Texte intégral
En préambule à mon intervention, je voudrais dire limmense honneur et le plaisir qui sont les miens, non seulement douvrir ce symposium, mais surtout daccueillir en France, à Paris, dans ces murs de lAssemblée Nationale que je connais si bien - le cur de la démocratie française et le cur du débat républicain - de telles personnalités du monde sportif international, de telles personnalités politiques mondiales et européennes de premier plan, de grands décideurs de lindustrie pharmaceutique, tous unis sous une même bannière et liés par une même conviction : celle que nous ne devons jamais fléchir pour lutter contre le dopage. Victor Hugo dont cette salle porte le nom disait : « la vérité est comme le soleil, elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder ».
Monsieur le Président Jacques ROGGE, cest un immense plaisir que de vous accueillir à Paris aujourdhui, et je vous remercie de lhonneur que vous nous faites en assistant à ce tout premier symposium international dédié à la coopération entre lindustrie pharmaceutique et les autorités en charge de la lutte contre le dopage.
Par votre présence, vous donnez une nouvelle preuve et un nouveau témoignage de lattachement du mouvement olympique et sportif à la lutte contre le dopage. Tout le monde dans cette salle sait ce que vous doit et ce que doit au CIO la lutte internationale contre ce fléau, et je souhaitais, au nom de la France, vous en remercier une nouvelle fois.
La lutte contre le dopage doit également beaucoup à deux autres entités représentées ce matin ici à mes côtés :
- Monsieur ENGIDA, lUNESCO a fait de la lutte contre le dopage un des piliers de sa politique sportive, une politique déployée à travers le monde pour servir la noble cause de léducation et de la culture.
Son cap : la charte internationale de l'éducation physique et du sport de 1978 de lUNESCO, amendée en 1991. En 2005, ces efforts, associés à dautres, ont permis daboutir à cette Convention internationale contre le dopage dans le sport, qui est notre socle commun.
- Nous ne pouvons non plus oublier, et je me tourne vers Madame Gabriella BATTAINI-DRAGONI, le rôle déterminant joué par le Conseil de lEurope dans le combat qui est le nôtre.
Historiquement, le dopage a été la première préoccupation du Conseil de lEurope en matière de sport puisque, dès 1967, le Comité des Ministres a produit le premier instrument légal international contre le dopage des athlètes. Depuis vous navez cessé de consolider votre engagement dans ce combat.
Cest donc bien une même détermination historique à vaincre le dopage qui est le fil rouge de notre présence aujourdhui dans cette salle. Les prises de positions du CIO, de lUNESCO, du Conseil de lEurope, de nombreux gouvernements et entités internationales ont permis la mise en place de lAgence Mondiale Antidopage, présidée par M. John FAHEY ici présent. Cette agence nous lavons tous souhaitée ; nous lavons appelée de nos vux et nous avons contribué à en façonner les contours. Celles et ceux, et ils sont nombreux dans cette salle, qui avaient déjà des responsabilités dans la lutte contre le dopage en 1999, se rappellent de la difficulté que cela a représenté. Il a fallu vaincre des réticences, des doutes, des suspicions. Mais nous sommes allés jusquau bout.
Aujourdhui, nous pouvons être fiers de ce qui a été fait. Nous pouvons être fiers de ce qui est fait. Jai envie de dire que lactualité brûlante nous a démontré, au cours des semaines passées, que le dopage et ceux qui lont érigé en système, ont trouvé à qui parler.
Il est évident que nous ne pourrons éviter, à loccasion de ce symposium, de revenir plusieurs fois sur laffaire Armstrong et les enseignements que nous devons tous en tirer. Jaimerais à ce titre saluer la présence de Monsieur Travis TYGART, Président de lagence américaine antidopage, qui est ce matin avec nous dans cette salle. Car ce quil a réalisé est exceptionnel, nayons pas peur des mots. Par son professionnalisme, par sa volonté, par son attachement à faire triompher la vérité, par son exigence et son intégrité, il a fait tomber celui qui prétendait être le plus grand cycliste du monde, mais qui nétait en fait que le plus grand tricheur.
