Texte intégral
Nous avons eu des entretiens bilatéraux. Nous avons vu nos collègues sud-africain, américain, brésilienne, ainsi que d'autres. Je voudrais d'abord vous saluer, avec mes collègues et amis, Delphine Batho et Pascal Canfin, et puis vous dire en quelques mots le sens de notre présence ici. Nous répondrons ensuite bien volontiers à vos questions.
Quel est l'objectif que nous poursuivons à Doha ? Il y a principalement deux objectifs.
D'une part, lancer la deuxième période de l'engagement de Kyoto et mettre sur les bons rails ce qu'on appelle la plate-forme de Durban, enfin la négociation de l'instrument universel contraignant de 2015. Des discussions se déroulent en ce moment comme c'est toujours le cas dans ce genre de conférence. Nous espérons parvenir à un résultat positif ; nous y travaillons avec, en particulier, mes deux collègues et amis.
Le deuxième objectif - je l'ai confirmé officiellement -, c'est la proposition qu'avait faite le président français en disant que nous étions disponibles pour accueillir en 2015 la conférence des parties. Bien évidemment, nous allons voir quelle est la réaction des uns et des autres mais, dans la mesure où il apparaît que nous sommes les seuls candidats, cela facilite le choix.
Que souhaitons-nous ? Obtenir en 2015 un accord climat le plus positif possible, qui associe tous les pays ; accélérer la transition écologique planétaire sans laquelle je pense que vous êtes tous convaincus que nous courrons à la catastrophe ; mobiliser toute une série de moyens, notamment financiers qui ont été promis dans le passé mais qui doivent maintenant être mobilisés en termes d'aide au développement et d'investissement privé pour allier la transition écologique et la solidarité pour que notre monde soit un monde durable.
Quels moyens avons-nous ? Essentiellement des partenariats que mes collègues et moi-même à partir de maintenant allons commencer à construire à la fois avec les pays qui sont les plus mobilisés, avec les pays émergents qui ont compris l'ampleur du défi ; avec les présidences des conférences, aussi bien les conférences passées, qui ont l'expérience, que les conférences 2013-2014 pour que se mettent progressivement en place les briques qui vont conduire à un accord positif en 2015. C'est un travail diplomatique considérable. On peut même dire que le changement climatique est le nouveau grand enjeu de la diplomatie mondiale. C'est la raison pour laquelle il était absolument indispensable que mes collègues et amis, Mme Batho et M. Canfin, puissent m'épauler dans cette tâche que nous allons mener naturellement avec l'Union européenne et qui va demander de la détermination, beaucoup de dialogue et de décision. Je disais en ce sens que lorsque j'avais interrogé notre collègue sud-africaine sur Durban, sur son expérience, je lui ai demandé comment il fallait procéder.
Pourquoi la France me dira-t-on ? Parce que le gouvernement français a pris toute la mesure de l'impact du dérèglement climatique ; parce que nous avons une ambition forte pour 2015 et nous voulons apporter toute notre énergie au succès ; parce que nous avons des relations positives avec nos partenaires. La France, par cette position générale, par la façon dont elle se comporte dans ce domaine particulier, bénéficie je crois d'une confiance assez grande. Et parce que nous tenons nos engagements : j'ai donné quelques chiffres qui montrent que la France, même si personne ne doit se poser en modèle, a pris des engagements, ce qui nous donne une crédibilité dans ce domaine. Voilà le sens de notre présence à tous les trois ici.
Je remercie beaucoup les organisations nombreuses, les parlementaires et beaucoup d'autres. Nous ne pourrons pas travailler tout seuls bien sûr. La société civile doit être à nos côtés. Il faut que toutes les bonnes volontés soient rassemblées.
Nous sommes à votre disposition, Delphine Batho, ministre de l'environnement, Pascal Canfin, ministre du développement, et moi-même pour répondre à toutes vos questions.
Q - Avez-vous des idées pour éviter les échecs, pour obtenir un succès, en particulier par rapport à la proposition qui a été faite par M. Ban Ki Moon de réunir les leaders l'année précédant 2014 ?
