Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je me réjouis de l'occasion qui nous est donnée, à la veille du prochain Conseil européen, de débattre ensemble des principaux défis qui se présentent et de remettre en perspective l'action du gouvernement au sein de l'Union européenne depuis six mois. Un certain nombre d'éléments de l'action de l'actuel gouvernement s'inscrivent dans la continuité de celle du gouvernement précédent ; d'autres sont davantage en rupture ou marquent une réorientation. Je souhaite profiter de ce débat non seulement pour répondre aux questions que vous voudrez bien m'adresser concernant vos préoccupations, mais aussi pour présenter la stratégie de la France au sein de l'Union au moment où les économies de l'Union européenne sont confrontées à une crise profonde et à ses défis quotidiens.
La stratégie du gouvernement français face aux défis de la crise est simple. Elle s'articule autour de trois objectifs qui nous ont conduits, depuis six mois, à prendre un certain nombre d'initiatives, souvent en liaison avec nos partenaires de l'Union européenne.
Le premier objectif que nous poursuivons est celui de la réorientation de la politique européenne dans le sens de la croissance. Comme le président de la République a déjà eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises, au terme des Conseils européens ou des réunions bilatérales avec ses partenaires de l'Union européenne, nous considérons qu'il n'y aura pas de croissance en Europe si nous n'arrivons pas à engager le redressement de nos comptes et à restaurer notre compétitivité. Dans le même temps, nous savons qu'il n'y aura pas de redressement ni de compétitivité si nous ne sommes pas capables de faire des efforts de réduction de nos déficits. Nous avons donc la double préoccupation de la croissance et du redressement de nos comptes : c'est là le fil rouge, le sens profond de l'action dans laquelle nous nous sommes engagés au sein de l'Union européenne depuis six mois.
S'agissant des initiatives de croissance, je rappelle les sujets sur lesquels nous sommes mobilisés. Il y a d'abord eu, à l'occasion du Conseil européen de juin, la mise en oeuvre du plan de croissance de 120 milliards d'euros décidé par les vingt-sept pays de l'Union européenne et destiné à faire en sorte, dans un contexte de récession extrêmement profond, que nos économies puissent retrouver un peu de dynamisme. Ce plan de 120 milliards d'euros se répartissait en trois enveloppes : 55 milliards de fonds structurels à mobiliser, 10 milliards de recapitalisation de la Banque européenne d'investissement lui permettant d'accorder des prêts à hauteur de 60 milliards d'euros, et 4,5 milliards de project bonds destinés à accompagner au sein de l'Union européenne les projets les plus innovants.
Il m'est arrivé d'entendre sur certains bancs quelques interrogations sur la réalité de ce plan. Je veux indiquer aux parlementaires qui s'interrogent qu'ils pourront trouver auprès de la commission l'ensemble des documents retraçant les règlements pris par la Commission européenne, ainsi que par le conseil d'administration et le conseil des gouverneurs de la Banque européenne d'investissement, de sorte que la recapitalisation de cette dernière, le développement d'une nouvelle enveloppe de prêts et la mise en oeuvre des règlements nécessaires à la mobilisation des 55 milliards d'euros de fonds structurels se produisent dans des délais permettant la mise en oeuvre effective du plan de croissance au début de l'année 2013.
Mais ce plan pour la croissance de 120 milliards d'euros n'est pas pour solde de tout compte. Il appelle de notre part d'autres initiatives. Je pense notamment au budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, qui n'a pas fait l'objet d'un compromis que nous souhaitions pourtant lors du dernier Conseil européen, il y a une dizaine de jours.
Je profite de ce débat préalable au Conseil européen de la fin de la semaine pour rappeler la position de la France concernant le budget de l'Union. Nous souhaitons d'abord que la négociation de ce budget ne se réduise pas à une discussion sur les coupes et les rabais. Un certain nombre de pays - notamment le Royaume-Uni et la Suède - souhaitent que le budget de l'Union européenne fasse l'objet d'une diminution très sensible par rapport aux propositions de la Commission. Cette diminution serait de l'ordre de 200 milliards d'euros. C'était d'ailleurs la position du précédent gouvernement, que nous n'avons pas reprise à notre compte.
Nous considérons que le budget de l'Union européenne doit être doté d'une enveloppe suffisante pour permettre d'agir en faveur de la croissance. Nous considérons aussi que l'approche européenne résolument solidaire qui doit inspirer la politique de notre pays ne doit pas nous conduire à encourager les États qui demandent, en même temps que des coupes, des chèques pour eux-mêmes.
L'Europe mérite beaucoup mieux que cela ! Plutôt que de donner des chèques à certains de ses États membres, elle mérite un budget permettant d'encourager la croissance et de favoriser l'innovation, les transferts de technologies et la politique industrielle. Elle mérite un budget permettant de disposer de l'enveloppe dont nous avons besoin pour la Politique agricole commune et pour la politique de cohésion, dont on sait à quel point elle a contribué à développer les investissements sur l'ensemble des territoires de l'Union européenne.
Nous ne voulons pas que la négociation sur le budget de l'Union se réduise à des coupes et des rabais. Nous voulons un bon équilibre entre les différentes politiques de l'Union européenne. Nous voulons également - c'est l'objet de notre mobilisation - que le budget de l'Union européenne soit doté de ressources propres ne dépendant pas que de la contribution RNB allouée par les différents États membres, laquelle est de plus en plus contrainte compte tenu de l'obligation des États de rétablir leurs comptes. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour l'adoption de la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée.
La lettre signée par onze États membres a été adressée à la Commission, et nous souhaitons que le produit de la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée puisse constituer, à terme, l'une des ressources propres du budget de l'Union européenne, afin que ce dernier dispose enfin de perspectives dynamiques.
Enfin, s'agissant de la croissance, par-delà le plan de croissance de 120 milliards d'euros et la réorientation de notre position relative au budget de l'Union européenne, nous voulons approfondir les réflexions sur le marché intérieur. Nous devons faire en sorte que celui-ci ne soit pas simplement une machine à harmoniser - même si elle est nécessaire -, ni le creuset d'inspiration de politiques libérales, mais qu'il permette aussi de développer les orientations de l'Europe sociale, qu'il s'agisse de la portabilité des droits sociaux et de la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'ensemble des salariés de l'Union européenne, ou de la mise en place de véritables garanties sociales pour les travailleurs de l'Union, allant jusqu'à l'instauration d'un salaire minimum dont l'Europe a besoin si elle veut que le marché intérieur constitue une véritable opportunité d'harmonisation fiscale et sociale dans l'Europe. La croissance : voilà ce que nous voulons faire ! Ensuite, nous voulons travailler à la remise en ordre de la finance. Contrairement à ce que veulent démontrer certaines théories parfois sommairement développées, y compris dans cet hémicycle, une grande partie de la crise à laquelle l'Europe est confrontée ne résulte pas de la crise des dettes souveraines. Non : la crise de l'Europe résulte du fait que la finance devenue démente et la spéculation désormais sans limite ont conduit les banques à procéder à des investissements spéculatifs hasardeux qui les ont amenées à disposer dans leur actif de produits qui n'étaient pas ceux que l'on utilise généralement pour financer l'économie réelle. Par conséquent, nous avons été confrontés à une véritable crise bancaire qui a nécessité une recapitalisation des banques, parce que ces dernières n'étaient plus en situation de financer l'économie réelle, et que le désordre qui s'était emparé des banques et des marchés financiers avait engendré dans l'ensemble de l'économie européenne un désordre justifiant qu'on y mette fin.
C'est la raison pour laquelle la France a souhaité, lors du Conseil européen de juin, que l'on engage résolument l'Europe sur la voie de l'union bancaire, c'est-à-dire de la supervision de toutes les banques européennes, afin que les désordres ayant conduit aux errements d'hier ne soient plus possibles demain. Cette supervision bancaire doit s'accompagner d'un système de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des épargnants, de sorte que l'union bancaire puisse offrir à l'économie européenne un système financier stabilisé, transparent, à même de financer durablement l'économie réelle.
