Texte intégral
Q - On va commencer avec cet ouragan qui balaie l'Amérique du Nord. À votre connaissance, y a-t-il beaucoup de Français en difficulté sur place ?
R - Je voudrais dire ma solidarité, bien sûr, à nos amis américains. Le centre de crise au Quai d'Orsay n'a pas reçu d'appel de détresse particulier, mais l'ouragan est tellement ample qu'il faut attendre un peu avant de faire le bilan.
Q - On va justement rester en Amérique avec ces élections américaines qui ont lieu la semaine prochaine. On est tout étonné en France de s'apercevoir que les sondages sont très serrés et que, finalement, Obama pourrait être battu. Est-ce que vous-même, vous êtes surpris ?
R - Il est vrai qu'il y a six mois, on ne parlait même pas de possibilité d'échec de Barack Obama. C'est un homme tout à fait remarquable, ainsi qu'Hillary Clinton. Je dois dire que nous avons les meilleures relations avec les États-Unis et, singulièrement, avec cette administration.
Q - Êtes-vous surpris de cette montée en puissance de Romney ?
R - Pas tellement. Je ne connais pas Mitt Romney, mais il est vrai que l'élection se joue à la fois sur l'économie - l'économie américaine repart un peu, ce n'est pas très facile - et puis dans quelques États clés, notamment l'Ohio et la Floride. C'est donc à peu de choses que cela va se jouer. Et cela nous rappelle que rien n'est jamais acquis.
Q - Avez-vous un favori ? Obama est de gauche, la France aujourd'hui est à gauche, est-ce que vous êtes pour Obama ?
R - Laissez-moi être ministre des affaires étrangères, donc diplomate.
Q - C'est-à-dire que vous n'avez pas de favori ?
R - Je le garde pour moi.
Q - Sur le plan économique, hier François Hollande recevait les patrons des grandes organisations économiques mondiales. On a beaucoup parlé de compétitivité. Est-ce qu'un des problèmes ne vous concerne pas directement dans la mesure où les ambassades de France à l'étranger souvent aident très peu les entreprises françaises ?
R - J'ai participé à cette rencontre très intéressante qui réunissait François Hollande, Mme Lagarde qui dirige le FMI, M. Lamy pour l'OMC, le patron du Bureau international du travail et également le président de la Banque mondiale. Nous y avons parlé de compétitivité, de la France et du monde.
La diplomatie économique, c'est une de mes priorités. Je pense que vous êtes un peu injuste. Quand je demande aux entreprises, surtout aux grandes entreprises, si elles sont aidées par nos ambassades, la réponse en général est oui, mais il faut faire beaucoup plus.
Q - Il faut développer cette diplomatie économique ?
R - Oui, absolument.
Q - Lui donner plus de moyens ?
R - Ce n'est pas une question de moyens, c'est une question d'organisation, notamment pour les PME. Quand vous comparez par exemple la France et l'Allemagne, vous observez que nous avons de belles entreprises, mais que les PME ont du mal à aller à l'étranger, tout simplement parce que c'est compliqué, c'est cher, etc. À nous de nous organiser, avec les régions, avec d'autres, pour faciliter leur implantation à l'étranger.
J'ai pris la décision de créer, ce sera une nouveauté, des postes d'ambassadeurs en région. Des ambassadeurs du Quai d'Orsay vont être mis à disposition des régions, si elles le souhaitent, pour aider les PME à l'international. Il y aura également autour de l'ambassadeur, dans chaque pays étranger, une sorte de conseil économique associant les entrepreneurs présents sur place pour arriver à développer notre présence. C'est vraiment ma priorité numéro un.
(...)
Q - Vous voyagez beaucoup.
R - Oui, j'en suis à mon 4ème tour du monde, mais c'est normal. Si un ministre des affaires étrangères n'était pas présent à l'international ce serait paradoxal. Par définition, je suis tout le temps à l'étranger et je mesure que la France est entendue et attendue.
Souvent, en France on dénigre notre influence. Je ne parle pas d'un point de vue politique, mais en général, alors que la voix de la France - qui est l'un des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité - porte. On rejoint là le domaine économique qui compte également, à condition que l'économie soit vaillante.
Q - Vous partez en Libye, je crois ?
R - Je pars à la fin de la semaine pour mon prochain déplacement. D'abord avec le président de la République en Arabie Saoudite, ensuite à Vientiane, au Laos et, dans quelques jours, en Arabie Saoudite. J'irai dans d'autres pays, bien sûr.
