Interview de M. François Lamy, ministre délégué à la ville, à "BH Info" le 8 septembre 2012, sur l'importance de Sarajevo en tant que symbole d'une Europe multiculturelle et le soutien de la France à la perspective d'une entrée de la Bosnie-Herzégovine dans l'Union européenne.

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Circonstance : Premier forum mondial de l'urbanisme, à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) du 6 au 9 septembre 2012

Texte intégral

BH Info - Pourquoi présenter Le Grand Paris à Sarajevo ?
François Lamy - Paris et Sarajevo sont confrontées à des problématiques certes différentes mais peuvent avoir des objectifs semblables : faire de nos espaces urbains des espaces ouverts à tous, accueillants, créatifs, producteurs de richesses, porteur d’un autre mode de vie plus respectueux de l’avenir de notre bien commun : la Planète. L’enjeu est de recréer des villes mixtes, socialement, culturellement, les conditions pour que nos villes retrouvent leur raison d’être : des lieux où s’inventent perpétuellement le bien Vivre Ensemble, quelles soient nos origines, nos cultures ou nos nationalités.
BH Info - La France ne connait pas vraiment la Bosnie-Herzégovine en dehors de la guerre et de la crise. Qu’est-ce que vous avez envie de leur dire ?
François Lamy - Pendant des années, j’ai été président du groupe d’amitié France-Bosnie à l’Assemblée nationale, je connais bien ce pays où j’ai aussi beaucoup d’amis. J’explique souvent que la France ne doit pas avoir une vision de la Bosnie tournée vers le passé mais vers l’avenir. Cela ne signifie pas qu’on doit oublier la guerre, le travail de mémoire et de justice ne doit pas être négligé. Toutefois, la Bosnie doit s’ouvrir davantage vers l’avenir. Je rappelle souvent aux Français que Sarajevo ne se limite pas à l’histoire du plus long siège de l’Histoire, Sarajevo est aussi une ville olympique, une ville d’histoire, une ville de brassage. Aujourd’hui, cette ville a ses difficultés mais elle a aussi son dynamisme, sa créativité, son intelligence. Vingt ans après le début de la guerre, elle est une des villes qui se développe le plus rapidement au monde. Chaque fois que j’y reviens, je la retrouve différente.
A nos décideurs économiques, je dis que Sarajevo est un point de rencontres de plusieurs civilisations, notre présence ici peut être un atout de taille.
A nos décideurs politiques européens, je dis qu’on ne réglera pas la crise de l’Europe si on tourne le dos à Sarajevo, si on ne lui prête pas l’attention qu’elle mérite. Je rappelle souvent que Sarajevo est une petite ville par sa taille et par le nombre d’habitants mais c’est une ville majeure dans l’histoire de l’Europe, une ville regardée par le monde entier, un symbole fort de l’Europe multiculturelle à laquelle on aspire. Mon désir est de voir la Bosnie-Herzégovine dans l’Union Européenne.
BH Info - Et qu’avez-vous envie de dire aux hommes politiques d’ici ?
François Lamy - Avant tout que nous avons tous besoin d’une Bosnie-Herzégovine multiculturelle. Sarajevo doit redevenir la grande capitale d’un même pays. Elle doit retrouver la fonction de carrefour des cultures et des civilisations qu’elle a eu pendant plus de 5 siècles. J’en suis sûr, elle peut être ce lieu de passage entre orient et occident dont l’Europe a tellement besoin. Mais l’objectif sera atteint seulement les politiques bosniens s’occupent du quotidien, donc de l’éducation, de la formation, du droit au travail, de la justice...
BH Info - Le ministre délégué aux Affaires européennes, M. Bernard Cazeneuve, a déclaré récemment que l’avancement de l’adhésion européenne de la Serbie pourrait être bloqué si elle refuse de reconnaître le génocide commis en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que c’est la position officielle de la France ?
François Lamy - J’ai été rapporteur à l’Assemblée Nationale et j’ai enquêté sur Srebrenica dont les habitants ont subi le plus grand massacre commis en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. En 2011, j’ai tenu à assister à la commémoration aux victimes civiles à Srebrenica car j’attache beaucoup d’importance à cette épisode tragique de l’Histoire. Si M. Cazeneuve dit que la non-reconnaissance officielle du génocide bosnien pourrait faire obstacle à la Serbie à l’adhésion dans l’UE, c’est que c’est la position officielle de la France. La Serbie ne peut pas adhérer à l’UE si elle est incapable de comprendre ce devoir de justice et de mémoire que nous avons tous. C’est uniquement de cette manière que nous pourrons tourner la page et passer à une nouvelle étape.
Source http://www.ambafrance-ba.org, le 1er octobre 2012