Après le Conseil européen de juin qui avait arrêté le principe de la supervision bancaire et de la recapitalisation des banques par le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds européen de stabilité financière, après le Conseil européen d'octobre qui avait stabilisé la supervision bancaire dans son périmètre, la supervision de toutes les banques, et dans ses modalités, la supervision par un acteur unique, la Banque centrale européenne, nous insisterons, lors du Conseil européen de la fin de la semaine, sur la nécessité de consolider cet édifice en faisant en sorte que la supervision bancaire soit définitivement arrêtée et stabilisée dans ses modalités et dans son calendrier. Cela suppose que la Commission européenne soit en situation de présenter au Parlement, en vue de leur adoption, la totalité des textes législatifs établissant les fondements de la supervision bancaire, et que nous soyons capables de prolonger la mise en oeuvre de la supervision bancaire par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.
Voilà pour la croissance, voilà pour la remise en ordre de la finance. Il nous faut poursuivre, encore et toujours, avec la volonté de réorienter en profondeur l'Europe vers le chemin de la solidarité et de la démocratie.
Sur le chemin de la solidarité, d'abord. Nous voyons bien que la crise qui vient de se dérouler est non seulement une crise de la finance devenue démente faute de régulation, mais aussi une crise de la solidarité au sein de l'Union européenne. Plusieurs idées seront évoquées à la fin de la semaine par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, en vue d'ouvrir un chemin ambitieux pour l'union économique et monétaire. Parmi les idées qui figurent dans la feuille de route d'Herman Van Rompuy, j'en évoquerai trois.
Je commencerai par l'idée de la contractualisation, qui doit permettre aux États de conventionner entre eux et avec les institutions européennes pour faire converger les politiques économiques, ce dont l'Europe a résolument besoin. Mais la contractualisation ne peut pas présenter seulement des nouvelles logiques disciplinaires. Elle doit permettre aux pays qui le souhaitent d'engager des réformes structurelles, mais aussi favoriser la croissance et la compétitivité. Très concrètement, cela signifie que la contractualisation doit comporter non seulement une voie ouverte aux réformes structurelles, parce que les États pourraient souhaiter les mettre en oeuvre, mais aussi des opportunités pour financer de la croissance et des investissements structurants de compétitivité dans les domaines de la croissance verte, de la numérisation du territoire ou des transports.
Tous ces sujets stratégiques pourront, demain, contribuer à renforcer l'Europe dans ses chances de surmonter la crise.
Il faut ensuite que la perspective du budget de la zone euro soit un moyen pour elle de renforcer sa gouvernance - elle en a besoin - par des réunions plus régulières de l'Eurogroupe, par un pilotage plus permanent de l'Eurogroupe, par le renforcement des prérogatives des parlements. À terme, il faut aussi que nous puissions être dotés de capacités destinées à faire face au choc de conjoncture en ayant la possibilité de mener de véritables politiques contracycliques.
Mais le budget de la zone euro, si nous le regardons avec intérêt, ne peut être considéré comme un substitut au budget de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas mettre l'accent sur cette question avant que la négociation sur les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2014-2020 n'ait abouti. De la même manière, nous ne souhaitons pas que le budget de la zone euro, s'il devait advenir dans cette approche contracyclique, soit le seul et unique instrument de solidarité dont l'Europe se doterait. L'Europe a aussi besoin d'une capacité d'emprunt pour renforcer la solidarité et la mutualisation des dettes à terme. C'est nécessaire si les politiques économiques et budgétaires convergent. Nous devons en permanence conjuguer discipline budgétaire, solidarité et croissance. Nous devons faire en sorte que le redressement s'adosse au rétablissement des comptes, permette la convergence des politiques économiques et s'accompagne d'initiatives de croissance et de solidarité, afin de donner envie aux peuples d'Europe de croire encore au projet de ses pères fondateurs. Tout cela ne peut se faire que si les parlements, et notamment votre assemblée, ont davantage et plus souvent à connaître des grandes orientations de la politique de l'Union européenne telle qu'elle est portée par les États qui discutent entre eux au sein du Conseil européen, dans une relation approfondie et confortée avec les parlements nationaux et le Parlement européen.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la conférence interparlementaire prévue par l'article 13 du traité sur la stabilisation, la coordination et la gouvernance puisse être mise en oeuvre le plus rapidement possible pour permettre l'exercice de la souveraineté parlementaire au sein du Parlement européen et dans les assemblées. Il serait également souhaitable comme l'ont demandé Christophe Caresche, Élisabeth Guigou et la présidente de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, que les calendriers budgétaires des parlements, du Parlement européen, des États, de la Commission, puissent converger, afin que nous n'ayons pas les recommandations de la Commission aux pays après l'adoption de leurs budgets, mais avant leur adoption, pour faciliter la transparence et l'efficacité de l'exercice budgétaire en France.
Croissance, remise en ordre de la finance, solidarité, exercice démocratique des prérogatives souveraines des parlements, voilà les sujets sur lesquels, à l'occasion du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains, la France portera, dans une relation étroite avec ses partenaires, et notamment l'Allemagne, une parole forte et convaincante !
Q - (Sur le changement climatique et la politique énergétique)
R - Vous avez raison de rappeler l'importance que revêtent les positions de l'Union européenne au sein de la communauté internationale pour lutter contre le dérèglement climatique et de rappeler, à cette occasion, l'importance de la conférence de Doha, à laquelle nous étions représentés par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, la ministre de l'écologie, Delphine Batho, et le ministre du développement, Pascal Canfin.
Nous sommes totalement mobilisés autour des objectifs liés au réchauffement climatique. C'est la raison pour laquelle, lors de la conférence de Doha, le ministre des affaires étrangères a proposé que la France soit candidate pour l'accueil de la conférence de 2015. Celle de 2013 se tiendra vraisemblablement en Pologne et celle de 2014 en Amérique latine, probablement au Venezuela et au Pérou. Dans la perspective de 2015, nous continuerons d'accentuer notre pression sur les institutions européennes afin qu'elles prennent en compte nos réflexions.
La conférence de Doha a permis d'arrêter un certain nombre de positions. Outre le fait que nous pourrions accueillir la conférence en 2015, nous serons d'ici à 2020 dans la volonté de renforcer les objectifs qui avaient été arrêtés à Kyoto et dont vous avez rappelé qu'ils devaient nous conduire à 20 % de développement des énergies renouvelables, 20 % de limitation des émissions de gaz à effet de serre et 20 % d'efficacité énergétique.
Au sein de l'Union, nous nous battons pour que la taxe sur les transactions financières soit mise en oeuvre pour permettre le financement de ces politiques. Je vous ai indiqué qu'elle était en cours de notification à la Commission en vue de sa mise en oeuvre en coopération renforcée. Par ailleurs, nous nous battons aussi pour que la fiscalité écologique progresse. Cela fait l'objet de contacts permanents avec la responsable en charge de ces dossiers au sein de la Commission, Mme Hedegaard.
Je veux vous confirmer que la France est déterminée à accueillir la conférence sur le climat en 2015. Cela a été annoncé par Laurent Fabius à l'occasion de la conférence de Doha. Les ministres qui faisaient partie de la délégation française ont pris un ensemble de contacts internationaux pour consolider cette candidature, notamment avec les pays qui nous précéderont. Il faut que nous entrions dans un cycle de conférences qui permette de mener une action efficace en faveur du climat au plan international mais aussi au plan européen. C'est la raison pour laquelle, à l'occasion de la conférence de Doha, nous avons noué des relations étroites avec la Pologne mais aussi avec les pays d'Amérique du Sud, de manière à ce que la séquence triennale 2013-2015 donne un sens à la lutte en faveur de l'environnement et du climat.
Notre politique au sein de l'Union européenne est extrêmement déterminée. Je veux en rappeler les instruments.
Nous voulons tout d'abord jouer un rôle moteur dans la création d'une communauté européenne de l'énergie. C'est le sens de l'annonce qui a été faite par le président de la République à l'occasion de la conférence environnementale. Cette articulation des politiques énergétiques se justifie pleinement dans un contexte où l'Allemagne a fait des choix de politique énergétique en rupture par rapport à ceux qui prévalaient auparavant, cependant que la France s'engage dans une transition énergétique douce visant à conserver les atouts de l'énergie nucléaire tout en développant les énergies renouvelables et les économies d'énergie.
