Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la politique économique du gouvernement, à Berlin le 15 novembre 2012.

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Circonstance : Voyage officiel du Premier ministre en Allemagne du 15 au 16 novembre 2012 - Discours devant les chefs d'entreprise, à Berlin le 15

Texte intégral

Mesdames, messieurs, je suis venu vous parler aujourd’hui du redressement économique de la France, la tâche impérieuse à laquelle s’est attelé mon gouvernement depuis six mois. Et bien évidemment, je vais le faire en français. Je souhaite remercier chaleureusement la Süddeutsche Zeitung pour son invitation. Je connais l’attention qui est portée en Allemagne à la politique économique menée en France. De même, les évolutions en Allemagne sont toujours observées précisément dans mon pays. Cet intérêt croisé est naturel s’agissant de deux Etats qui ont décidé de lier leurs destins et qui constituent le moteur d’une Europe qui est, plus que jamais, notre avenir à tous. Et l’Europe, dans la situation actuelle, a besoin d’un moteur, d’un moteur puissant et d’un cap clair. Redresser l’économie française, voilà quelle est la priorité du président de la République François Hollande et de mon gouvernement depuis six mois. Le retour de la croissance et la réduction du chômage sont notre unique boussole. Cela passe par le désendettement de la France, le retour d’un dialogue social apaisé et fructueux et le redressement de notre compétitivité.
Car notre stratégie économique repose sur un constat lucide sur la situation de la France et sur ses atouts. Elle repose aussi sur une méthode nouvelle, le dialogue et la concertation, gages de réformes consensuelles et durables. Elle repose enfin, sur une volonté sans faille de redresser notre pays qui constitue la cohérence de notre action et je voudrais vous en rappeler les principaux jalons.
Dès le 15 mai, il y a tout juste six mois, le président de la République française est venu ici, à Berlin. Il est venu marquer l’engagement inébranlable de la France dans l’amitié avec l’Allemagne et dans la construction européenne. Dès le 15 mai, qui est aussi le jour où j’ai pris mes fonctions, nous avons travaillé à la stabilisation de la zone euro, qui est la condition première du retour de la croissance en Europe. Le Conseil européen des 28 et 29 juin a constitué un tournant de ce point de vue, avec l’adoption du Pacte européen pour la Croissance et l’Emploi et la décision de mettre rapidement en place l’union bancaire.
La situation est pour l’essentiel stabilisée, mais il nous faut continuer le travail pour consolider l’apaisement des tensions. Fort de cette stabilisation de la zone euro, le Parlement français a pu ratifier le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Le nouveau gouvernement a ainsi saisi sans attendre, pour prendre ses responsabilités et pour contribuer à la stabilité de la zone euro. Mais nous avons également pris nos responsabilités en nous attaquant résolument à nos propres déficits publics.
Le sérieux budgétaire, qui a guidé notre action depuis l’été, constitue d’abord un engagement présidentiel qui a été pris devant les Français pendant la campagne électorale et les Français nous ont donné un mandat clair : cesser de reporter sur les générations futures, le poids d’une dette en augmentation continue et reconstituer les marges de manoeuvre indispensables à l’action publique. Nous sommes conscients que ce redressement des comptes publics est aussi la condition de notre souveraineté.
Dès 2012, dès cette année, le déficit sera réduit à 4,5 % du PIB alors que si rien n’avait été décidé dès cet été, nous serions à plus de 5 %. C’était la situation que nous avons trouvée. Ce travail, nous devons le poursuivre et nous respecterons l’objectif de 3% qui a été fixé pour 2013. L’effort engagé est considérable, je dirais même qu’il est sans précédent mais en tout cas, c’est la première étape du retour à l’équilibre prévu pour la fin du quinquennat. Cet effort ne peut être accepté que s’il est marqué du sceau de la justice, qui est la préoccupation constante du gouvernement que je dirige. Si nous voulons que les Français, nos concitoyens acceptent, les efforts qui sont réels. Et puis en même temps, tout en décidant cette politique, qui est courageuse, nous avons aussi, nous nous sommes donnés les moyens de continuer à financer nos priorités et ces priorités, ce sont des conditions pour la croissance, pour l’avenir : l’éducation et la formation professionnelle, la recherche et la politique de l’emploi.
