Texte intégral
Ces Assises nationales pour lHabitat des jeunes organisées par lUNHAJ sont pour moi loccasion, et je vous en remercie vivement, de répondre à la thématique que vous avez placée au coeur de cette matinée déchanges : comment les politiques publiques peuvent-elles contribuer à lautonomie des jeunes ? Quels sont les leviers qui nous permettront de structurer une politique de jeunesse ambitieuse ? Quelle sera la place des jeunes dans lélaboration de cette politique ? Et comment le mouvement pour lHabitat des jeunes peut-il contribuer à cette exigence dautonomie ?
Depuis mon entrée en fonction, j'ai rencontré de nombreux acteurs des politiques de jeunesse et de léducation populaire, des responsables associatifs, des élus locaux, des représentants dorganisations de jeunes. Leur constat est souvent lapidaire : depuis 30 ans sempilent des dispositifs en faveur des jeunes, sans amélioration globale de leurs conditions de vie, et nous voyons une accumulation dindicateurs négatifs.
Ce constat, je pense que nous le partageons tous.
Il a été également celui de François Hollande pendant la campagne présidentielle.
La jeunesse a été au centre de cette campagne, elle est aujourdhui la priorité du quinquennat !
Une priorité qui ne doit pas se réduire à cette vision stigmatisante ou réductrice de la jeunesse, mais résolument placée sous le signe de la confiance, du mouvement et de la détermination.
Cette priorité pour la jeunesse sest déjà concrétisée depuis six mois par des mesures durgence.
Tout dabord, par la première loi qui a été votée par lAssemblée nationale: celle sur les emplois davenir pour lesquels les premiers contrats viennent dêtre signés. Elle permet aux jeunes les moins qualifiés dintégrer un parcours dinsertion sociale grâce à une expérience professionnelle et une formation. 150 000 jeunes sont concernés et pour atteindre cet objectif, il faudra la mobilisation de tous, lEtat, le Service public de lemploi et les missions locales, les collectivités territoriales et les associations. Cest une mesure de justice !
Le travail est le premier sésame vers lautonomie. Nous ne pouvons pas rester les bras ballants devant la situation qui est faite aux jeunes en matière demploi, quand leur taux de chômage est de plus de 23%, alors quil se situe à un peu moins de 10% pour lensemble de la population !
Je rappelle à cet égard que le taux de pauvreté des jeunes est deux fois plus élevé que la moyenne de la population générale, soit près de 23 % des 20-24 ans qui vivent sous le seuil de pauvreté (954 par mois). Cela concerne plus dun million de jeunes ! Dans le domaine de lemploi, nous pouvons affirmer notre satisfaction que lensemble des partenaires sociaux ait signé les accords portant sur les contrats de génération.
Sur un autre front, celui du logement, le gouvernement a souhaité encadrer les loyers dans les zones urbaines les plus soumises à la pression immobilière. Cela concerne directement les jeunes qui sont très largement locataires.
La semaine dernière, une autre mesure importante a été prise à lAssemblée nationale : le remboursement à 100% des contraceptifs pour les mineures de 15 à 18 ans.
A cette liste, permettez-moi dajouter le recrutement de nombreux enseignants et dauxiliaires de vie scolaire pour assurer la rentrée des classes dès cette année.
Emploi, logement, santé, éducation, voilà des chantiers que nous avions annoncés et qui se sont concrétisés pour la jeunesse. Cétait lurgence, nous lavons fait.
Des concertations sont par ailleurs ouvertes autour des questions relatives à la politique de la ville, à lenseignement supérieur ou à laccès aux loisirs. Les décisions qui en ressortiront toucheront aussi les jeunes.
Mais désormais, nous devons aller plus loin, travailler plus en profondeur et dans la durée. Défricher de nouvelles pistes, lever les blocages de tous ordres, être ambitieux et imaginatifs !
A la demande du Premier ministre, le ministère dont jai la charge coordonne la préparation dun Comité interministériel de la jeunesse, qui se réunira au début de lannée 2013, puis au moins annuellement. Cinq groupes de travail interministériels ont été constitués et commenceront leurs travaux dès la semaine prochaine.
Leur objectif est clair : élaborer la feuille de route de chaque ministère en faveur de la jeunesse. Le cap sera ainsi fixé pour le moyen et le long terme. Cest bien de cette démarche transversale que naîtra la concrétisation de notre promesse : faire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 quen 2012.
Nous ne partons pas de rien : nous devons nous imprégner des résultats des expérimentations menées dans le cadre du Fonds dexpérimentation pour la jeunesse ; nous connaissons les nombreuses actions innovantes menées sur les territoires par les régions, les départements, les intercommunalités, les villes et les associations. En matière de logement par exemple, les actions de colocation solidaire (ou colocation de projet) et de colocation inter-générationnelle en sont au stade de lévaluation. Elles seront rendues publiques pour que laction publique nationale et celle portée par les territoires soient orientées sur la base de connaissances objectives.
Ce sera le cas pour laction AgiLoJe, Agir pour le Logement des Jeunes, projet pour « prévenir les ruptures et sécuriser laccès au logement des jeunes » développé en Ariège, et de laction « Chèque logement » pour les apprentis portés entre autres par lURHAJ Midi-Pyrénées.
Parallèlement à ce travail, nous ouvrons le chantier de lacte III de la décentralisation, et je sais que vous y êtes particulièrement attentifs. Il y a un double enjeu sur les actions en faveur de la jeunesse :
* il y a dabord à retrouver une pleine capacité, pour lensemble des collectivités territoriales, à agir en matière de jeunesse. Le précédent gouvernement avait fait le choix de remettre en cause la clause générale de compétence. Nous voulons la rétablir! Mais agir sans moyen, ou au contraire en créant des doublons, naurait pas de sens. Les financements croisés seront donc réinterrogés.