R - M. Laurent Fabius - Sur la proposition de M. Ban Ki-moon, c'est certainement une très bonne proposition, parce que tout ce qui pourra être fait pour mobiliser les pays au plus haut niveau est tout à fait souhaitable. Il appartient au Secrétaire général des Nations unies d'en préciser les modalités mais il est certain que si on veut obtenir un succès, il faut qu'il y ait une mobilisation d'un maximum de pays au niveau le plus haut. Donc, de ce point de vue, c'est certainement une bonne chose ; d'autant que je crois qu'il a cité 2014 comme année et si nous voulons obtenir un succès en 2015, il faut que le succès soit préparé en amont.
Il faut travailler avec nos collègues : en 2013, ce sera le tour des Polonais ; en 2014, ce n'est pas encore décidé mais ce sera un collègue de la zone d'Amérique latine ; et nous en 2015. Si cette réunion à laquelle Ban Ki-moon a fait allusion se tient en 2014, cela permettra de donner une impulsion politique qui est nécessaire.
Après, comment obtenir un succès et éviter un échec ? Il n'y a pas de recette toute faite ; je crois qu'il faut être ambitieux, avoir une démarche collective, écouter les uns et les autres, tirer les leçons de l'expérience et puis aller de l'avant. Il faut avoir un élément en tête, c'est que selon toute vraisemblance, entre aujourd'hui et 2014-2015, des chiffres vont être produits - d'après ce qu'on nous indique - qui malheureusement montreront la nécessité d'agir, d'agir fort et vite. Ceci fournira une pression supplémentaire qui, pour ceux qui comme nous souhaitent qu'il y ait un changement et une vraie lutte contre le dérèglement climatique, doit nous donner une impulsion. Voilà quelques éléments, mes collègues et amis vont compléter.
R - Mme Delphine Batho - Comme l'a dit le ministre des affaires étrangères, je voulais d'abord saluer l'engagement et la présence de la France à Doha. Il est très important que la France soit présente à travers son ministre des affaires étrangères, et représentée par trois ministres. C'est un ensemble dont il faut poser les jalons en 2013. C'est un des enjeux des discussions qui sont en cours à l'heure où nous parlons : éviter un échec et, donc, construire le bon chemin de préparation avec beaucoup d'ambition, avec aussi de l'humilité, de ce que doit être un rôle de facilitateur des discussions. La clé, c'est sans doute l'échange que nous avions tout à l'heure avec Laurent Fabius, avec notamment la ministre brésilienne, c'est de relier la lutte contre le réchauffement climatique, le développement et la lutte contre la pauvreté. C'est donc la même chose que ce que nous disons en France lorsque nous disons que la transition énergétique, la transition écologique sont des leviers de compétitivité, de création d'emploi. Il faut aussi avoir cette ambition, d'en faire la démonstration positive à l'échelle internationale et d'être dans le partage du fardeau par rapport à la réduction du gaz à effet de serre qui est une nécessité absolue. Mais il y a aussi une dimension positive, le partage des opportunités, ce qui rejoint en grande partie le travail que fait Pascal Canfin aujourd'hui. L'engagement de la France, en matière d'aide au développement, c'est de relier l'aide au développement et la lutte contre le réchauffement climatique.
R - M. Pascal Canfin - La première chose, c'est que nous ayons tenu des engagements prévus à Copenhague - c'est-à-dire 1,2 milliard d'euros de financement climat - et nous sommes très clairement sur le principe de continuité des financements. Pour continuer, qu'il y ait un accord ou pas ici - mais nous souhaitons tous qu'il y ait un accord -, c'est un engagement que nous prenons de manière unilatérale et que les Européens prennent aussi.
Aujourd'hui, nous sommes assez en pointe dans ces financements climat en raison du fait que l'agence française de développement a pour obligation de financer 50 % de projets qui contribuent à la lutte contre le changement climatique, ce qui représente un montant annuel de 2 milliards d'euros. Donc, on voit bien quand on regarde uniquement la partie sur laquelle il y a eu un engagement international, à savoir 420 millions par an et le fait que d'ores et déjà il y a 2 milliards d'euros de financement dans le cadre de l'agence français de développement favorable au climat, que nous allons bien au-delà des engagements que nous avions pris. Parallèlement, il s'agit aussi de parvenir à un certain nombre d'autres financements, par exemple dans le domaine énergétique, de façon à ce que les 5 à 6 milliards d'euros d'investissement que l'agence française du développement prévoit dans les trois prochaines années dans le domaine de l'énergie, soient investis en priorité sur les énergies renouvelables, puis sur l'efficacité énergétique et dans tous les cas contribuent à la lutte contre le changement climatique.
