Conférence de presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur l'action de la France face à la situation politique en Syrie, à Paris le 17 octobre 2012.

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Circonstance : Ouverture de la réunion de soutien aux conseils révolutionnaires civils en Syrie, à Paris le 17 octpobre 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, un petit mot et je répondrai ensuite à vos questions pour vous expliquer le sens de la réunion qui a lieu ce matin avec des résistants syriens et des représentants de plus de vingt pays.
Vous connaissez la situation tragique de la Syrie - entre 100 et 400 morts chaque jour - et l'impuissance, malheureusement, de la communauté internationale paralysée par les divisions que vous savez. C'est pourquoi la France veut prendre des initiatives.
Parmi les initiatives les plus fortes que nous avons prises, il y a cette aide à ce que nous apportons aux comités révolutionnaires civils. En effet, des zones de plus en plus nombreuses en Syrie ont été libérées grâce à la résistance de combattants extrêmement courageux. Il faut qu'ils s'organisent et qu'ils puissent vivre.
Nous aidons la Syrie à travers des organismes internationaux mais cette aide est souvent détournée parce qu'elle est contrôlée par Damas.
Nous avons donc décidé d'aider directement ces comités révolutionnaires civils. Cela veut dire que nous leur apportons de l'argent, des médecins, que nous restaurons avec eux certains services publics, comme la collecte des ordures et le nettoyage des rues, les travaux de voierie. Nous remettons également en état des boulangeries industrielles, ce qui permet de donner du pain à 300.000 personnes. Petit à petit, comme ces comités révolutionnaires civils sont élus, ce sont des zones qui s'administrent librement et qui préfigurent ce que va être la Syrie de demain, une fois Bachar Al-Assad dégagé.
Cette méthode a été jugée si intéressante que plusieurs pays nous ont demandé de se joindre à nous et de faire ce travail direct auprès des comités révolutionnaires civils qui préfigurent la Syrie de demain.
Sont donc réunis ici, au ministère des affaires étrangères, plus de cent personnes qui représentent plus de vingt États et des Syriens qui, avant-hier encore, étaient au combat en Syrie, pour faire le bilan de ces comités révolutionnaires et essayer d'étendre le mouvement pour préparer la Syrie de demain.
Voilà ce qui est l'un des travaux de la France et qui a été jugé vraiment très utile par l'ensemble de ceux, dans la communauté internationale, qui veulent une Syrie libre et démocratique.
Q - Comment décidez-vous que vous aidez davantage tel ou tel comité ?
R - Nous sommes en contact avec l'ensemble des comités syriens puisque la France est à l'avant-garde dans son aide. Nous n'avons pas des moyens infinis mais nous choisissons en fonction du degré d'avancement. Quand la population s'est débarrassée des troupes de Bachar Al-Assad et qu'elle a commencé à élire ses représentants, à ce moment-là, nous intervenons.
Q - Êtes-vous conscient que les zones libérées peuvent être reprises par l'armée syrienne ?
R - Au sol certainement pas, mais il est vrai que Bachar Al-Assad bombarde un certain nombre de ces zones avec ses Mig. Il faut savoir aussi, ce qui est particulièrement horrible, que ces zones sont bombardées avec du TNT. Dans les dernières périodes, comme il y a un certain nombre d'armes qui sont à disposition, les avions sont obligés de voler très haut et les tirs deviennent très imprécis.
En tout cas, il est certain qu'il faut sans cesse pilonner les forces de Bachar Al-Assad parce que, si elles sont obligées d'être en position défensive, elles peuvent difficilement attaquer ces zones. Je pense qu'il ne sera absolument pas possible pour Bachar Al-Assad de les reprendre.
Q - Il me semble que vous avez parlé de l'utilisation de bombes à sous-munitions dans ces zones ou ailleurs ?
R - Oui, nous avons des témoignages d'utilisation de bombes à sous-munitions, même si cela a été contesté parle régime.
Q - Il y aurait actuellement des mouvements de djihadistes étrangers vers la Syrie. Quelle est votre réaction et comment faire en sorte que cette aide internationale ne tombe entre les mains de ces djihadistes ?
R - Il est vrai qu'il y a des djihadistes. Pour le moment, ils sont très minoritaires, mais il y a un risque que l'aide internationale tombe entre leurs mains si les combats continuaient durablement sans que le régime tombe ; ce qui serait une catastrophe.
C'est un argument que j'ai développé encore lundi auprès du ministre des Affaires étrangères russe qui défend la position que vous savez. Il dit que l'on ne peut pas se séparer de Bachar Al-Assad car après ce sera le chaos et le retour des djihadistes. Ce à quoi je lui ai répondu que le chaos, va commencer dès aujourd'hui et si vous continuez à vous opposer à un changement de régime, alors les extrémistes risquent de prendre le dessus.
Il faut que Bachar Al-Assad dégage. Il faut que l'opposition s'unisse et qu'un régime nouveau prenne le dessus, mais en gardant la solidité des institutions et en protégeant les différentes communautés, que ce soit la communauté chrétienne, la communauté alaouite ou les autres. Sinon, le risque que vous dites peut devenir extrêmement grave.
Q - Comment pensez-vous protéger ces communautés des attaques du régime ?
R - Le principal problème vient des avions. Au sol, il y a peu de risques. D'une part, les combattants se sont organisés et possèdent un certain nombre d'armement. D'autre part, ils ont la force de leurs idéaux pour eux, alors que les troupes de Bachar Al-Assad se battent quand même en position défensive.
Q - M. Brahimi a proposé un cessez-le-feu. Y croyez-vous ?
R - C'est un objectif qu'il faut évidemment poursuivre. M. Ban Ki-moon avait déjà lancé, depuis Paris, un appel au cessez-le-feu mais Bachar Al-Assad l'a immédiatement repoussé. Il y a un second contact avec M. Brahimi qui actuellement fait le tour des différentes capitales. Le cessez-le-feu est un très bon objectif ; simplement, il doit être assorti des moyens de l'observer. Pour le moment, ces moyens ne sont pas recueillis.
Q - Pouvez-vous nous dire ce que représentent les cent personnes qui sont ici ? Quelles populations représentent-elles ? Quelle est votre estimation des zones libérées ? Combien sont-elles selon vous ?
R - M. Chevallier vous donnera le tableau géographique. On pense aujourd'hui que plus de la moitié de la Syrie peut être considérée comme zone libérée. Il reste, malgré tout, des zones très importantes qui ne le sont pas. C'est un peu comme des taches de léopard, c'est-à-dire que ce sont différents éléments géographiquement disséminés.
Q - Quel est le budget pour aider les conseils révolutionnaires ?
R - C'est un budget qui n'est pas très important mais l'efficacité de cette aide est très grande. Au total, l'aide française dans le conflit syrien a représenté déjà près de 20 millions d'euros ; ces actions-là représentent 10 %.
Q - Combien y a-t-il de projets ?
R - Une dizaine environ.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 octobre 2012