Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la protection sociale et le mutualisme, l'accès aux soins et les inégalités de santé, Paris le 18 octobre 2012.

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Circonstance : Congrès de la Mutualité Française à Paris le 18 octobre 2012

Texte intégral


Je suis heureuse d’ouvrir le 40ème Congrès de la Mutualité Française et d’avoir ainsi l’occasion de m’exprimer devant plusieurs milliers de délégués mutualistes. Benoît Hamon, ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, sera lui aussi présent cet après-midi, pour rappeler que les valeurs du monde mutualiste sont une réponse à la crise que nous traversons.
Pour l’ensemble du monde de la protection sociale, votre congrès est un moment important. La présence du président de la République samedi pour s’exprimer devant vous atteste de l’importance que nous accordons à la Mutualité Française dans notre système de santé.
Je tiens à saluer l’engagement de votre président, Etienne Caniard. Sa mobilisation depuis de très nombreuses années au service de la santé des Français est reconnue par tous. Et son parcours est un atout essentiel pour conforter la Mutualité comme force de proposition.
Vous venez de rappeler, monsieur le président, que vos propos sont souvent exigeants. Ils sont à la mesure des ambitions que vous portez. Mais je sais également pouvoir compter, au moment où la crise fragilise notre système de santé, sur votre sens aigu des responsabilités.
Votre congrès revêt une importance particulière dans la période d’incertitudes que nous traversons. Les valeurs républicaines sont mises à mal. La pertinence de notre modèle social est contestée par certains. La peur du déclassement, l’accroissement des inégalités, le repli sur soi, défient notre pacte social, dont la solidarité est l’un des piliers.
Dans ce contexte, les attentes des Français à l’égard des pouvoirs publics sont immenses. Notre système de santé est un rempart contre le délitement du lien social. Réaffirmer ses valeurs, c‘est préserver notre cohésion sociale, c’est garantir à nos concitoyens qu’ils seront protégés face aux aléas de la vie.
Votre congrès est consacré à une question essentielle, la mère de toutes les batailles pour une ministre de la santé de gauche : la question de l’accès aux soins. Au moment où la crise frappe durement nos concitoyens, notre responsabilité collective est de tout mettre en œuvre pour lutter contre les inégalités de santé et garantir un accès effectif aux soins.
Grâce à son ancrage territorial, la Mutualité Française est un acteur majeur de l’offre sanitaire : 38 millions de français accèdent à notre système de santé grâce à vous et à vos 2 500 services de soins et d’accompagnement. Vous êtes un maillon essentiel de notre modèle solidaire de santé publique.
Ces dernières années, la Mutualité a été malmenée. Elle a été la cible de nombreuses attaques, qui visaient les fondements mêmes du mouvement mutualiste. Votre culture, celle de la solidarité par la mutualisation du risque, a été mise à mal. Le rôle historique qui est le vôtre, et auquel les Français, autant que les pouvoirs publics, sont particulièrement attachés, a été ébranlé par les choix politiques de nos prédécesseurs. Par ailleurs, le monde mutualiste connaît de profondes mutations : les regroupements se poursuivent et votre gouvernance doit s’adapter pour faire face à de nouveaux enjeux.
Il est donc légitime, dans cet environnement incertain, que les pouvoirs publics fixent un cap clair pour notre système de soins et que nous clarifions la place que vous occuperez à l’avenir.
1. Ma priorité, c’est de préserver un système de santé solidaire.
Chacun d’entre nous peut être confronté un jour ou l’autre à la maladie. C’est pour cette raison que notre système de santé publique doit garantir à tous nos concitoyens qu’ils seront soignés, quelle que soit leur condition. Ce principe est l’un des piliers de notre protection sociale. Il est aussi la condition de notre cohésion.
La santé, c’est notre avenir.
Parce qu’elle est une marque de progrès. Grâce à ses avancées, nous vivons mieux et plus longtemps.
Parce qu’elle incarne notre combat pour l’égalité. Egalité de tous face à la maladie, sans distinction sociale.