Donc, on voit encore une fois que l'on va encore au-delà des engagements que nous avions pris et que nous sommes engagés comme le disait Delphine Batho dans une transition de nos financements. Ce n'est pas simplement une niche climat, c'est une transition générale de nos financements, en ce qui nous concerne, pour la politique de développement. Quand on parle de négociation de climat, surtout des transferts financiers dans le sud, nous sommes clairement, je pense, à la pointe de cela. L'objectif de l'agence française de développement des 50 % financement climat, c'est aujourd'hui le plus ambitieux au monde et il est tenu. On est sur quelque chose, je crois, de déjà très ambitieux.
Q - Sur l'Égypte, quelle est votre réaction par rapport à ce qui se passe dans la rue maintenant ?
R - M. Laurent Fabius - Par rapport à ce qui se passe en Égypte, j'ai une réaction de grande inquiétude et je fais un appel au dialogue. Tout ce qui s'est exprimé avec le Printemps arabe, c'est une volonté de démocratie, c'est cela la base du Printemps arabe. Il faut que l'on retrouve cette volonté de démocratie dans les comportements des uns et des autres. Donc, j'appelle vraiment à un dialogue entre les différentes parties.
Q - Vous avez vu M. Morsi ?
R - M. Laurent Fabius - Bien sûr, il y a une semaine.
Q - Vous avez exprimé votre position ?
R - M. Laurent Fabius - La violence n'est jamais une solution, c'est clair. Donc, notre position est de demander aux uns et aux autres de reprendre le chemin du dialogue et de la démocratie. C'est seulement ainsi que l'on pourra progresser en Égypte.
Q - Sur la possibilité de l'usage des armes chimiques en Syrie ?
R - M. Laurent Fabius - Nous avons dit de la façon la plus nette que l'utilisation éventuelle d'armes chimiques était une violation extrêmement grave de tout le droit international et que c'était une perspective absolument inacceptable. J'ai fait cette déclaration au nom de la France ; les Américains ont fait la même déclaration, ainsi que les Britanniques et les Russes. Il faut donc que le pouvoir actuel en Syrie se rende compte que cette perspective n'est pas acceptable. L'utilisation de ces armes chimiques par ce pouvoir ou par tout autre groupe est inacceptable. C'est clair et c'est net.
Q - Sur les systèmes anti-missile qui vont être envoyés sur la frontière de la Turquie, les Allemands vont envoyer des gens pour aider, est-ce que vous craignez (inaudible) ?
R - M. Laurent Fabius - Le système Patriot est tout à fait autre chose, il doit être installé pour empêcher l'incursion de missiles syriens dans le territoire turc, mais dans la déclaration que nous avons faite au sein de l'OTAN, nous avons bien précisé que c'était un système purement défensif. Il ne s'agit pas d'autre chose.
Q - Sur le Mali, le fait qu'une intervention risque de prendre plus de temps que prévu ?
R - M. Laurent Fabius - Sur l'objectif qui doit être poursuivi au Mali, il y a trois aspects qui doivent être pris ensemble.
D'abord, il y a un aspect politique pour faire en sorte qu'il y ait une stabilisation du pouvoir au Sud-Mali et que des discussions se tiennent entre le pouvoir légitime au Mali et les populations qui, au Nord, refusent le terrorisme. C'est nécessaire et c'est quelque chose qui a commencé.
Ensuite, il y a un aspect humanitaire, parce que la population malienne est une population pauvre, et que l'exode reste important, à la fois au Mali et dans les pays voisins.
Enfin, il faut qu'il y ait un accompagnement sécuritaire pour permettre au Mali de retrouver une armée qui soit efficace. De la part des pays africains voisins, il s'agit de mettre à disposition des forces qui permettent de lutter contre le terrorisme. Le premier enjeu au Mali, il ne faut jamais le perdre de vue, c'est la lutte contre le terrorisme et le narco-terrorisme, c'est cela l'objectif. Cela doit donc d'abord venir des Africains et, bien évidemment, la communauté internationale doit accompagner ce mouvement.
