Conférence de presse de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur les relations économiques et commerciales franco-algériennes, Alger le 25 septembre 2012.

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Circonstance : Voyage de la ministre de Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur en Algérie, les 24 et 25 septembre 2012

Texte intégral

Bonjour les uns et les autres, si je vous ai fait un peu attendre, veuillez m'en excuser. Je répondrai à vos questions.
Donc, Monsieur l'ambassadeur de France, M. André Parant est à mes côtés. J'ai vu passer vos chefs d'entreprises algériens et français, réunis quelquefois les deux ensemble. J'arrive à la mi-temps de ce voyage et je voudrais rapidement vous redire le contexte dans lequel j'effectue ce voyage. À mes côtés, vous avez, ce qui est nouveau pour la France, un député français de l'étranger. Le Maghreb est sa zone, sa circonscription, et il est là depuis hier matin, fidèle. Il était là aussi quand je suis allé au Maroc. Et donc je voulais vous dire que ce voyage s'inscrit dans une certaine continuité. Il fait suite au voyage du ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, Mme Benguigui bien sûr qui est venue il y a une dizaine de jours, et puis il s'inscrit bien sûr dans les messages et dans l'entretien téléphonique qu'ont eu le président François Hollande et le président Bouteflika. Je suis ministre du commerce extérieur, animatrice de la diplomatie économique, je prends rang par rapport à la visite qu'effectuera avant la fin de l'année le président François Hollande.
C'est pour cela que durant cette visite, j'ai rencontré des entreprises, c'était le sens du repas tout à l'heure. Il y a en Algérie un secteur public important, et il y a en Algérie un secteur privé actif qui a des potentialités. Il y a des besoins de la population, que ce soit en infrastructures, que ce soit en besoins courants aussi, en termes de services, de produits. Donc l'Algérie a la particularité d'être à la fois un marché, et en même temps un lieu essentiel d'investissement, c'est ce que nous appelons dans un jargon un peu technocratique une puissance émergente intermédiaire, puisque souvent lorsque l'on parle des émergents, on pense à la Chine, au Brésil, à la Russie et quelques autres aussi, mais l'Algérie a cette particularité. Pour nous ces investissements comme ces accompagnements d'entreprises sont prioritaires, parce qu'avec eux, avec ces pays, nous développons beaucoup ce qu'on appelle le commerce courant, des grands contrats mais aussi des facultés d'échanges de part et d'autre de la Méditerranée.
C'est une ambition que nous voulons porter à travers ce que le président François Hollande appelle «la Méditerranée des projets», c'est-à-dire ne pas se contenter de définir des structures par le haut mais nourrir ces coopérations au travers de projets très concrets. J'ai vu le ministre de l'industrie hier, je vais voir tout à l'heure le ministre du commerce qui est mon homologue. Ces échanges avec les autorités algériennes me font comprendre que celles-ci sont tout à fait partantes pour développer les potentialités de l'Algérie et de ses entreprises qu'elles soient publiques ou privées. En même temps je dois, moi, porter un message aux PME françaises pour leur dire «venez en Algérie». Du reste j'ai joint la parole au geste puisque j'ai été accompagnée durant ce voyage par quatre entreprises françaises, des PME dans des secteurs divers, que ce soit dans l'énergie à partir du solaire, que ce soit dans la filière pétrolière, bien connue ici, et où il y a place aussi pour des PME, qui ont des technologies innovantes, que ce soit aussi dans un domaine bien connu en France, le désamiantage par exemple, que ce soit aussi dans le secteur agro-alimentaire où nous sommes encore excédentaires avec l'Algérie, mais où nous perdons des parts de marché. Et donc il faut qu'on relance la mission du commerce de la France et l'on sait que lorsqu'on veut commercer avec un pays de cette nature, un émergent intermédiaire, il est tout à fait en droit de nous dire : «oui, bien sûr, mais dans le même temps nous, nous voulons des investissements qui nous permettent de produire nous-mêmes» à partir d'entreprises algériennes de manière à être moins dépendants de certains produits d'importation.
En même temps le commerce est un flux, si l'Algérie importe un jour moins de céréales de la France, peut-être qu'elle importera plus de biens et de services, et je vous parle du commerce extérieur français, la part des services aux entreprises représente plus du quart de nos exportations. Nous savons que c'est un secteur qui doit se développer.
