Texte intégral
Je suis donc arrivé ce matin, à la demande du président de la République. Premièrement, j'ai vu le Premier ministre Benyamin Netanyahou, ensuite, le ministre des affaires étrangères israélien Avigdor Liberman, puis nous sommes allés voir le président Mahmoud Abbas et, ensuite, le ministre de la défense israélien Ehoud Barak. J'ai aussi eu des contacts avec ceux qui, à un titre ou un autre, peuvent intervenir : ce matin très tôt avec Mme Clinton, la secrétaire d'Etat américaine ; ce soir avec M. Ban Ki-Moon, le Secrétaire des Nations unies. Je me suis également entretenu avec, notamment, les ministres des affaires étrangères d'Égypte, de Turquie et du Qatar.
Il y a deux mots-clés : l'urgence et le cessez-le-feu. L'urgence, parce que la situation, dans la bande de Gaza comme ici en Israël, est très difficile. Il y a beaucoup de morts et une pression de plus en plus forte, avec des menaces considérables. Par rapport à tout cela la guerre, évidemment, n'est pas une option ; ce n'est jamais une solution. Ce n'est pas par la violence que l'on peut régler ce type de conflit. Donc urgence à intervenir et la France, qui est une puissance de paix, qui parle avec les uns et avec les autres, est là pour aider. Cessez-le-feu, puisque la traduction de cette urgence, c'est justement d'obtenir un cessez-le-feu.
Nous avons bien évidemment discuté de cela toute la journée. Il y a des discussions qui ont lieu au Caire en ce moment et il y a des discussions qui ont lieu ici. Le président de la République française a eu, dans l'après-midi, le président égyptien qui joue un rôle important et nous espérons pouvoir contribuer à l'avancée sur ce cessez-le-feu.
Après ce cessez-le-feu que nous souhaitons aussi rapide que possible, il y a des questions de fond qui ne peuvent pas être traitées immédiatement, mais on peut envisager de travailler en deux phases : d'abord un cessez-le-feu qui permettrait d'épargner des vies et, ensuite le traitement de toute une série d'autres problèmes qui se posent à Gaza et qui devrait permettre d'obtenir les garanties que souhaitent les uns et les autres.
Q - Il y a quelques instants, vous avez dit que la violence ou la guerre n'était pas une solution pour ce conflit. Comment la France aurait-elle pu résoudre un conflit si, par exemple, des missiles étaient tirés quotidiennement ou régulièrement pendant des années ou des mois sur la population de Biarritz, de Bordeaux ou de Toulouse à partir du pays basque. Comment la France aurait-elle réagi à une telle situation ?
R - C'est la raison pour laquelle nous demandons un cessez-le-feu. Je connais bien cette comparaison, même si comparaison n'est pas raison. Pour répondre sur le fond à votre question, évidemment Israël a droit à sa sécurité. De la même façon que les Palestiniens ont droit à un État et à pouvoir vivre de façon correcte. Donc par rapport à ce qu'il s'est passé, je ne vais pas entrer dans une discussion longue ou chacun a sa thèse sur le début des hostilités. Quand on discute avec les uns et les autres, on n'a pas la même version mais ce qui est important et même essentiel, c'est que l'on arrive à faire cesser le feu, puisqu'il y a des gens qui meurent, qui sont blessés. Il y en a à Gaza, il y en a aussi ici en Israël et donc, face à un conflit de cette sorte, ce n'est pas une une escalade qui va régler la question. Il faut au contraire trouver les termes d'un cessez-le-feu, ce qui n'est pas facile.
Q - Du côté israélien, on a affirmé que l'on souhaitait un cessez-le-feu inconditionnel avant d'examiner les possibilités d'un accord ou d'un arrangement. Qu'en est-il du côté du Hamas, est-il prêt à accepter ?
R - Je ne vais pas entrer dans les détails techniques. Nous avons pris langue avec les Israéliens et avec tous ceux qui sont réunis au Caire : les Égyptiens, la Ligue arabe, les Turcs et les Qataris. Il faut essayer de rapprocher les peuples, l'objectif étant le cessez-le-feu. Chacun devra avoir des garanties. Il ne m'appartient pas d'entrer dans les détails de la négociation mais nous essayons de rapprocher les points de vue.