Je constate que lorsque nous avons abordé ce sujet aux Nations unies - évidemment, puisqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme et le narco-terrorisme - il aurait été incompréhensible que tel ou tel pays y soit opposé. Donc, je répète, il y a l'aspect humanitaire et l'aspect sécuritaire. L'Europe, aidera à la formation des troupes maliennes. Les pays voisins, fourniront des contingents, ils s'y sont engagés. Au niveau international, au niveau des Nations unies, une résolution va bientôt être proposée afin de donner une feuille de route.
Q - (Sur les colonies israéliennes dans les Territoires palestiniens)
R - M. Laurent Fabius - Nous avons réagi lorsque nous avons appris la décision du gouvernement israélien d'implanter de nouvelles colonies, spécialement dans la zone appelée E1. Nous avons réagi pourquoi ? D'abord, parce que les implantations sont contraires au droit international ; elles ont été condamnées plusieurs fois. Ensuite, les implantations dans cette partie précise, si elles devaient avoir lieu, couperaient la Cisjordanie en deux et empêcheraient pratiquement la solution des deux États ; ce qui est la solution retenue au niveau international. Donc, nous avons (inaudible) français mais (inaudible) demandé aux ambassadeurs d'Israël dans différents pays de venir pour que nous disions que ceci est une perspective inacceptable.
Q - Qu'est-ce qui a justifié votre déplacement à Doha ? Quel message êtes-vous venu porter ici ?
R - M. Laurent Fabius - Je suis venu en tant que ministre des affaires étrangères, avec deux collègues Mme Batho, ministre de l'environnement et M. Canfin, ministre du développement, pour dire que la question du dérèglement climatique est une question gravissime. Déjà, la perspective des deux degrés d'augmentation de chaleur semble dépassée et, si c'est le cas, cela signifie des conséquences absolument catastrophiques. Donc, il faut agir. À Doha, nous espérons que des mesures vont être prises, notamment (inaudible) Kyoto.
Et puis, la France s'est portée candidate pour accueillir les travaux sur le climat en 2015. Il faut bien sûr préparer cette conférence de 2015 qui sera extrêmement importante. C'est le nouvel enjeu de la diplomatie mondiale et il est donc tout à fait normal que le ministre des affaires étrangères français soit ici.
Q - À propos des relations bilatérales entre le Qatar et la France ? À propos de votre évaluation du rôle joué par le Qatar vis-à-vis des pays du Printemps arabe et la crise syrienne ?
R - M. Laurent Fabius - Je réponds à votre première question sur les rapports entre le Qatar et la France. Ces rapports sont excellents, j'ai eu l'occasion d'être reçu ce matin longuement par l'Émir du Qatar et puis de déjeuner avec le Premier ministre du Qatar. Nous avons échangé à la fois sur l'analyse internationale et sur nos relations. Les uns comme les autres, nous avons parlé d'amitié stratégique entre le Qatar et la France. C'est une amitié qui remonte à longtemps et qui ne s'est pas démentie. Il y a beaucoup d'entreprises françaises qui travaillent ici, il y a des investissements du Qatar en France qui créent des emplois. Il y a une dimension éducative à nos échanges, vous savez qu'il y a ici deux établissements de grande qualité, les lycées Bonaparte et Voltaire. Nous avons des relations en matière scientifique, en matière culturelle et, en même temps, nous avons des analyses identiques sur beaucoup de questions qui concernent la région. Donc, c'est une coopération extrêmement étroite et amicale ; j'ai été heureux d'avoir, avec le président français, l'occasion d'entendre confirmation de cela de la part à la fois de l'Émir et du Premier ministre, lorsque nous les avons reçus en France.
Q - Que dit la France sur le climat ?
R - M. Laurent Fabius - Nous sommes pour le prolongement de Kyoto et pour qu'il n'y ait pas de césure entre ce qui a été fait jusqu'ici et sur ce qui va être fait.
Q - Mais il faut faire beaucoup plus.
R - M. Laurent Fabius - Mais déjà faire (inaudible) et puis, si possible, faire plus. Il faut être ambitieux, vous avez raison.