Parce qu’elle est une composante déterminante de la croissance du 21ème siècle. Investissement dans la recherche, dans l’innovation, dans l’excellence : la santé porte les emplois de demain.
a) L’accès aux soins est la première attente des Français. Sans tarder, le gouvernement a déjà entrepris les actions nécessaires pour permettre à nos concitoyens de bénéficier d’un système de santé performant et soutenable.
Vous demandez, monsieur le président, à être jugés sur vos actes, et non pas sur des déclarations d’intention. Je suis prête, moi aussi, à être jugée sur la cohérence du projet que je porte pour la santé des Français et dont l’objectif est l’égal accès aux soins. Nous n’avons pas attendu le PLFSS pour agir.
En quelques mois seulement, j’ai engagé le pacte de confiance à l’hôpital pour garantir l’avenir de notre service public hospitalier, pour sécuriser ses financements et renouer le dialogue avec ses personnels. En quelques mois seulement, le chantier de la réorganisation des urgences a été lancé avec le double objectif d’un accès aux soins d’urgence en moins de trente minutes et du désengorgement des services. En quelques mois seulement, j’ai repositionné le ministère de la santé comme un acteur majeur de la recherche en santé au profit de la qualité et de la sécurité des soins.
Ces choix politiques assumés sont d’autant plus décisifs que la situation dont nous avons hérité est particulièrement dégradée. Face à l’aggravation de l’état des comptes sociaux, il aurait été irresponsable de laisser filer les déficits. Les Français en auraient subi les conséquences désastreuses et leur niveau de protection s’en serait trouvé durablement affaibli.
Dès les premières semaines, nous avons clairement fait le choix de la responsabilité en prenant les décisions qui s’imposaient pour engager le redressement de nos comptes. La loi de finances rectificative (LFR) pour 2012 a marqué une première étape. L’effort qui a été engagé durant l’été, pour rétablir la trajectoire de nos comptes sociaux, ne s’est pas fait au détriment des Français. Il aurait été injuste de leur faire payer le prix de la crise et des choix politiques des dix dernières années. Le cheval de Troie de nos prédécesseurs, c’étaient les déremboursements. Leur conception reposait sur la responsabilité individuelle : à chacun de couvrir ses frais de santé selon ses moyens. Inexorablement, la part obligatoire de l’assurance maladie s’est vue réduite au profit des complémentaires. En agissant ainsi, l’identité même de notre protection sociale a été dévoyée.
Je ne partage rien de la vision de nos prédécesseurs, car elle est tout simplement contraire à nos valeurs.
L’objectif que j’ai fixé est clair : à terme, nous réduirons le reste à charge pour les familles. C’est dans cet esprit que nous avons élaboré les grandes orientations du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2013. Le débat débutera la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Je sais par avance, et par expérience, qu’il sera rude et, qu’au fond, c’est la pérennité de notre modèle social qui sera en jeu.
Le PLFSS que nous défendrons est le fruit de choix politiques : il traduit une rupture claire avec la période antérieure. Vous venez de l’indiquer, la Mutualité Française à été sensible à plusieurs dispositions contenues dans ce projet de loi.
C’est le cas pour la suppression de l’option de coordination renforcée, qui visait à mettre en œuvre le secteur optionnel. Le secteur optionnel n’était pas la bonne solution pour encadrer les dépassements d’honoraires. Il faisait peser sur les mutuelles l’obligation de rembourser les dépassements d’honoraires sans que ce dispositif soit correctement encadré : cette mesure arbitraire et non négociée a fait la preuve de son inefficacité. C’est pourquoi le PLFSS prévoit d’abroger les dispositions votées dans la LFSS pour 2012.
C’est également le cas du report de l’obligation de publication des frais de gestion pour les complémentaires dont nous connaissons les difficultés qu’elle créait pour vous. C’est pourquoi un arrêté a été publié, prévoyant le report d’un an de cette obligation. Cette année sera mise à profit pour engager une réflexion sur le périmètre des frais de gestion.