Q - Et en Libye ?
R - Et en Lybie.
Q - Qu'allez-vous dire aux Libyens ? La situation est quand même assez catastrophique.
R - La situation est difficile. Certes, ils se sont libérés, bravo ! Kadhafi n'est plus là mais cela ne résout pas tous les problèmes. Il y a, en particulier, un problème majeur de sécurité parce que l'armée et les forces de police, notamment, ne sont pas exactement contrôlées. Et puis, il y avait énormément d'armes sous Kadhafi dont une partie d'ailleurs se trouve désormais au Mali après avoir été récupérée par les terroristes du Mali.
Il y a donc une réorganisation à conduire. La Libye est un pays riche, qui dispose notamment de beaucoup de pétrole. C'est une situation différente d'autres pays voisins qui sont pauvres, mais il y a un problème de réorganisation, elle doit être impérativement menée et nous pouvons aider bien sûr.
Q - De quelle façon ?
R - On peut aider, à la fois économiquement, administrativement, culturellement, par notre présence. Effectivement, on va faire tout cela.
Q - Peut-on les aider à se réorganiser justement du point de vue de la sécurité ?
R - Oui, bien sûr, c'est tout à fait possible mais, dans ce cas, ce n'est pas simplement une question d'organisation au sens administratif. Il y a des forces très différentes là-bas et il faut que le nouveau pouvoir - il y a un président et un Premier ministre - puisse mettre un peu d'ordre.
Q - Vous parliez du Mali tout à l'heure. Il y a deux semaines, le ministre de la défense disait qu'une intervention internationale aurait lieu dans quelques semaines, cela fait déjà deux semaines. Il reste combien de semaines avant cette intervention ?
R - C'est plus complexe que cela.
Q - Il était assez affirmatif, c'était quelques semaines, pas quelques mois.
R - Il y a trois grandes séries de problèmes au Mali.
D'abord, partons de l'essentiel. Il y a un Mali découpé, qui n'a plus d'intégrité territoriale. Le Nord du pays est occupé par des terroristes extrêmement dangereux, à la fois pour le Mali, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique et pour nous. Il faut s'en occuper ; les Africains, d'abord, et nous aussi, si nous le pouvons, en les accompagnant.
Q - Mais aujourd'hui il n'y a plus de date fixée ?
R - Il y a une date.
Q - On ne donne pas d'échéance ?
R - Il y a une date, absolument fixée. Nous avons une trentaine de jours pour présenter un concept, un programme, au Conseil de sécurité des Nations unies et le faire voter. Nous avons présenté une première résolution, adoptée à l'unanimité, qui donne la possibilité de faire beaucoup de choses au Mali.
Dans une trentaine de jours, il y aura une deuxième résolution qui portera sur trois sujets.
Premièrement, le sujet sécuritaire. Il faut que le Mali se réorganise militairement et, ensuite, qu'il y ait des forces suffisantes pour aller affronter les terroristes. C'est ce à quoi faisait allusion M. Le Drian.
Deuxièmement, il faut qu'il y ait un renforcement du pouvoir politique et que le dialogue soit établi avec ceux du Nord qui ne sont pas des terroristes.
Troisièmement, il y a un aspect humanitaire. Il faut conduire des actions de développement parce qu'il y a des gens qui sont dans une misère épouvantable. Nous allons faire cela mais, je le répète, c'est aux Africains d'agir et nous allons les aider.
Q - Mais on ne parle plus de date pour l'intervention militaire ?
R - En ce qui me concerne, je n'ai jamais donné de date précise : le plus tôt sera le mieux. Il faut faire les choses efficacement et c'est aux Africains, d'abord, qu'il appartient d'agir.
Q - Donc, ce n'est pas dans quelques semaines, c'est dans quelques mois ?
R - Il peut déjà y avoir des actions dans quelques semaines. Sur le Mali comme sur d'autres sujets, je tiens à dire que j'essaie, sous l'autorité de François Hollande, d'avoir une diplomatie la plus rassembleuse possible. Je vois les gens, les responsables : j'ai vu Alain Juppé, il y a quelques jours ; je verrai François Bayrou ; je verrai les responsables du Parti communiste, du Parti socialiste et d'autres. Je pense que la politique étrangère de la France doit être menée d'une façon qui rassemble. C'est ce que j'essaie de faire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2012
R - Je voudrais dire ma solidarité, bien sûr, à nos amis américains. Le centre de crise au Quai d'Orsay n'a pas reçu d'appel de détresse particulier, mais l'ouragan est tellement ample qu'il faut attendre un peu avant de faire le bilan.