Q - (Sur le Printemps arabe et sur la situation en Égypte)
R - M. Laurent Fabius - C'est une situation extrêmement préoccupante. Vous avez vu qu'il y a eu plusieurs morts et nous demandons à chacune des parties d'aller vers le dialogue. Le Printemps arabe, à l'origine, c'est la volonté démocratique. Il faut donc que l'on retrouve cette volonté démocratique dans le comportement des uns et des autres.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2012
Quel est l'objectif que nous poursuivons à Doha ? Il y a principalement deux objectifs.
D'une part, lancer la deuxième période de l'engagement de Kyoto et mettre sur les bons rails ce qu'on appelle la plate-forme de Durban, enfin la négociation de l'instrument universel contraignant de 2015. Des discussions se déroulent en ce moment comme c'est toujours le cas dans ce genre de conférence. Nous espérons parvenir à un résultat positif ; nous y travaillons avec, en particulier, mes deux collègues et amis.
Le deuxième objectif - je l'ai confirmé officiellement -, c'est la proposition qu'avait faite le président français en disant que nous étions disponibles pour accueillir en 2015 la conférence des parties. Bien évidemment, nous allons voir quelle est la réaction des uns et des autres mais, dans la mesure où il apparaît que nous sommes les seuls candidats, cela facilite le choix.
Que souhaitons-nous ? Obtenir en 2015 un accord climat le plus positif possible, qui associe tous les pays ; accélérer la transition écologique planétaire sans laquelle je pense que vous êtes tous convaincus que nous courrons à la catastrophe ; mobiliser toute une série de moyens, notamment financiers qui ont été promis dans le passé mais qui doivent maintenant être mobilisés en termes d'aide au développement et d'investissement privé pour allier la transition écologique et la solidarité pour que notre monde soit un monde durable.
Quels moyens avons-nous ? Essentiellement des partenariats que mes collègues et moi-même à partir de maintenant allons commencer à construire à la fois avec les pays qui sont les plus mobilisés, avec les pays émergents qui ont compris l'ampleur du défi ; avec les présidences des conférences, aussi bien les conférences passées, qui ont l'expérience, que les conférences 2013-2014 pour que se mettent progressivement en place les briques qui vont conduire à un accord positif en 2015. C'est un travail diplomatique considérable. On peut même dire que le changement climatique est le nouveau grand enjeu de la diplomatie mondiale. C'est la raison pour laquelle il était absolument indispensable que mes collègues et amis, Mme Batho et M. Canfin, puissent m'épauler dans cette tâche que nous allons mener naturellement avec l'Union européenne et qui va demander de la détermination, beaucoup de dialogue et de décision. Je disais en ce sens que lorsque j'avais interrogé notre collègue sud-africaine sur Durban, sur son expérience, je lui ai demandé comment il fallait procéder.
Pourquoi la France me dira-t-on ? Parce que le gouvernement français a pris toute la mesure de l'impact du dérèglement climatique ; parce que nous avons une ambition forte pour 2015 et nous voulons apporter toute notre énergie au succès ; parce que nous avons des relations positives avec nos partenaires. La France, par cette position générale, par la façon dont elle se comporte dans ce domaine particulier, bénéficie je crois d'une confiance assez grande. Et parce que nous tenons nos engagements : j'ai donné quelques chiffres qui montrent que la France, même si personne ne doit se poser en modèle, a pris des engagements, ce qui nous donne une crédibilité dans ce domaine. Voilà le sens de notre présence à tous les trois ici.
Je remercie beaucoup les organisations nombreuses, les parlementaires et beaucoup d'autres. Nous ne pourrons pas travailler tout seuls bien sûr. La société civile doit être à nos côtés. Il faut que toutes les bonnes volontés soient rassemblées.
Nous sommes à votre disposition, Delphine Batho, ministre de l'environnement, Pascal Canfin, ministre du développement, et moi-même pour répondre à toutes vos questions.
Q - Avez-vous des idées pour éviter les échecs, pour obtenir un succès, en particulier par rapport à la proposition qui a été faite par M. Ban Ki Moon de réunir les leaders l'année précédant 2014 ?
R - M. Laurent Fabius - Sur la proposition de M. Ban Ki-moon, c'est certainement une très bonne proposition, parce que tout ce qui pourra être fait pour mobiliser les pays au plus haut niveau est tout à fait souhaitable. Il appartient au Secrétaire général des Nations unies d'en préciser les modalités mais il est certain que si on veut obtenir un succès, il faut qu'il y ait une mobilisation d'un maximum de pays au niveau le plus haut. Donc, de ce point de vue, c'est certainement une bonne chose ; d'autant que je crois qu'il a cité 2014 comme année et si nous voulons obtenir un succès en 2015, il faut que le succès soit préparé en amont.