Enfin, je sais que de nombreuses dispositions de ce PLFSS trouveront un écho favorable auprès de la Mutualité Française.
Concernant l’accès aux soins, nous prenons des engagements dès 2013 avec, par exemple, la création de 200 postes de praticiens locaux de médecine générale pour les territoires les plus fragiles.
S’agissant du déficit de l’assurance maladie, vous avez été attentifs à trois dispositifs présents dans notre projet. Celui sur les taxes comportementales liées à la bière et au tabac qui, outre la recette de 450 millions € qu’il génère, a un impact positif direct sur la santé des Français. Celui aussi concernant les niches sociales, qui remettaient en cause le caractère solidaire du financement de la protection sociale. Celui, enfin, sur le médicament, à travers lequel nous poursuivons les baisses tarifaires sur les génériques auxquels vous êtes particulièrement attachés.
Les derniers mois auront enfin permis d’engager ce qui aurait dû être fait depuis 5 ans : entamer une réflexion de long terme, en vue de réformer le financement de la protection sociale. C’est le sens de l’installation, par le Premier ministre, le 26 septembre dernier, du Haut Conseil pour le Financement de la protection sociale (HCFI) auquel vous participez comme personnalité qualifiée monsieur le président. Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que notre protection sociale est un fardeau dans une économie mondialisée. Nous ne serons pas plus compétitifs en protégeant moins nos salariés. C’est la raison pour laquelle nous devons garantir sa pérennité et réfléchir à un financement plus équilibré de notre modèle social. Cette instance dispose de trois mois pour nous soumettre des pistes d’évolution.
Sur ce sujet essentiel, j’ai d’ailleurs pris connaissance avec intérêt des propositions formulées par la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF). Elles seront étudiées avec attention dans le cadre de cette réforme du financement de la protection sociale.
Le redressement des comptes de l’assurance maladie est primordial, mais il n’est pas une fin en soi. Il sert un objectif de justice : garantir aux Français une offre de soins de qualité et un haut niveau de protection sociale.
b/ La modernisation de notre système de soins commence par sa réorganisation. Pour gagner en efficience, mais aussi pour maîtriser les dépenses de santé.
Je sais que les pouvoirs publics et les mutuelles partagent cette ambition.
Une réorganisation réussie de notre système de soins passe par la territorialisation de nos politiques. C’est la mission confiée aux Agences Régionales de Santé. Associées au quotidien aux travaux des ARS, les mutuelles sont des acteurs à part entière de la territorialisation.
Mieux que quiconque, vous savez qu’il est temps de construire le parcours de soins autour des besoins des patients et non plus des structures. Les plus à même d’identifier les besoins des populations, ce sont les acteurs de terrain : professionnels de santé, élus locaux, associations d’usagers. Votre présence exceptionnelle et votre ancrage dans les territoires font de la Mutualité le premier partenaire des collectivités locales. C’est l’ancienne présidente d’un conseil général qui vous le dit : le travail réalisé au quotidien avec les départements et les régions est décisif pour bâtir une meilleure offre de soins.
C’est dans un cadre territorialisé que nous remédierons au décalage entre l’évolution de la médecine et l’inertie des structures.
Dans un premier temps, il nous faut recentrer l’activité de l’hôpital sur son cœur de métier, les phases aigües et les pathologies lourdes. Actuellement, le nombre d’hospitalisations non-pertinentes est trop élevé et continue d’augmenter. C’est inefficace pour les patients et coûteux pour l’hôpital.
Les objectifs que nous poursuivons sont clairs : renforcer la qualité des soins et générer des gains d’efficience. Dès 2013, ce sont ainsi plus de 650 millions € qui seront économisés à l’hôpital, grâce au développement de la chirurgie ambulatoire, à l’optimisation des achats ou à l’amélioration de la pertinence des actes.
