Déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, sur la violence faite aux femmes et la liberté des femmes, Vitry le 4 octobre 2012.

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Circonstance : Hommage à Sohane Benziane à Vitry le 4 octobre 2012

Texte intégral


Il y a 10 ans, Sohane était assassinée ici, dans sa ville. Brulée vive. Brulée vive parce qu’elle avait refusée de se soumettre.
A 17 ans, elle voulait tenir tête. Tenir tête à la loi du plus fort, qui, encore aujourd’hui en France, est fréquemment la loi des hommes.
A 17 ans, elle voulait être libre. Libre d’aller et de venir, libre de vivre sa vie comme elle en avait décidé.
10 ans après, je pense à ses proches. Kahina et Waïba, ses sœurs, qui sont là ce soir. Je pense à son à son père. Je salue le courage de cet homme qui le premier a dit « Ma fille est morte parce qu’elle était une fille ».
Morte parce que femme.
Je souhaite que notre pays puisse entendre ces mots « Morte parce que femme ». Pourquoi avons-nous tant de mal à nommer les choses ? A chaque fois que quelqu’un dit le mot « querelle » au lieu de « crime », ou le mot « dispute » ou lieu de « délit », il ou elle, volontairement ou non, cache la réalité. Amoindrit la gravité des faits.
C’est grâce à la mobilisation de la famille de Sohane et à la Ligue du Droit International des Femmes que pour la première fois dans l’histoire de notre République, nous avons qualifié un crime de « sexiste ». On a mis un mot sur l’horreur. On a reconnu qu’être femme, en France, au XXIème siècle, pouvait encore couter la vie.
Il y a des milliers de Sohane dans notre pays comme dans le monde. Des femmes de tous les âges, blanches ou noires, grandes ou petites, ouvrières ou cheffe d’entreprises, habitant à Neuilly ou à Vitry, à New York ou à Brazzaville, à Pekin ou à Mexico. Les violences faites aux femmes traversent le monde et traversent toutes nos sociétés. Et depuis des millénaires, le monde reste sourd et muet devant le massacre.
Je fais ce soir un rêve. Celui que, comme le dit la plaque posée ici, « les garçons et filles vivent mieux ensemble dans l’égalité et le respect ». Ce rêve n’est pas inaccessible. Il dépend de nous, de notre volonté de faire changer les mentalités, pour faire changer la réalité.
Sohane, nous ne t’oublions pas. Tu restes dans nos esprits, comme une invitation à la révolte contre les violences sexistes et comme une exhortation permanente à défendre, partout et tout le temps, la liberté des femmes.

source http://femmes.gouv.fr, le 9 octobre 2012