Il faut travailler avec nos collègues : en 2013, ce sera le tour des Polonais ; en 2014, ce n'est pas encore décidé mais ce sera un collègue de la zone d'Amérique latine ; et nous en 2015. Si cette réunion à laquelle Ban Ki-moon a fait allusion se tient en 2014, cela permettra de donner une impulsion politique qui est nécessaire.
Après, comment obtenir un succès et éviter un échec ? Il n'y a pas de recette toute faite ; je crois qu'il faut être ambitieux, avoir une démarche collective, écouter les uns et les autres, tirer les leçons de l'expérience et puis aller de l'avant. Il faut avoir un élément en tête, c'est que selon toute vraisemblance, entre aujourd'hui et 2014-2015, des chiffres vont être produits - d'après ce qu'on nous indique - qui malheureusement montreront la nécessité d'agir, d'agir fort et vite. Ceci fournira une pression supplémentaire qui, pour ceux qui comme nous souhaitent qu'il y ait un changement et une vraie lutte contre le dérèglement climatique, doit nous donner une impulsion. Voilà quelques éléments, mes collègues et amis vont compléter.
R - Mme Delphine Batho - Comme l'a dit le ministre des affaires étrangères, je voulais d'abord saluer l'engagement et la présence de la France à Doha. Il est très important que la France soit présente à travers son ministre des affaires étrangères, et représentée par trois ministres. C'est un ensemble dont il faut poser les jalons en 2013. C'est un des enjeux des discussions qui sont en cours à l'heure où nous parlons : éviter un échec et, donc, construire le bon chemin de préparation avec beaucoup d'ambition, avec aussi de l'humilité, de ce que doit être un rôle de facilitateur des discussions. La clé, c'est sans doute l'échange que nous avions tout à l'heure avec Laurent Fabius, avec notamment la ministre brésilienne, c'est de relier la lutte contre le réchauffement climatique, le développement et la lutte contre la pauvreté. C'est donc la même chose que ce que nous disons en France lorsque nous disons que la transition énergétique, la transition écologique sont des leviers de compétitivité, de création d'emploi. Il faut aussi avoir cette ambition, d'en faire la démonstration positive à l'échelle internationale et d'être dans le partage du fardeau par rapport à la réduction du gaz à effet de serre qui est une nécessité absolue. Mais il y a aussi une dimension positive, le partage des opportunités, ce qui rejoint en grande partie le travail que fait Pascal Canfin aujourd'hui. L'engagement de la France, en matière d'aide au développement, c'est de relier l'aide au développement et la lutte contre le réchauffement climatique.
R - M. Pascal Canfin - La première chose, c'est que nous ayons tenu des engagements prévus à Copenhague - c'est-à-dire 1,2 milliard d'euros de financement climat - et nous sommes très clairement sur le principe de continuité des financements. Pour continuer, qu'il y ait un accord ou pas ici - mais nous souhaitons tous qu'il y ait un accord -, c'est un engagement que nous prenons de manière unilatérale et que les Européens prennent aussi.
Aujourd'hui, nous sommes assez en pointe dans ces financements climat en raison du fait que l'agence française de développement a pour obligation de financer 50 % de projets qui contribuent à la lutte contre le changement climatique, ce qui représente un montant annuel de 2 milliards d'euros. Donc, on voit bien quand on regarde uniquement la partie sur laquelle il y a eu un engagement international, à savoir 420 millions par an et le fait que d'ores et déjà il y a 2 milliards d'euros de financement dans le cadre de l'agence français de développement favorable au climat, que nous allons bien au-delà des engagements que nous avions pris. Parallèlement, il s'agit aussi de parvenir à un certain nombre d'autres financements, par exemple dans le domaine énergétique, de façon à ce que les 5 à 6 milliards d'euros d'investissement que l'agence française du développement prévoit dans les trois prochaines années dans le domaine de l'énergie, soient investis en priorité sur les énergies renouvelables, puis sur l'efficacité énergétique et dans tous les cas contribuent à la lutte contre le changement climatique.