Le second pilier de cette réorganisation, c’est la structuration d’une offre de soins ambulatoires de qualité, portée par les professions libérales de santé. Elles joueront un rôle majeur. Leur action est d’ailleurs pleinement reconnue dans le PLFSS 2013 avec un taux d’évolution de l’ONDAM « soins de ville » équilibré avec celui de l’hôpital. Les professionnels libéraux de santé ont vocation à porter les soins ambulatoires. Depuis dix ans, les innovations thérapeutiques et les progrès réalisés permettent de soigner en ville ce qui était autrefois soigné à l’hôpital.
Nous devons tenir compte de ces évolutions pour organiser la médecine de proximité. Très concrètement, dès septembre 2013, nous déploierons des équipes de proximité permettant d’associer plus étroitement les professionnels de santé d’un territoire. Les actions d’éducation thérapeutique et de dépistage trouveront là un support efficace de développement.
Ce sera aussi le cas pour les dispositifs de prévention trop souvent laissés de côté. C’est en renforçant nos politiques de prévention que nous améliorerons la santé des Français.
Vous l’aurez compris, je ne suis ni « hospitalo centrée », ni, comme je l’entends désormais, « libéralo centrée ». La politique que je porte ne tend pas à privilégier un secteur aux dépens d’un autre : je veux favoriser la complémentarité de l’hôpital et de la médecine de ville. En articulant mieux leurs missions et en favorisant leur coordination, nous améliorerons la qualité de notre système de soins, et nous progresserons dans la maîtrise des dépenses de santé.
2) La seconde de mes priorités, c’est de développer l’accès effectif à une bonne couverture des soins.
a/ Trop de Français ont renoncé à se soigner. L‘égalité d’accès aux soins n’est plus une réalité.
Depuis de nombreuses années, le niveau de protection de chaque Français s’est affaibli. Nos concitoyens payent plus, pour être moins bien protégés.
Je partage le message de votre campagne de presse lancée le 10 octobre sur l’accès aux soins. « Sans mutuelle, la Sécu ne suffit plus ! » : on ne peut pas être plus clair. J’ai également été sensible au fait que, sur vos affiches, ce message soit porté par des jeunes. Cela renforce encore les valeurs de solidarité entre générations portées par le mouvement mutualiste.
Les Français ont été les premières victimes de la politique conduite depuis 10 ans. L’année dernière, près d’un quart de nos compatriotes a renoncé à se soigner, faute de moyens. La Mutuelle Des Etudiants (LMDE) estime quant à elle que 34% des étudiants ont reporté la consultation d’un médecin dans les douze derniers mois.
Nos prédécesseurs se sont appliqués à faire émerger un système à deux vitesses. Pour cela, ils ont multiplié les déremboursements, et je veux rappeler que le PLFSS 2013 n’en comporte aucun ; ils ont augmenté le forfait à l’hôpital et ont clairement mis en cause la prise en charge des ALD. Je tiens d’ailleurs à vous en dire quelques mots.
La remise en cause des affections de longue durée (ALD) était inacceptable. Elle révélait une profonde méconnaissance de l’état sanitaire de notre pays et des exigences nouvelles qu’il impose : de plus en plus de patients ont besoin de soins lourds. C’est la conséquence du développement des pathologies chroniques et du vieillissement de la population. La prise en charge des ALD est l’un des piliers du caractère solidaire de notre système de santé : chacun cotise selon ses moyens, et reçoit en fonction de ses besoins. Ce principe, vous le connaissez mieux que quiconque, puisqu’il est au fondement du mouvement mutualiste.
Agir sur les dépenses de santé et le reste à charge est indispensable pour permettre à chaque Français, quelles que soient ses ressources, de se soigner.
Et je pense d’abord aux dépassements d’honoraires, qui ont presque triplé en 20 ans ! Ils coûtent désormais 2,5 milliards d’euros par an aux Français.
Vous le savez, une négociation a été engagée cet été par le directeur général de l’UNCAM. Les Français ont entendu assez de discours sur cette question des dépassements d’honoraires : ils attendent désormais des résultats tangibles. Cette négociation ne visait pas à accuser ou à stigmatiser certains professionnels, mais simplement à mettre un terme à des abus qui ne sont plus tolérables.