Nous devons donc mettre l'accent sur l'interconnexion entre les politiques énergétiques. Le programme Connecting Europe, qui permettra de financer ces complémentarités, est pour cette raison très encouragé par la France. Sa part dans le budget de l'Union passera de 8 milliards à 40 milliards d'euros.
Nous allons, dans le domaine des énergies renouvelables et dans le domaine de l'efficacité énergétique, engager la réflexion avec nos partenaires de l'Union, avec le concours de la Commission, notamment avec nos partenaires allemands.
Q - (Sur la politique européenne de sécurité et de défense)
R - Je vous remercie beaucoup pour votre question qui permet de faire le point sur la constitution d'une politique européenne de sécurité et de défense.
Je voudrais d'abord vous rappeler que, lors du précédent quinquennat, nous avions eu un débat extrêmement intéressant au sein de cet hémicycle à l'occasion duquel le Premier ministre de l'époque nous avait expliqué, avec beaucoup de conviction et de talent, que le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN devait permettre une accélération de l'Europe de la défense. Je comprends à travers votre intervention que vous faites vous-même le constat que cela ne s'est pas produit. Vous avez d'ailleurs raison de le faire puisque nous n'avons pas fondamentalement progressé dans la construction de l'Europe de la défense au cours des cinq dernières années malgré cette réintégration.
Il faut reconnaître aussi, comme vous l'avez fait, que l'accord de Lancaster House signé avec le Royaume-Uni constitue un axe bilatéral de coopération autour des questions capacitaires, mais aussi des questions nucléaires, qui n'a pas été sans intérêt.
Nous voulons aller plus loin. Par quels moyens ?
D'abord, il s'agit de renforcer la coopération entre la France, l'Allemagne et la Pologne au sein du Triangle de Weimar et de l'élargir, dans le cadre de Weimar Plus, à l'Italie et à l'Espagne. Cette coopération permet de mutualiser des moyens d'intervention, de planifier conjointement des opérations dans le cadre de théâtres aux enjeux particuliers. Cela a été le cas au cours des dernières années dans la Corne de l'Afrique avec l'opération Atalanta. Cela a été le cas en Libye mais de manière insatisfaisante car trop partielle, puisque nous n'avons pas réussi à obtenir le soutien de l'Allemagne.
Vous aurez noté qu'à l'occasion de la réunion du 15 novembre 2012, puis à l'occasion du Conseil «affaires générales» de lundi dernier, l'Union européenne a décidé de s'engager dans la formation de l'armée malienne en vue de la reconstitution de l'intégrité territoriale du Mali.
Dans le cadre de la mission confiée à Mme Ashton, qui rendra son rapport au mois de septembre, nous avons l'intention de poursuivre cette coopération pour faire vivre une véritable identité européenne de sécurité et de défense.
Q - (Sur la politique économique et financière)
R - Vous avez raison, le redressement de l'Europe ne peut pas se faire sans convergence, mais la convergence ne peut pas non plus se fonder uniquement sur des logiques punitives. Si l'Europe devient une immense maison de redressement, il y a peu de chances qu'elle suscite encore longtemps l'adhésion des peuples. En même temps, il faut se garder d'une attitude démagogique qui consisterait à dire que le redressement est possible sans consentir d'efforts. Il faut du redressement - redressement de la compétitivité et des comptes -, il faut aussi des initiatives de croissance.
C'est ce que nous faisons au sein de l'Union européenne, notamment en répondant à la préoccupation que vous avez exprimée dans votre question : la remise en ordre de la finance.
Quelles sont les décisions qui ont été prises depuis quelques mois et quelles sont celles qui doivent être prises à l'occasion du Conseil européen ?
Lors du Conseil européen du mois de juin a été mis en chantier le principe de l'union bancaire et de la remise en ordre de la finance, puis, dans un second temps, de la recapitalisation des banques par le Mécanisme européen de stabilité. Nous avons également décidé que le Fonds européen de stabilité financière interviendrait sur le marché secondaire des dettes souveraines pour éviter que la spéculation gagne et que les spreads de taux d'intérêt ne continuent à augmenter, ruinant sur les marchés les efforts que les peuples ont consentis pour participer à la réduction des déficits de leur pays.
C'est d'ailleurs parce qu'une telle action a été engagée que la Banque centrale européenne, par l'intermédiaire de son président M. Draghi, a décidé d'accompagner les efforts du MES et du FESF sur les marchés, à travers un nouveau programme de rachat de dettes à court terme. Cela a permis de juguler la spéculation.
Il faut que nous allions au bout de l'union bancaire à l'occasion du Conseil européen de vendredi. Il faut que le calendrier de la supervision bancaire soit arrêté définitivement et que la résolution des crises bancaires et le système de garantie des dépôts soient rendus possibles. Il faut que la recapitalisation des banques soit mise en oeuvre, afin de casser le lien funeste qui unit dans une même spirale de déclin dette souveraine et dette bancaire.
Q - (Sur la supervision bancaire)
R - Vous m'interrogez tout d'abord sur les modalités de la supervision bancaire. Il faut savoir que la remise en ordre du système financier et bancaire au plan international résulte de règles mises en oeuvre dans le cadre de Bâle 3, auxquelles un certain nombre de pays tardent d'ailleurs à se conformer. Une discussion a notamment lieu entre les États-Unis et l'Union européenne.
Les règles de Bâle 3 ont conduit l'Union européenne à mettre en oeuvre sur son propre territoire un ensemble de dispositions, dites CRD 4. Ce paquet de dispositions, qui définit les conditions de liquidité, les conditions prudentielles concernant le capital des banques et les conditions de rémunération de leurs dirigeants, doit permettre de réguler la finance et de remettre de l'ordre dans les banques.
La supervision bancaire est fondamentale. Des discussions ont eu lieu entre les pays de l'Union européenne sur les modalités de mise en oeuvre de la supervision bancaire, notamment entre la France et l'Allemagne : doit-on superviser la totalité des banques ? La réponse a été apportée au mois d'octobre dernier : oui, nous voulons superviser toutes les banques.
La dernière question qui se pose à nous désormais, et qui devrait être traitée cette semaine, est la suivante : dès lors que l'on décide de la supervision de toutes les banques, comment s'articulent les rôles respectifs du superviseur unique - la Banque centrale européenne - et des superviseurs nationaux dans le contrôle des banques systémiques et des autres banques ? Telle est la question qu'il nous reste à régler.
Des discussions ont eu lieu sur ce sujet ; ce qui compte pour la France, c'est que toutes les banques soient supervisées et que nous puissions nous assurer, dès lors qu'elles le seront toutes, qu'une complémentarité sera possible entre les superviseurs nationaux et le superviseur unique, afin de garantir à celui-ci un droit d'évocation de la situation de toutes les banques.
Ce point sera traité concrètement en fin de semaine, et permettra au Conseil européen de conclure et d'engager, comme vous l'avez souhaité et comme nous le souhaitons, la recapitalisation des banques.
Q - (Sur la politique économique et financière)
R - La croissance et la relance ne se décrètent pas ! Elles se construisent jour après jour, de façon volontariste, méthodique et avec une vision.
Vous souhaitez, au travers de votre question, que nous précisions les actions initiées pour rendre possibles la croissance et la relance. Je vous répondrai avec un niveau de précision qui vous conduira, à n'en pas douter, à soutenir ce que nous faisons.
En ce qui concerne la Banque européenne d'investissement, celle-ci sera recapitalisée à hauteur de 10 milliards d'euros. Comme vous le savez, pour être un interlocuteur attentif et exigeant du gouvernement lors des débats budgétaires, l'Assemblée a voté 1,6 milliard d'euros pour la contribution française à la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, permettant ainsi d'enclencher 60 milliards d'euros de prêts pour innover dans des projets stratégiques.