Et pour réussir dans la tâche de redressement qui est la nôtre, il nous faut, en effet, vous l’avez rappelé monsieur le président, il nous faut mettre tous les acteurs en mouvement. Et dès le mois de mai dernier, le gouvernement s’est employé à recréer les conditions d’un véritable dialogue social et à restaurer la confiance entre l’Etat et les partenaires sociaux, les employeurs comme les représentants des salariés. Le dialogue social a fait ses preuves depuis longtemps dans votre pays, ici en Allemagne. Il est indispensable pour résoudre les problèmes en profondeur et forger des réformes durables.
Et dès l’été, le gouvernement a rassemblé l’ensemble des partenaires sociaux dans une grande conférence sociale, pour réamorcer ce dialogue au service de la réforme de notre économie, dans le respect aussi de notre modèle social et de nos valeurs communes. La négociation en cours sur le marché du travail constitue un chantier essentiel, pour allier sécurité et capacité d’adaptation et d’anticipation, pour les salariés et pour les entreprises. J’attends beaucoup de cette négociation et qui si elle aboutit, je vous le dis, pour la France, elle constituera un tournant historique dans l’organisation de notre marché du travail.
Stabilisation de la zone euro, rétablissement des comptes publics, renouveau du dialogue social, tous ces éléments constituent un socle nécessaire au redressement de notre économie.
La semaine dernière, le gouvernement a pris des décisions fortes pour restaurer notre compétitivité et remettre en route notre moteur économique. J’ai demandé à monsieur Louis Gallois, qui est un industriel reconnu et expérimenté, et bien connu, pas seulement en France, mais aussi en Allemagne et en Europe, un rapport qu’il m’a remis et qui est un diagnostic indépendant, mais sévère sur l’évolution de notre économie depuis dix ans et le décrochage réel observé ces dernières années. Il a proposé une série de mesures qui sont fortes, qui sont ambitieuses, qui sont mobilisatrices, et le Gouvernement les a fait siennes et je les ai présentées dès le lendemain, comme la feuille de route, le plan d’action du gouvernement.
Les mesures que j’ai annoncées, sont sans précédent pour la France, par leur ampleur – 20 milliards d’euros d’allègement du coût du travail pour les entreprises soit moins 6 % de la masse salariale. Sans précédent également est le recours assumé pour leur financement à de nouvelles économies en dépenses qui seront le résultat des réformes structurelles ambitieuses qui permettront de rendre l’action publique à la fois plus économe de l’argent des contribuables, mais aussi plus efficace, plus performante. Là réside aussi la modernité du nouveau modèle français, que je souhaite promouvoir. La définition de ces réformes dans le dialogue et dans la durée constitue le chantier de l’année à venir.
Mais la France n’est pas seule ! Non, elle n’est pas seule ! Aujourd’hui, notre action s’inscrit évidemment dans le cadre de l’Europe et singulièrement dans la relation franco-allemande. 50 ans après la signature du Traité de l’Elysée, comment serait-il possible d’oublier, un seul instant, les liens fondamentaux qui relient plus que jamais nos deux pays, qui sont les moteurs de l’aventure européenne. Eh bien, il nous faut aujourd’hui travailler autant que nécessaire au renforcement de ce lien, tant sur le plan politique que dans les domaines économique et industriel. Il nous faut par exemple porter haut l’ambition d’une politique énergétique commune, d’une politique industrielle, d’une politique de défense, d’une politique spatiale, au service de nos deux pays bien sûr, mais comme au service de l’Europe toute entière. Car ne nous y trompons pas. L’Europe est aujourd’hui à un tournant. Nous sommes, nous les Français et nous les Allemands, face à une responsabilité historique, j’ose ce mot, dans un monde en transformation radicale.
Nous oublions parfois que l’Europe est la première puissance économique et commerciale au monde. Et nous avons des responsabilités particulières, nous sommes regardés, nous sommes écoutés, nous sommes attendus, parce qu’il n’est plus acceptable qu’en Asie, qu’en Amérique, on s’interroge sur notre propre avenir, sur notre propre destin. Nous devons revenir à un point d’ancrage dans le monde, nous devons redevenir un point d’ancrage dans le monde d’aujourd’hui et cesser d’être un point d’interrogation.
