'abord vous interroger sur la déclaration qui a le plus retenu notre attention ces dernières heures, celle du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone. Il considère que l'objectif des 3 % de déficit l'an prochain est intenable et que, en l'absence de croissance, la Commission de Bruxelles doit se poser la question des 3 % et de la faisabilité des efforts demandés. Il a raison ?
R - La politique de la France repose sur deux principes : nous voulons de la croissance et le rétablissement des comptes. Les initiatives que nous avons prises au sein de l'Union européenne, le plan de 120 milliards d'euros, les discussions en cours - j'étais hier à Bruxelles dans une négociation autour du budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020 - doivent permettre de faire en sorte qu'il y ait de la croissance. Il faut aussi qu'il y ait...
Q - Mais, pour l'instant, il n'y en a pas.
R - Mais la croissance ne se décrète pas, elle se construit avec nos partenaires de l'Union européenne dans les politiques que nous mettons en place ...
Q - Oui ! Mais c'est parce que pour l'instant il n'y a pas de croissance qu'on se pose la question des 3 %.
R - Il faut par conséquent aussi, pour qu'il y ait de la croissance, que nous rétablissions nos comptes. Nous voyons la situation dans laquelle se trouvent les pays qui ont un niveau d'endettement important, qui ont des déficits substantiels et qui ne sont pas en situation de financer la croissance sur les marchés parce que les marchés leur opposent des taux d'intérêt qui sont extrêmement élevés et qui cassent la croissance. Il faut donc créer les conditions de cet équilibre qui se construit bien entendu en France (la loi de finance matérialisera notre volonté de rétablir les comptes publics et de créer les conditions de la croissance) et, autour de la table des 27 à Bruxelles, ou à Luxembourg, ou dans les conseils européens, il ne faut pas sortir de cet équilibre. Et je pense que nous devons aussi faire en sorte que, si des initiatives doivent être prises par la France - et elle joue et jouera son rôle pour les exprimer - celles-ci le seront non pas de façon individuelle par tel ou tel pays mais par l'ensemble des pays de l'Union européenne pour éviter que des échappées belles ne conduisent à une pénalisation de telle ou telle économie sur les marchés.
Q - Donc, s'il doit y avoir une remise en cause de l'objectif des 3 %, ce sera une remise en cause collective. Qui ne peut venir que de l'ensemble des pays européens ou de la Commission de Bruxelles. À l'initiative de M. Barroso ?
R - Je pense qu'il est important que sur ces sujets-là nous continuions à faire ce que nous faisons depuis quatre mois maintenant - avec des résultats qui sont significatifs - c'est-à-dire faire en sorte que la politique de l'Union européenne soit résolument réorientée sur le chemin de la croissance. On a obtenu des résultats, il reste encore beaucoup à faire, il nous faut aller au bout de l'action que nous avons engagée.
Q - Mais sur...
R - C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, je passe à un autre sujet...
Q - Ah non!
R - Nous avons besoin d'avoir de la force.
Q - Non, on ne passe pas à un autre sujet. Parce que sur ces 3 %, vous savez, beaucoup d'économistes ont sonné l'alerte...Les 3 % sont-ils tenables, Bernard Cazeneuve ?
R - Je vous répète que notre volonté est de tenir les objectifs de réduction des déficits et de réduction de la dette. La crédibilité de la France et qui doit demeurer dans le concert européen - y compris pour prendre des initiatives en faveur de la croissance et d'autres initiatives - dépend de la capacité dans laquelle nous serons de dire que nous voulons tenir ce cap. Pourquoi ? Vous allez comprendre tout de suite !
Q - Je vais décrypter pour les auditeurs !
R - Non ! Mais je vais expliquer pourquoi.
Q - Oui !
R - Tout simplement parce que, si nous donnons le sentiment que ce que nous voulons pour la croissance n'est rien d'autre qu'une échappatoire à ce que nous devons faire en termes de maîtrise de nos comptes - parce que finalement nous sommes légitimes à ne pas vouloir que les dettes soient transmises aux générations futures et qu'elles soient privées de la possibilité de connaître la croissance durable, l'emploi, parce que nous n'aurons pas été capables de régler les problèmes aujourd'hui - si nous donnons le sentiment que ce que nous voulons pour la croissance est une manière d'échapper au rétablissement des comptes, nous ferons une faute et nous serons durement pénalisés sur les marchés...