Nous sommes d'ailleurs en train d'élaborer la liste des projets français qui émargeront à ces prêts, comme aux project bonds, et je rendrai compte devant la représentation nationale de la liste des projets qui auront bénéficié de la mobilisation du plan de croissance, et notamment des prêts de la BEI auxquels vous venez de faire référence.
Vous appelez ensuite à des efforts de croissance ; mais, monsieur le député, lorsque nous nous battons contre les coupes dans le budget de l'Union européenne, en engageant le rapport de force nécessaire avec les pays qui ne pensent pas comme nous, et en menant d'ailleurs une politique très différente de celle du précédent gouvernement en la matière, cela conduit à augmenter les crédits de la rubrique 1A du budget de l'Union européenne, consacrés à la croissance, de 45 %.
Le programme Connecting Europe, dont je parlais tout à l'heure, qui permettra de financer les grands investissements structurants que vous appelez de vos voeux, augmentera de 400 % dans le budget de l'Union européenne, à condition qu'il n'y ait pas de coupe, ce pour quoi nous nous battons.
Nous voulons que le budget de l'Union européenne prolonge l'ambition de croissance du pacte de 120 milliards d'euros. Nous nous battons aussi pour que le marché intérieur favorise la croissance, pour la portabilité des droits sociaux et pour la création d'un salaire minimum reconnu au sein de l'Union européenne, qui constituerait une garantie de croissance et de relance par la consommation : voilà ce que nous faisons.
Or, comme tout ce que nous faisons répond aux questions que vous nous avez posées, je n'ai aucun doute sur le fait que vous nous soutiendrez.
Q - (Sur la politique budgétaire)
R - Une politique budgétaire n'est possible que dès lors que les politiques budgétaires convergent peu à peu. Mais, en même temps, la convergence des politiques budgétaires, si elle signifie des efforts de discipline de la part des pays de l'Union européenne, ne peut pas ne pas être assortie d'efforts de solidarité et de croissance.
L'équilibre entre la volonté de rétablir les comptes, de faire converger les politiques économiques et budgétaires et de renforcer les solidarités, rassemble les trois objectifs qui constituent le triangle magique dans lequel la France s'inscrit pour contribuer à la réorientation de la politique de l'Union européenne.
Doter l'Union européenne d'une capacité budgétaire peut-elle lui permettre de mener progressivement des politiques contra-cycliques, de renforcer la solidarité et la logique d'union politique que nous appelons de nos voeux ? Tout dépend de ce que l'on fait de cette capacité budgétaire, et de la manière dont elle est alimentée.
S'il s'agit d'une capacité budgétaire au rabais, accompagnant les seules réformes structurelles, non dotée des ressources et des moyens nécessaires pour soutenir la croissance et l'emploi et pour affronter les chocs de conjoncture, s'il n'est pas mis en place un véritable policy mix permettant de mener des politiques contra-cycliques, alors cela ne sert à rien.
Mais si nous le faisons dans cet esprit, cette capacité budgétaire devra à terme, si les politiques budgétaires convergent dans la rigueur, permettre une capacité d'emprunt, de manière à renforcer la solidarité et à financer les grands investissements de compétitivité dont l'Union européenne a besoin. Ainsi, celle-ci pourra, par-delà la crise, faire face à la concurrence internationale en s'étant armée et, pendant la crise, engager des logiques de croissance.
Tel est le sens de la politique que nous tentons de mener. Ainsi, s'il doit y avoir contractualisation, celle-ci doit porter sur la compétitivité et la croissance, et le budget doit être adossé à cette capacité de contractualisation afin de servir l'ambition que vous rappeliez dans votre question.
Q - (Sur la défense commerciale de l'Union européenne)
R - C'est une question très juste, inspirée par une idée très fausse. C'est une question très juste, parce qu'elle pose un vrai problème, inspirée par l'idée très fausse que nous n'aurions pas, par les décisions que nous avons prises, contribué à faire entrer cette idée juste dans les faits. Cette idée juste est entrée dans les faits, parce que nous avons pris les bonnes initiatives pour que ce soit le cas.
Je vais vous donner des exemples très concrets. Tout d'abord, nous souhaitons que le libre-échange soit corrigé par le juste-échange. Le libre-échange n'est possible - il est même souhaitable, et nous le souhaitons - que dès lors que les conditions de la compétition sont équitables.
Nous veillons donc, dans les discussions engagées par le gouvernement précédent et que nous poursuivons, à ce qu'aucun accord de libre-échange ne soit signé avec des pays dont les entreprises pourraient soumissionner à nos marchés publics, qui leur seraient ouverts, dès lors que leurs marchés publics ne seraient pas ouverts à nos propres entreprises.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas abouti sur l'accord avec le Canada, et que nous prenons toutes les précautions dans les discussions actuelles avec un certain nombre de pays, pour faire en sorte que le juste-échange soit possible.
De la même manière, dans la réglementation relative aux marchés publics, nous avons fait prévaloir une initiative française, qui a été retenue par la Commission, portant sur les offres anormalement basses proposées par certains pays : ces offres, qui constituent un élément considérable de concurrence déloyale, pourront être fortement réglementées.
Cette position, qui n'avait pas été proposée avant, a été préconisée par la France et finalement retenue. Elle contribue ainsi en grande partie à la protection que vous appelez de vos voeux. C'est là le résultat de l'action du gouvernement lui-même.
Par ailleurs, nous avons, sur des sujets pour lesquels il existait des problèmes importants de déséquilibres commerciaux, engagé des mesures préalables à la clause de sauvegarde, qui sont des mesures d'observation. Je pense à l'industrie automobile, à la suite de l'accord avec la Corée que vous avez signé.
S'agissant de la prorogation des mesures anti-dumping qui concerne notamment les briquets à pierre dont j'ai parlé la semaine dernière, nous sommes, avec l'industriel concerné, dans la vigilance. Contrairement à ce que vous indiquez, la décision n'a pas encore été prise. Nous l'attendons dans les heures qui viennent.
Q - (Sur la politique budgétaire)
R - Je vous remercie pour votre question qui témoigne de la précision avec laquelle vous abordez l'ensemble des questions européennes, y compris les plus techniques. Cela m'oblige à vous apporter la réponse la plus précise possible, ce qui n'est pas un exercice facile compte tenu de la multiplicité et de la complexité des sujets que vous avez traités.
Premièrement, nous ne voulons pas d'une capacité budgétaire de la zone euro qui remettrait en cause tout ce que nous faisons en termes de solidarité à vingt-sept. Je l'ai dit tout à l'heure, il nous paraîtrait très hasardeux de considérer que la capacité de la zone euro aurait vocation à se substituer aux perspectives financières de l'Union européenne, parce que le budget de l'Union européenne vient en solidarité à l'égard de pays d'Europe centrale et orientale, pays récemment intégrés à l'Union européenne, qui ont besoin de solidarité et pour cela de moyens budgétaires.
Le budget de la zone euro est par ailleurs la garantie de l'unité et de l'intégrité du marché intérieur. Il doit y avoir une meilleure gouvernance de la zone euro, sinon il n'y aura pas de dynamique dans le marché intérieur. Mais les efforts d'intégration que nous faisons de la zone euro et de sa gouvernance ne doivent pas se faire au détriment de la dynamique dont peut bénéficier le marché intérieur.
Deuxièmement, si nous améliorons la gouvernance de la zone euro, nous devons améliorer le contrôle démocratique qui va avec. Pour ce faire, il faut réunir plusieurs conditions. D'abord, il faut faire converger, comme l'a demandé à plusieurs reprises votre assemblée, les calendriers budgétaires, de sorte que le semestre européen puisse s'accomplir dans des conditions permettant au Parlement européen et aux parlements nationaux d'exercer un contrôle plus efficace. Cela suppose notamment que la conférence interparlementaire soit mise en oeuvre le plus rapidement possible.
Ensuite, il faut absolument éviter que ce qui se fait en matière intergouvernementale pour améliorer la gouvernance de la zone euro se fasse au détriment des logiques communautaires, faute de quoi, d'ailleurs, nous aurions des difficultés avec le Parlement européen.
