Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-libyennes, à Tripoli le 12 novembre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement en Libye-intervention devant la communauté française, à Tripoli le 12 novembre 2012

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Merci tout d'abord d'avoir pris sur votre temps pour venir m'accueillir, ainsi que Arnaud Montebourg qui était avec nous mais qui a été rappelé par le président libyen. Il y a en effet une ou deux affaires à traiter à propos desquelles nous souhaitons mettre l'accent, ainsi que Mme Élisabeth Guigou qui est la présidente de la Commission des affaires étrangères de notre Assemblée nationale.
Je suis ici pour peu de temps puisque, juste après notre réunion amicale, je repartirai pour le Caire où j'atterrirai ce soir. Demain, je dois voir les autorités égyptiennes. Il était important que nous soyons là aujourd'hui car nos amis libyens nous ont fait l'honneur de demander au représentant de la France, c'était moi-même, d'être la première personnalité étrangère à s'exprimer devant la nouvelle Assemblée nationale libyenne. Quand on sait comme vous, à travers quelles épreuves la Libye est passée et ce que signifie la nouvelle Assemblée nationale, le fait que cela ait été demandé à la France était je crois significatif. Comme je l'ai dit avec le sourire à mes interlocuteurs, en particulier le président du Congrès général national et le Premier ministre, il faut vraiment que les relations entre la Libye et la France soient étroites pour que nous, qui avons l'habitude de nous disputer sur tout, nous ayons été totalement d'accord, opposition et majorité pour soutenir la Libye lorsqu'il a fallu renverser Kadhafi. Cela montre bien que sur ce domaine, il n'y a pas d'un côté les uns et d'un côté les autres, mais que c'est une volonté de la France qui s'est exprimée il y a de cela peu de temps et qui doit continuer.
Nous les Français, nous avons été les premiers à soutenir les Libyens au moment de leur révolution. Il est donc normal que nous soyons aussi les premiers à être là pour les accompagner au moment de la reconstruction. C'est avec cette idée que nous sommes venus ici, dans un pays que vous connaissez bien puisque vous y vivez. Je voulais saisir cette occasion tout simplement pour vous remercier parce que je suis l'ambassadeur d'un jour tandis que vous, vous êtes avec l'ambassadeur en titre, les ambassadeurs de tous les jours, dans votre diversité. Il y a ici bien évidemment des femmes et hommes d'affaires avec lesquels je me suis entretenu. Bien évidemment il y a, et c'est très important, la communauté éducative, des représentants de nos forces militaires, il y a vos collaborateurs Monsieur l'Ambassadeur qui, par définition sont aussi les miens. Il y en a d'autres encore et tout cela fait une communauté française qui n'est peut-être pas, par son nombre, la plus importante du monde mais dont je sais qu'elle aime le pays où elle se trouve. Je sais qu'elle y croit et qu'elle porte ce qu'est la France dans cette partie tout à fait importante de notre monde.
Je voulais donc vous remercier et vous dire deux ou trois choses simples. La première est que nous avons décidé de travailler étroitement avec la Libye et que cette volonté, je l'ai constaté ce matin est réciproque. Lorsque je dis travailler, cela veut dire dans tous les domaines. Je ne fais pas de différence autre que de disciplines entre l'économie, l'éducation, la culture, les sciences, le domaine de défense, de sécurité, la communauté parlementaire. Tout cela, c'est la France et si les Libyens se proposent de travailler avec nous, c'est parce qu'ils ont une certaine idée de la France.
Il faut donc que nous incarnions cette idée d'une façon aussi qualitative que possible et totalement transversale. C'est la deuxième chose que j'ai proposée à nos amis interlocuteurs qui en sont d'accord et que j'ai d'ailleurs invité, que ce soit le président du congrès ou le premier ministre, au nom du président de la République à venir en France et ils le feront.
Nous voulons nouer un partenariat stratégique avec la Libye qui est un pays potentiellement riche, un pays qui a un grand passé, une belle culture, un patrimoine magnifique. Il y a d'ailleurs un projet d'exposition du musée du Louvre sur le patrimoine libyen. Notre idée est de nouer ce partenariat stratégique et ensuite, de remplir les cases au fur et à mesure. Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs, nous savons qu'il y a de grandes difficultés, administratives et de tous ordres, nous savons que tout cela prend du temps.
Vous êtes là, les hommes d'affaires me le faisaient remarquer, il faut avoir le sens du temps, de la présence et de la persévérance. Mais en ayant la volonté politique, et elle existe de part et d'autre, et cette volonté de partenariat stratégique, je suis persuadé que nous pouvons faire de grandes choses ensemble et nous avons l'intention de les faire. C'est parce que c'est au bénéfice du peuple libyen mais aussi à notre bénéfice. Vous connaissez la situation de notre pays qui a besoin d'aller chercher de la croissance partout. Pour cela, nous avons aussi besoin de ces partenariats.
J'ai senti aussi, à travers cette volonté générale, transversale, qu'il y avait des choses que l'on pouvait faire assez vite mais il y avait aussi peut-être des idées à redresser, même s'il y a aussi des précautions à prendre.