Cest la preuve absolue pour ceux qui en doutaient encore quil ny aura jamais dimpunité dans le dopage, que la vérité finira par rattraper ceux qui bafouent lesprit même du sport : la sincérité des résultats.
Il reste néanmoins beaucoup à faire. Je le disais à linstant : laffaire Armstrong et son dénouement à rebondissements doivent nous permettre de tirer des enseignements et nous obligent à réfléchir collectivement aux moyens daméliorer encore nos outils pour lutter contre le dopage. Rien nest jamais acquis. Dans le domaine de la lutte contre le dopage, peut-être encore moins quailleurs.
Ce symposium - un projet collectif à linitiative de lAMA, du ministère des sports de la France, de lUnesco et du Conseil de lEurope est une parfaite illustration que cette volonté est partagée et que nous nous donnons les moyens davancer et de progresser tous ensemble.
Cette manifestation est en effet, je crois, une première mondiale dans lhistoire de la lutte contre le dopage : à la fois par le thème choisi, mais aussi par le caractère international de linitiative. Il convient en conséquence de linscrire dans une perspective porteuse despoir pour lensemble des partenaires réunis ici, en donnant une impulsion forte et concrète à cette belle coopération.
Ce symposium doit être un moment fort pour faire prendre conscience à tous de limpérieuse nécessité dune collaboration le plus en amont possible entre lindustrie pharmaceutique et les autorités de lutte contre le dopage ; lAMA a déjà signé une déclaration commune sur la coopération dans la lutte contre le dopage dans le sport avec la Fédération Internationale de lindustrie du médicament en juillet 2010. Il faut continuer en ce sens.
La mise en uvre concrète et effective dun tel dispositif collaboratif est un sujet aussi important que complexe à réaliser. Il me semble que cet objectif doit reposer sur un intérêt partagé. Chaque partie prenante doit pouvoir en retirer des motifs de satisfaction. Les autorités en charge de la lutte contre le dopage doivent en retirer des moyens plus performants et plus réactifs afin didentifier les substances ou méthodes dopantes aujourdhui très difficiles à repérer. Lindustrie pharmaceutique doit valoriser son engagement dans cette coopération par une démarche qualité apportant des réponses vertueuses en matière de santé publique et déthique.
Oui, la politique efficace de lutte contre le dopage que nous appelons de nos vux doit reposer sur 3 piliers principaux :
1. Un soutien sans faille à la lutte contre les trafics (à travers la surveillance des réseaux, et dInternet ) et un soutien à toute stratégie améliorant lefficacité des contrôles, en confortant leur caractère véritablement inopiné.
2. Une collaboration étroite avec lindustrie pharmaceutique afin danticiper la mise sur le marché de molécules potentiellement dopantes et la mise au point des méthodes de détection correspondantes. Une telle coopération nécessite une stricte politique de confidentialité mais aussi, de la part des scientifiques industriels, une bonne connaissance des fondements physiologiques et biologiques qui sous-tendent la réalisation dune performance physique donnée.
Notre présence à tous dans cette salle montre que cette démarche est réalisable avec les grands groupes pharmaceutiques. Mais nous devons également penser aux petits laboratoires disséminés dans le monde et aux laboratoires de biotechnologie, difficilement identifiables, pour lesquels le souci de confidentialité est maximum et qui doivent pourtant être associés à nos travaux.
3. Enfin, la lutte contre le dopage doit comprendre ladossement structuré des laboratoires de détection du dopage au monde scientifique, afin de leur permettre daccéder aux méthodes danalyses les plus performantes, notamment dans le domaine du génie génétique et dans celui des techniques à haut débit. Là encore, de tels liens restent aujourdhui à inventer, en ayant à cur de préserver la confidentialité et lindépendance des uns et des autres dans le cadre de leur mission.
