Texte intégral
Cest avec un réel plaisir que je clôture la première édition des rencontres de lObservatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse.
Ces rencontres sont organisées par lInstitut national de la jeunesse et de léducation populaire. LInjep, établissement public de mon ministère, vient de faire paraitre le rapport « Inégalités entre jeunes sur fond de crise » à la Documentation française. Grâce notamment à ce rapport les rencontres daujourdhui ont été loccasion de débats riches et intenses.
Permettez-moi de remercier tous les acteurs présents, les intervenants et les animateurs des tables rondes, le Comité économique, social et environnemental pour son accueil et Jean-Baptiste de Foucault pour son travail de synthèse. Je tiens également à féliciter lINJEP, son président, ses personnels et tout particulièrement son directeur, Olivier Toche.
La mise en place de lobservatoire de la jeunesse était un défi. LInstitut et ses équipes lont non seulement relevé mais ont également mis en oeuvre avec efficacité les nouvelles missions qui leur ont été confiées : Jen veux pour preuves ses différentes productions aujourdhui le rapport de lObservatoire, il y a peu lAtlas des jeunes en France aux éditions Autrement. Je veux également parler de louverture de son conseil dadministration aux collectivités territoriales, signe de larticulation nouvelle à donner aux politiques de jeunesse.
Le champ daction de lInjep tourné vers l'évaluation des politiques publiques et leur mise en débat est en cohérence avec la volonté de notre gouvernement dappréhender les questions de jeunesse de manière intégrée, sur le mode du dialogue et de la co-construction.
Cette politique rapproche la France des pays européens déjà à lorigine dinitiatives semblables. Je pense à lAllemagne, la Suède, le Luxembourg, lEspagne, ou depuis 2009, la Commission européenne elle-même.
Lieu dexpertise et de croisement des recherches, des regards et des expériences, lobservatoire permet désormais de disposer de points de mesure régulièrement actualisés sur les évolutions de la situation des jeunes et sur les impacts des politiques publiques les concernant.
Ces indicateurs aideront à mieux appréhender les enjeux, à concevoir des réponses plus adaptées. Car le constat est aujourdhui alarmant.
La pauvreté des jeunes saccroît. Le taux de pauvreté des 16 25 ans est de moitié plus élevé que celui des plus de 25 ans. Alors que les jeunes de 16 à 29 ans ne représentent que 22% de la population active en moyenne sur lannée 2011, ils représentent 40% des chômeurs. Ces chiffres le prouvent : les inégalités intergénérationnelles sont indéniables.
Mais le rapport, dont je salue la qualité et la solide documentation, souligne une autre donnée importante : les inégalités intragénérationnelles. Il nexiste pas une jeunesse mais bien des jeunesses.
Écarts dans les conditions de vie au quotidien, écarts surtout dans les parcours scolaires et les destins sociaux, cet état des lieux souligne que les inégalités se creusent y compris entre les jeunes. Plus que jamais le diplôme est la variable majeure qui détermine les trajectoires professionnelles, sociales et conditionne les difficultés de l'entrée sur le marché du travail. Une donnée publiée dans cet ouvrage est évocatrice. Elle concerne cette fameuse promotion 2007 qui sert d'objet d'étude. Trois ans après leur entrée dans la vie active, 79% des Bac+5 sont en CDI, contre 39% pour les non-diplômés.
Les pouvoirs publics, et moi la première, seront attentifs à ces enjeux : développer les possibilités de seconde chance, valoriser les compétences des jeunes acquises hors de lécole, dans léducation non-formelle, léducation populaire, le service civique. Il faut permettre que les actions des jeunes en dehors du seul cadre scolaire, comme dans le secteur associatif soient encouragées, mieux prises en compte, quelles participent à lorientation professionnelle et quelles constituent un tremplin.
Sil y a bien un domaine dans lequel les statistiques nous montrent une hausse qui me réjouit cest celui de lengagement. Dans le secteur associatif, dans le secteur sportif, ils sont de plus en plus nombreux à sinvestir et à prendre des responsabilités.