Q - Voilà ! Alors... c'est ça.
R - Ce qui sur les marchés nous pénalisera sera autant de moins pour la croissance.
Donc, nous devons être dans une démarche où il y a :
1) des équilibres budgétaires sans dérogation à l'objectif ;
2) des initiatives fortes pour la croissance ;
et faire en sorte que ces deux objectifs-là, ensemble, servent de pivot à la politique de l'Union européenne.
Lorsque nous sommes arrivés, nous avions : un traité, des disciplines budgétaires comme horizon de la politique de l'Union européenne, aucune perspective pour la croissance et de faibles moyens de solidarité. De plus, la manière dont la Banque centrale européenne intervient aujourd'hui sur les marchés était hier inenvisageable. Nous avons engagé une autre politique, cette autre politique n'a pas encore déployé tous ses effets, toutes les mesures qui permettraient de lui donner sa pleine et entière dimension n'ont pas encore été prises, il faut donc aller plus loin, et pour aller plus loin il faut rester crédibles et ne pas perdre de vue les objectifs...
Q - Rester crédible cela veut dire, je décrypte, que si un ministre ou un gouvernement seul en Europe remet en cause les 3 % c'est aussi la perte de confiance des marchés et l'envolée de nos taux d'intérêt...
R - Cela veut dire...
Q - Donc, il ne peut y avoir qu'un débat...
R - Non ! Cela veut dire...
Q - Si !
R - Cela veut dire aussi - et c'est important que nous assumions cette position parce que nous avons aussi été élus sur cet objectif - le rétablissement de nos comptes publics dans un pays où la dette a augmenté de 700 milliards en 5 ans pour atteindre aujourd'hui 1 700 milliards d'Euros, soit un pourcentage du PIB considérable car nous avons un PIB français autour de 1.980 milliards d'euros. Pensez-vous que nous puissions avoir demain de la croissance avec un tel fardeau ? Non ! Donc, nous devons remettre nos comptes en état et cet objectif-là est un objectif qui n'est pas négociable, comme la volonté que nous avons de faire de la croissance ne l'est pas davantage.
Q - Ca veut dire par hypothèse que, si José-Manuel Barroso ou la Commission de Bruxelles ouvre le débat sur les 3 %, vous la France vous direz : «Non, non, il faut respecter les 3 %, il faut tenir le cap» ?
R - Nous pensons que toute la politique de l'Union européenne - et c'est ça la vraie solution pour demain - doit être une politique tournée vers la croissance. Nous avons beaucoup d'initiatives à prendre pour la croissance en Europe qui permettraient d'ailleurs de rendre les objectifs de réduction des déficits tenables.
Q - Vous me parlez de croissance mais je vous parle d'austérité, moi, de ce...
R - Je comprends que vous ayez envie de me parler d'austérité, mais, ce que nous essayons, nous, de construire, ce n'est pas l'austérité à perte de vue pour la France et pour les peuples d'Europe. Nous n'avons pas été élus pour cela, ce n'est pas ce que nous faisons. Nous voulons construire des politiques de croissance et celles-ci supposent qu'un certain nombre de conditions soit réunies et...
Q - Mais la croissance est plus difficile à atteindre quand on comprime les dépenses publiques.
R - Oui ! Mais il est plus difficile aussi d'atteindre les objectifs de réduction des dépenses publiques s'il n'y a pas de croissance, c'est la raison pour laquelle nous devons la construire, c'est la raison pour laquelle c'est notre politique.
(...)
R - La réorientation de l'Europe ne se décrète pas, elle se construit avec les 27 autour de la table et il faut arriver à aller au-delà de ce que nous avons obtenu : la taxe sur les transactions financières, la remise en ordre de la finance avec la supervision bancaire, la mise en place de dispositifs de solidarité qui ont conduit la Banque Centrale Européenne à intervenir pour lutter contre la spéculation.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2012
R - Bonjour.
