Entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, dans "Le Parisien" du 5 décembre 2012, sur la situation politique en Syrie.

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Média : Le Parisien

Texte intégral


Q - Les rebelles semblent progresser dans certaines régions de Syrie. Les jours d'Assad sont-ils comptés ?
R - C'est vrai que les informations dont nous disposons vont en ce sens. De toute façon, il n'y a pas d'avenir pour un régime qui est responsable de plus de 40.000 morts, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Plus tôt il tombera, mieux ce sera pour les Syriens bien sûr, mais aussi pour l'ensemble de la région. Car nous voulons un autre pouvoir, qui respecte les droits et libertés du peuple syrien.
Q - Les États-Unis ont prévenu Damas qu'une utilisation des armes chimiques serait une ligne rouge à ne pas franchir. La France s'associe-t-elle à cette mise en garde ?
R - Nous condamnons les violences en Syrie et nous faisons tout ce qui est possible pour y mettre un terme le plus rapidement possible. Mais en recourant à des armes chimiques, le régime franchirait un nouveau seuil dans l'horreur. Les dirigeants de Damas doivent savoir que la communauté internationale ne restera pas inerte s'ils venaient à utiliser cet armement.
Q - Acculé, Assad risque-t-il de se servir de cet arsenal contre ses voisins, la Turquie notamment ?
R - Assad ne recule devant rien, il l'a déjà démontré. Il tente d'exporter les violences au-delà de ses frontières, notamment au Liban et en Turquie. Le risque est bien la déstabilisation de l'ensemble de la région. C'est la raison pour laquelle la France a manifesté son soutien à la Turquie en acceptant le déploiement, à des fins exclusivement défensives, de batteries antimissiles de l'Otan à sa frontière avec la Syrie.
Q - Vous aviez envisagé de demander une levée de l'embargo européen sur les armes pour aider les insurgés. Cette requête sera-t-elle examinée prochainement ?
R - L'opposition syrienne est maintenant rassemblée au sein d'une coalition que la France a été la première à reconnaître comme le seul représentant légitime du peuple syrien. L'embargo sur les armes, qui interdit toute livraison sur le territoire syrien, s'impose aujourd'hui à l'ensemble des États européens. Mais cette coalition souhaite pouvoir se défendre contre les attaques du régime, surtout venant de l'aviation qui largue des bombes au TNT sur des villages, des villes, des hôpitaux. C'est la question que nous avons soulevée auprès de nos partenaires européens et on ne peut pas y échapper.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 2012