Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur la mobilisation à Pôle Emploi sur la lutte contre le chômage et la mise en oeuvre des emplois d'avenir, Paris le 23 novembre 2012.

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Circonstance : Rencontre avec le conseil d'administration de Pôle Emploi à Paris le 23 novembre 2012

Texte intégral


Thierry Repentin et moi-même tenons tout d’abord à vous remercier de cette invitation.
Au-delà des échanges réguliers que nous avons l’un comme l’autre avec Jean Bassères, que je connais et apprécie depuis longtemps, il nous semble en effet très utile de pouvoir échanger avec vous de la marche de Pôle emploi, et des réformes, en cours et à venir, dans le monde de l’emploi et de la formation qui nécessiteront l’implication de Pôle emploi pour leur complète réussite.
Pour commencer, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour votre implication constante dans l’administration de cet établissement. Je sais que la création de Pôle emploi et ses premiers pas n’ont pas été une promenade de santé. Je l’ai dis lorsque je me suis exprimé en juillet devant l’encadrement, vous étiez là aussi, la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC était une très bonne chose, mais elle est intervenu dans un contexte très difficile, a été mal anticipée et parfois pas parfaitement maîtrisée. Dans cette période le conseil a joué un rôle très important pour orienter et stabiliser en quelque sorte Pôle emploi.
Pour la période qui s’ouvre, vous avez fait preuve d’un esprit d’initiative pour améliorer le service rendu aux demandeurs d’emploi comme aux entreprises. C’est la nouvelle offre de services, au coeur de la nouvelle convention tripartite. Convention dont je vous redis que j’y adhère pleinement, avec ses trois lignes directrices : personnalisation, proximité avec les territoires et performance. Je sais que vous aurez à coeur de suivre et d’orienter au mieux sa mise en oeuvre.
Le Président de la République a fixé á tous une ambition : « inverser la courbe du chômage » d’ici fin 2013. Tout le monde doit se sentir impliqué, car c’est collectivement que nous inverserons cette tendance : entreprises, Etat, Collectivités locales, Partenaires sociaux, société civile. Et naturellement, en première ligne de ce combat, Pôle emploi.
Avec votre casquette d’administrateur de Pôle emploi, comme avec les autres, je sais que vous êtes déjà totalement mobilisés. La composition du conseil d’administration, j’y reviendrai, reflète cette mobilisation commune dans la bataille de l’emploi.
J’ai tenu dès mon arrivée à marquer mon attachement à un service public de l’emploi renforcé aux services des demandeurs d’emploi : les 2 000 CDI supplémentaires ont été pour la plupart déjà pourvu ou le seront d’ici les prochaines semaines. Je sais que Pôle emploi fera le nécessaire pour atteindre les objectifs que vous avez contribué à fixer : réallouer 2 000 ETP vers le suivi et l’accompagnement et revenir à l’équilibre des comptes en 2014 tout en améliorant l’offre de service aux demandeurs d’emploi.
Avant de laisser la place à l’échange, il m’apparait utile que l’on vous dise quelques mots sur 2 sujets :
1. La mise en oeuvre des Emplois d’Avenir, sujet d’actualité immédiate ;
2. Le futur acte de décentralisation en préparation ;
* La mise en oeuvre des Emplois d’Avenir
Lorsque le marché du travail n’offre pas d’opportunités satisfaisantes à tous, la politique de l’emploi doit apporter des solutions.
Il y a d’abord les outils existants, CAE et CIE, qui ont leur utilité. Une nouvelle dotation complémentaire de 40 000 CAE a été ouverte pour permettre de finir l’année sans avoir à « lever le pied ». Nous aurons les crédits nécessaires pour maintenir cet effort en 2013, tout en allongeant la durée moyenne de ces contrats pour une meilleure efficacité sur l’insertion.
Mais ces outils ont aussi leurs limites, et de nouvelles approches sont nécessaires. La première à se concrétiser, ce sont les Emplois d’Avenir. Vous connaissez ce dispositif, je n’ai pas besoin de vous le présenter.
Pôle emploi tient un rôle majeur dans ce dispositif, aux côté des Missions Locales et des Cap emploi. Les principes du « process opérationnel » ont été récemment finalisés. Je souhaite que ces échanges soient fluides et les plus efficaces possibles, au profit des jeunes recrutés.
Les attentes à l’égard des employeurs sont grandes puisque le poste offert doit s’intégrer dans un réel parcours de formation, afin de faire de cet emploi un vrai tremplin vers l’avenir.