La stabilisation de la situation en Grèce, le redressement rapide de l’Espagne, et dans ces deux cas, je dois dire douloureux pour les peuples, il faut en prendre la mesure, mais ce redressement et cette stabilisation c’est avec l’aide des partenaires, c'est-à-dire nous-mêmes et elle doit être une priorité. Oui, nous avons, nous la France et l’Allemagne, une responsabilité particulière quant à l’avenir et l’intégrité de la zone euro. Et je me félicite qu’au-delà des différences naturelles d’appréciation, l’ensemble des responsables politiques, en France comme en Allemagne, et pas seulement d’un bord politique, mais aussi de l’autre, soient unis dans la défense de notre monnaie commune et convaincus de notre intérêt à ne jamais remettre en cause son intégrité. Il y a aussi aujourd’hui un consensus sur le fait qu’il ne saurait y avoir d’Europe sans croissance, mais il ne saurait y avoir d’Europe sans solidarité.
Mais en même temps, il nous faut tourner cette page, que j’évoque là. Parce que nous devons aujourd’hui passer de l’urgence à l’avenir. Et nous devons préparer l’étape suivante. Et l’étape suivante c’est celle de l’intégration de la zone euro. Nous devons aller vers une meilleure coordination des politiques économiques, une plus grande convergence budgétaire et fiscale. Les coopérations renforcées doivent être utilisées lorsqu’elles constituent la voie pour avancer, comme c’est le cas pour la taxe sur les transactions financières. Car ce n’est pas moins d’Europe mais plus d’Europe qu’il nous faut aujourd’hui. Plus de solidarité européenne.
Plus d’intégration européenne. La zone euro intégrée et solidaire que nous appelons de nos voeux impliquera de nouveaux mécanismes de contrôle démocratique qui soient adaptés, qui tiennent compte de notre histoire, qui tiennent compte de l’attente aussi de chacune de nos nations pour que les citoyens de nos deux pays ne voient plus l’approfondissement de la construction européenne comme un obstacle, comme un éloignement mais comme un moyen de leur liberté démocratique. Et si nous voulons que l’Europe redevienne populaire parce que malheureusement parfois elle ne l’est plus, parfois même plus du tout, il faut qu’elle soit vécue non pas comme une contrainte, mais comme une espérance, comme un nouveau progrès dans notre histoire commune. Alors il nous faudra être créatif. Il faudra être imaginatif. Il faudra être persuasif. Il faudra être patient aussi et pédagogue. Mais soyons clair la zone euro constitue le champ naturel de cet approfondissement. Mais nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous éloigner pour autant de nos partenaires qui ne sont pas encore dans la zone euro, mais qui ont vocation à la rejoindre bientôt, même si tous n’ont pas envie de le faire, ne le décideront pas. Mais certains y sont prêts ou s’y préparent. Car il existe un rapport dialectique entre le renforcement de la zone euro et l’approfondissement de l’union à 27.
N’opposons pas l’un à l’autre, prenons l’exemple de la Pologne. La Pologne qui commence à 100 km d’ici. Ce pays que le président de la République française, où il va se rendre demain, constitue pour nous tous un exemple, une référence. Après la disparition du rideau de fer, ce pays a décidé, après quelques hésitations initiales, mais qui peuvent parfaitement se comprendre, d’aller résolument vers l’avant en faisant le choix de l’Europe. Et il est aujourd’hui devenu l’un des piliers de l’Union européenne et rejoindra bientôt, j’en suis certain, la zone euro : il n’y a donc pas d’opposition entre l’Europe à 27, la zone euro, la souveraineté nationale, bien au contraire, il y a une vraie complémentarité.
L’Europe fait aujourd’hui face à de nombreux défis : le rééquilibrage de la croissance mondiale, le changement climatique, une multiplication des enjeux pour la sécurité. Et face à ces défis, nous devons nous placer à l’avant garde et ne pas nous replier. N’oublions jamais que nous avons mis en place dans la seconde moitié du XXe siècle la construction politique la plus innovante, ayons donc nous responsables politique, en particulier Français et Allemands le courage, le devoir de le dire à chacun de nos peuples, c’est la construction, je l’ai dit la plus innovante, mais aussi la plus moderne qui soit, après la tragédie de la première partie du XXe siècle, c’est donc que nous en avons été capables et que partout dans le monde on regarde vers nous ce que nous avons été capables de faire. Donc soyons conscients de cette force, soyons conscients aussi de nos responsabilités et de nos capacités.
Source http://www.gouvernement.fr, le 21 novembre 2012