Enfin, en matière de convergence des politiques économiques il faut améliorer, étendre le champ de la codécision.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2012
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je me réjouis de l'occasion qui nous est donnée, à la veille du prochain Conseil européen, de débattre ensemble des principaux défis qui se présentent et de remettre en perspective l'action du gouvernement au sein de l'Union européenne depuis six mois. Un certain nombre d'éléments de l'action de l'actuel gouvernement s'inscrivent dans la continuité de celle du gouvernement précédent ; d'autres sont davantage en rupture ou marquent une réorientation. Je souhaite profiter de ce débat non seulement pour répondre aux questions que vous voudrez bien m'adresser concernant vos préoccupations, mais aussi pour présenter la stratégie de la France au sein de l'Union au moment où les économies de l'Union européenne sont confrontées à une crise profonde et à ses défis quotidiens.
La stratégie du gouvernement français face aux défis de la crise est simple. Elle s'articule autour de trois objectifs qui nous ont conduits, depuis six mois, à prendre un certain nombre d'initiatives, souvent en liaison avec nos partenaires de l'Union européenne.
Le premier objectif que nous poursuivons est celui de la réorientation de la politique européenne dans le sens de la croissance. Comme le président de la République a déjà eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises, au terme des Conseils européens ou des réunions bilatérales avec ses partenaires de l'Union européenne, nous considérons qu'il n'y aura pas de croissance en Europe si nous n'arrivons pas à engager le redressement de nos comptes et à restaurer notre compétitivité. Dans le même temps, nous savons qu'il n'y aura pas de redressement ni de compétitivité si nous ne sommes pas capables de faire des efforts de réduction de nos déficits. Nous avons donc la double préoccupation de la croissance et du redressement de nos comptes : c'est là le fil rouge, le sens profond de l'action dans laquelle nous nous sommes engagés au sein de l'Union européenne depuis six mois.
S'agissant des initiatives de croissance, je rappelle les sujets sur lesquels nous sommes mobilisés. Il y a d'abord eu, à l'occasion du Conseil européen de juin, la mise en oeuvre du plan de croissance de 120 milliards d'euros décidé par les vingt-sept pays de l'Union européenne et destiné à faire en sorte, dans un contexte de récession extrêmement profond, que nos économies puissent retrouver un peu de dynamisme. Ce plan de 120 milliards d'euros se répartissait en trois enveloppes : 55 milliards de fonds structurels à mobiliser, 10 milliards de recapitalisation de la Banque européenne d'investissement lui permettant d'accorder des prêts à hauteur de 60 milliards d'euros, et 4,5 milliards de project bonds destinés à accompagner au sein de l'Union européenne les projets les plus innovants.
Il m'est arrivé d'entendre sur certains bancs quelques interrogations sur la réalité de ce plan. Je veux indiquer aux parlementaires qui s'interrogent qu'ils pourront trouver auprès de la commission l'ensemble des documents retraçant les règlements pris par la Commission européenne, ainsi que par le conseil d'administration et le conseil des gouverneurs de la Banque européenne d'investissement, de sorte que la recapitalisation de cette dernière, le développement d'une nouvelle enveloppe de prêts et la mise en oeuvre des règlements nécessaires à la mobilisation des 55 milliards d'euros de fonds structurels se produisent dans des délais permettant la mise en oeuvre effective du plan de croissance au début de l'année 2013.
Mais ce plan pour la croissance de 120 milliards d'euros n'est pas pour solde de tout compte. Il appelle de notre part d'autres initiatives. Je pense notamment au budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, qui n'a pas fait l'objet d'un compromis que nous souhaitions pourtant lors du dernier Conseil européen, il y a une dizaine de jours.
Je profite de ce débat préalable au Conseil européen de la fin de la semaine pour rappeler la position de la France concernant le budget de l'Union. Nous souhaitons d'abord que la négociation de ce budget ne se réduise pas à une discussion sur les coupes et les rabais. Un certain nombre de pays - notamment le Royaume-Uni et la Suède - souhaitent que le budget de l'Union européenne fasse l'objet d'une diminution très sensible par rapport aux propositions de la Commission. Cette diminution serait de l'ordre de 200 milliards d'euros. C'était d'ailleurs la position du précédent gouvernement, que nous n'avons pas reprise à notre compte.
Nous considérons que le budget de l'Union européenne doit être doté d'une enveloppe suffisante pour permettre d'agir en faveur de la croissance. Nous considérons aussi que l'approche européenne résolument solidaire qui doit inspirer la politique de notre pays ne doit pas nous conduire à encourager les États qui demandent, en même temps que des coupes, des chèques pour eux-mêmes.
L'Europe mérite beaucoup mieux que cela ! Plutôt que de donner des chèques à certains de ses États membres, elle mérite un budget permettant d'encourager la croissance et de favoriser l'innovation, les transferts de technologies et la politique industrielle. Elle mérite un budget permettant de disposer de l'enveloppe dont nous avons besoin pour la Politique agricole commune et pour la politique de cohésion, dont on sait à quel point elle a contribué à développer les investissements sur l'ensemble des territoires de l'Union européenne.
Nous ne voulons pas que la négociation sur le budget de l'Union se réduise à des coupes et des rabais. Nous voulons un bon équilibre entre les différentes politiques de l'Union européenne. Nous voulons également - c'est l'objet de notre mobilisation - que le budget de l'Union européenne soit doté de ressources propres ne dépendant pas que de la contribution RNB allouée par les différents États membres, laquelle est de plus en plus contrainte compte tenu de l'obligation des États de rétablir leurs comptes. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour l'adoption de la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée.
La lettre signée par onze États membres a été adressée à la Commission, et nous souhaitons que le produit de la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée puisse constituer, à terme, l'une des ressources propres du budget de l'Union européenne, afin que ce dernier dispose enfin de perspectives dynamiques.
Enfin, s'agissant de la croissance, par-delà le plan de croissance de 120 milliards d'euros et la réorientation de notre position relative au budget de l'Union européenne, nous voulons approfondir les réflexions sur le marché intérieur. Nous devons faire en sorte que celui-ci ne soit pas simplement une machine à harmoniser - même si elle est nécessaire -, ni le creuset d'inspiration de politiques libérales, mais qu'il permette aussi de développer les orientations de l'Europe sociale, qu'il s'agisse de la portabilité des droits sociaux et de la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'ensemble des salariés de l'Union européenne, ou de la mise en place de véritables garanties sociales pour les travailleurs de l'Union, allant jusqu'à l'instauration d'un salaire minimum dont l'Europe a besoin si elle veut que le marché intérieur constitue une véritable opportunité d'harmonisation fiscale et sociale dans l'Europe. La croissance : voilà ce que nous voulons faire ! Ensuite, nous voulons travailler à la remise en ordre de la finance. Contrairement à ce que veulent démontrer certaines théories parfois sommairement développées, y compris dans cet hémicycle, une grande partie de la crise à laquelle l'Europe est confrontée ne résulte pas de la crise des dettes souveraines. Non : la crise de l'Europe résulte du fait que la finance devenue démente et la spéculation désormais sans limite ont conduit les banques à procéder à des investissements spéculatifs hasardeux qui les ont amenées à disposer dans leur actif de produits qui n'étaient pas ceux que l'on utilise généralement pour financer l'économie réelle. Par conséquent, nous avons été confrontés à une véritable crise bancaire qui a nécessité une recapitalisation des banques, parce que ces dernières n'étaient plus en situation de financer l'économie réelle, et que le désordre qui s'était emparé des banques et des marchés financiers avait engendré dans l'ensemble de l'économie européenne un désordre justifiant qu'on y mette fin.
C'est la raison pour laquelle la France a souhaité, lors du Conseil européen de juin, que l'on engage résolument l'Europe sur la voie de l'union bancaire, c'est-à-dire de la supervision de toutes les banques européennes, afin que les désordres ayant conduit aux errements d'hier ne soient plus possibles demain. Cette supervision bancaire doit s'accompagner d'un système de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des épargnants, de sorte que l'union bancaire puisse offrir à l'économie européenne un système financier stabilisé, transparent, à même de financer durablement l'économie réelle.
