Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur l'abolition universelle de la peine de mort, à New York le 27 septembre 2012.

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Circonstance : Déplacement à New York (Etats-Unis) à l’occasion de la 67e Assemblée générale des Nations unies, du 24 au 28 septembre 2012

Texte intégral

Nous venons de tenir avec mon collègue, le ministre des Affaires étrangères du Bénin, une réunion extrêmement intéressante où plus de vingt pays se sont exprimés au sujet de l'abolition universelle de la peine de mort. C'est un thème qui nous tient à coeur depuis longtemps, qui tient à coeur aussi au Bénin. Je rappelle que le Bénin exerce en ce moment la présidence de l'Union africaine et qu'il a récemment adopté un protocole qui rend l'abrogation désormais définitive.
Pourquoi cette campagne, symbolisée par un pin's ? Ce pin's représente d'une part une corde coupée, symbolisant l'exécution capitale, et une colombe. Nous avons avec mon collègue du Bénin et, beaucoup d'autres ministres, souligné avec trois arguments principaux, à quel point l'abrogation universelle de la peine de mort était une nécessité.
Le premier est qu'il est avéré que la peine de mort est inefficace pour lutter contre la criminalité. La deuxième raison est que, par définition, la peine de mort est irréversible. Or il y a malheureusement des erreurs judiciaires. Je rencontrerai cet après-midi un Américain qui a été condamné à mort, qui a attendu huit ans son exécution avant que finalement on constate qu'il était innocent.
Inefficacité, irréversibilité, et puis inhumanité, car nous considérons que la peine de mort par son principe même est contraire aux droits de la personne humaine. Nous avons entendu la Haut-Commissaire aux droits de l'Homme revenir sur ces questions.
De plus en plus de pays abrogent la peine de mort, soit en droit, soit en fait mais il y a malheureusement des pays qui, alors qu'ils avaient déclaré un moratoire, finalement reviennent dessus pour appliquer la peine de mort. D'autre part, il y a encore des pays, des très grands pour certains d'entre eux qui appliquent la peine de mort. Donc notre combat est un combat universel.
Il n'y a pas de meilleur endroit pour relancer ce combat que les Nations unies. Il y aura prochainement des initiatives : le 9 octobre à Paris, je réunirai un ensemble de responsables pour relancer la campagne pour l'abrogation universelle de la peine de mort. Il y aura à Rabat d'ici peu de temps un congrès régional s'appliquant aux pays arabes sur l'abrogation de la peine de mort. Il y aura à Madrid en juin prochain, nous y serons présents, une réunion internationale pour l'abrogation de la peine de mort.
C'est un combat qui doit être mené car c'est un progrès pour l'humanité d'éliminer cette forme barbare de sanctions et c'est un combat que nous somme heureux, nous Français, de mener aux côtés de nos amis africains, en particulier du Bénin.

Q - Vous parliez de pays qui sont revenus sur leur moratoire. On a appris notamment que le Japon avait procédé à deux exécutions, soit un total de sept exécutions depuis le début de l'année. Quelle est votre réaction sur le fait qu'un pays comme le Japon revienne sur le moratoire qu'il avait mis en oeuvre concernant la peine de mort ?
R - Nous pensons surtout à la Gambie qui avait pratiqué un moratoire et qui finalement est revenue dessus et a exécuté plusieurs personnes récemment. En ce qui concerne le Japon qui est par ailleurs un pays très démocratique, évidemment, c'est une action qui nous paraît tout à fait barbare. Lorsque nous voyons ce pays qui a des traditions démocratiques se comporter ainsi, nous ne pouvons pas être d'accord avec ces pratiques. C'est à nous et à d'autres de convaincre le Japon qu'il gagnerait dans l'espace démocratique à ne pas pratiquer ces exécutions.

Q - Outre ces condamnations verbales, est-ce que votre campagne envisage de mettre en place des sortes de sanctions contre les pays qui n'accepteraient pas d'adhérer à cette entreprise. Deuxièmement, votre président, M. François Hollande, a parlé d'une intervention militaire au Mali. Est-ce que la France considérerait d'intervenir directement, de mettre des troupes en place ?
R - Sur le Mali, je ne veux pas rentrer dans les détails. J'ai dit à plusieurs reprises - c'est aussi la position du président de la République - que nous n'envisageons absolument pas d'envoyer des troupes au sol. Nous pouvons jouer un rôle de facilitateur, nous l'avons fait ici en faisant en sorte que la question du Mali soit examinée. Elle l'a été, de manière très intéressante, et il semble déjà que l'on s'oriente vers des décisions utiles. Mais le rôle de la France est simplement un rôle de facilitateur.
Sur votre première question, il y a déjà des ensembles régionaux qui prennent des dispositions concernant la peine de mort. Par exemple, en ce qui concerne l'Union européenne, il y a une règle stipulant qu'il ne peut pas y avoir ce type de pratique pour ceux qui appartiennent à notre ensemble.
D'une manière générale, lorsque nous avons des relations avec d'autres pays, cette exigence n'est pas une condition de nos relations mais nous poussons à chaque fois dans le sens de la démocratie et donc de la suppression de la peine capitale.
En ce qui concerne la France, dans le cadre de la campagne que nous engageons, j'ai donné instruction à tous nos postes de faire campagne sur ce thème, y compris bien sûr dans des pays qui ne partagent pas nos opinions.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2012