Déclaration de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur l'enseignement artistique et culturel dans le cadre de la refondation de l'école, Paris le 21 novembre 2012.

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Circonstance : Installation du Comité de pilotage de la consultation nationale sur l'éducation artistique et culturelle à Paris le 21 novembre 2012

Texte intégral


Nous allons ensemble ouvrir aujourd’hui une nouvelle et importante étape dans le chantier national de l’éducation artistique et culturelle que nous avons présenté ce matin Vincent Peillon et moi en conseil des ministres : je remercie chaleureusement chacun d’entre vous de votre présence et d’avoir accepté de vous mobiliser pour contribuer à ces travaux.
Je n’ai évidemment pas besoin de vous dire pourquoi cet enjeu est si important : la rencontre vivante avec l’art, avec le patrimoine, on le sait tous, est d’abord un enjeu démocratique qui concerne notre capacité à ce que tous les jeunes, pas seulement ceux des grandes villes et des quartiers favorisés puissent bénéficier de cette ouverture que constitue toujours la fréquentation d’un musée, d’un monument, le contact avec une oeuvre, dans un cinéma, un théâtre, une salle de concert etc. A condition que ce contact, ces fréquentations soient de véritables occasions d’accès à l’art et à la culture. L’enjeu étant de créer les conditions pour que les jeunes disposent des clés d’accès à cet univers.
Je n’ai pas à vous convaincre du rôle que peut avoir l’art et la culture dans la construction de la personnalité, dans l’ouverture de l’imaginaire, dans la réconciliation avec le gout et le désir d’apprendre. C’est de cela qu’il s’agit, permettre aux jeunes de devenir de véritables amateurs, notamment ceux qui n’ont pas de par leur milieu ou leur situation géographique les codes ou les clés pour aller vers des lieux ou des univers qui leur semblent trop éloignés pour qu’ils se les approprient.
Enjeux démocratique, enjeux de solidarité et d’intégration car la fréquentation des bibliothèques, des salles de cinémas, des théâtres, implique de savoir vivre ensemble dans des lieux de mixité et de tolérance.
De tout cela je sais que vous êtes comme moi convaincus.
Ce que nous devons gagner désormais c’est la bataille de la généralisation de l’éducation artistique et culturelle sur tout le territoire.
Car s’il existe déjà beaucoup d’actions, à l’école et en dehors de l’école, des actions souvent remarquables, elles ne sont pas assez reconnues, pas assez lisibles et ne touchent pas tous les jeunes .Or la culture est un droit pour chacun.
Est-ce à dire que l’EAC serait un serpent de mer, toujours annoncé, jamais complètement abouti ? Est-ce à dire que nous ne savons pas tirer les leçons des multiples rapports, des propositions qui existent, à commencer par le plan Lang/Tasca dont l’ambition a été rognée puis annulée 2 ans après son lancement .Comment inverser les choses ?qu’est ce qui va changer aujourd’hui ?
Ce qui change aujourd’hui, c’est que nous voulons partir de ce qui se fait sur les territoires pour aller plus loin. Je sais qu’il se fait, à l’école, dans les collèges, les lycées, à l’Université, mais aussi dans les associations de quartiers, dans les institutions culturelles beaucoup de choses souvent exemplaires. La question est de pérenniser et d’étendre, de généraliser progressivement, en partant de l’existant, les énergies présentes et les partenariats structures sur les territoires. Notre volonté est d’être pragmatiques et ambitieux à la fois.
Nous partirons de la notion de parcours d’éducation artistique et culturel qui a été dégagée par la concertation sur la refondation de l’école et qui fera partie des enjeux posés par la réforme portée par le ministre de l’Education Nationale. Un parcours qui allie les enseignements, la pratique artistique et la rencontre avec les oeuvres, les artistes et les institutions.
Le temps est également venu de privilégier une approche territoriale de l'éducation artistique et culturelle, partant là aussi des pratiques et de l'expérience des territoires.
Les politiques éducatives et culturelles que les collectivités territoriales développent sont des leviers essentiels pour la généralisation de l'éducation artistique et culturelle, permettant de conjuguer l'ambition éducative et les objectifs de développement culturel et de cohésion sociale des territoires.
C’est pourquoi il faut décider dès maintenant et clairement les conditions de la mise en oeuvre de contrats régionaux d’EAC .Il vous reviendra de me faire des propositions concrètes pour définir leur «cahier des charges» et donner des cadres.
C’est dans cette optique que votre comité a été constitué.