J’avais fixé deux objectifs.
D’abord, lutter contre les dépassements excessifs en fixant des règles claires sur les sanctions qui seront appliquées.
Ensuite, la mise en place d’un contrat d’accès aux soins avec les médecins pour faire baisser les frais de santé à la charge des Français.
Cette négociation s’est prolongée toute la nuit. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont peu dormi.
Le texte qui est sur la table suite à ces discussions me semble équilibré. Les abus seront sanctionnés efficacement. Le projet prend en compte les attentes des patients d’avoir accès à des consultations au tarif de la sécurité sociale ou avec des restes à charge en diminution. Il permet aux médecins qui ont fait le choix de tarifs opposables et raisonnables d’être mieux reconnus et valorisés, sans pour autant entrer dans une logique de stigmatisation.
Les représentants des médecins ont souhaité retourner devant leurs instances. Comme toujours dans une négociation de ce type, chacun a dû faire un pas vers l’autre. Il faut maintenant que ces bonnes intentions se concrétisent. Pour ma part, comme je l’ai toujours dit, je souhaite vivement un accord lundi soir, en n’abandonnant rien de mes objectifs.
Mais je ne veux pas réduire la question du reste à charge aux seuls dépassements. Dans certains secteurs, les dépenses de santé ne sont pas régulées. De nombreuses difficultés, auxquelles je suis attentive, viennent entraver l’accès des Français à notre système de soins.
Je veux citer deux exemples que vous connaissez bien.
Je pense au secteur dentaire. Le cas des personnes âgées est emblématique : le prix des prothèses dentaires est un obstacle majeur pour beaucoup de nos concitoyens. L’absence de prise en charge dans ce domaine a des conséquences graves sur leur état de santé, pouvant aller jusqu’à la dénutrition. Elle a aussi pour conséquence, et je ne veux pas la minimiser, la perte d’estime de soi.
Je songe également au secteur de l’optique. Dans ce domaine, j’ai conscience que nous nous heurtons à des difficultés qui ont une double origine : d’une part, la démographie et l’organisation des professionnels compliquent beaucoup les délais d’accès à un ophtalmologiste. Nombreuses ont été les personnes qui m’ont interpelée sur des délais d’attente considérables, allant parfois jusqu’à une année ! C’est pourquoi le développement des délégations de tâche aux orthoptistes est une piste qu’il nous faut privilégier. D’autre part, le secteur des opticiens est trop concentré et ne permet donc pas d’avoir des prix accessibles.
b/ Un accès effectif aux soins passe également par une plus grande transparence de l’offre de santé.
Notre rôle est de permettre aux Français d’accéder à une information claire et lisible sur notre système de santé.
Les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs grâce auxquels les Français peuvent accéder à des informations de qualité.
Je pense à l’initiative de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), qui est en train de mettre en œuvre un site internet consacré au médicament. Un répertoire en ligne vient d’être créé pour recenser les centres anti-douleur. J’ai également à l’esprit le site ameli-direct.fr, créé par l’assurance maladie, et dont le grand public ne s’est pas encore suffisamment emparé. Il permet pourtant de connaître les tarifs et les dépassements d’honoraires pratiqués par chaque médecin, ainsi que des informations sur l’activité des hôpitaux. Nous devons poursuivre l’effort engagé et mettre en place un observatoire public des dépassements d’honoraires.
Il est nécessaire que les Français puissent bénéficier d’une information publique transparente sur notre système de santé.
Le manque de lisibilité pour les patients et leur mauvaise orientation sont de puissants facteurs de renoncement aux soins. L’ensemble des informations dont nous disposons mérite donc d’être objectivé. Aujourd’hui, la transparence est principalement assurée par des acteurs privés. Je suis convaincue qu’il revient aux pouvoirs publics de rassembler ces informations sur les hôpitaux, pour les rendre plus accessibles et plus transparentes. Cela permettra aux Français, par exemple, de mieux appréhender le coût d’une prise en charge ou la qualité d’un établissement.
