Entretien de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, avec "Aujourd'hui en France" du 24 octobre 2012, sur la coopération militaire avec les Emirats arabes unis.

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Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - Pourquoi ce choix des Émirats arabes unis pour votre première visite au Moyen-Orient ?
R - La France entretient avec les Émirats arabes unis une relation très spécifique et très ancienne dans le domaine de la défense. Ce partenariat se traduit par l'existence de forces françaises terrestres, aériennes et navales prépositionnées (750 hommes). Il y a très peu d'endroits dans le monde où c'est le cas. Cette visite, qui intervient à un moment où le Moyen-Orient est miné par de nombreuses menaces, en Syrie, en Iran, avait pour objectif de réaffirmer notre attachement à ce partenariat. Les entretiens que j'ai eus avec l'émir de Dubaï ainsi qu'avec le prince héritier d'Abu Dhabi, l'homme fort du régime, m'ont montré que cet attachement était réciproque.
Q - Avez-vous évoqué les négociations gelées avec les Émirats pour l'achat de 60 Rafale à Dassault ?
R - Je pense que chacun doit rester dans son rôle. Les relations d'État à État doivent rester des relations d'État à État, c'est-à-dire un partenariat stratégique et technologique. Le rôle d'un membre du gouvernement, c'est d'établir les conditions de la confiance. Les industriels, eux, doivent jouer leur rôle et proposer l'offre la plus performante. Mais il ne faut pas mélanger les genres.
Q - Rafale, c'est quand même un mot que vous avez prononcé au cours de votre visite ?
R - Non. Un ministre de la Défense s'adresse à des partenaires, pas à des clients. Il n'arrive pas avec un catalogue sous le bras. Je pense que, si la France n'a jamais vendu de Rafale, c'est qu'on a peut-être confondu les rôles. Je ne les confondrai pas.
Q - Vos interlocuteurs émiratiens ne vous ont pas non plus parlé du Rafale ?
R - Non. Pourquoi ? Parce que ce dossier empoisonnait nos rapports. Il y a eu un effilochage de notre relation depuis dix-huit mois. Les EAU, qui effectuaient 70 % de leurs dépenses militaires en France, ont fait passer ce pourcentage à 10 %. Mon objectif était de rétablir la confiance. Je ne suis pas allé aux Émirats pour les Rafale. Les Rafale attendront. Cette discussion viendra ultérieurement...
Q - C'est pour cette raison qu'il n'y avait pas d'industriels dans votre délégation ?
R - Lorsqu'on veut recréer du lien, on ne commence pas par dire : «Je viens avec mes industriels !» Ce serait inamical... Des annonces fortes par le passé, il y en a eu, mais à ma connaissance elles n'ont jamais abouti. J'insiste par ailleurs sur le fait que le Rafale n'est pas notre unique produit militaire d'exportation. De ce point de vue, la France a aussi des frégates, des sous-marins et des satellites.
Q - Votre déplacement préparait-il une visite de François Hollande, au cours de laquelle seront directement abordés, cette fois, les contrats militaires ?
R - Ce n'est pas à moi de répondre à cette question. Tout ce que je peux dire, c'est que j'étais porteur d'une lettre du président de la République.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2012