Q - On va justement rester en Amérique avec ces élections américaines qui ont lieu la semaine prochaine. On est tout étonné en France de s'apercevoir que les sondages sont très serrés et que, finalement, Obama pourrait être battu. Est-ce que vous-même, vous êtes surpris ?
R - Il est vrai qu'il y a six mois, on ne parlait même pas de possibilité d'échec de Barack Obama. C'est un homme tout à fait remarquable, ainsi qu'Hillary Clinton. Je dois dire que nous avons les meilleures relations avec les États-Unis et, singulièrement, avec cette administration.
Q - Êtes-vous surpris de cette montée en puissance de Romney ?
R - Pas tellement. Je ne connais pas Mitt Romney, mais il est vrai que l'élection se joue à la fois sur l'économie - l'économie américaine repart un peu, ce n'est pas très facile - et puis dans quelques États clés, notamment l'Ohio et la Floride. C'est donc à peu de choses que cela va se jouer. Et cela nous rappelle que rien n'est jamais acquis.
Q - Avez-vous un favori ? Obama est de gauche, la France aujourd'hui est à gauche, est-ce que vous êtes pour Obama ?
R - Laissez-moi être ministre des affaires étrangères, donc diplomate.
Q - C'est-à-dire que vous n'avez pas de favori ?
R - Je le garde pour moi.
Q - Sur le plan économique, hier François Hollande recevait les patrons des grandes organisations économiques mondiales. On a beaucoup parlé de compétitivité. Est-ce qu'un des problèmes ne vous concerne pas directement dans la mesure où les ambassades de France à l'étranger souvent aident très peu les entreprises françaises ?
R - J'ai participé à cette rencontre très intéressante qui réunissait François Hollande, Mme Lagarde qui dirige le FMI, M. Lamy pour l'OMC, le patron du Bureau international du travail et également le président de la Banque mondiale. Nous y avons parlé de compétitivité, de la France et du monde.
La diplomatie économique, c'est une de mes priorités. Je pense que vous êtes un peu injuste. Quand je demande aux entreprises, surtout aux grandes entreprises, si elles sont aidées par nos ambassades, la réponse en général est oui, mais il faut faire beaucoup plus.
Q - Il faut développer cette diplomatie économique ?
R - Oui, absolument.
Q - Lui donner plus de moyens ?
R - Ce n'est pas une question de moyens, c'est une question d'organisation, notamment pour les PME. Quand vous comparez par exemple la France et l'Allemagne, vous observez que nous avons de belles entreprises, mais que les PME ont du mal à aller à l'étranger, tout simplement parce que c'est compliqué, c'est cher, etc. À nous de nous organiser, avec les régions, avec d'autres, pour faciliter leur implantation à l'étranger.
J'ai pris la décision de créer, ce sera une nouveauté, des postes d'ambassadeurs en région. Des ambassadeurs du Quai d'Orsay vont être mis à disposition des régions, si elles le souhaitent, pour aider les PME à l'international. Il y aura également autour de l'ambassadeur, dans chaque pays étranger, une sorte de conseil économique associant les entrepreneurs présents sur place pour arriver à développer notre présence. C'est vraiment ma priorité numéro un.
(...)
Q - Vous voyagez beaucoup.
R - Oui, j'en suis à mon 4ème tour du monde, mais c'est normal. Si un ministre des affaires étrangères n'était pas présent à l'international ce serait paradoxal. Par définition, je suis tout le temps à l'étranger et je mesure que la France est entendue et attendue.
Souvent, en France on dénigre notre influence. Je ne parle pas d'un point de vue politique, mais en général, alors que la voix de la France - qui est l'un des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité - porte. On rejoint là le domaine économique qui compte également, à condition que l'économie soit vaillante.
Q - Vous partez en Libye, je crois ?
R - Je pars à la fin de la semaine pour mon prochain déplacement. D'abord avec le président de la République en Arabie Saoudite, ensuite à Vientiane, au Laos et, dans quelques jours, en Arabie Saoudite. J'irai dans d'autres pays, bien sûr.