Le service civique est un signe de confiance pour permettre de répondre à ce désir dengagement, dêtre utile aux autres. Au sein d'associations, de collectivités territoriales ou d'établissements publics, il ouvre une première porte vers lengagement ou une étape supplémentaire dans un parcours dengagement. Pour les 16-25 ans cest est un bel outil qui permet de conjuguer la prise dinitiatives, limplication au service de lintérêt général et une expérience très enrichissante.
20 000 jeunes auront effectué un service civique cette année, nous passerons à 30 000 lannée prochaine avec lidée de bien distinguer ses missions de lemploi, assurer une plus grande mixité sociale et un pilotage collectif du dispositif.
Mais au delà des inégalités face au diplôme s'ajoutent des inégalités spatiales, des inégalités pour se déplacer, des inégalités face au logement, des inégalités dans laccès aux soins, des inégalités face aux discriminations.
Le rapport interpelle aussi en soulignant quune part de ces inégalités est liée au fonctionnement de lécole, à celui des marchés du travail et du logement, à la distribution de loffre publique sur les territoires
Nous serons particulièrement vigilants à chaque moment où sopèrent des bifurcations : lorientation, le début des carrières professionnelles, la segmentation de loffre des politiques publiques.
Alarmante est laccentuation de la pauvreté chez les jeunes, et même de la grande pauvreté comme lavaient déjà pointé les travaux de lObservatoire national de la pauvreté et de lexclusion et les études de la FNARS, du Secours catholique. Ce point sera à lordre du jour de la prochaine conférence de lutte contre la pauvreté et les exclusions préparée par ma collègue Marie-Arlette Carlotti.
Au-delà, il nous faut réfléchir aux protections quoffre lÉtat social aux jeunes et à lamélioration de la sécurisation de leurs parcours. Je suis particulièrement sensible à lenjeu de la citoyenneté sociale des jeunes. Je veux leur permettre de recourir aux droits sociaux comme jai déjà eu loccasion de le dire dans cette enceinte lors du vote de lavis du CESE produit par Antoine Dulin du groupe des mouvements étudiants et des organisations de jeunesse.
Dans le rapport qui nous est présenté aujourdhui, je retiens cinq enjeux majeurs :
1. Permettre à tous les jeunes de se former, de choisir leur orientation et de réaliser leur insertion professionnelle ;
2. Assurer la protection sociale des jeunes, en mettant fin à la superposition de dispositifs et adopter enfin une logique de droit commun et de citoyenneté sociale ;
3. Favoriser lautonomie des jeunes, leur développement et leur engagement personnel ;
4. Construire un cadre protecteur, notamment pour les jeunes les plus fragilisés en donnant la priorité à léducation ;
5. Enfin, une nouvelle gouvernance pour une stratégie jeunesse de lÉtat visant à renforcer les capacités des jeunes, à accompagner leur parcours, à leur permettre de prendre toute leur place dans la société avec les autres générations.
Que les choses soient claires : il ny a pas une jeunesse, il y en a deux, trois, quatre, cinq Il y a autant de situation quil y a de jeunes. Ne refaisons pas les erreurs du passé. Je ne vais pas commencer à découper la jeunesse en tranches pour inventer de nouveaux dispositifs ciblés.
Les constats dressés par lobservatoire nous indiquent que lempilement actuel des mesures est inefficace. Pire, il stigmatise, il dresse nos jeunes les uns contre les autres. Mon objectif, notre objectif est bien de faire une politique pour toute la jeunesse, de restaurer la cohésion sociale, de réconcilier notre pays.
Aujourdhui, il faut changer la manière de concevoir les politiques de jeunesse.
Trente ans de politiques publiques et autant de rapports montrent que la multiplication de ces dispositifs est un millefeuille dont personne ne comprend lorganisation et dont lefficacité est extrêmement douteuse.
Le « RSA jeune » lillustre parfaitement. Voilà un dispositif qui a été pensé pour surtout ne pas être utilisé. Lors de son lancement, on estimait à 130 000 jeunes le nombre de bénéficiaires potentiels. Ils sont aujourdhui moins de 9 000 à en bénéficier alors que la pauvreté des jeunes a progressé. Les conditions daccès à ce minimum social sont évidemment en cause.