Afin de garantir la bonne intégration de ces jeunes, pour la majorité sans diplôme et sans expérience, je souhaite qu’ils puissent bénéficier des formations prescrites par Pôle emploi, tant en amont du recrutement que pendant l’emploi pour en préparer la sortie. C’est d’ailleurs, je crois, l’objet d’un des points dont vous aurez à délibérer tout à l’heure.
Dans cet objectif, et dans des conditions qu’il conviendra de définir et d’encadrer, il pourra s’avérer utile de mobiliser notamment la préparation opérationnelle à l’emploi pour des jeunes ayant besoin d’acquérir des compétences clés ou des compétences sociales nécessaires à leur insertion professionnelle, ou pour l’acquisition de certaines compétences spécifiques permettant de sécuriser la prise de poste. Il ne s’agit ni d’automaticité, ni se substituer aux engagements attendus des employeurs en matière de formation. Mon souhait est juste que l’on ouvre les plus largement possible l’éventail des possibilités pour prévenir aussi le risque de rupture précoce en raison d’un défaut de sécurisation du projet professionnel ou de mauvaise évaluation des pré requis nécessaire à l’emploi.
Par ailleurs, je crois que vous délibérerez tout à l’heure de l’ouverture de certains droits à des jeunes non inscrits à Pôle Emploi. Je salue à la fois l’intention et l’ouverture qui est faite pour assurer un accès à l’emploi pérenne au sortir de l’emploi d’avenir. Et surtout j’insiste : avec les Emplois d’Avenir Pôle emploi n’est pas détournée de sa mission, il est au coeur de sa mission.
* Le futur acte de décentralisation
Vous savez que le gouvernement prépare une nouvelle étape de décentralisation.
Je l’ai dit le 2 juillet, je veux vous le redire encore pour vous rassurer si cela était nécessaire : la politique publique de l’emploi est et restera nationale. Il n’y aura pas de régionalisation de Pôle emploi –à titre durable ou même à titre expérimental. Le Gouvernement est -et restera- comptable de l’action sur le front de l’emploi, et Pôle emploi est -et restera- son « bras armé » dans ce domaine.
S’agissant de la formation professionnelle, je vais laisser la parole à Thierry Repentin pour vous présenter l’état de nos premières réflexions. Reflexions, car nous n’en sommes pas encore au stade des décisions. Je voudrais auparavant insister sur un point essentiel : dans une conjoncture de l’emploi dégradée on ne peut dissocier dans l’action politique de l’emploi et politique de formation professionnelle. C’est pourquoi et quelque soit la répartition des compétences demain les directions régionales de Pôle emploi comme les services déconcentrés de l’Etat continueront à travailler avec les régions pour l’articulation des politiques territoriales d’emploi et de formation, notamment pour établir des diagnostics partagés, et des plans d’action coordonnés, dans le respect de l’offre de service que vous avez définie.
Les CCREFP auront en ce sens un rôle primordial à jouer, que nous souhaitons encore renforcer, et je souhaite que vos directeurs régionaux puissent en devenir membre, sans voix délibérative eu égard a votre statut d’opérateur.
Thierry je te cède la parole.
Intervention de Thierry Repentin
Merci Michel, Pour ce qui concerne l’exercice de décentralisation et s’agissant du financement des actions de formation par Pôle emploi il nous faut concilier 3 enjeux :
- un enjeu de lisibilité : il est réclamé par beaucoup. Nous souhaitons conforter les régions sur leur compétence historique en matière de formation professionnelle. Il s’agit de constituer autour d’elle un bloc de compétences homogène « formation professionnelle et apprentissage ». A cet effet, nous transférons aux régions les compétences que l’Etat conserve encore.
- Un enjeu de réactivité : il faut que les conseillers de Pôle emploi puisse rapidement orienter les demandeurs d’emploi vers la formation dans le cadre de procédures simples et souples ;
- un enjeu d’optimisation des financements : il faut éviter les redondances, les concurrences et être en capacité, avec l’ensemble des financements, de couvrir l’ensemble des besoins. Le ministre vient de l’indiquer, notre ambition est de créer un bloc de compétences homogène au bénéfice des régions dans le cadre d’un « service public régional de la formation professionnelle ». Avec la création de ce nouveau service public, l’enjeu de la qualité de l’orientation des demandeurs d’emploi qui en ont besoin vers la formation devient absolument crucial. Vous connaissez les chiffres comme moi : 20% des demandeurs d’emploi ont accès à une action de formation, 40% pour le public bénéficiaire du CSP. Le principal défi est de renforcer la capacité de Pôle emploi à conseiller et orienter vers la formation le public qui en a besoin. Je ne doute pas que les modalités d’un accompagnement plus personnalisés prévues dans le cadre de « Pôle emploi 2015 » vont permettre de sécuriser cet aspect stratégique de sa mission. Au regard de ces enjeux se posent indéniablement la question de comment inscrire les interventions de Pôle emploi en matière de formation dans le cadre des objectifs de l’acte III de la décentralisation.