Après le Conseil européen de juin qui avait arrêté le principe de la supervision bancaire et de la recapitalisation des banques par le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds européen de stabilité financière, après le Conseil européen d'octobre qui avait stabilisé la supervision bancaire dans son périmètre, la supervision de toutes les banques, et dans ses modalités, la supervision par un acteur unique, la Banque centrale européenne, nous insisterons, lors du Conseil européen de la fin de la semaine, sur la nécessité de consolider cet édifice en faisant en sorte que la supervision bancaire soit définitivement arrêtée et stabilisée dans ses modalités et dans son calendrier. Cela suppose que la Commission européenne soit en situation de présenter au Parlement, en vue de leur adoption, la totalité des textes législatifs établissant les fondements de la supervision bancaire, et que nous soyons capables de prolonger la mise en oeuvre de la supervision bancaire par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.
Voilà pour la croissance, voilà pour la remise en ordre de la finance. Il nous faut poursuivre, encore et toujours, avec la volonté de réorienter en profondeur l'Europe vers le chemin de la solidarité et de la démocratie.
Sur le chemin de la solidarité, d'abord. Nous voyons bien que la crise qui vient de se dérouler est non seulement une crise de la finance devenue démente faute de régulation, mais aussi une crise de la solidarité au sein de l'Union européenne. Plusieurs idées seront évoquées à la fin de la semaine par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, en vue d'ouvrir un chemin ambitieux pour l'union économique et monétaire. Parmi les idées qui figurent dans la feuille de route d'Herman Van Rompuy, j'en évoquerai trois.
Je commencerai par l'idée de la contractualisation, qui doit permettre aux États de conventionner entre eux et avec les institutions européennes pour faire converger les politiques économiques, ce dont l'Europe a résolument besoin. Mais la contractualisation ne peut pas présenter seulement des nouvelles logiques disciplinaires. Elle doit permettre aux pays qui le souhaitent d'engager des réformes structurelles, mais aussi favoriser la croissance et la compétitivité. Très concrètement, cela signifie que la contractualisation doit comporter non seulement une voie ouverte aux réformes structurelles, parce que les États pourraient souhaiter les mettre en oeuvre, mais aussi des opportunités pour financer de la croissance et des investissements structurants de compétitivité dans les domaines de la croissance verte, de la numérisation du territoire ou des transports.
Tous ces sujets stratégiques pourront, demain, contribuer à renforcer l'Europe dans ses chances de surmonter la crise.
Il faut ensuite que la perspective du budget de la zone euro soit un moyen pour elle de renforcer sa gouvernance - elle en a besoin - par des réunions plus régulières de l'Eurogroupe, par un pilotage plus permanent de l'Eurogroupe, par le renforcement des prérogatives des parlements. À terme, il faut aussi que nous puissions être dotés de capacités destinées à faire face au choc de conjoncture en ayant la possibilité de mener de véritables politiques contracycliques.
Mais le budget de la zone euro, si nous le regardons avec intérêt, ne peut être considéré comme un substitut au budget de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas mettre l'accent sur cette question avant que la négociation sur les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2014-2020 n'ait abouti. De la même manière, nous ne souhaitons pas que le budget de la zone euro, s'il devait advenir dans cette approche contracyclique, soit le seul et unique instrument de solidarité dont l'Europe se doterait. L'Europe a aussi besoin d'une capacité d'emprunt pour renforcer la solidarité et la mutualisation des dettes à terme. C'est nécessaire si les politiques économiques et budgétaires convergent. Nous devons en permanence conjuguer discipline budgétaire, solidarité et croissance. Nous devons faire en sorte que le redressement s'adosse au rétablissement des comptes, permette la convergence des politiques économiques et s'accompagne d'initiatives de croissance et de solidarité, afin de donner envie aux peuples d'Europe de croire encore au projet de ses pères fondateurs. Tout cela ne peut se faire que si les parlements, et notamment votre assemblée, ont davantage et plus souvent à connaître des grandes orientations de la politique de l'Union européenne telle qu'elle est portée par les États qui discutent entre eux au sein du Conseil européen, dans une relation approfondie et confortée avec les parlements nationaux et le Parlement européen.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la conférence interparlementaire prévue par l'article 13 du traité sur la stabilisation, la coordination et la gouvernance puisse être mise en oeuvre le plus rapidement possible pour permettre l'exercice de la souveraineté parlementaire au sein du Parlement européen et dans les assemblées. Il serait également souhaitable comme l'ont demandé Christophe Caresche, Élisabeth Guigou et la présidente de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, que les calendriers budgétaires des parlements, du Parlement européen, des États, de la Commission, puissent converger, afin que nous n'ayons pas les recommandations de la Commission aux pays après l'adoption de leurs budgets, mais avant leur adoption, pour faciliter la transparence et l'efficacité de l'exercice budgétaire en France.
Croissance, remise en ordre de la finance, solidarité, exercice démocratique des prérogatives souveraines des parlements, voilà les sujets sur lesquels, à l'occasion du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains, la France portera, dans une relation étroite avec ses partenaires, et notamment l'Allemagne, une parole forte et convaincante !
Q - (Sur le changement climatique et la politique énergétique)
R - Vous avez raison de rappeler l'importance que revêtent les positions de l'Union européenne au sein de la communauté internationale pour lutter contre le dérèglement climatique et de rappeler, à cette occasion, l'importance de la conférence de Doha, à laquelle nous étions représentés par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, la ministre de l'écologie, Delphine Batho, et le ministre du développement, Pascal Canfin.
Nous sommes totalement mobilisés autour des objectifs liés au réchauffement climatique. C'est la raison pour laquelle, lors de la conférence de Doha, le ministre des affaires étrangères a proposé que la France soit candidate pour l'accueil de la conférence de 2015. Celle de 2013 se tiendra vraisemblablement en Pologne et celle de 2014 en Amérique latine, probablement au Venezuela et au Pérou. Dans la perspective de 2015, nous continuerons d'accentuer notre pression sur les institutions européennes afin qu'elles prennent en compte nos réflexions.
La conférence de Doha a permis d'arrêter un certain nombre de positions. Outre le fait que nous pourrions accueillir la conférence en 2015, nous serons d'ici à 2020 dans la volonté de renforcer les objectifs qui avaient été arrêtés à Kyoto et dont vous avez rappelé qu'ils devaient nous conduire à 20 % de développement des énergies renouvelables, 20 % de limitation des émissions de gaz à effet de serre et 20 % d'efficacité énergétique.
Au sein de l'Union, nous nous battons pour que la taxe sur les transactions financières soit mise en oeuvre pour permettre le financement de ces politiques. Je vous ai indiqué qu'elle était en cours de notification à la Commission en vue de sa mise en oeuvre en coopération renforcée. Par ailleurs, nous nous battons aussi pour que la fiscalité écologique progresse. Cela fait l'objet de contacts permanents avec la responsable en charge de ces dossiers au sein de la Commission, Mme Hedegaard.
Je veux vous confirmer que la France est déterminée à accueillir la conférence sur le climat en 2015. Cela a été annoncé par Laurent Fabius à l'occasion de la conférence de Doha. Les ministres qui faisaient partie de la délégation française ont pris un ensemble de contacts internationaux pour consolider cette candidature, notamment avec les pays qui nous précéderont. Il faut que nous entrions dans un cycle de conférences qui permette de mener une action efficace en faveur du climat au plan international mais aussi au plan européen. C'est la raison pour laquelle, à l'occasion de la conférence de Doha, nous avons noué des relations étroites avec la Pologne mais aussi avec les pays d'Amérique du Sud, de manière à ce que la séquence triennale 2013-2015 donne un sens à la lutte en faveur de l'environnement et du climat.
Notre politique au sein de l'Union européenne est extrêmement déterminée. Je veux en rappeler les instruments.
Nous voulons tout d'abord jouer un rôle moteur dans la création d'une communauté européenne de l'énergie. C'est le sens de l'annonce qui a été faite par le président de la République à l'occasion de la conférence environnementale. Cette articulation des politiques énergétiques se justifie pleinement dans un contexte où l'Allemagne a fait des choix de politique énergétique en rupture par rapport à ceux qui prévalaient auparavant, cependant que la France s'engage dans une transition énergétique douce visant à conserver les atouts de l'énergie nucléaire tout en développant les énergies renouvelables et les économies d'énergie.