Donc ce message que j'ai porté en Algérie, je le porterai aussi en France. J'ai proposé aux chefs d'entreprises, à tous ceux qui concourent à l'activité entre nos deux pays, l'année prochaine, d'organiser un grand forum d'entreprises, je sais que cela se fait couramment, et Ubifrance, qui est encore là, sera le go between entre les entreprises algériennes et françaises pour donner un éclat particulier à cette relation partenariale. Après la visite du président Hollande, après avoir bien identifié entre nos États respectifs les secteurs stratégiques, les secteurs où l'on peut identifier les projets d'entreprise à entreprise, B to B comme on dit en bon français, et bien nous pourrons très concrètement l'incarner au travers des entreprises qui seront présentes. Et je sais que Monsieur l'ambassadeur est très attaché à ce partenariat économique, il est avec moi depuis hier matin, il doit se dire «vivement qu'elle reparte» (ambassadeur : cela va très bien), mais il tient bien le coup, la visite a été organisée par les services de l'ambassade et je les remercie, parce que je pense qu'elle est productive et qu'elle inaugure une série de rendez-vous. Nous partageons une culture commune qui ne demande qu'à s'épanouir au travers des relations économiques que nous pourrons créer les uns et les autres, voilà les quelques messages que je suis venue porter en Algérie et que je porterai avec la même vigueur en France, et avec le même discours, parce que j'ai appris, dans la vie politique, qu'il fallait parler sur le fond de la même manière à tout le monde, peut-être avec des formes différentes, mais sur le fond le discours doit être le même, il n'est pas question de tenir un double langage, nous n'avez pas en face de vous une personne qui tiendrait ce type d'artifice langagier. Mais je sais qu'il y a des difficultés, bien sûr, que rien n'est facile, que les Français sont connus, reconnus, les chiffres sont là pour l'attester, mais nous ne sommes pas seuls, nous avons des concurrents qui sont accrocheurs, y compris les partenaires européens, parce que dans ce moment où nous sommes en difficulté, dans cette vieille Europe, nous cherchons des relais de croissance.
Un dernier message auquel je tiens beaucoup, nous devons les uns et les autres être soucieux, chaque pays, France Algérie, de l'emploi que nous créons dans nos pays respectifs, que nous maintenons, que nous évitons de perdre, c'est très important pour l'Algérie parce qu'elle a une jeunesse formée qui ne demande qu'à trouver des débouchés, je l'ai constaté ce matin en m'entretenant avec des jeunes formés par l'École supérieure des Affaires d'Alger qui envoient un message très positif aux Français comme aux Algériens, qui disent «notre avenir, il est en Algérie». Et bien ce que je voudrais développer, c'est ce partenariat intelligent, coopératif, complémentaire, c'est-à-dire la co-localisation, dans une même chaîne de valeurs, il y a place pour des complémentarités, ne nous faisons pas de faux procès les uns les autres, c'est le message que je porte en France et c'est le message que je porte en Algérie, de l'emploi, le plus possible, de part et d'autre de la Méditerranée, des emplois qualifiés, et je sais que quand on investit dans un grand projet industriel, c'est normal, les autorités algériennes demandent qu'il y ait cet accompagnement de formation, d'élévation de la qualité de la main d'oeuvre, de manière à donner un label international à la main d'oeuvre algérienne, nous sommes prêts, nous le faisons, et nous attendons aussi que les entreprises algériennes passent la Méditerranée pour aussi apporter ce qu'elles sont capables d'apporter dans notre pays. Le commerce est un flux dans les deux sens et j'essaie par ce petit discours de l'illustrer et surtout de démontrer la volonté de la France d'y participer.
Q - Vous avez rencontré les responsables algériens qui vous ont dit qu'ils étaient prêts à revoir le cadre réglementaire en Algérie. De quoi s'agit-il ?
R - Cela n'a pas été évoqué très explicitement mais c'est vrai qu'il peut y avoir des cadres contraignants. Les quatre PME qui m'ont accompagnée, je me suis entretenue avec elles dès hier matin, pour elles ce n'est pas un obstacle, vous voyez. On me citait aussi l'exemple des Italiens qui vivent très bien avec. Nous avons des entreprises françaises qui vivent très bien avec. Mais cela raccourci un peu les délais si ces obstacles sont levés. Ce qui peut poser des problèmes à des entreprises, notamment des PME, parce que pour elles, plus que pour les grands groupes, le temps c'est de l'argent. Elles ont des fonds propres fragiles. Si le marché ne s'ouvre pas assez vite, elles vont vers un autre. Je suis venue avec une entreprise spécialiste de désamiantage, il y a un marché formidable en Algérie, des besoins parce qu'elle veut être en accord avec les réglementations sanitaires et environnementales mais elle s'inquiète très légitimement de savoir ce que l'on fait avec les déchets, une fois qu'on a désamianté, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer derrière que ces déchets ne sont pas enfouis dans le sol, il faut avoir un traitement spécial des déchets industriels donc elle va se renseigner, elle a déjà eu des rendez-vous sur le cadre réglementaire donc si cela ne satisfait pas aux exigences qu'on lui demande sur la scène internationale elle va perdre son label. Mais elle est là. Donc ce n'est pas un obstacle infranchissable, ça se discute.