On m'a parlé toute la journée de sécurité mais d'une autre façon peut-être que celle dont on parle à propos de la Libye en France. Bien sûr, il y a des problèmes et vous y êtes tous attentifs. Mais la vie, que ce soit ici à Tripoli ou dans d'autres communes, n'est pas un danger permanent, dès lors que l'on prend les précautions nécessaires. Et alors, est revenu toujours, dans les propos que l'on m'a tenus, le fameux site du ministère des affaires étrangères dont je dois dire, non pas du tout pour me défiler de ma responsabilité, mais que ce n'est pas moi qui le tient tous les soirs. Il prend en compte un certain nombre de critères, dans des services au demeurant tout à fait compétents. Mais, c'est bien sûr une question que je vais revoir en rentrant parce qu'il faut dire des choses objectivement et en même temps ne pas décourager. Il faut avoir à l'esprit que nous avons une responsabilité parce que derrière, c'est l'économie, le tourisme et toute une série d'autres éléments qui sont en cause.
C'est vrai que, de manière plus générale, les autorités de ce pays sont conscientes et c'est une autre acception du mot sécurité, de ce qu'entraîne la sécurité extérieure. Lorsque l'on regarde comme vous le faites et comme je suis amené à le faire l'ensemble de la région, il ne faudrait pas que la solution d'un problème dans un des pays de la région, je pense par hasard au Mali, déstabilise toute une région. Il faut donc avoir une vision d'ensemble. Il se trouve que la France a des choses à dire, à faire et à proposer dans ce domaine à la fois parce qu'elle a de bonnes entreprises en matière de sécurité, parce que ses services de défense sont connus pour leurs compétences et parce que nous sommes un pays respecté dans cette partie du monde.
C'est donc avec ces quelques idées simples et quelques autres que je reviendrai demain soir d'Égypte, après avoir séjourné ici à Paris pour mettre tout cela en musique.
Voilà en quelques mots ce que je voulais vous dire. Vous croyez à ce pays et je pense, ayant étudié les dossiers, ayant entendu les nouveaux responsables, ayant écouté les uns et les autres que le gouvernement de la République française est aussi un gouvernement qui croit à l'avenir de la Libye.
C'est maintenant à nous d'essayer de mettre les choses en musique. Nous ne vous remplaçons pas, vous êtes là, dans vos différentes disciplines, essentiels à la présence de la France, mais nous allons essayer de vous accompagner et de revenir. J'ai quelques idées en tête sur ce sujet. Il peut en effet arriver parfois que les visites de responsables aident à la solution des dossiers.
C'est ainsi que j'ai appris, c'est un hasard mais dont je me félicite qu'une grande compagnie publique libyenne avait aujourd'hui rendu public un contrat d'un peu plus d'un milliard de dollars en matière d'achats d'avions. Prenant connaissance de cela, certains de mes interlocuteurs m'ont dit qu'il fallait venir plus souvent. Ce n'est pas exactement comme cela que les choses se passent mais c'est vrai, je le dis dans d'autres domaines, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. Nous allons donc essayer de développer dans les deux sens la proximité avec nos amis libyens.
Un dernier mot important je crois, nous avons décidé d'augmenter le nombre de la présence des jeunes Libyens en France, ce nombre va passer à 600. C'est un investissement absolument essentiel. La vision que vous avez je pense, puisque vous êtes ici, ouverts à l'international et que je partage, c'est que la France, tout en ayant bien sûr des précautions à prendre sur différents domaines, doit être un pays au XXIe siècle ouvert sur le monde. Il ne faut pas nous replier comme cela de manière frileuse, cela n'a absolument aucun sens. Il faut que nous soyons capable à la fois d'exporter nos personnes, vous êtes là, nos savoirs, nos techniques, notre culture et que nous soyons capable de faire venir à nous des jeunes du monde entier et en particulier de pays comme ceux-ci. D'abord parce que nous avons des choses à leur apporter et que, revenus chez eux, ils seront nos meilleurs ambassadeurs.
Cette idée-là de faire venir les meilleurs des jeunes, venant de partout dans le monde, c'est une idée à laquelle nous tenons essentiellement. Je regardais les chiffres et je constatais avec plaisir que plus de 10 % des étudiants sur le sol français sont des étudiants étrangers et que la France a elle seule accueille, ce chiffre est incroyable, 10 % des étudiants du monde qui font leurs études à l'extérieur. Je ne vous garantis pas que ce chiffre pourra être maintenu dans les 25 ans qui viennent, compte tenu de ce que l'on pressent comme évolution en Chine et ailleurs, mais c'est une chance extraordinaire. Il faut simplement et nous y veillerons que le problème des visas permette d'accompagner cette évolution. Ce n'est pas la peine de dire d'une part que l'on fait venir des étudiants étrangers si d'autre part, on rend l'octroi des visas impossible. Il y a là des petits problèmes de coordination mais cette vision d'une France, à la fois présente à l'extérieur grâce à vous tous et accueillante aux meilleurs de ceux qui viennent de l'extérieur est absolument indispensable dans le monde du XXIe siècle.
Voilà, encore une fois, merci pour ce que vous faites, merci pour ce que vous êtes et, compte tenu de ce que j'ai vu aujourd'hui, je dirai, dans un autre contexte que le général Mac Arthur, je reviendrai, nous reviendrons et cela me donnera l'occasion de voir qu'un certain nombre de projets dont nous avons parlé aujourd'hui sont devenus réalité.
Merci Monsieur l'ambassadeur du travail que vous avez fait avec votre collaborateur, vive la République et vive la France.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2012