Donc, on voit encore une fois que l'on va encore au-delà des engagements que nous avions pris et que nous sommes engagés comme le disait Delphine Batho dans une transition de nos financements. Ce n'est pas simplement une niche climat, c'est une transition générale de nos financements, en ce qui nous concerne, pour la politique de développement. Quand on parle de négociation de climat, surtout des transferts financiers dans le sud, nous sommes clairement, je pense, à la pointe de cela. L'objectif de l'agence française de développement des 50 % financement climat, c'est aujourd'hui le plus ambitieux au monde et il est tenu. On est sur quelque chose, je crois, de déjà très ambitieux.
Q - Sur l'Égypte, quelle est votre réaction par rapport à ce qui se passe dans la rue maintenant ?
R - M. Laurent Fabius - Par rapport à ce qui se passe en Égypte, j'ai une réaction de grande inquiétude et je fais un appel au dialogue. Tout ce qui s'est exprimé avec le Printemps arabe, c'est une volonté de démocratie, c'est cela la base du Printemps arabe. Il faut que l'on retrouve cette volonté de démocratie dans les comportements des uns et des autres. Donc, j'appelle vraiment à un dialogue entre les différentes parties.
Q - Vous avez vu M. Morsi ?
R - M. Laurent Fabius - Bien sûr, il y a une semaine.
Q - Vous avez exprimé votre position ?
R - M. Laurent Fabius - La violence n'est jamais une solution, c'est clair. Donc, notre position est de demander aux uns et aux autres de reprendre le chemin du dialogue et de la démocratie. C'est seulement ainsi que l'on pourra progresser en Égypte.
Q - Sur la possibilité de l'usage des armes chimiques en Syrie ?
R - M. Laurent Fabius - Nous avons dit de la façon la plus nette que l'utilisation éventuelle d'armes chimiques était une violation extrêmement grave de tout le droit international et que c'était une perspective absolument inacceptable. J'ai fait cette déclaration au nom de la France ; les Américains ont fait la même déclaration, ainsi que les Britanniques et les Russes. Il faut donc que le pouvoir actuel en Syrie se rende compte que cette perspective n'est pas acceptable. L'utilisation de ces armes chimiques par ce pouvoir ou par tout autre groupe est inacceptable. C'est clair et c'est net.
Q - Sur les systèmes anti-missile qui vont être envoyés sur la frontière de la Turquie, les Allemands vont envoyer des gens pour aider, est-ce que vous craignez (inaudible) ?
R - M. Laurent Fabius - Le système Patriot est tout à fait autre chose, il doit être installé pour empêcher l'incursion de missiles syriens dans le territoire turc, mais dans la déclaration que nous avons faite au sein de l'OTAN, nous avons bien précisé que c'était un système purement défensif. Il ne s'agit pas d'autre chose.
Q - Sur le Mali, le fait qu'une intervention risque de prendre plus de temps que prévu ?
R - M. Laurent Fabius - Sur l'objectif qui doit être poursuivi au Mali, il y a trois aspects qui doivent être pris ensemble.
D'abord, il y a un aspect politique pour faire en sorte qu'il y ait une stabilisation du pouvoir au Sud-Mali et que des discussions se tiennent entre le pouvoir légitime au Mali et les populations qui, au Nord, refusent le terrorisme. C'est nécessaire et c'est quelque chose qui a commencé.
Ensuite, il y a un aspect humanitaire, parce que la population malienne est une population pauvre, et que l'exode reste important, à la fois au Mali et dans les pays voisins.
Enfin, il faut qu'il y ait un accompagnement sécuritaire pour permettre au Mali de retrouver une armée qui soit efficace. De la part des pays africains voisins, il s'agit de mettre à disposition des forces qui permettent de lutter contre le terrorisme. Le premier enjeu au Mali, il ne faut jamais le perdre de vue, c'est la lutte contre le terrorisme et le narco-terrorisme, c'est cela l'objectif. Cela doit donc d'abord venir des Africains et, bien évidemment, la communauté internationale doit accompagner ce mouvement.