Le schéma sur lequel nous travaillons devra être arbitré par le gouvernement.
Aucune décision n’est prise à ce stade et ne le sera avant que la concertation –avec vous les acteurs présents autour de la table notamment- n’ait été menée. Au stade actuel de notre réflexion nous voyons les choses ainsi :
- aux régions la charge de piloter et coordonner le financement des actions structurantes régionales, qualifiantes, celles qui visent le moyen terme ;
- à Pôle emploi la charge de couvrir les besoins immédiats pour des emplois identifiés ou pour des besoins individuels. Cela signifie concrètement que :
- les achats collectifs de Pôle emploi seraient pilotés par les régions ; il reviendrait ainsi aux régions dans le cadre du CPRDFP de déterminer les objectifs et la répartition territoriale de l’ensemble des formations collectives en direction des demandeurs d’emploi. - les actions individuelles, les POE, l’AFPR resteraient à la main de Pôle emploi dans un cadre d’objectifs définis avec la région au sein du Contrat de plan de développement des formations professionnelles (CPRDFP) Mais il faudra travailler à sécuriser juridiquement ce schéma. Je suis prêt a débattre de tout cela d’une part avec les partenaires sociaux, qui ont décidé depuis très longtemps de s’investir dans la formation des demandeurs d’emploi a travers les ASSEDIC puis de Pôle emploi, et d’autre part avec avec les régions dont j’ai indiqué qu’elles verraient leur compétence renforcée.
Cette réforme, je vous l’ai dit, est notamment guidée par le souci de simplifier le paysage complexe de la formation professionnelle des jeunes et demandeurs d’emploi. C’est pourquoi je me permets de partager avec vous une interrogation connexe : ne serait-il pas opportun de baisser le seuil d’éligibilité à la POE des promesses d’emploi de 1 an à 6 mois afin de faire disparaitre l’AFPR ? La mesure peut n’avoir aucun impact financier pour les OPCA qui pourront maintenir le principe d’une prise en charge à partir d’un contrat d’un an. Mais pour le grand public comme pour les conseillers de Pôle emploi le maniement de tous ces outils serait simplifié. Je vous livre cette réflexion, je vous laisse le soin de vous en saisir ou non. - Ce nouvel acte de la décentralisation n’interviendra que dans quelques mois. D’ici là, Pôle emploi doit continuer de contribuer activement à la coordination des diagnostics et des réponses apportées par les différentes financeurs. C’est dans cet esprit que j’ai conduit la concertation autour des deux documents d’orientation sur l’insertion professionnelle des jeunes et sur l’accès à la formation des demandeurs d’emploi avec les participants de la table ronde « formation professionnelle » de la conférence sociale de juillet 2012, et auxquels votre directeur général a activement participé. Ces deux documents seront transmis aux préfets de régions et aux présidents des conseils régionaux dans les prochains jours. Je souhaite que les mesures qu’ils prescrivent soient rapidement mises en oeuvre. Je compte bien sur sur les Direccte et sur les Directeurs régionaux de Pôle emploi pour se mobiliser et
créer autour d’eux la dynamique partenariale nécessaire à la mise en oeuvre de ces plans d’action. Je rends maintenant la parole à Michel Sapin.
Michel Sapin
Un mot pour amener dans le débat encore un autre sujet de réflexion. Dans la continuité de la réforme de la décentralisation qui va renforcer les compétences des collectivités territoriales, comme des projets que le gouvernement porte en matière de gouvernance, il serait légitime que la composition du conseil d’administration de Pôle emploi puisse refléter encore mieux la pluralité des acteurs de la politique de l’emploi.
J’aimerai que vous puissiez réfléchir à son évolution dans deux directions : comment assurer une meilleure représentation des collectivités locales ? Comment associer éventuellement des représentants des salariés de l’opérateur ? En effet, le gouvernement travaille avec les partenaires sociaux à la représentation des salariés dans les instances de gouvernances des grandes entreprises privées. Pôle emploi, fort de près de 50 000 salariés, pourrait suivre également ce mouvement.
Aussi, je souhaiterais que votre Président, après vous avoir consulté, puisse nous faire des propositions dans ces deux directions, sans pour autant remettre en cause les équilibres qui ont permis la bonne marche de cette instance depuis sa création.
Merci de votre attention, et maintenant je vous rends la parole pour engager la discussion.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 30 novembre 2012