Q - Je voudrais d'abord vous interroger sur la déclaration qui a le plus retenu notre attention ces dernières heures, celle du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone. Il considère que l'objectif des 3 % de déficit l'an prochain est intenable et que, en l'absence de croissance, la Commission de Bruxelles doit se poser la question des 3 % et de la faisabilité des efforts demandés. Il a raison ?
R - La politique de la France repose sur deux principes : nous voulons de la croissance et le rétablissement des comptes. Les initiatives que nous avons prises au sein de l'Union européenne, le plan de 120 milliards d'euros, les discussions en cours - j'étais hier à Bruxelles dans une négociation autour du budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020 - doivent permettre de faire en sorte qu'il y ait de la croissance. Il faut aussi qu'il y ait...
Q - Mais, pour l'instant, il n'y en a pas.
R - Mais la croissance ne se décrète pas, elle se construit avec nos partenaires de l'Union européenne dans les politiques que nous mettons en place ...
Q - Oui ! Mais c'est parce que pour l'instant il n'y a pas de croissance qu'on se pose la question des 3 %.
R - Il faut par conséquent aussi, pour qu'il y ait de la croissance, que nous rétablissions nos comptes. Nous voyons la situation dans laquelle se trouvent les pays qui ont un niveau d'endettement important, qui ont des déficits substantiels et qui ne sont pas en situation de financer la croissance sur les marchés parce que les marchés leur opposent des taux d'intérêt qui sont extrêmement élevés et qui cassent la croissance. Il faut donc créer les conditions de cet équilibre qui se construit bien entendu en France (la loi de finance matérialisera notre volonté de rétablir les comptes publics et de créer les conditions de la croissance) et, autour de la table des 27 à Bruxelles, ou à Luxembourg, ou dans les conseils européens, il ne faut pas sortir de cet équilibre. Et je pense que nous devons aussi faire en sorte que, si des initiatives doivent être prises par la France - et elle joue et jouera son rôle pour les exprimer - celles-ci le seront non pas de façon individuelle par tel ou tel pays mais par l'ensemble des pays de l'Union européenne pour éviter que des échappées belles ne conduisent à une pénalisation de telle ou telle économie sur les marchés.
Q - Donc, s'il doit y avoir une remise en cause de l'objectif des 3 %, ce sera une remise en cause collective. Qui ne peut venir que de l'ensemble des pays européens ou de la Commission de Bruxelles. À l'initiative de M. Barroso ?
R - Je pense qu'il est important que sur ces sujets-là nous continuions à faire ce que nous faisons depuis quatre mois maintenant - avec des résultats qui sont significatifs - c'est-à-dire faire en sorte que la politique de l'Union européenne soit résolument réorientée sur le chemin de la croissance. On a obtenu des résultats, il reste encore beaucoup à faire, il nous faut aller au bout de l'action que nous avons engagée.
Q - Mais sur...
R - C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, je passe à un autre sujet...
Q - Ah non!
R - Nous avons besoin d'avoir de la force.
Q - Non, on ne passe pas à un autre sujet. Parce que sur ces 3 %, vous savez, beaucoup d'économistes ont sonné l'alerte...Les 3 % sont-ils tenables, Bernard Cazeneuve ?
R - Je vous répète que notre volonté est de tenir les objectifs de réduction des déficits et de réduction de la dette. La crédibilité de la France et qui doit demeurer dans le concert européen - y compris pour prendre des initiatives en faveur de la croissance et d'autres initiatives - dépend de la capacité dans laquelle nous serons de dire que nous voulons tenir ce cap. Pourquoi ? Vous allez comprendre tout de suite !
Q - Je vais décrypter pour les auditeurs !
R - Non ! Mais je vais expliquer pourquoi.
Q - Oui !
R - Tout simplement parce que, si nous donnons le sentiment que ce que nous voulons pour la croissance n'est rien d'autre qu'une échappatoire à ce que nous devons faire en termes de maîtrise de nos comptes - parce que finalement nous sommes légitimes à ne pas vouloir que les dettes soient transmises aux générations futures et qu'elles soient privées de la possibilité de connaître la croissance durable, l'emploi, parce que nous n'aurons pas été capables de régler les problèmes aujourd'hui - si nous donnons le sentiment que ce que nous voulons pour la croissance est une manière d'échapper au rétablissement des comptes, nous ferons une faute et nous serons durement pénalisés sur les marchés...