Q - Madame la Ministre, je vous reprends quand vous dites «les PME, si le marché ne s'ouvre pas, elles vont ailleurs». Cette allusion, Madame, fait elle référence au projet Renault ?
R - Non. Renault n'est pas une PME, c'est ce qu'on appelle un groupe international. C'est même le coeur de sa stratégie. En ce qui concerne Renault, il y a eu une discussion très nourrie, une négociation avec l'État algérien. Donc, c'est une entreprise française bien sûr que nous soutenons mais la négociation elle l'a avec l'État algérien. J'ai cru comprendre qu'elle était très active et qu'elle était très suivie par les autorités algériennes.
Q - J'ai retenu au cours de votre intervention la «Méditerranée des projets»...
R - Ce n'est pas moi. C'est le président de la République.
Q - Effectivement c'est la nouvelle vision du résident français. Est-ce que cela signifie la mort de l'Union Pour la Méditerranée ? Deuxième question. Pouvez-vous nous communiquez la date exacte de la visite de François Hollande en Algérie ?
R - Concernant la «Méditerranée de projets». Je pense que ce qu'il nous faut aux uns et aux autres, ce sont des projets concrets. Il faut incarner des idées. Moi je ne veux la mort de personne. La politique ce n'est pas faire et défaire. C'était une bonne intuition mais qui ne c'est pas incarné dans des projets. L'objectif est le même mais la méthode est différente. Il s'agit, avec chaque pays qui compose cet ensemble méditerranéen de définir des objectifs stratégiques, peut être filière par filière. Il y a des filières où c'est facile. Je pense à l'agroalimentaire c'est bien identifié, regarder dans la chaîne de valeur où l'on peut faire des coopérations intelligentes en terme d'investissement, en terme de commerce et de projets précis. Parce que, je l'ai dit aux chefs d'entreprises algériens tout à l'heure, en définitive, la richesse elle est créée dans les entreprises. Nous, État nous sommes là pour fournir le meilleur cadre possible. Il faut qu'on soit capable, nous la France, de réaliser, dans un esprit coopératif, intelligent, ce qu'a su faire l'Allemagne quand le mur de Berlin est tombé avec une zone d'influence naturelle pour elle, qu'étaient les anciens pays de l'Europe orientale. On commence peut être un peu tard mais il faut s'attacher aux choses qui marchent. Je pense que quand on a des projets concrets, quand on a des stratégies bien identifiées, on a plus de chances de réussir que de commencer par le haut, par des structures d'État à État qui ne se concrétisent pas dans des projets. L'avenir nous dira si on peut les réussir.
Vous avez posé une seconde question concernant la perspective d'une visite du président de la République française en Algérie. Effectivement elle est prévue avant la fin de l'année. Et je suis là pour la préparer dans son volet économique et commercial.
Q - Madame la Ministre dans votre discours vous avez qualifié le secteur public comme important et le secteur privé d'actif au service des citoyens. Est-ce qu'on peut avoir plus de détails sur les entreprises que vous avez visitées ?
R - Je veux revenir pour visiter des entreprises industrielles de production. Parce que dans les contacts que j'ai eus je m'aperçois qu'il y a un phénomène particulièrement intéressant qui se passe en Algérie. Les entreprises qui ont été longtemps distributrices de produits français au bout d'un moment produisent des produits faits en Algérie. C'est extrêmement important en terme de développement et de perspective parce que ce que vous voulez les uns et les autres en Algérie c'est arriver à produire. Je pense que vous êtes dans un cycle qui est extrêmement porteur. Et cette entreprise qui va produire pourra avoir besoin de services pour se développer dans la production et c'est là qu'il faut que nous Français soyons les meilleurs parce qu'il y en a d'autres qui apportent des produits identiques qui quelque fois sont moins chers. J'ai quelques fois observé que même si nos coûts sont supérieurs, nous avons notre savoir-faire. Merci de me donner cette occasion de revenir sur le transfert de savoir-faire. C'est quelque chose qu'il faut que l'on développe c'est une demande qui nous est faite très très fortement à la fois par le public et par le privé.
Q - J'ai deux questions : la première sur la Chine qui devance la France et est devenue le premier fournisseur de l'Algérie. Comment comptez-vous vous y prendre pour y remédier ? Ma deuxième question concerne Renault où en sont les négociations ?
