Déclaration de M. François Lamy, ministre délégué à la ville, sur la lutte contre les discriminations dans les quartiers en difficulté, à Paris le 15 septembre 2012.

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Circonstance : Inauguration de l’exposition « Discriminations : n’ayons pas peur des mots ! » au ministère dans le cadre des Journées européenne du patrimoine, à Paris le 15 septembre 2012

Texte intégral

Je suis heureux de vous accueillir nombreux pour cette première exposition, ici, dans l’Hôtel Le Play. Première exposition, car il y aura certainement d’autres. Je souhaite en effet que ce Ministère soit un lieu ouvert.
 
Vous l’aurez remarqué, il n’est pas emblématique de ce que sont les quartiers en difficulté de nos villes, mais il est proche des lieux de décisions. Alors je veux que cela soit un lieu ouvert à tous les acteurs de la politique de la Ville et l’organisation d’expositions est un bon support pour l’accueil, les rencontres, et pourquoi pas pour des débats.
 
Hier soir, dans ces lieux, je mettais en place un groupe de réflexion et de travail composé de sociologues, de géographe, d’urbanistes, d’acteurs du monde éducatif. Un groupe permanent pour travailler sur l’évolution de nos villes et pour réfléchir sur ce qu’elles doivent être demain. Il n’est pas possible de réparer les fractures des années soixante sans réfléchir sur l’avenir de nos villes.
 
Aujourd’hui nous accueillons une exposition réalisée par Pascal Blanchard à l’occasion des Journées du Patrimoine. C’est l’occasion de vous recevoir, vous, les acteurs du monde associatif qui agissent dans notre pays, notamment contre les discriminations et plus largement tous ceux qui s’engagent dans notre vie citoyenne.
 
C’est un beau symbole pour le Ministère de la Ville, au cœur de ce Ministère de l’Egalité des Territoires, sous l’impulsion de Cécile Duflot.
Je veux donc commencer en vous disant d’abord Merci, merci à vous acteurs du Monde associatif. Merci d’avoir permis, tout particulièrement ces cinq dernières années, dans une situation traversée par des tensions économiques et sociales de plus en plus importantes, dans un climat politique délétère et de division organisé, d’avoir symbolisé une certaine forme de résistance. Merci d’avoir continué à travailler alors que les subventions n’ont pas cessé de baisser et que votre travail a été déconsidéré. Merci d’avoir fait vivre ce que la France a de meilleur, ses valeurs de solidarité, de fraternité, et défendu l’avenir des plus de 8 millions d’habitants des quartiers en difficulté.
 
Le 6 mai, les Français ont voté pour une autre France. Nous avons tous en tête l’image de la Bastille, et de tous ces enfants chantant à plein poumons la Marseillaise. C’en est fini du temps où aux débats sur l’identité nationale succédaient des débats sur la place de l’Islam en France ou sur le halal. Je sais que beaucoup d’entre vous ont partagé ce soir là le soulagement de beaucoup de Français.
Nous le savons tous, la situation est aujourd’hui très difficile. Je suis déterminé à faire des quartiers en difficulté et de la lutte contre les discriminations une priorité des cinq prochaines années. François HOLLANDE avait donné des signes forts pendant sa campagne, et le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT a commencé à le traduire dans les actes. Sur chaque thème, dans chacune de nos actions, la vie dans les quartiers populaires fait l’objet d’une attention particulière. C’est ce qui s’est passé dans l’éducation nationale, avec ¼ des nouveaux postes créés lors de la rentrée scolaire réservé aux quartiers. C’est ce qui s’est passé sur les emplois d’avenirs qui sont destinés en priorité aux jeunes issus des ZUS. C’est ce que nous ferons demain sur chacune des actions du gouvernement. L’enjeu est qu’enfin les actions de la politique de la ville ne suppléent pas le désengagement de l’Etat mais soit un véritable « + » par rapport aux politiques qu’ils engagent.
 
Nous sommes dans une situation économique et financière très contrainte. Et je ne vous raconterai pas d’histoires. Compte-tenu d’un contexte budgétaire contraint, chacun devra faire des efforts. Il faudra également définir les priorités et les périodes de crise ont parfois du bon. Elles permettent d’évaluer et de recentrer vers l’essentiel : ce sera mon rôle.
 
Dans ces priorités, il y a forcément le soutien au monde associatif. Je veux dire aussi un mot aux associations présentes aujourd’hui : vous pouvez compter sur moi car c’est ensemble que nous aiderons la France à se redresser. Je le sais, vous vous êtes battus ces dernières années pour continuer à exister, à créer, à innover. Je le disais au début de mon intervention : les associations ont subi des baisses de crédits conséquentes et leur action a été déconsidérée. Pourtant, votre présence sur le terrain est essentielle. La situation reste compliquée, et notamment cette année où le gouvernement précédent ne nous a laissé aucune réelle marge de manœuvre. Mais je serai maintenant à vos côtés car dans tous les domaines vous êtes des partenaires de la puissance publique. Vous êtes les garants, aux côtés des élus, de la cohésion nationale de la France, qu'elle soit sociale ou territoriale. Vous initiez aussi de nouvelles manières d’agir, de véritables expérimentations qui sont autant de nouvelles manières de vivre et de faire la ville.
 
Dans le cadre de la nouvelle étape de cette politique de la ville que j’ai engagé depuis mon arrivée au Ministère, vous serez sollicité au travers de la concertation nationale que nous engageons en cette fin d’année. Nous engageons le changement pour les quartiers. Mais de cela nous reparlerons ensemble.
 