* A la question de la cohérence des politiques publiques entre les différentes strates administratives, pourquoi ne pas répondre par lexpérimentation dun chef de file en matière de jeunesse sur quelques territoires ?
* A cet enjeu du rôle essentiel des collectivités, il faut ajouter celui de lEtat. Fortement questionné depuis une dizaine dannées, absent des débats, lEtat doit reprendre sa place. Une place de régulateur, une place de conseil mais aussi dacteur, au plus près des territoires et de nos concitoyens, en particulier les plus fragilisés dentre eux.
* Les services de lEtat ont subi des changements qui ont déboussolé ses partenaires. Vous avez parfois perdu des interlocuteurs. Il faut donc retisser des liens de confiance entre lEtat, garant de léquité entre les territoires, les collectivités et les acteurs locaux, en particulier associatifs.
Instaurer des relations de confiance, cest aussi changer de méthode avec les jeunes eux-mêmes. Trop longtemps, nous avons collectivement estimé quil suffisait dimaginer des dispositifs ou des actions en leur faveur, doù le mille-feuille actuel qui rend peu lisible la politique densemble.
Ce nest pas à vous que japprendrais que nos politiques de jeunesse sont encore meilleures quand nous les construisons avec elle. Mais, ce nest pas simple ! Rendre effectif et réel le principe de co-construction est un défi en soi. Nous devons le relever ensemble !
Les organisations de jeunes ont décidé de se rassembler au sein du Forum Français de la Jeunesse, un espace pluraliste que jai installé au mois de juin dernier. Ce Forum rassemble aujourdhui 19 organisations de jeunes dirigées par des jeunes, répartis en 4 collèges : partisan, étudiant, lycéen et associatif.
Je soutiens cette démarche car elle sinscrit dans une logique de dialogue avec les pouvoirs publics et de responsabilisation des acteurs.
Le gouvernement est très clair sur son souhait de travailler avec les corps intermédiaires, cette démarche avec la jeunesse sinscrit dans cette logique.
Jajoute que cest dans la droite lignée de ce qui se fait également chez nos voisins européens. Ce Forum est très récent, il faut laider à grandir, lui permettre daccueillir de nouveaux membres sans le fragiliser ni linstrumentaliser.
Je veux créer cette confiance nécessaire qui nous permettra de travailler intelligemment ensemble. Jai donc demandé à lInstitut national de la jeunesse et de léducation populaire (INJEP) daccompagner la structuration du Forum en lui permettant daccéder aux nombreux travaux de cet Observatoire de la jeunesse.
Cest une première étape. Il faudra probablement réussir à articuler ce Forum avec les démarches locales qui peuvent exister et qui, pour beaucoup, ont un lien avec votre mouvement. Mais je pense également aux démarches engagées par certaines collectivités, régions ou départements, qui sous des appellations diverses, Assises ou Rencontres de la jeunesse, font vivre ce dialogue nécessaire. Car, je le redis avec force : il ny aura pas de politique de jeunesse réussie sans y associer les jeunes eux-mêmes.
Avec le temps et la confiance, cette relation produira des effets : sur nos manières de travailler, sur nos structures administratives, mais aussi sur nos décisions et donc sur les politiques menées. Tel est mon objectif et je suis sûre que vous serez là pour me le rappeler si nous dévions de ce cap.
Vous serez également présents pour nous rappeler à lurgence de la situation des jeunes en matière de logement. Vous y consacrez cet après-midi deux tables rondes. Permettez-moi de manière anticipée dévoquer cette question devant vous.
Un constat tout dabord : laccès au logement autonome nest plus une étape vers lémancipation, mais un obstacle et une contrainte pour de nombreux jeunes. Cest inacceptable !
La part des jeunes dans le parc social sest réduite depuis 20 ans, et le pourcentage de jeunes propriétaires devient très faible. Ces facteurs se combinent pour conduire, à linverse des évolutions générales, à une élévation de la part des jeunes logés dans le secteur locatif privé : plus de 53% aujourdhui, contre 42% en 1988.
En-dehors du secteur libre, les solutions de logement ne sont pas assez développées : logements étudiants, en résidences sociales, ou en Foyers de jeunes travailleurs. Le parc social lui-même est trop souvent inadapté aux jeunes, par manque de petites surfaces locatives, ou en raison des délais dobtention très longs.
Le gouvernement souhaite travailler autour de deux axes : le développement dune offre de logement diversifiée et la sécurisation des parcours résidentiels.
Ces orientations senrichiront des préconisations des groupes de travail dans le cadre de la préparation de la Conférence sur la lutte contre la pauvreté des 10 et 11 décembre, et du Comité interministériel de la jeunesse.
Je vous le disais au début de mon intervention : mon souhait est dinscrire clairement mon action dans une dynamique de confiance. Etape par étape, nous pouvons réussir à ouvrir un chemin, à proposer une voie qui permette aux nouvelles générations de vivre dans de meilleures conditions à lavenir, et de construire leur parcours avec le maximum doptions possibles. Je me rappelle la phrase de Léo Lagrange : « «Aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin, ouvrons-leur toutes les routes ».
Répondre aux besoins, accompagner les aspirations, construire dans le dialogue, tels sont les préalables à la confiance attribuée par les jeunes à laction publique et aux institutions.
Alors, faisons confiance à la jeunesse !
Accompagnons-la !
Aidons-la quand il le faut, sans misérabilisme !
Créons aujourdhui les conditions de leur autonomie et de leur émancipation, pour façonner demain une société où ils vivront mieux !
Cest une question de justice, mais aussi de redressement pour notre pays ! Un devoir moral et politique !
Merci pour votre attention.
Source http://www.jeunes.gouv.fr, le 23 novembre 2012