De notre capacité collective à apporter des réponses satisfaisantes à lensemble de ces questions, dépendra lampleur et le rythme des avancées en matière de coopération entre des partenaires qui doivent conjuguer des intérêts particuliers et collectifs. Je suis convaincue que nous pourrons trouver des réponses positives, et que ce symposium, le symposium de Paris, constituera une étape fondatrice pour la mise en rapport de deux mondes qui nont pas toujours lhabitude de travailler ensemble mais dont lassociation sera clé pour façonner et imposer un sport plus propre à lavenir.
« Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui » a dit Martin Luther King. Nous ne pouvons pas permettre quon dise que tout na pas été fait pour lutter contre le dopage, que tous les moyens nont pas été mis en place, que toutes les solutions nont pas été essayées.
En France, et je sais que cet exemple sera cité et développé, nous avons eu un exemple fort de coopération effective entre les autorités en charge de la lutte contre le dopage et l'industrie pharmaceutique. Et nous avons pu en mesurer les résultats. Je veux parler de la mise sur le marché de l'EPO de 3ème génération (CERA) qui a permis en 2008 de mettre en place un test ad hoc lors du Tour de France 2008. Cest un exemple probant qui peut, je le crois, servir de référence à la collaboration que nous souhaitons tous dans cette salle.
Collaboration, concertation, union des efforts, voilà les mots clés de cette rencontre.
Vous le savez peut-être, je suis extrêmement concernée par le sujet du dopage. De par ma formation comme médecin du sport, de par lexercice de mes fonctions auprès déquipes sportives professionnelles, de par mon travail passé et actuel au Ministère des sports, de par mon engagement politique au niveau local puis au niveau national.
Aujourdhui, avec la confiance que le Conseil de lEurope ma accordée en me désignant comme sa représentante au Comité Exécutif de lAMA, et si cette désignation est bien entérinée par lAMA, je porterai ses convictions au niveau international. Celles qui me font penser quon ne peut pas, quon ne doit pas transiger avec le dopage, et quil faut continuer, sans discontinuer, à travailler non pas contre le sportif mais pour les sportifs.
Car noublions que derrière celui qui se dope, il y a une personne qui met sa santé en péril.
Il faut impérativement, avec lAMA, avec les Agences nationales de lutte contre le dopage, aider les fédérations dans leur lutte contre ce fléau. Il est toujours difficile et compliqué à la fois de promouvoir un sport et de devoir le contrôler. Il est toujours délicat dêtre en même temps juge et parti. Et ce nest pas faire injure au mouvement sportif, bien au contraire, de lui dire quil doit travailler encore plus conjointement avec les agences indépendantes et sappuyer sur leur expertise, pour préserver la sincérité des résultats.
Lentourage des sportifs doit également avoir pleinement conscience de ses responsabilités. Je pense aux équipes médicales, aux directeurs sportifs Ils font un travail phénoménal dans laccompagnement des sportifs de haut-niveau. Mais, en matière de dopage dun athlète, leur responsabilité ne peut être ignorée. Pour eux non plus, il ny aura pas dimpunité. Le non-intéressement aux résultats sportifs me semble être la seule option pour espérer éradiquer les influences néfastes qui font que certains cèdent aux sirènes du dopage.
Sur ces sujets, je pourrai parler longtemps, mais les intervenants sont nombreux aujourdhui. Je vais donc avec grand plaisir céder la parole aux autres organisateurs de cet événement puis bien sûr au Président Rogge.
Mais je ne peux mempêcher de citer pour conclure cette phrase de dAlembert dans une lettre à Voltaire qui révèle parfaitement mon état desprit : « A quoi servirait-il d'avoir tant d'honnêtes gens dans le ministère si les gredins triomphent encore ? »
source http://presse.jeunesse-sports.gouv.fr, le 23 novembre 2012