Le mouvement mutualiste doit prendre toute sa part dans cette démarche de transparence. Je veux d’ailleurs saluer l’engagement de la Mutualité Française sur cette question, avec la mise en place d’un dispositif, qui aide les adhérents à choisir les établissements, en leur fournissant une information transparente sur les coûts des soins, ainsi que sur leur qualité.
3) La politique que je conduis a vocation à conforter le rôle essentiel du secteur mutualiste dans notre système de soins.
Face à l’ampleur de la crise qui frappe nos concitoyens, le monde mutualiste joue un rôle essentiel dans leur protection.
Vous connaissez notre attachement au dialogue social. Certains nous reprochent de prendre notre temps. Les mêmes qui considèrent que la négociation est superflue et que c’est uniquement dans l’urgence que se bâtissent des compromis solides. Nous avons rompu avec cette conception parce que nous croyons qu’il est primordial que le monde mutualiste puisse exercer ses responsabilités. Pour ce gouvernement, vous êtes un interlocuteur institutionnel incontournable. C’est en travaillant de concert que nous assurerons ensemble la protection des Français.
a) Les pouvoirs publics doivent réinvestir le champ de la complémentaire santé.
Je crois aux vertus de la régulation. Et je suis consciente de l’érosion continue de sa position sur le marché que doit affronter le secteur mutualiste. La concurrence à laquelle vous êtes confrontés est celle des sociétés d’assurance et des bancassureurs. Je crois que les spécificités du secteur mutualiste doivent être pleinement reconnues, en particulier votre statut d’offreurs de soins, qui constitue un élément de différenciation et un atout concurrentiel sur ce marché en forte expansion.
Sans régulation globale du système de santé, les valeurs de solidarité resteront lettre morte. En effet, la priorité du courant mutualiste, c’est l’accès aux soins et la protection de vos adhérents. Depuis dix ans, les pouvoirs publics ont renoncé à intervenir, sacrifiant au dogme de la dérégulation. Ce laisser-faire coupable a eu de graves conséquences pour votre secteur. L’absence de règles vous désavantage, parce que le principe même qui fonde votre gestion du risque, c’est l’intérêt général.
C’est donc en réintroduisant des règles que les pouvoirs publics fixeront le cadre de l’intervention des complémentaires.
b) Nous sécuriserons le financement de vos structures de soins.
Les centres de santé mutualiste sont fortement ancrés dans certains de nos territoires dont ils constituent un élément structurant de l’accès aux soins. Pour de nombreux Français, ils représentent d’ailleurs une alternative aux dépassements d’honoraires.
Toutefois, ces structures connaissent aujourd’hui d’importantes difficultés financières. Parce qu’elles garantissent un accès effectif aux soins pour des millions de nos concitoyens, il nous faut sécuriser leur financement.
Dans ce cadre, j’ai diligenté une mission, confiée à l’Inspection Générale des Affaires Sociales, sur le modèle économique des centres de santé : elle me remettra ses propositions pour assurer leur pérennité. C’est également en renforçant le contrôle de ces centres que nous conforterons leur place dans le paysage sanitaire français.
A mes yeux, les centres de santé mutualistes s’inscrivent pleinement dans la démarché que je porte d’une prise en charge globale du patient.
c) Le développement des réseaux de soins mutualistes permettra d’améliorer la qualité de notre système de santé :
La mission assurée par les mutuelles au travers de leurs réseaux de soins est primordiale. Ils permettent à de très nombreux Français de se soigner. En particulier lorsqu’ils concernent des activités dont les prix ne sont pas encadrés, et pour lesquelles la part prise en charge par les mutuelles est majoritaire.