Avant, il faudra, après cette période de casse, forcément vous remettre aussi en question, débattre entre vous pour regarder comment vous fédérer, et non pas agir l’une à côté de l’autre.
 
 Il faut que vous définissiez ce qui est l’essence de votre action, comment faire pour que chaque euro dépensé soit vraiment utile à ceux que vous défendez. Moi, je vous aiderai dans cette réflexion.
 
Mais revenons, sur ce qui nous rassemble aujourd’hui. J’ai voulu en effet que cette première exposition soit consacrée aux discriminations.
 
Pourquoi ? En période de crise, on a tendance à mobiliser toutes ses forces vers l’essentiel, et l’essentiel aujourd’hui c’est la bataille pour l’Emploi. C’est tout le Gouvernement qui est aujourd’hui mobilisé sur ce sujet. Mais se consacrer à l’essentiel ne veut pas dire mettre de côté d’autres batailles tout aussi nécessaires pour que notre société soit plus juste. Et la bataille contre les discriminations de toutes sortes est primordiale dans un pays et un continent où de nombreux responsables politiques ont fait le choix de la stigmatisation et de l’exclusion. Ce ministère, celui de la rénovation urbaine, des actions de cohésion sociale est aussi celui qui porte le combat incessant contre les discriminations.
 
D’abord pour remettre des mots, les bons mots sur les combats que porte le ministère de la Ville depuis sa création. Notre combat, c’est celui de la lutte pour l’égalité. « Chaque nation a une âme. L’âme de la France, c’est l’égalité. (…) C’est pour l’égalité que nous aurons aussi à combattre et à proposer aux Français le changement. » Voilà ce que disais, le Président de la République, François Hollande en débutant sa campagne électorale.
 
Toutes les formes de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme, de peur de l'autre, de stéréotypes sont autant d’agressions intolérables contre cette ambition, contre la promesse républicaine à laquelle nous tenons tant. Et là encore il faut dire les choses clairement : ces concepts ont été construits politiquement et culturellement pendant des générations pour légitimer des systèmes et des situations de dominations.
 Nous devons donc aujourd’hui déployer la même énergie pour les déconstruire, consacrer le même engagement pour qu’enfin leurs effets, dans nos villes, dans nos écoles, dans nos entreprises, disparaissent.
Pour retrouver son âme, pour retrouver ses valeurs, la France doit renouer avec des pans entiers de son histoire, de l’histoire de son peuple, de l’histoire de ses territoires qu’elle a trop longtemps oublié. La France doit retrouver sa mémoire, et la transmettre à tous ses enfants, pour que, d’un quartier à l’autre, d’une région à l’autre, chacun puisse comprendre d’où il vient, et de l’histoire dont il hérite. Les journées du patrimoine consacrées cette année au « Patrimoine caché », est un moment parfait pour découvrir ou redécouvrir ce qui fait notre histoire, notre culture d’aujourd’hui.
 
La question du colonialisme, la question de l’esclavage, ce ne sont pas des questions du passé, elles sont celles du présent. Reposer des mots sur ces situations, et prendre conscience de ce patrimoine commun, doit nous permettre de nous interroger sur l'humanité que nous voulons construire.
 
La traite des noirs a transformé à jamais le monde dans tous les domaines, humains, économiques, artistiques. Et Jean-Marc Ayrault l’a rappelé lors de l’inauguration à Nantes du Mémorial de l’Esclavage : 27 millions de personnes dans le monde sont encore touchés par toutes les formes d’esclavage contemporain.
 
Une partie de la population française est mal à l’aise avec la question coloniale par nature, et ce mal être historique compte aussi beaucoup sur les défiances et les peurs qui continuent à fracturer la France. La déchirure est toujours grave et profonde. Il nous reste donc encore à  décoloniser les imaginaires.
 
Notre combat, c’est donc celui de la lutte contre les discriminations.
 
Car, disons-le sans tabou, aujourd’hui des jeunes qui habitent dans nos « banlieues », qui ont respecté toutes les règles de la République, qui sont diplômés, qui ont réussi un parcours souvent plus difficilement qu’ailleurs, ne trouvent pas de travail, car ils n’ont pas la bonne adresse ou la bonne couleur de peau. Et quoiqu’en pense certains, ces jeunes de la 2ème ou 3ème génération qui veulent trouver une place dans leur pays, la France, n’ont pas besoin d’être intégré, mais ils veulent simplement ne plus être discriminés.
 
Pour le gouvernement, ce n’est pas un sujet secondaire, accessoire, ou médiatique : c’est le cœur de l’engagement que nous avons pris autour du Président de la République, c’est un enjeu principal pour rassembler tous les Français. C’est un combat républicain que nous menons ici, celui qui permettra à la France de se réconcilier avec elle-même, et d’avancer, enfin, ensemble.
 
Le rassemblement, l’égalité, ce n’est pas que des slogans politiques. C’est ce qui conduit aujourd’hui notre action. C’est ce qui nous permet de renouer avec les valeurs et l’ambition de notre pays, c’est un enjeu pour retrouver les fondements du pacte républicain qui nous lie, c’est un moyen pour redonner de la force à notre pays sur tous les plans, culturel, économique, politique.
 
Je veux donc remercier une nouvelle fois Pascal Blanchard de remettre ces questions en perspective et de remettre des mots, les bons mots sur ces enjeux décisifs pour l’avenir de la Nation. Et je vous remercie tous de votre présence. Pour réussir dans la mission qui m’a été confiée, vous l’avez compris, je n’éluderai aucune question, aucun débat difficile, mais j’aurai besoin de vous tous.
 
 
source http://www.territoires.gouv.fr, le 17 septembre 2012