Texte intégral
Q - Vous avez rendez-vous jeudi avec vos homologues européens pour décider ou non de démarrer des négociations sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Japon. Y êtes-vous favorable ?
R - Oui, sous certaines conditions. Quand on regarde les accords de libre-échange conclus ces dix dernières années par l'Union européenne avec différents partenaires commerciaux, je m'aperçois qu'ils ont été conclus trop rapidement. Ils sont asymétriques. La Commission ne s'est pas servie de la force de marché de l'Europe, la première au monde, pour agir sur les barrières non tarifaires et faciliter l'accès aux marchés. Quand vous regardez en particulier les chiffres concernant l'accès aux marchés publics au Canada, aux États-Unis et au Japon, vous vous apercevez qu'ils sont très fermés par rapport à l'Europe, ouverte à près de 90 %. Pour ces trois pays, avec qui l'Union envisage un accord de libre-échange, le chiffre est d'environ 30 %. Aussi, la France veut-elle faire progresser la proposition de la Commission concernant le règlement qu'elle a élaboré sur l'accès aux marchés publics des pays tiers. La commission a calculé que l'ouverture effective de ces marchés représentait un rebond de croissance potentiel de 12 milliards d'euros pour les entreprises européennes. Les chefs d'États européens, lors de leur sommet de juin et octobre, ont intégré noir sur blanc la nécessité de faire avancer ce règlement. C'est une arme dissuasive qui servirait pour engager les discussions avec le Japon. Une dizaine de pays européens sont prêts à nous suivre.
Q - Que défend la France plus précisément ?
R - Pour nous, donner un mandat à la Commission pour ouvrir des négociations sur un accord de libre-échange avec le Japon ne va pas de soi. La France avait demandé des signes d'ouverture préalables. D'abord, le Japon utilise une clause de sécurité opérationnelle pour fermer ses marchés publics, et notamment son marché ferroviaire. Ensuite, depuis 2001 et l'épisode de la vache folle, les autorités japonaises bloquent l'entrée du boeuf européen sur leur marché. Plus généralement, dans le domaine de l'agroalimentaire, les autorités japonaises contestent, pour des raisons sanitaires, les additifs utilisés par l'Union alors que nous respectons les règles internationales. Mais, au-delà, après la consultation des organisations professionnelles françaises, nous avons constaté que nous faisons face à une vraie opposition du secteur automobile. Un secteur très sensible pour la France. Aussi, je souhaite une clause de sauvegarde ouverte au secteur automobile. C'est notre condition à l'ouverture des négociations.
Q - En quoi consiste cette clause de sauvegarde ?
R - Une fois que l'accord de libre-échange est conclu et mis en oeuvre, cette clause de sauvegarde permet, si l'on constate un déséquilibre de marché, de revenir sur la libéralisation qui a été accordée. Cette demande est liée à ce que nous avons constaté dans le cas de l'accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et la Corée. Sans revenir sur les conséquences pour les constructeurs européens et français de l'ouverture du marché aux automobiles coréennes, nous pouvons nous attendre à ce que les constructeurs automobiles japonais anticipent l'accord de libre-échange. Ils vont donc prendre des positions sur le marché européen. C'est exactement ce qui s'est passé pour la Corée. A contrario, nous savons parfaitement qu'on ne vendra pas beaucoup plus d'automobiles françaises au Japon.
Q - Pourquoi se focaliser sur le seul secteur automobile et non pas raisonner sur l'ensemble de l'offre de produits européens. Tous les secteurs industriels et commerciaux européens ne peuvent-ils pas être gagnants ?