Je constate que lorsque nous avons abordé ce sujet aux Nations unies - évidemment, puisqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme et le narco-terrorisme - il aurait été incompréhensible que tel ou tel pays y soit opposé. Donc, je répète, il y a l'aspect humanitaire et l'aspect sécuritaire. L'Europe, aidera à la formation des troupes maliennes. Les pays voisins, fourniront des contingents, ils s'y sont engagés. Au niveau international, au niveau des Nations unies, une résolution va bientôt être proposée afin de donner une feuille de route.
Q - (Sur les colonies israéliennes dans les Territoires palestiniens)
R - M. Laurent Fabius - Nous avons réagi lorsque nous avons appris la décision du gouvernement israélien d'implanter de nouvelles colonies, spécialement dans la zone appelée E1. Nous avons réagi pourquoi ? D'abord, parce que les implantations sont contraires au droit international ; elles ont été condamnées plusieurs fois. Ensuite, les implantations dans cette partie précise, si elles devaient avoir lieu, couperaient la Cisjordanie en deux et empêcheraient pratiquement la solution des deux États ; ce qui est la solution retenue au niveau international. Donc, nous avons (inaudible) français mais (inaudible) demandé aux ambassadeurs d'Israël dans différents pays de venir pour que nous disions que ceci est une perspective inacceptable.
Q - Qu'est-ce qui a justifié votre déplacement à Doha ? Quel message êtes-vous venu porter ici ?
R - M. Laurent Fabius - Je suis venu en tant que ministre des affaires étrangères, avec deux collègues Mme Batho, ministre de l'environnement et M. Canfin, ministre du développement, pour dire que la question du dérèglement climatique est une question gravissime. Déjà, la perspective des deux degrés d'augmentation de chaleur semble dépassée et, si c'est le cas, cela signifie des conséquences absolument catastrophiques. Donc, il faut agir. À Doha, nous espérons que des mesures vont être prises, notamment (inaudible) Kyoto.
Et puis, la France s'est portée candidate pour accueillir les travaux sur le climat en 2015. Il faut bien sûr préparer cette conférence de 2015 qui sera extrêmement importante. C'est le nouvel enjeu de la diplomatie mondiale et il est donc tout à fait normal que le ministre des affaires étrangères français soit ici.
Q - À propos des relations bilatérales entre le Qatar et la France ? À propos de votre évaluation du rôle joué par le Qatar vis-à-vis des pays du Printemps arabe et la crise syrienne ?
R - M. Laurent Fabius - Je réponds à votre première question sur les rapports entre le Qatar et la France. Ces rapports sont excellents, j'ai eu l'occasion d'être reçu ce matin longuement par l'Émir du Qatar et puis de déjeuner avec le Premier ministre du Qatar. Nous avons échangé à la fois sur l'analyse internationale et sur nos relations. Les uns comme les autres, nous avons parlé d'amitié stratégique entre le Qatar et la France. C'est une amitié qui remonte à longtemps et qui ne s'est pas démentie. Il y a beaucoup d'entreprises françaises qui travaillent ici, il y a des investissements du Qatar en France qui créent des emplois. Il y a une dimension éducative à nos échanges, vous savez qu'il y a ici deux établissements de grande qualité, les lycées Bonaparte et Voltaire. Nous avons des relations en matière scientifique, en matière culturelle et, en même temps, nous avons des analyses identiques sur beaucoup de questions qui concernent la région. Donc, c'est une coopération extrêmement étroite et amicale ; j'ai été heureux d'avoir, avec le président français, l'occasion d'entendre confirmation de cela de la part à la fois de l'Émir et du Premier ministre, lorsque nous les avons reçus en France.
Q - Que dit la France sur le climat ?
R - M. Laurent Fabius - Nous sommes pour le prolongement de Kyoto et pour qu'il n'y ait pas de césure entre ce qui a été fait jusqu'ici et sur ce qui va être fait.
Q - Mais il faut faire beaucoup plus.
R - M. Laurent Fabius - Mais déjà faire (inaudible) et puis, si possible, faire plus. Il faut être ambitieux, vous avez raison.
Q - (Sur le Printemps arabe et sur la situation en Égypte)
R - M. Laurent Fabius - C'est une situation extrêmement préoccupante. Vous avez vu qu'il y a eu plusieurs morts et nous demandons à chacune des parties d'aller vers le dialogue. Le Printemps arabe, à l'origine, c'est la volonté démocratique. Il faut donc que l'on retrouve cette volonté démocratique dans le comportement des uns et des autres.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2012