Ce rapport arrive aujourdhui mais nous ne lavons pas attendu pour agir. Près de 30% du budget de lEtat en 2013, soit 82,5 milliards deuros, sont consacrés aux jeunes de 3 à 30 ans. Ce budget est en hausse de 8% par rapport aux années précédentes, ce qui prouve bien que la priorité de notre action cest la jeunesse. Les emplois davenir deviennent depuis quelques jours une réalité. Ils sont un premier élément de réponse dans cette bataille prioritaire contre le chômage des jeunes que le gouvernement mène depuis son entrée en fonction. Pour les jeunes peu ou pas qualifiés, ils constituent une première expérience professionnelle et surtout une deuxième chance dacquérir une formation. Les jeunes veulent un travail, nous leur proposons une réponse qui va au-delà en prévoyant un accompagnement et un parcours individualisé pour leur permettre dobtenir une qualification. Avec lexpérience acquise, nous parions quà lissue de ces 3 ans, ils seront sur les rails dune intégration professionnelle et sociale réussie.
En matière de logement, le blocage des loyers dans certaines zones urbaines a été décidé. Cela concerne directement les jeunes qui sont très largement locataires de ces appartements. Ces mesures ne seront pas isolées et seront suivies de bien dautres pour permettre aux jeunes de se loger décemment.
A lAssemblée nationale, le remboursement à 100% des contraceptifs pour les mineures de 15 à 18 ans a été adopté.
A cette liste, permettez-moi dajouter le recrutement de nombreux enseignants qui ont permis dassurer la rentrée des classes.
Emploi, logement, santé, éducation, ces premières réponses se concrétisent pour la jeunesse. La jeunesse, priorité du Président de la République. La Jeunesse, priorité du quinquennat.
Cest en réponse à cette priorité que le Premier Ministre ma confié lorganisation dun Comité Interministériel de la Jeunesse. Il est loutil dune politique intégrée et cohérente de laction publique, la première pierre dune politique de long terme associant lensemble des acteurs, dont les organisations de jeunes elles-mêmes. Il se réunira, sous la présidence du Premier ministre, début 2013 et aura vocation à sinscrire dans la durée avec une fréquence annuelle rappelons quil ny a eu que 2 CIJ en 20 ans. Nous rendrons publique notre feuille de route.
Les groupes de travail interministériels sont déjà à loeuvre. Leur but : construire des réponses globales et travaillées collectivement ainsi dans cinq domaines primordiaux : la trajectoire formation emploi, laccès aux droits sociaux, lengagement et laccès aux loisirs, la protection des jeunes les plus fragiles et les questions de gouvernance et darticulation de laction publique.
Copilotés par plusieurs ministères ces groupes expérimentent une autre manière de travailler et sont lillustration concrète que la jeunesse est un sujet mobilisant lensemble du gouvernement, sous lautorité du Premier ministre, que la jeunesse est sa grande priorité.
Comme ministre de la jeunesse, je suis la cheville ouvrière de cet ensemble et mon ministère est pleinement investi. Je pense aux cadres et aux agents de la direction de la jeunesse, de léducation populaire et de la vie associative, ainsi quà ceux de lInjep.
Depuis quelques semaines, jai rencontré la plupart de mes collègues pour construire ce Comité. Tous sont déterminés, conscients des enjeux, des espoirs suscités, et des réponses, concrètes, que nous devons absolument apporter.
Parmi ces réponses, nombreuses sont celles qui sont déjà en réflexion et qui devront être coordonnées notamment à loccasion du CIJ Pour lemploi, je pense à la sécurisation des parcours, les jeunes sont les plus précaires et les moins couverts par lindemnisation chômage, et au contrat de génération Pour la formation : laccès à un droit au parcours, marqué par la possibilité davoir une 2è, une 3è chance qui doit être la concrétisation dun droit à la formation tout au long de la vie pour tous. Pour le logement : nous voulions créer un système de garantie solidaire pour les jeunes mais, en travaillant avec Cécile Duflot, il nous semble plus logique de construire un système universel. Cela permet de répondre à une situation qui ne concerne pas que les jeunes, de ne pas les stigmatiser, et de rendre le risque plus collectif. Pour la santé : je pense à la facilitation daccès au fonds CMU alors quils y ont droit, avec Marisol Touraine, nous voulons faciliter leur accès à ce dispositif pour tous.