Q - Vous parait-il envisageable que la communauté internationale ou la France accorde des garanties ou participe à des garanties ?
R - Nous sommes ouverts. C'est d'abord aux belligérants eux-mêmes de s'engager mais il y a ceux qui peuvent avoir une influence. Il est possible que pour la deuxième phase, c'est-à-dire celle qui apporte une solution aux problèmes de fond, il y ait un certain nombre de garanties internationales. Si l'on demande de l'aide à l'Union européenne, aux États-Unis, à la France, nous sommes à leur disposition, mais la volonté doit d'abord émaner des parties.
Q - La France peut-elle contribuer à un cessez-le-feu en dialoguant avec les Israéliens sans parler avec le Hamas, qui n'est pas, à la base, un partenaire de dialogue ?
R - La France veut aider à mettre en place un cessez-le-feu. Nous parlons bien sûr avec les Israéliens mais, comme vous le savez, nous n'avons pas de contact direct avec le Hamas. Selon la règle générale, tant que le Hamas n'a pas expressément renoncé à la violence et qu'il n'a pas reconnu, comme doit l'être au niveau international Israël, la règle depuis longtemps est de ne pas avoir de contact direct avec ce mouvement. Mais dans le même temps, nous parlons avec les Égyptiens, avec la Ligue arabe, avec les Qataris et avec les Turcs, et nous sommes bien au courant des demandes des uns et des autres.
Q - Comment expliquez-vous la position du président Morsi ? A-t-il pris parti en faveur du Hamas, puisqu'il y a un lien connu entre les Frères musulmans et le Hamas, ou peut-il être un véritable médiateur dans cette crise ?
R - Je pense que le président égyptien peut avoir un rôle important dans cette crise. Nous l'avons constaté lorsque nous avons eu des contacts avec la partie égyptienne mais aussi lors de mes entretiens avec les Israéliens, dont le Premier ministre Netanyahou. J'ai pu constater que le rôle important du président égyptien était reconnu.
Q - Monsieur le Ministre, quel sens donnez-vous à votre présence physique en Israël et dans les Territoires palestiniens ?
R - Il est complètement normal que la France, qui est une puissance de paix, soit présente là où celle-ci est menacée. Nous avons une position spécifique: nous sommes des amis d'Israël, on l'a vu encore récemment lors de la visite du Premier ministre israélien en France, et traditionnellement nous défendons les droits des Palestiniens. Cette position, il est normal de l'affirmer au moment où précisément la tension est très forte et l'urgence est là.
Q - Depuis votre arrivée aux fonctions et l'élection de François Hollande, il semble que le Quai d'Orsay ait amorcé un virage vers une politique plus équilibrée dans le conflit israélo-arabe. Cette politique vous permettra-t-elle d'intervenir à Gaza pour imposer un cessez-le-feu ou une trêve comme cela s'est produit au Liban avec l'envoi des Casques bleus ?
R - D'abord je voudrais ajouter que l'un des moments forts de ma journée a été ma rencontre avec le président Shimon Pérès. Je ne sais pas s'il faut comparer, et je ne suis peut-être pas le mieux placer pour comparer la politique actuelle avec la politique précédente, mais ce que je peux vous dire c'est qu'il s'agit d'une politique très active. Active bien sûr dans une région comme celle-ci, si décisive pour la paix, mais active aussi, on l'a vu ces jours derniers, dans d'autres conflits. Inutile de vous rappeler que sur la Syrie, la France est le premier pays d'Europe qui a reconnu la nouvelle coalition.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que cette nuit même, au Conseil de sécurité des Nations unies, nous avons demandé une réunion d'urgence sur ce qui se passe, qui est très grave, en République démocratique du Congo, avec des attaques du M23, qui sont, de fait, des attaques du Rwanda. Dans toute une série d'autres questions la France mène une politique très active. Cela va-t-il pour autant nous permettre de régler directement toute une série de conflits ? Nous le souhaitons mais évidemment, les choses sont complexes. En tout cas, à chaque fois que nous pouvons être utiles à la paix, on peut compter sur la France.
Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2012