R - Vous avez raison. Mais j'ai une sensibilité particulière sur ce secteur. Je défends l'industrie automobile française, sachant qu'il faut qu'elle s'adapte aux marchés internationaux. Je ne veux pas qu'elle soit davantage fragilisée. De toute façon, je m'attends à des négociations longues et serrées. Et le problème automobile n'est pas le seul. Les barrières non tarifaires dans le domaine de l'agroalimentaire, de la pharmacie et de la santé en sont un autre. Il y a des compromis à trouver. Mais cela ne doit pas se faire au détriment d'un secteur.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 2012
R - Oui, sous certaines conditions. Quand on regarde les accords de libre-échange conclus ces dix dernières années par l'Union européenne avec différents partenaires commerciaux, je m'aperçois qu'ils ont été conclus trop rapidement. Ils sont asymétriques. La Commission ne s'est pas servie de la force de marché de l'Europe, la première au monde, pour agir sur les barrières non tarifaires et faciliter l'accès aux marchés. Quand vous regardez en particulier les chiffres concernant l'accès aux marchés publics au Canada, aux États-Unis et au Japon, vous vous apercevez qu'ils sont très fermés par rapport à l'Europe, ouverte à près de 90 %. Pour ces trois pays, avec qui l'Union envisage un accord de libre-échange, le chiffre est d'environ 30 %. Aussi, la France veut-elle faire progresser la proposition de la Commission concernant le règlement qu'elle a élaboré sur l'accès aux marchés publics des pays tiers. La commission a calculé que l'ouverture effective de ces marchés représentait un rebond de croissance potentiel de 12 milliards d'euros pour les entreprises européennes. Les chefs d'États européens, lors de leur sommet de juin et octobre, ont intégré noir sur blanc la nécessité de faire avancer ce règlement. C'est une arme dissuasive qui servirait pour engager les discussions avec le Japon. Une dizaine de pays européens sont prêts à nous suivre.
Q - Que défend la France plus précisément ?
R - Pour nous, donner un mandat à la Commission pour ouvrir des négociations sur un accord de libre-échange avec le Japon ne va pas de soi. La France avait demandé des signes d'ouverture préalables. D'abord, le Japon utilise une clause de sécurité opérationnelle pour fermer ses marchés publics, et notamment son marché ferroviaire. Ensuite, depuis 2001 et l'épisode de la vache folle, les autorités japonaises bloquent l'entrée du boeuf européen sur leur marché. Plus généralement, dans le domaine de l'agroalimentaire, les autorités japonaises contestent, pour des raisons sanitaires, les additifs utilisés par l'Union alors que nous respectons les règles internationales. Mais, au-delà, après la consultation des organisations professionnelles françaises, nous avons constaté que nous faisons face à une vraie opposition du secteur automobile. Un secteur très sensible pour la France. Aussi, je souhaite une clause de sauvegarde ouverte au secteur automobile. C'est notre condition à l'ouverture des négociations.
Q - En quoi consiste cette clause de sauvegarde ?
R - Une fois que l'accord de libre-échange est conclu et mis en oeuvre, cette clause de sauvegarde permet, si l'on constate un déséquilibre de marché, de revenir sur la libéralisation qui a été accordée. Cette demande est liée à ce que nous avons constaté dans le cas de l'accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et la Corée. Sans revenir sur les conséquences pour les constructeurs européens et français de l'ouverture du marché aux automobiles coréennes, nous pouvons nous attendre à ce que les constructeurs automobiles japonais anticipent l'accord de libre-échange. Ils vont donc prendre des positions sur le marché européen. C'est exactement ce qui s'est passé pour la Corée. A contrario, nous savons parfaitement qu'on ne vendra pas beaucoup plus d'automobiles françaises au Japon.
Q - Pourquoi se focaliser sur le seul secteur automobile et non pas raisonner sur l'ensemble de l'offre de produits européens. Tous les secteurs industriels et commerciaux européens ne peuvent-ils pas être gagnants ?
R - Vous avez raison. Mais j'ai une sensibilité particulière sur ce secteur. Je défends l'industrie automobile française, sachant qu'il faut qu'elle s'adapte aux marchés internationaux. Je ne veux pas qu'elle soit davantage fragilisée. De toute façon, je m'attends à des négociations longues et serrées. Et le problème automobile n'est pas le seul. Les barrières non tarifaires dans le domaine de l'agroalimentaire, de la pharmacie et de la santé en sont un autre. Il y a des compromis à trouver. Mais cela ne doit pas se faire au détriment d'un secteur.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 2012