Q - Voilà ! Alors... c'est ça.
R - Ce qui sur les marchés nous pénalisera sera autant de moins pour la croissance.
Donc, nous devons être dans une démarche où il y a :
1) des équilibres budgétaires sans dérogation à l'objectif ;
2) des initiatives fortes pour la croissance ;
et faire en sorte que ces deux objectifs-là, ensemble, servent de pivot à la politique de l'Union européenne.
Lorsque nous sommes arrivés, nous avions : un traité, des disciplines budgétaires comme horizon de la politique de l'Union européenne, aucune perspective pour la croissance et de faibles moyens de solidarité. De plus, la manière dont la Banque centrale européenne intervient aujourd'hui sur les marchés était hier inenvisageable. Nous avons engagé une autre politique, cette autre politique n'a pas encore déployé tous ses effets, toutes les mesures qui permettraient de lui donner sa pleine et entière dimension n'ont pas encore été prises, il faut donc aller plus loin, et pour aller plus loin il faut rester crédibles et ne pas perdre de vue les objectifs...
Q - Rester crédible cela veut dire, je décrypte, que si un ministre ou un gouvernement seul en Europe remet en cause les 3 % c'est aussi la perte de confiance des marchés et l'envolée de nos taux d'intérêt...
R - Cela veut dire...
Q - Donc, il ne peut y avoir qu'un débat...
R - Non ! Cela veut dire...
Q - Si !
R - Cela veut dire aussi - et c'est important que nous assumions cette position parce que nous avons aussi été élus sur cet objectif - le rétablissement de nos comptes publics dans un pays où la dette a augmenté de 700 milliards en 5 ans pour atteindre aujourd'hui 1 700 milliards d'Euros, soit un pourcentage du PIB considérable car nous avons un PIB français autour de 1.980 milliards d'euros. Pensez-vous que nous puissions avoir demain de la croissance avec un tel fardeau ? Non ! Donc, nous devons remettre nos comptes en état et cet objectif-là est un objectif qui n'est pas négociable, comme la volonté que nous avons de faire de la croissance ne l'est pas davantage.
Q - Ca veut dire par hypothèse que, si José-Manuel Barroso ou la Commission de Bruxelles ouvre le débat sur les 3 %, vous la France vous direz : «Non, non, il faut respecter les 3 %, il faut tenir le cap» ?
R - Nous pensons que toute la politique de l'Union européenne - et c'est ça la vraie solution pour demain - doit être une politique tournée vers la croissance. Nous avons beaucoup d'initiatives à prendre pour la croissance en Europe qui permettraient d'ailleurs de rendre les objectifs de réduction des déficits tenables.
Q - Vous me parlez de croissance mais je vous parle d'austérité, moi, de ce...
R - Je comprends que vous ayez envie de me parler d'austérité, mais, ce que nous essayons, nous, de construire, ce n'est pas l'austérité à perte de vue pour la France et pour les peuples d'Europe. Nous n'avons pas été élus pour cela, ce n'est pas ce que nous faisons. Nous voulons construire des politiques de croissance et celles-ci supposent qu'un certain nombre de conditions soit réunies et...
Q - Mais la croissance est plus difficile à atteindre quand on comprime les dépenses publiques.
R - Oui ! Mais il est plus difficile aussi d'atteindre les objectifs de réduction des dépenses publiques s'il n'y a pas de croissance, c'est la raison pour laquelle nous devons la construire, c'est la raison pour laquelle c'est notre politique.
(...)
R - La réorientation de l'Europe ne se décrète pas, elle se construit avec les 27 autour de la table et il faut arriver à aller au-delà de ce que nous avons obtenu : la taxe sur les transactions financières, la remise en ordre de la finance avec la supervision bancaire, la mise en place de dispositifs de solidarité qui ont conduit la Banque Centrale Européenne à intervenir pour lutter contre la spéculation.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2012