Pour les étudiants, je pense à lallocation détudes dont le chantier va être ouvert par Geneviève Fioraso. Quant à la question du RSA jeunes, elle fait partie de celles posées dans le cadre de la conférence de la pauvreté. Nous ferons le lien avec les travaux du CIJ pour quune réponse cohérente soit apportée sur la question des ressources.
Voilà nos premières pistes de travail.
Les constats sont connus et partagés depuis déjà un moment. Il y a toujours lieu de les renouveler et de les préciser, la publication du rapport et les travaux daujourdhui nous sont, de ce point de vue, très utiles. Ils nous rappellent quil est plus que temps dagir.
Pour commencer, lÉtat doit reprendre la place qui est la sienne dans un domaine et des sujets sur lesquels il est attendu, et dont il était absent ces dernières années. Je pense à la transversalité et à larticulation des politiques entre-elles. Régulièrement lÉtat était questionné sur son rôle, la place quil devait occuper. Je vous le dis aujourdhui très tranquillement lÉtat revient dans le jeu. Non pour tout faire, non pour dire ce que les autres doivent faire mais oui pour prendre sa place, toute sa place. Il y a urgence, il faut agir, agir ensemble, tous ensemble.
Mon rôle, en tant que ministre chargée de la jeunesse, est dêtre présente pour rassembler les réflexions, aider à fixer le cap et entrainer tout le monde dans la même direction : lÉtat, les partenaires sociaux, les collectivités territoriales, les associations et les organisations de jeunes.
La méthode est nouvelle. Elle prendra un peu de temps pour être totalement efficace mais, je le rappelle, nous nous inscrivons dans la durée : pour quen 2017, les jeunes vivent mieux quen 2012.
Sur la méthode encore, nous avons trop longtemps imaginé quil suffisait de bâtir des actions et des politiques en faveur des jeunes pour quelles soient satisfaisantes. Je veux également changer cela avec le principe de co-construction au coeur de la méthode. Avec les jeunes comme avec les autres acteurs.
Le Forum Français de la Jeunesse, qui réunit 19 organisations de jeunes dirigées par des jeunes, permettra de dialoguer directement avec les jeunes dans la durée. Ce nest pas mon outil, cest celui que les organisations de jeunes, dirigés par des jeunes, ont souhaité se donner. Je respecte leur choix en soutenant leur démarche et en faisant deux un interlocuteur régulier de lÉtat.
Car il faut bâtir les conditions dun dialogue structuré, un dialogue qui soit à la fois pérenne et bien réel. Je men porte garante.
Tous les jours, je rencontre des jeunes. Je les écoute lors de mes déplacements et des moments que je partage avec eux. Dans toute leur diversité, ils me confortent dans cette conviction quils ne sont en aucun cas résignés, ils ont des idées et des propositions. Samedi matin encore, jétais à Grenoble et que ce soit à La Villeneuve, quartier populaire, ou aux Assises régionales de la jeunesse, les jeunes mont dit la même chose : nous avons des difficultés quil faut résoudre mais nous sommes là et nous pouvons agir, faites-nous confiance et ce sera déjà un grand pas.
Confrontée à bien des obstacles pour trouver toute sa place dans la société, à la mesure de son énergie et de ce quelle peut apporter, bien intentionnée, mais souvent sans boussole, la jeunesse ne demande quà se lancer et franchir le premier pas. A condition quon lui reconnaisse plus quaux autres le droit à lerreur, le droit aux doutes.
En quête de sens dans ce quils entreprennent, les jeunes revendiquent leur désir dautonomie et ne demandent quà se réaliser, sans vouloir systématiquement ressembler aux générations qui les ont précédées.
Nous devons être à leur côté en ces instants déterminants pour les accompagner, valoriser leurs avancées, les rassurer sur leurs échecs et tout faire pour résoudre les situations bloquées. Nous devons créer les conditions de leurs choix, et non pas les faire à leur place en décrétant ce qui est bon pour eux.
En mai dernier, la jeunesse a voté pour une politique jeunesse ambitieuse, le gouvernement en a fait sa priorité, et nous sommes au rendez-vous.
Cest le coeur de notre défi quotidien, le coeur de notre projet gouvernemental, à la hauteur de notre ambition : redonner espoir à la jeunesse. Alors faisons lui confiance !
Source http://www.jeunes.gouv.fr, le 5 décembre 2012