R - La Chine n'est pas le premier. C'est la France qui est le premier. La Chine est le deuxième. On verra à la fin de l'année quand on aura les chiffres de 2012. Pour l'instant je vous parle des statistiques à jour. Je l'ai dit, il y a de la concurrence. C'est normal. Maintenant il faut arbitrer entre des très bas coûts et la qualité du produit, l'innovation, l'accompagnement. Donc je dis qu'on peut avoir des coûts supérieurs mais qu'on a une offre globalement supérieure. Nous avons un travail engagé en France sur la compétitivité. Nous attendons un rapport au mois d'octobre de M. Gallois, l'ancien patron d'EADS, et ce rapport va nous aider à présenter des mesures en faveur de la compétitivité. Je sais que nos produits comme nos services sont appréciés à partir du savoir faire, de l'innovation, de l'offre que l'on fait en même temps pour former du personnel. Avec le ministre de l'industrie hier. D'abord j'ai été très bien reçue. Un accueil très chaleureux, convivial, et avec non pas des engagements, je ne lui en demandais pas, mais avec une vision claire de ce que les autorités algériennes pouvaient faire ce qu'il a envie de faire. C'est un homme ouvert qui est bien conscient qu'il y a des potentialités en Algérie et qu'il faut en faire des réalités. Je veux le remercier Monsieur Rahmani parce que j'étais venu avec des entreprises et il nous a accordé, à la suite de celui qu'il nous avait accordé avec Monsieur l'ambassadeur, un entretien plus large où les entreprises lui ont posé des questions concrètes sur certains obstacles et il a pris l'engagement de les lever ou de les faire lever, il a donné des contacts à ces quatre entreprises. Donc je dis merci à Monsieur Rahmani qui s'est prêté au jeu de nos entreprises qui lui ont fait part de certaines difficultés.
Pour Renault il a dit qu'il suit les négociations de très près et il y en a eu le week-end dernier en Algérie. La France est attachée à ce projet et l'Algérie aussi. Mais ce n'est pas nous Français qui négocions les conditions de ce projet. C'est l'entreprise, qui essaie de le faire au mieux de ses intérêts. C'est normal on lui demande des comptes à Renault. N'oubliez pas qu'il y a une part de capital public français, 15 % je crois.
Q - Vous avez souligné la conjoncture que traverse l'Europe actuellement. La tendance en France est de limiter la délocalisation. J'aimerais bien savoir si les entreprises françaises sont prêtes vraiment à venir produire en Algérie, à nouer des partenariats tenant compte de cette conjoncture de crise.
R - Je crois qu'elles peuvent venir, qu'elles doivent venir, elles viennent. Et je transmettrai ce message, venez ! Mais je ne vais pas les obliger à venir elles le font au mieux de leurs intérêts, c'est normal, mais je pense qu'elles peuvent venir. Les chefs d'entreprises algériens eux aussi peuvent lancer leur message, venir en France et ils viennent. Ils doivent porter ce message, les chambres de commerce, UBIFRANCE, tous ceux qui oeuvrent à ce rapprochement. C'est un sujet toujours sensible l'emploi et la localisation des emplois. C'est pourquoi je parle de co-localisation. Dans une chaîne de valeur d'un produit ou d'un service il y a certainement place pour tout le monde. C'est ce que j'ai expliqué au Maroc, c'est ce que j'explique en Algérie surtout en comprenant bien que derrière il y a des capacités des potentialités et que l'Algérie n'est pas un pays en voie de développement c'est un pays émergent intermédiaire et donc il faut comprendre l'intérêt de chacun et on est soucieux de l'emploi il faut qu'il soit bien réparti avec des complémentarités.
Q - L'implantation de Renault a suscité un débat assez houleux en France
R - Non. Il n'y a pas eu de débat houleux
Q - On a suivi, on lit la presse française
R - Non je m'inscrits en faux il n'y a pas eu de débat houleux
Q - Est-ce qu'il y a une volonté de Renault de venir en Algérie en sachant que votre collègue du gouvernement du redressement industriel veut empêcher la délocalisation des centres d'appels au Maroc
R - Est-ce qu'on parle de Renault ou des centres d'appels ? Parce que j'ai lu la déclaration qu'a faite M. Arnaud Montebourg ce matin à propos de Renault qu'il invite à produire en France. C'est bien normal notre secteur automobile est assez en difficulté à l'heure actuelle mais j'ai bien noté qu'il utilisait le terme «d'emploi partagé». Donc il n'y a pas de débat. Tout le monde est d'accord. En ce qui concerne les centres d'appels, il peut y en avoir en France, il peut y en avoir au Maroc, il peut y avoir en Algérie. Je crois qu'il y a eu un petit mouvement il y a quelques semaines, il a été clairement tranché par le Premier ministre. Il n'y a pas de débat houleux. Il y a des interrogations c'est normal. Je l'ai dit nous sommes attachés à l'emploi. Sur les centres d'appel il y a de la place pour tout le monde.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2012