Nous devons donc mettre l'accent sur l'interconnexion entre les politiques énergétiques. Le programme Connecting Europe, qui permettra de financer ces complémentarités, est pour cette raison très encouragé par la France. Sa part dans le budget de l'Union passera de 8 milliards à 40 milliards d'euros.
Nous allons, dans le domaine des énergies renouvelables et dans le domaine de l'efficacité énergétique, engager la réflexion avec nos partenaires de l'Union, avec le concours de la Commission, notamment avec nos partenaires allemands.
Q - (Sur la politique européenne de sécurité et de défense)
R - Je vous remercie beaucoup pour votre question qui permet de faire le point sur la constitution d'une politique européenne de sécurité et de défense.
Je voudrais d'abord vous rappeler que, lors du précédent quinquennat, nous avions eu un débat extrêmement intéressant au sein de cet hémicycle à l'occasion duquel le Premier ministre de l'époque nous avait expliqué, avec beaucoup de conviction et de talent, que le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN devait permettre une accélération de l'Europe de la défense. Je comprends à travers votre intervention que vous faites vous-même le constat que cela ne s'est pas produit. Vous avez d'ailleurs raison de le faire puisque nous n'avons pas fondamentalement progressé dans la construction de l'Europe de la défense au cours des cinq dernières années malgré cette réintégration.
Il faut reconnaître aussi, comme vous l'avez fait, que l'accord de Lancaster House signé avec le Royaume-Uni constitue un axe bilatéral de coopération autour des questions capacitaires, mais aussi des questions nucléaires, qui n'a pas été sans intérêt.
Nous voulons aller plus loin. Par quels moyens ?
D'abord, il s'agit de renforcer la coopération entre la France, l'Allemagne et la Pologne au sein du Triangle de Weimar et de l'élargir, dans le cadre de Weimar Plus, à l'Italie et à l'Espagne. Cette coopération permet de mutualiser des moyens d'intervention, de planifier conjointement des opérations dans le cadre de théâtres aux enjeux particuliers. Cela a été le cas au cours des dernières années dans la Corne de l'Afrique avec l'opération Atalanta. Cela a été le cas en Libye mais de manière insatisfaisante car trop partielle, puisque nous n'avons pas réussi à obtenir le soutien de l'Allemagne.
Vous aurez noté qu'à l'occasion de la réunion du 15 novembre 2012, puis à l'occasion du Conseil «affaires générales» de lundi dernier, l'Union européenne a décidé de s'engager dans la formation de l'armée malienne en vue de la reconstitution de l'intégrité territoriale du Mali.
Dans le cadre de la mission confiée à Mme Ashton, qui rendra son rapport au mois de septembre, nous avons l'intention de poursuivre cette coopération pour faire vivre une véritable identité européenne de sécurité et de défense.
Q - (Sur la politique économique et financière)
R - Vous avez raison, le redressement de l'Europe ne peut pas se faire sans convergence, mais la convergence ne peut pas non plus se fonder uniquement sur des logiques punitives. Si l'Europe devient une immense maison de redressement, il y a peu de chances qu'elle suscite encore longtemps l'adhésion des peuples. En même temps, il faut se garder d'une attitude démagogique qui consisterait à dire que le redressement est possible sans consentir d'efforts. Il faut du redressement - redressement de la compétitivité et des comptes -, il faut aussi des initiatives de croissance.
C'est ce que nous faisons au sein de l'Union européenne, notamment en répondant à la préoccupation que vous avez exprimée dans votre question : la remise en ordre de la finance.
Quelles sont les décisions qui ont été prises depuis quelques mois et quelles sont celles qui doivent être prises à l'occasion du Conseil européen ?
Lors du Conseil européen du mois de juin a été mis en chantier le principe de l'union bancaire et de la remise en ordre de la finance, puis, dans un second temps, de la recapitalisation des banques par le Mécanisme européen de stabilité. Nous avons également décidé que le Fonds européen de stabilité financière interviendrait sur le marché secondaire des dettes souveraines pour éviter que la spéculation gagne et que les spreads de taux d'intérêt ne continuent à augmenter, ruinant sur les marchés les efforts que les peuples ont consentis pour participer à la réduction des déficits de leur pays.
C'est d'ailleurs parce qu'une telle action a été engagée que la Banque centrale européenne, par l'intermédiaire de son président M. Draghi, a décidé d'accompagner les efforts du MES et du FESF sur les marchés, à travers un nouveau programme de rachat de dettes à court terme. Cela a permis de juguler la spéculation.
Il faut que nous allions au bout de l'union bancaire à l'occasion du Conseil européen de vendredi. Il faut que le calendrier de la supervision bancaire soit arrêté définitivement et que la résolution des crises bancaires et le système de garantie des dépôts soient rendus possibles. Il faut que la recapitalisation des banques soit mise en oeuvre, afin de casser le lien funeste qui unit dans une même spirale de déclin dette souveraine et dette bancaire.
Q - (Sur la supervision bancaire)
R - Vous m'interrogez tout d'abord sur les modalités de la supervision bancaire. Il faut savoir que la remise en ordre du système financier et bancaire au plan international résulte de règles mises en oeuvre dans le cadre de Bâle 3, auxquelles un certain nombre de pays tardent d'ailleurs à se conformer. Une discussion a notamment lieu entre les États-Unis et l'Union européenne.
Les règles de Bâle 3 ont conduit l'Union européenne à mettre en oeuvre sur son propre territoire un ensemble de dispositions, dites CRD 4. Ce paquet de dispositions, qui définit les conditions de liquidité, les conditions prudentielles concernant le capital des banques et les conditions de rémunération de leurs dirigeants, doit permettre de réguler la finance et de remettre de l'ordre dans les banques.
La supervision bancaire est fondamentale. Des discussions ont eu lieu entre les pays de l'Union européenne sur les modalités de mise en oeuvre de la supervision bancaire, notamment entre la France et l'Allemagne : doit-on superviser la totalité des banques ? La réponse a été apportée au mois d'octobre dernier : oui, nous voulons superviser toutes les banques.
La dernière question qui se pose à nous désormais, et qui devrait être traitée cette semaine, est la suivante : dès lors que l'on décide de la supervision de toutes les banques, comment s'articulent les rôles respectifs du superviseur unique - la Banque centrale européenne - et des superviseurs nationaux dans le contrôle des banques systémiques et des autres banques ? Telle est la question qu'il nous reste à régler.
Des discussions ont eu lieu sur ce sujet ; ce qui compte pour la France, c'est que toutes les banques soient supervisées et que nous puissions nous assurer, dès lors qu'elles le seront toutes, qu'une complémentarité sera possible entre les superviseurs nationaux et le superviseur unique, afin de garantir à celui-ci un droit d'évocation de la situation de toutes les banques.
Ce point sera traité concrètement en fin de semaine, et permettra au Conseil européen de conclure et d'engager, comme vous l'avez souhaité et comme nous le souhaitons, la recapitalisation des banques.
Q - (Sur la politique économique et financière)
R - La croissance et la relance ne se décrètent pas ! Elles se construisent jour après jour, de façon volontariste, méthodique et avec une vision.
Vous souhaitez, au travers de votre question, que nous précisions les actions initiées pour rendre possibles la croissance et la relance. Je vous répondrai avec un niveau de précision qui vous conduira, à n'en pas douter, à soutenir ce que nous faisons.
En ce qui concerne la Banque européenne d'investissement, celle-ci sera recapitalisée à hauteur de 10 milliards d'euros. Comme vous le savez, pour être un interlocuteur attentif et exigeant du gouvernement lors des débats budgétaires, l'Assemblée a voté 1,6 milliard d'euros pour la contribution française à la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, permettant ainsi d'enclencher 60 milliards d'euros de prêts pour innover dans des projets stratégiques.