Avec Marie Desplechin pour présidente : je souhaitais que ce soit un artiste qui pilote votre travail. Un artiste qui comme Marie Desplechin a l’expérience concrète de la rencontre avec des jeunes, de ce qui se joue, ou de ce qui échoue, comme elle l’a montré cet été dans les portraits des collégiens de Lille Sud qu’elle a publié dans le Monde.
Merci à Jérôme Bouet, inspecteur général des affaires culturelles qui a accepté de seconder Marie et d’être le rapporteur de votre consultation.
Ancien Drac, et directeur en administration centrale il a l’expérience et les convictions pour remplir cette mission y compris dans les délais contraints.
Je remercie aussi Sylvain Groud chorégraphe que j’ai eu l’occasion de voir travailler avec des collégiens à Montbéliard, Françoise Legendre directrice des bibliothèques du Havre et auteur pour la jeunesse, d’apporter leur expérience du travail dans les quartiers.
J’ai souhaité que votre comité fasse une place importante aux élus, et je remercie vivement les élus qui ont accepté de participer à ces travaux, je sais de quel engagement cela témoigne et je remercie chacun d’entre vous. Pour moi ce chantier de l’EAC ne pourra réussir que parce que nous aurons su trouver de nouvelles modalités de relation entre l’Etat et les collectivités territoriales, c’est un chantier exemplaire de la manière dont nous allons désormais allier nos compétences.
Merci Nicole Belloubet, vice présidente du CR de Midi Py, ancienne rectrice, votre participation à ce comité va faire le lien avec la concertation sur la refondation de l’école, puisque vous avez assuré la présidence du groupe de travail qui a notamment ouvert la réflexion sur l’EAC.
Merci aux deux représentants des Conseils généraux, Vincent Eblé pour le 77 et Mme Françoise Polnecq, vice présidente du CG, élue de Hazebrouck, pour le Nord, deux départements engagés fortement sur des priorités d’aménagement culturel des territoires et qui ont fait de l’EAC un levier de ces priorités.
Je salue la présence d’élus des communes, M. Yves Fournel président de l’association des villes éducatrices et aussi adjoint au maire de Lyon, qui apportera son engagement et sa conviction des liens entre culture, éducation et territoire de vie. Il sera en binôme avec Paul Bron, élu de Grenoble, M. Pascal Jaillet maire de Cosnes sur Loire qui est très impliqué dans un contrat local d’éducation artistique et qui apportera la dimension essentielle des communes en territoires ruraux.
J’ai également souhaité que votre comité intègre des compétences et l’expérience de sociologues, de philosophes dont les recherches vont éclairer et interroger les praticiens du terrain. Définir un cahier des charges ce n’est pas seulement viser l’action immédiate, c’est dans le même temps réfléchir aux conditions d’une ambition pérenne, d’un projet durable, éducatif et sociétal.
Marie-Josée Mondzain, votre réflexion sur la question de l’image, de l’éducation (ou non !) du regard, votre immense connaissance des questions d’art et d’esthétique seront un éclairage fondamental. Anne Barrère, vous qui êtes spécialiste de l’école buissonnière, nous sommes intéressés par la prise en compte de questions pas forcément toujours reconnues sur les chemins de traverses et le «bricolage» intelligent qui ouvre les portes et les fenêtres du savoir à ceux qui en sont éloignés. Marianne Alphant, vous qui êtes à la fois historienne d’art, journaliste, écrivain, et qui avez longtemps dirigé les «revues parlées» au sein du Centre Pompidou, je compte sur votre esprit critique, sur votre capacité à bousculer les consensus trop rapides, les pensées trop molles sur ce sujet qui ne doit pas être simplifié et édulcoré, celui du rapport vivant à l’art.
Je me réjouis que Lucien Pietron apporte sa connaissance de la réalité d’un collège lorrain à nos travaux.
Enfin je remercie tous les représentants des ministères qui vont participer aux travaux afin de veiller aux conditions auxquelles les cahiers des charges de l’EAC pourront être mis en oeuvre. Nous sommes heureux notamment de pouvoir bénéficier du point de vue de la Déléguée académique à l’action culturelle de Bourgogne Agnès Pigler, qui avec Jacqueline Broll, conseillère à la Drac de Rhône-Alpes, sera attentive aux réalités des partenariats et des territoires.
Vous allez être accompagnés par une équipe coordonnée par Anne Coutard qui a préparé vos travaux et qui continuera à les nourrir et à les documenter, notamment en rassemblant les informations sur les exemples les plus pertinents à faire connaitre. Je ne crois pas qu’il y ait de modèles ou de recettes types, mais sans doute des expériences à faire connaître des dynamiques à montrer.
Je vais maintenant laisser Claire Lamboley et Véronique Chatenay-Dolto présenter l’organisation de vos travaux, mais tout d’abord passer la parole à Marie Desplechin pour qu’elle nous donne son point de vue et nous dise pourquoi elle a accepté de s’engager dans ce chantier.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 30 novembre 2012