Q - Et en Libye ?
R - Et en Lybie.
Q - Qu'allez-vous dire aux Libyens ? La situation est quand même assez catastrophique.
R - La situation est difficile. Certes, ils se sont libérés, bravo ! Kadhafi n'est plus là mais cela ne résout pas tous les problèmes. Il y a, en particulier, un problème majeur de sécurité parce que l'armée et les forces de police, notamment, ne sont pas exactement contrôlées. Et puis, il y avait énormément d'armes sous Kadhafi dont une partie d'ailleurs se trouve désormais au Mali après avoir été récupérée par les terroristes du Mali.
Il y a donc une réorganisation à conduire. La Libye est un pays riche, qui dispose notamment de beaucoup de pétrole. C'est une situation différente d'autres pays voisins qui sont pauvres, mais il y a un problème de réorganisation, elle doit être impérativement menée et nous pouvons aider bien sûr.
Q - De quelle façon ?
R - On peut aider, à la fois économiquement, administrativement, culturellement, par notre présence. Effectivement, on va faire tout cela.
Q - Peut-on les aider à se réorganiser justement du point de vue de la sécurité ?
R - Oui, bien sûr, c'est tout à fait possible mais, dans ce cas, ce n'est pas simplement une question d'organisation au sens administratif. Il y a des forces très différentes là-bas et il faut que le nouveau pouvoir - il y a un président et un Premier ministre - puisse mettre un peu d'ordre.
Q - Vous parliez du Mali tout à l'heure. Il y a deux semaines, le ministre de la défense disait qu'une intervention internationale aurait lieu dans quelques semaines, cela fait déjà deux semaines. Il reste combien de semaines avant cette intervention ?
R - C'est plus complexe que cela.
Q - Il était assez affirmatif, c'était quelques semaines, pas quelques mois.
R - Il y a trois grandes séries de problèmes au Mali.
D'abord, partons de l'essentiel. Il y a un Mali découpé, qui n'a plus d'intégrité territoriale. Le Nord du pays est occupé par des terroristes extrêmement dangereux, à la fois pour le Mali, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique et pour nous. Il faut s'en occuper ; les Africains, d'abord, et nous aussi, si nous le pouvons, en les accompagnant.
Q - Mais aujourd'hui il n'y a plus de date fixée ?
R - Il y a une date.
Q - On ne donne pas d'échéance ?
R - Il y a une date, absolument fixée. Nous avons une trentaine de jours pour présenter un concept, un programme, au Conseil de sécurité des Nations unies et le faire voter. Nous avons présenté une première résolution, adoptée à l'unanimité, qui donne la possibilité de faire beaucoup de choses au Mali.
Dans une trentaine de jours, il y aura une deuxième résolution qui portera sur trois sujets.
Premièrement, le sujet sécuritaire. Il faut que le Mali se réorganise militairement et, ensuite, qu'il y ait des forces suffisantes pour aller affronter les terroristes. C'est ce à quoi faisait allusion M. Le Drian.
Deuxièmement, il faut qu'il y ait un renforcement du pouvoir politique et que le dialogue soit établi avec ceux du Nord qui ne sont pas des terroristes.
Troisièmement, il y a un aspect humanitaire. Il faut conduire des actions de développement parce qu'il y a des gens qui sont dans une misère épouvantable. Nous allons faire cela mais, je le répète, c'est aux Africains d'agir et nous allons les aider.
Q - Mais on ne parle plus de date pour l'intervention militaire ?
R - En ce qui me concerne, je n'ai jamais donné de date précise : le plus tôt sera le mieux. Il faut faire les choses efficacement et c'est aux Africains, d'abord, qu'il appartient d'agir.
Q - Donc, ce n'est pas dans quelques semaines, c'est dans quelques mois ?
R - Il peut déjà y avoir des actions dans quelques semaines. Sur le Mali comme sur d'autres sujets, je tiens à dire que j'essaie, sous l'autorité de François Hollande, d'avoir une diplomatie la plus rassembleuse possible. Je vois les gens, les responsables : j'ai vu Alain Juppé, il y a quelques jours ; je verrai François Bayrou ; je verrai les responsables du Parti communiste, du Parti socialiste et d'autres. Je pense que la politique étrangère de la France doit être menée d'une façon qui rassemble. C'est ce que j'essaie de faire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2012