Nous sommes d'ailleurs en train d'élaborer la liste des projets français qui émargeront à ces prêts, comme aux project bonds, et je rendrai compte devant la représentation nationale de la liste des projets qui auront bénéficié de la mobilisation du plan de croissance, et notamment des prêts de la BEI auxquels vous venez de faire référence.
Vous appelez ensuite à des efforts de croissance ; mais, monsieur le député, lorsque nous nous battons contre les coupes dans le budget de l'Union européenne, en engageant le rapport de force nécessaire avec les pays qui ne pensent pas comme nous, et en menant d'ailleurs une politique très différente de celle du précédent gouvernement en la matière, cela conduit à augmenter les crédits de la rubrique 1A du budget de l'Union européenne, consacrés à la croissance, de 45 %.
Le programme Connecting Europe, dont je parlais tout à l'heure, qui permettra de financer les grands investissements structurants que vous appelez de vos voeux, augmentera de 400 % dans le budget de l'Union européenne, à condition qu'il n'y ait pas de coupe, ce pour quoi nous nous battons.
Nous voulons que le budget de l'Union européenne prolonge l'ambition de croissance du pacte de 120 milliards d'euros. Nous nous battons aussi pour que le marché intérieur favorise la croissance, pour la portabilité des droits sociaux et pour la création d'un salaire minimum reconnu au sein de l'Union européenne, qui constituerait une garantie de croissance et de relance par la consommation : voilà ce que nous faisons.
Or, comme tout ce que nous faisons répond aux questions que vous nous avez posées, je n'ai aucun doute sur le fait que vous nous soutiendrez.
Q - (Sur la politique budgétaire)
R - Une politique budgétaire n'est possible que dès lors que les politiques budgétaires convergent peu à peu. Mais, en même temps, la convergence des politiques budgétaires, si elle signifie des efforts de discipline de la part des pays de l'Union européenne, ne peut pas ne pas être assortie d'efforts de solidarité et de croissance.
L'équilibre entre la volonté de rétablir les comptes, de faire converger les politiques économiques et budgétaires et de renforcer les solidarités, rassemble les trois objectifs qui constituent le triangle magique dans lequel la France s'inscrit pour contribuer à la réorientation de la politique de l'Union européenne.
Doter l'Union européenne d'une capacité budgétaire peut-elle lui permettre de mener progressivement des politiques contra-cycliques, de renforcer la solidarité et la logique d'union politique que nous appelons de nos voeux ? Tout dépend de ce que l'on fait de cette capacité budgétaire, et de la manière dont elle est alimentée.
S'il s'agit d'une capacité budgétaire au rabais, accompagnant les seules réformes structurelles, non dotée des ressources et des moyens nécessaires pour soutenir la croissance et l'emploi et pour affronter les chocs de conjoncture, s'il n'est pas mis en place un véritable policy mix permettant de mener des politiques contra-cycliques, alors cela ne sert à rien.
Mais si nous le faisons dans cet esprit, cette capacité budgétaire devra à terme, si les politiques budgétaires convergent dans la rigueur, permettre une capacité d'emprunt, de manière à renforcer la solidarité et à financer les grands investissements de compétitivité dont l'Union européenne a besoin. Ainsi, celle-ci pourra, par-delà la crise, faire face à la concurrence internationale en s'étant armée et, pendant la crise, engager des logiques de croissance.
Tel est le sens de la politique que nous tentons de mener. Ainsi, s'il doit y avoir contractualisation, celle-ci doit porter sur la compétitivité et la croissance, et le budget doit être adossé à cette capacité de contractualisation afin de servir l'ambition que vous rappeliez dans votre question.
Q - (Sur la défense commerciale de l'Union européenne)
R - C'est une question très juste, inspirée par une idée très fausse. C'est une question très juste, parce qu'elle pose un vrai problème, inspirée par l'idée très fausse que nous n'aurions pas, par les décisions que nous avons prises, contribué à faire entrer cette idée juste dans les faits. Cette idée juste est entrée dans les faits, parce que nous avons pris les bonnes initiatives pour que ce soit le cas.
Je vais vous donner des exemples très concrets. Tout d'abord, nous souhaitons que le libre-échange soit corrigé par le juste-échange. Le libre-échange n'est possible - il est même souhaitable, et nous le souhaitons - que dès lors que les conditions de la compétition sont équitables.
Nous veillons donc, dans les discussions engagées par le gouvernement précédent et que nous poursuivons, à ce qu'aucun accord de libre-échange ne soit signé avec des pays dont les entreprises pourraient soumissionner à nos marchés publics, qui leur seraient ouverts, dès lors que leurs marchés publics ne seraient pas ouverts à nos propres entreprises.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas abouti sur l'accord avec le Canada, et que nous prenons toutes les précautions dans les discussions actuelles avec un certain nombre de pays, pour faire en sorte que le juste-échange soit possible.
De la même manière, dans la réglementation relative aux marchés publics, nous avons fait prévaloir une initiative française, qui a été retenue par la Commission, portant sur les offres anormalement basses proposées par certains pays : ces offres, qui constituent un élément considérable de concurrence déloyale, pourront être fortement réglementées.
Cette position, qui n'avait pas été proposée avant, a été préconisée par la France et finalement retenue. Elle contribue ainsi en grande partie à la protection que vous appelez de vos voeux. C'est là le résultat de l'action du gouvernement lui-même.
Par ailleurs, nous avons, sur des sujets pour lesquels il existait des problèmes importants de déséquilibres commerciaux, engagé des mesures préalables à la clause de sauvegarde, qui sont des mesures d'observation. Je pense à l'industrie automobile, à la suite de l'accord avec la Corée que vous avez signé.
S'agissant de la prorogation des mesures anti-dumping qui concerne notamment les briquets à pierre dont j'ai parlé la semaine dernière, nous sommes, avec l'industriel concerné, dans la vigilance. Contrairement à ce que vous indiquez, la décision n'a pas encore été prise. Nous l'attendons dans les heures qui viennent.
Q - (Sur la politique budgétaire)
R - Je vous remercie pour votre question qui témoigne de la précision avec laquelle vous abordez l'ensemble des questions européennes, y compris les plus techniques. Cela m'oblige à vous apporter la réponse la plus précise possible, ce qui n'est pas un exercice facile compte tenu de la multiplicité et de la complexité des sujets que vous avez traités.
Premièrement, nous ne voulons pas d'une capacité budgétaire de la zone euro qui remettrait en cause tout ce que nous faisons en termes de solidarité à vingt-sept. Je l'ai dit tout à l'heure, il nous paraîtrait très hasardeux de considérer que la capacité de la zone euro aurait vocation à se substituer aux perspectives financières de l'Union européenne, parce que le budget de l'Union européenne vient en solidarité à l'égard de pays d'Europe centrale et orientale, pays récemment intégrés à l'Union européenne, qui ont besoin de solidarité et pour cela de moyens budgétaires.
Le budget de la zone euro est par ailleurs la garantie de l'unité et de l'intégrité du marché intérieur. Il doit y avoir une meilleure gouvernance de la zone euro, sinon il n'y aura pas de dynamique dans le marché intérieur. Mais les efforts d'intégration que nous faisons de la zone euro et de sa gouvernance ne doivent pas se faire au détriment de la dynamique dont peut bénéficier le marché intérieur.
Deuxièmement, si nous améliorons la gouvernance de la zone euro, nous devons améliorer le contrôle démocratique qui va avec. Pour ce faire, il faut réunir plusieurs conditions. D'abord, il faut faire converger, comme l'a demandé à plusieurs reprises votre assemblée, les calendriers budgétaires, de sorte que le semestre européen puisse s'accomplir dans des conditions permettant au Parlement européen et aux parlements nationaux d'exercer un contrôle plus efficace. Cela suppose notamment que la conférence interparlementaire soit mise en oeuvre le plus rapidement possible.
Ensuite, il faut absolument éviter que ce qui se fait en matière intergouvernementale pour améliorer la gouvernance de la zone euro se fasse au détriment des logiques communautaires, faute de quoi, d'ailleurs, nous aurions des difficultés avec le Parlement européen.
Enfin, en matière de convergence des politiques économiques il faut améliorer, étendre le champ de la codécision.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2012