Je sais que, sur ce sujet, vous souhaitez bénéficier des mêmes dispositions que les autres complémentaires. Je connais votre engagement pour faciliter l’accès à des soins de qualité en maîtrisant les tarifs pour vos adhérents. Vous avez dit dans votre intervention, monsieur le président, que vous attendiez une position claire du gouvernement sur cette question. Je vous réponds très directement que j’ai soutenu l’inscription à l’ordre du jour du parlement d’une proposition de loi permettant aux mutuelles, comme aux autres organismes complémentaires, de conventionner avec des réseaux de prestataires médicaux ou paramédicaux.
Je souhaite d’ailleurs que soit confiée au HCCAM une réflexion sur les réseaux de soins : il faut que ces réseaux puissent s’étendre, tout en respectant les principes fondamentaux de notre système de santé. Cette réflexion pourrait déboucher, avant la fin du premier trimestre 2013, sur des propositions visant à garantir l’accès à des soins de qualité, notamment dans le champ du dentaire et de l’optique. Ces orientations, je le rappelle, avaient été portées par le président de la République pendant sa campagne.
d) Nous transformerons les contrats solidaires et responsables pour améliorer la couverture complémentaire.
La règle de départ, nous la partageons : la situation financière d’un malade ne doit en aucun cas l’empêcher de se soigner.
Or, de nombreuses études démontrent que l’absence de complémentaire, ou qu’une complémentaire de mauvaise qualité, sont des facteurs de renoncement aux soins. Vous l’avez très bien dit, monsieur le président, « les Français ne sont pas égaux devant la protection sociale complémentaire ». Malgré la mise en place de l’ACS, plus de 4 millions d’entre eux sont encore sans complémentaire à ce jour.
L’objectif que le gouvernement a fixé, vous le connaissez et le partagez : c’est celui de l’accès de tous au droit d’être soigné. Pour y parvenir, vos organismes doivent offrir à nos concitoyens des contrats de qualité accessibles à tous.
Or, les différences entre les contrats responsables et les autres se sont estompées. Elles étaient pourtant essentielles pour permettre de répondre le plus efficacement et le plus justement possible à l’exigence d’accès aux soins.
Vous avez un rôle décisif à jouer dans la redéfinition de ces contrats. Leur contenu doit être amélioré pour garantir de meilleurs remboursements. Je pense notamment aux prothèses et à l’orthodontie, ainsi qu’à une amélioration de la prise en charge des maladies chroniques et des actions de prévention. Une fois rénovés, ces contrats devront conduire à une limitation du reste à charge en cas de dépassement. Cette évolution pourrait être accompagnée par une plus grande différenciation de la fiscalité entre les contrats responsables et les autres.
C’est dans ce cadre que nous engagerons dans les prochaines semaines la discussion sur l’avenir de la TSCA.
Le combat que vous avez conduit contre la taxation des contrats responsables n’a pas été l’expression de la défense de privilèges corporatistes. En vous battant sur cette question, ce sont d’abord les intérêts des Français que vous avez défendus.
J’ai compris qu’à travers ce débat, ce sont des questions plus larges que vous souhaitez voir abordées. Celle de la place des complémentaires dans notre protection sociale. Mais aussi celle, déterminante, de votre relation sur le long terme avec les pouvoirs publics. Une relation que je souhaite durable, fondée sur la confiance, la réciprocité et le partage d’objectifs.
Les chantiers qui nous attendent, vous le savez, sont immenses. Ils prendront place dans un contexte de crise qui frappe durement des millions de Français. Dans le domaine de la santé, sans doute encore plus qu’ailleurs, nous ne pouvons laisser faire les forces du marché et renvoyer les individus à leur propre responsabilité.
Il y va de la pérennité, à terme, de notre modèle de protection sociale. Le mouvement mutualiste a toujours été à l’avant-garde des grandes conquêtes de notre histoire sociale, en accompagnant les pouvoirs publics dans la mise en place de mécanismes de couverture des risques. Ces derniers ont beaucoup évolué en quelques décennies. Je sais pouvoir compter sur vos propositions et votre engagement, pour qu’ensemble nous puissions garantir à tous les Français le meilleur niveau de protection possible.
Je vous remercie
source http://www.social-sante.gouv.fr, le 19 octobre 2012